MEMOIRES POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES INSECTES. A Par A4. DE ReauMUR, de V Académie Royale des Sciences, de la Société Royale de Londres, if des Académies de Pet ers bourg if de VInjlitut de Bologne, Commandeur if Intendant de l'Ordre royal if militaire de Saint Louis. TOME CINQUIEME. Suite de l’Hijîoire des Mouches à deux ades, if VHifloire de plufieurs Mouches à quatre ailes, fçavoir, des Mouches à fcies, des Cigales, if des Abeilles. A PARIS, DE L’ IMPRIMERIE ROYALE. M. D C C X L. TABLE DES MEMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. P RÉ F A c E ,ou l’on donne une idée générale des Mémoires contenus dans ce Volume. Premier Mémoi re. H IJloire des Tipules. page i Second Mémoire. Hifoire des Mouches de S.‘ Marc; ér quelques Suppléments au neuvième & au douzième Mémoire du quatrième Volume. 5 5 TroisiémeMé moire, Et le premierfur les Mouches à quatre ailes. Des faujfes Chenilles, & des Mouches à fies, dans lefquelles elles fe transforment. 87 Quatrième Mémoire. Sur les Cigales, & fur quelques Mouches de genres approchants du leur. Cinqu 1 éme Mémoire, Et le premier de l’Hifoire des Abeilles, ou l’on traite de la forme des Ruches les plus propres à faire des obfervations fur les Abeilles ; oîi l on examine ce qu’on doit perfer de la confitution de leur gouvernement ; où ton explique les moyens dont on s ef fervi pour voir les faits qu’on rapporte. 207 Sixième Mémoire. Des parties extérieures des Abeilles ordinaires. Comment elles vont faire dans les campagnes la récolte de la cire éx celle du miel, 281 S e P T1É m e Mémoire. Des A iguillons des A beilles, de a i) leurs combats, & des différences remarquables entre les parties extérieures des Abeilles ordinaires, & les parties extérieures des mâles & des tneres. 339 H u 1T1É m £ M ÉAioiRE. Des Gâteaux de cire; comment les Abeilles parviennent à les conjlruire; comment elles changent en véritable cire les pouffiéres d’étamines. De la récolte & de l’emploi de la Propolis. Comment elles remplijjent les alvéoles de miel, & comment elles l’y confervent. 379 Neuvième Mémoire. De la Fécondation ,& de la Ponte de la mere abeille. 4.61 Dixi éme Mémoire. Des moyens de faire paffèr les Abeilles d’une ruche dans une autre; & comment on peut examiner une à une toutes celles d’une ruche. 3 2 1 Onzi éme Mémoire. De ce quifepaffe dans chaque alvéole d’une ruche depuis qu’un œuf y a été dèpofé, jufques a ce que le Ver fini de cet œuf parvienne à être une Abeille. 569 Douzième Mémoire. Des Effaims. 607 Treizi éme Mémoire. Des foins qu’on doit prendre des Abeilles pour les cor ferrer, les faire multiplier, fr pour profiter de leurs travaux. 659 ERRA TA. Tome IV. Préface. P Age xv . lignes 2 dX ; , toute chenille doit avoir été papillon, lifés , tout papillon doit avoir été chenille. Tome V. P Age 7 o, lignes / j dX 23, pharinx, lifés, larinx. Page 1 61, ligne j 2, refie de circonférence, lifés, reite de la circonlérçncc. P RE F A CE, A A ,A ,A A A- A A A A A A A A A- A A A A. a. A A a t« J. A. A A- A. d5A^A^A<^AtJ!A.C ....... ... .. . .. .. _. ____ •8 *SA A AA AAA A K^v AAA A A «iK '2’- A* ' AA AA A- AA"’ A v-' AA A A A A AA A AA A A AA A A? P RE F A C E, Où l’on donne une idée générale des Mémoires contenus dans ce Volume. D ES obfèrvations furies mouches à Jeux ailes, qui n’ont pû entrer clans le quatrième Volume, font rapportées dans les deux premiers Mémoires de celui-ci. L’hifioire des Coufins par laquelle le Volume précédent finit, nous a fait connoître d’avance les mouches appel- Jées tipules; elle nous a appris que nous if avons rien à en craindre, quoique leur extérieur foit très-feinblabîe à celui des confins, elles n’ont point de trompe, ni aucun autre infiniment capable d’agir fur nous. Le premier Mé¬ moire de ce Volume efi deftiné à nous infiruire plus à fond de ce qui les regarde ; il en fait connoître d’un très- grand nombre cl’d'péces différentes qui ont toutes de commun d’avoir un corps long, & detre montées fur de longues jambes. Quelques-unes qu’on trouve fur- tout dans les prairies pendant l’Automne, furpaffent beau¬ coup les coufins en grandeur; elles font fi haut montées, quelles femblent l’être fur des échaiïes. Leurs longues jambes leur fervent aufli à paffer fur les herbes , comme les échafies fervent aux habitants des pays inondés <$c marécageux, pour marcher dans l’eau & dans la boue. Toutes les Tipules des efpéces que je connois, ont été des vers fans-jambes, &. à tête écailleufe, mais qui ont des particularités propres fouvent à faire difiinguer les uns des autres , ceux qui doivent fc transformer en tipules qui différent fpécifiquement. Ces vers font de nature Tome V . a jj PREFACE. differente, & naiffent avec des goûts fort différents. ÎI y en a qui vivent fous terre, 6t de terre. Une terre ordi¬ naire, telle que celle de nos champs, de nos prairies, de nos jardins, convient pour loger les uns & les nourrir; d’autres fe tiennent dans une forte de terreau qui fe trouve au fond de ces trous formés par la pourriture dans des troncs d’arbres; d’autres vivent fur des plantes ou dans des plantes ; d’autres enfin , prennent leur ac- croiffement fous l’eau. Quelque part oui ils l’ayentpris, dès qu’ils n’ont plus à croître, ils fe métamorphofent en nymphes ou en crifalides, & deviennent enfuite des mouches. Les vers de la plus grande des efpéces de ti- pules de ce pays, font de ceux qui vivent fous terre, qui s’y changent en nymphes dépourvûes de jambes propres à marcher; mais qui, avec les picquants dont leurs an¬ neaux font hériffés, fçavcnt fe pouffer en haut, percer la terre 6c s’élever un peu au-deffus de fa furface. C’eft alors que la mouche tire fes parties de leurs fourreaux, & qu’elle prend bientôt l’effor. Par la fuite, on voit avec plaifir les femelles femèr leurs œufs en terre ; elles ont î’adreffe de marcher en tenant leur corps droit : il fe ter¬ mine par une pointe écailieufe, qui eft pour la tipule,ce qu’efl un plantoir pour un jardinier. Elle pique cette pointe fucceffivcment en différents endroits. Chaque trou reçoit un ou plufieurs œufs. Parmi les vers tipulcs qui vivent fur les plantes, il y en a des efpéces qui ne connoilfent d’autre nourriture que celle que la fubf lance des cham¬ pignons leur fournit. Il eft ordinaire à beaucoup de cham¬ pignons de differentes efpéces, qui ont un peu vieilli fur pied, de fourmiller de vers, cpii, pour la plupart, devien¬ nent des tipulcs. J’en ai obfcrvé qui s’arrêtent fur l'exté¬ rieur d un agaric du chêne : ils font remarquables en ce que leur tête a foin de rendre unis & liffes au poffible les PREFACE. if/ endroits fur lefquels le corps doit paffer; elle les enduit d’une matière vifqueufe qui fe lèche dansl’inflant, & qui a tout le luifant de ces traces que les limaçons & les li¬ maces biffent fur les murs. Toutes les fois qu’il fe veut repofer, il fe fait un lit d’une pareille matière. Enfin, de cette même liqueur gluante, il fe confinait une coque qui femble être de moulfe telle que celle du favon. Un ver que je ne connoiffois pas encore lorfque ce premier Mémoire a été imprimé, eft de ceux qui aiment les truffes qui fe pourrifTent; je l’ai trouvé dans quelques- unes que M. le Marquis de Gouvernet m’avoit envoyées, parce qu’il les fçavoit dans le mauvais état oi'i j’aimois à en avoir. Ce ver, dis-je, fe fert comme le précédent, d’une liqueur vifqueufe pour fe préparer un chemin ; mais il pouffe l’induftrie & la délicatclfe plus loin. Il marche toûjours dans un tuyau de cette matière ; à mefure qu’il avance, qu’il veut aller plus loin, il pro¬ longe ce tuyau ; de le prolonger, ell pour lui l’ouvrage d’un inftant. On ne croirait pas que ce tuyau fait d’une matière qui a fi peu de confiflance, &. aufîi mince qu’on puiffe f imaginer , car on ne diftingue pas mieux les par¬ ties de l'infecte lorfqu’il eft à découvert, quelorfqu’il eft dans le tuyau; on ne croirait pas, dis-je, que ce tuyau eut tant de folidité. La portion cpie le corps vient de quitter en allant en avant, s’affaifîè & devient une lame plate; quand le ver va à reculons, cette lame reprend la forme cylindrique. Enfin, ce tuyau cylindrique fe lailfe élargir autant qu’il elt néceffaire, quand le ver veut fe re¬ tourner dedans. Je n’ai pas eu la mouche dans laquelle le transforme ce ver ; mais l’analogie veut que nous la croyions une tipule. Je n’aurois pas manqué auffi de donner place dans le Mémoire dont il s’agit actuellement, à une autre tipule, a i; iv PREFACE. fl je l’eulfe connue aiïes tôt ; ce n’eft pas quelle ait rien Je remarquable dans fa figure, elle cil même a fies petite. Mais il cil curieux riefçavoir que le ver d’où elle vient, fc nourrit clans les fleurs du bouillon blanc ; qu’il fait de¬ venir ces fleurs monllrueufes; qu’il produit dans leur ftruc- ture un changement pareil à celui que produit dans les fleurs du Camedris, une efpéce de punaife dont il a été parlé dans le dernier Mémoire du Tome III. Enfin, ce ver tipule empêche la fleur du bouillon blanc de s’ouvrir; elle lui fait une boîte dans laquelle il refte renfermé, lorsqu’il a pris la forme de crilalide, & jufqucs à ce qu’il en forte fous celle de mouche. C’eft à M. Bernard de Julfieu que j’ai dû les fleurs monltrueufes du bouillon blanc, qui m’ont mis en état de faire des obfervations fur ces lipides, comme je lui ai du les fleurs monltrueufes du Camedris. Mais il n’efl nulle part aulfi aifé de voir des vers tipulcs, que dans les eaux qui croupilfent. Les bacquets qui ont été tenus pleins d’eau pendant quelques femaines, ont leurs parois & leur fond remplis de flocons terreux qui font les habitations que le font faites des vers rouges cpii doivent devenir des tipulcs. Le même bacquct qui avoit des mil¬ liers de ces vers, e(t plein par la fuite des nymphes dans lesquelles ils le font transformés, dont le corcelet elt orné de chaque côté de belles & finguliéres pennaches ; ces nym¬ phes fe métamorphofent à la furface de l’eau, comme les nymphes des confins: elles deviennent des tipulcs, dont la tête a des plumets qui le dilputent en beauté ii ceux des nymphes. Dans les eaux croupies, on trouve des vers blancs qui fe tiennent dans des efpéces de glai¬ res, & qui deviennent aulfi des tipules. D’autres tipulcs doivent leur origine à des vers d’une tranlparence qui ne le cède guercs à celle de l’eau dans laquelle ils fc tiennent. ERE'FACE. v ÎIs font encore finguliers par un grand crochet formé de deux crochets fembiables appliqués l’un contre l’autre, qu’ils portent en devant de la tête. Enfin, tant de petites mouches fans trompe, que nous prenons fbuvent pour des coufins, & qu’on voit voler par nuées en l’air, qui y ont des mouvements de vibration de haut en bas, l'ont ordinairement des tipules , dont celles de différentes efpéces doivent leur origine à différentes efpéces de Vers. Ce qu’il nous rcfloit d’obfervations à rapporter fur les mouches à deux ailes, fe trouve dans le fécond Mémoire; nous y faifons d’abord connoître l’origine de celles qui ont été appellées mouches de Saint Marc, & qui paroiflent vers le temps de la fete de ce Saint. Les vers qui donnent la plus connue & la plus commune des efpéces de ces mouches, prennent leur accroiffément fous terre; s’ils avoient des jambes, ils reffémbleroient à des chenilles velues ; c’eff lous terre qu’ils fe métamorphofent en nymphes. Les mouches qui fortent de ces nymphes, n’ont rien de fort particulier à nous offrir. Le mâle qui, félon la réglé ordinaire, cil plus petit que la fémelle, a cependant une tête beaucoup plus grolfe que la tête de celle-ci. Ce n’elt que pour ne pas lailfer ignorer d'où viennent certaines mouches extrêmement petites & très- communes, que nous parlons dans ce même Mémoire, des vers qui fe nourriffênt demie!, de compotes qui com¬ mencent à fe gâter, de lie de vin, de marc de raifin, & de toute matière lucrée qui s’eff aigrie. Nous y parlons auffi de quelques eljiéces de mouches qui viennent de vers qui aiment les truffes. Mais nous y traitons plus volontiers de vers dont nous eulfions dû faire mention dans le qua¬ trième Volume, auxquels la nature a affigné un lieu bien fingulier pour prendre leur accroiffcment. Dans le fond a iij yj PREFACE. de la bouche du cerf, à chaque côté du larinx, il y a deux boudes charnues qui femblent n’avoir été faites que pour élever les vers dont nous voulons parler, ou fans îefquelles au moins ils ne pourroient croître. Les cerfs n’ont pas de ces vers en toute faifon : le temps qui pré¬ cédé, 6 c celui qui fuit de près la chute du bois, font ceux où il leur eft plus ordinaire d’en avoir. C’eft appa¬ remment ce qui a fait imaginer aux Chafteurs, que ces vers étoient les agents que la nature employoit pour faire tomber ce grand bois h folidement alfujetti. Ils ont cru, 6 c ils croyent encore, qu’ils quittent de concert le lieu de leur naiffancé, pour fe rendre à la meule ou balèdes perches ou du merrein, 6 c pour la ronger. Nous avons Tm. IV. dit ailleurs* que d’autres vers, ceux qui font élever des tumeurs fur le corps de ce grand animal, ont encore été chargés de cet ouvrage, 6 c nous avons fait voir alors qu’ils y font peu propres, 6 c qu’auffi n’y longent-ils pas. Nous tâchons de détromper dans ce fécond Mémoire, ceux qui croiroicnt les* vers de la gorge du cerf plus ca¬ pables que ceux des tumeurs, de venir à bout d’un pareil travail, parce qu’ils font munis d’efpéces de dents en cro¬ chets, qui manquent aux autres. Nous faifons voir que ces crochets qui ne font pas plus durs que la corne du cerf, ne peuvent agir qu’en piochant; que, fuffent-ils plus durs, il leur faudrait un temps plus long peut-être que celui de la vie du cerf, pour creufer jufques au centre une maffe h groffe 6 c fi dure. Mais cette fauffe 6 c prétendue merveille eft remplacée par beaucoup d’autres très-réelles 6 c très-véritables. Ces vers doivent leur origine à une mouche qui fçait, ou fcmble fçavoir, que pour perpétuer fon efpéce, elle doit entrer dans les narines du cerf , che¬ miner tout le long de fon nés, fé rendre auprès de fon gober; que là fè trouvent deux cavités charnues, deftinées PREFACE. vij à loger & à nourrir les vers auxquels elle fe prépare à donner naifiance; que ces vers parvenus à une grofieur afies confidérable, fçauront qu’ils doivent abandonner leur cavité charnue; que pour iortir du gober du cerf, ils fçauront trouver la même route que leur mere a fçu fuivre pour y arriver. Malgré les deux Mémoires précédents, & ceux qui remplifient la plus grande partie du quatrième Volume, je laiffe encore l’hifioire des mouches à deux ailes, grof- fièrement ébauchée. Je luis perfuadé que j’ai obmisbien des généralités que j’aurois dû y faire entrer, Si une in¬ finité de détails curieux. Je commence pourtant dans le troibéme Mémoire de ce Volume-ci, à traiter des mou¬ ches à quatre ailes. J’y en fais connoître un genre qui efi très-bien caraélérifé par l’infirument fingulier qu’on trouve aux fémelles, étaux feules fémelles de toutes fes eljréces. J'appelle ces mouches des mouches à feies. Elles en ont deux dentelées comme les nôtres, Sc qui ont des perfeéïions que nous n’avons pas imaginé de donner à celles dont nous nous fervons; aufii nos ouvriers ne doi¬ vent-ils aucunement être comparés avec le maître qui a inventé & exécuté ces feies, qui ne font pas feulement admirables par leur extrême petitelfe. Les mouches qui en font pourvues, viennent de ces vers que nous avons nommés faulfes chenilles, parce que leur forme efi telle quelle les a fait prendre pour de véritables chenilles par defçavants Naturaliftes. Ils ont des jambes, & en ont au moins deux de plus que les chenilles qui en font les mieux fournies, que celles qui en ont feize. Le nombre des el- péces de ces faulfes chenilles efi très-grand, la plupart font rafes; quelques-unes pourtant ont le corps tout hé- rifie d’épines d’une figure finguiiére, faites en T ou en Y. Les différentes efpéces nous en olfrent de toutes couleurs. * Toitu viij PREFACE. Si de couleurs différemment combinées, l'oit par rayes, l'oit par taches. Ce qui clt plus fingulier, c’eft que quel¬ ques-unes font vêtues tout à-fait différemment dans dif¬ férents temps de leur vie. De muer eff pour elles chan¬ ger d’habits; il y en a que la dernière mue rend mécon- noiffables. La fauffe chenille qui jufques-là avoit été rayée ou tachetée de jaune Si de noir, ou de quelque autre couleur, après avoir quitté fa vieille peau, elt entièrement blancheâtre. Ce qui eft encore plus remarquable, Si plus propre a faire méconnoître quelques fauffes chenilles, c’eft que celles qui jufque-là avoient eu le corps couvert d’épines, ou de tubercules chargés de poils, prennent une dernière peau qui eft absolument raie. Entre ces fauffes chenilles, il y en a plufieurs qui fe font remarquer par leurs attitudes hifarres, qui ont le corps contourné en S, Si qui tiennent fouvent leur derrière en l’air & plus élevé que leur tête ; d’autres fè roulent en pain de bougie ; d’autres fe roulent fimplemcnt en cercle. Une de celles-ci fe tient fur le chevre-feuille, Si a une autre particularité; quand on la prend le matin, elle fait limiter de petites gouttelettes d eau de tous les endroits de Ion corps. Chaque fauffe chenille le confirait une coque dans laquelle elle fe transforme en nymphe. Les unes les font en terre Si de terre, & les autres y filent des coques purement de foye. Toutes les variétés & les adrelfes qui peuvent être employées dans les conftructions des co¬ ques de foye, fembleroicnt avoir été épuifées par les che¬ nilles; néantmoins malgré tout ce quelles nous ont fait i. voir dans ce genre *, nous trouvons du nouveau Sc digne d’être admiré, dans les coques de quelques fauffes che¬ nilles; elles s en font deux dont l’une eff renfermée dans l’autre. L intérieure ou I inlcéle eff losré cfl d’un tilfu O ferré, mais mince & flexible. L’extérieure, celle qui fert d’enveloppe PREFACE. ix d’enveloppe à la précédente , efl à rezeau ; elle efl cepen¬ dant beaucoup plus folide & très-capable de réfi fiance. Audi efl -elle formée uniquement d’efpéces de groffes fibres, qui, par rapport aux fils de la coque intérieure, font ce que les cordes d’une raquette font par rapport aux fils d’une toile ordinaire. Toutes ces fuiffes chenilles fe transforment en des mouches à deux ailes, qui, pour ainfi dire , ont un air de famille, & dont toutes les femelles portent à leur der¬ rière deux fcies quelles ne montrent que quand elles veulent les faire agir. Il ifieft aucun des inflruments que la nature a accordés aux infectes, qui doive nous paraître fait avec plus d’art. Ces fcies font appliquées finie con¬ tre l’autre, & peuvent jouer alternativement. Leurs dents font elles-mêmes dentelées. Enfin, ces inflruments, qui font des fcies par leur tranchant, font des limes ou des râpes par le plat. La fiice extérieure de chacune efl ar¬ mée de plufieurs rangs de longues dents. Ces excellents inflruments ont été donnés à certaines mouches pour les mettre en état de faire aifément des entailles dans le bois de divers arbufles, comme celui du roficr, dans lefquelles il étoit effentiel à leurs œufs d’être dépofés. II n’eft point de mouches moins farouches que celles-ci ; il femble que celui qui les a faites, ait voulu que nous puffions les obferver à notre aife, c’eft-à-dire, les admi¬ rer pendant qu’elles font occupées à feier & à pondre. Leurs œufs font oblongs , comme ceux de mille autres infectes, & de même, n’ont pour enveloppe qu’une forte membrane ; mais ils différent des œufs plus connus par une propriété bien finguliére, ils ont celle de pouvoir croî¬ tre; de jour en jour, ils acquièrent des dimenfionsen tout l'ens, jufques à ce que le petit ver foit prêt d’en fortir. Le quatrième Mémoire nous montre combien on Tome V . b X PREFACE. fcroit faire de progrès à l’Hiftoire naturelle, fi on pouvoit établir de bonsCorrefpondants dans les différentes parties du Monde. Les environs de Paris ne nourrirent point de cigales, & je n’en ai trouvé dans aucun des pays où j’ai pu obfcrver à loifir les infeétes. Il ne m’étoit pas per¬ mis cependant d’ignorer Lus regret, l’hiftoire d’un genre de mouches dont les plus anciens Naturalises ont fait mention, & qui font fi renommées pour leur chant. Une place leur étoit due dans nos Mémoires. Les regrets que je devois avoir de ne me pas trouver dans un pays agréa¬ ble aux cigales, m’ont été ôtés par les foins officieux & éclairés de M. le Marquis de Gaumont. Je ne crois pas que j’euffie été en état de donner plus d’obfèrvations & plus certaines fur ces grandes mouches, que j’en donne dans le quatrième Mémoire, quand j’aurois été expofé pendant plufieurs mois de differentes années, à être fatigué de les entendre chanter. Les Auteurs qui en ont parlé, n’en ont fait connoître que deux efpéccs, & nous en Liions connoître trois. Entre les mouches à corps court de ce pays, il n’y en a aucune qui approche de la grandeur des cigales de la grande efpcce. Du bout antérieur de leur tête, qui eff prefque coupé quarrément, & qui a autant de groffeur que ce qui précédé, part une partie triangu¬ laire qui fe replie en deffous. C’efl de l’extrémité de cette partie que fort une trompe contenue dans un fourreau , & appliquée contre le deffous du corcelet. Cette trompe apprend que la cigale n’efl pas faite pour vivre uniquement de rofée. Les dentelures qu’on peut découvrir à deux des longues pièces dont elle eft com- pofee, prouvent qu’elle eff capable de pénétrer dans des corps durs. Leur chant dont on a tant parlé, fuppofe un grand nombre d’organes qui n’ont pas été affés connus, ou au moins, qui n’ont pas été décrits ; ils PREFACE. n’ont etc accordés qu’aux feuls mâles ; auiïi les femel¬ les font-elles parfaitement muettes. Ces organes font placés près de l’origine du ventre, en delfous 6c fur les côtés. Le fècours des figures 6c peut-être de defcrip- tions auffi longues que celles dans iefqueües nous nous fommes engagés dans le Mémoire dont il s’agit , font néceffaires pour voir combien d’appareil a été employé par la nature pour mettre la cigale mâle en état de for¬ mer des fons qui peuvent nous déplaire, mais qui font apparemment touchants pour fa femelle. Deux efpéces de timbales faites d’une membrane plus roide que le par¬ chemin leplusfec, 6c dont toute la convexité cfi remplie de plis qui fe touchent; ces deux timbales, dis-je, font deftinées à rendre les fons; il y en a une placée de cha¬ que côté dans l’intérieur du ventre. Quand l’air quelles ont agité, fort de la cellule de chaque timbale, il trouve une voûte platte, un volet écailleux qui le réfléchit dans une grande cavité où il eft modifié 6c rendu plus lonore. Cette cavité efl diviféc en deux par une efpéce de cloifon. Au fond de chacune des parties formées par cette divifion, efl une membrane mince, fi liffe, fi tendue, fi tranfparente 6 c fi brillante, qu’elle paroit un miroir, 6c que le nom lui en a été donné même par les enfants. Ne fommes-nous point un peu humiliés, quand après nous être crus en tous points l’ouvrage par excellence du Créateur, nous voyons que les parties qui ont été employées pour met¬ tre le mâle d’une cigale en état de fe faire entendre par la fémelle, le difputent par leur nombre, par la Angula¬ rité de leur matière 6c de leur flruchire, 6c par l’art avec lequel elles font difpofées aux organes de notre voix! La fémelle a à nous faire voir des merveilles d un autre genre; elle peut pondre quatre à cinq cens œufs; die fçait les foins qu’ils demandent d’elle, pour que les b ij *if PREFACE- embryons qui y font contenus puilfent éclorre, 6c pni fient parvenir à être un jour des cigales. Ces œufs doivent à peine paraître au jour pendant un inftant. Dès qu’ils font ibrtis de ion corps, ils doivent être logés dans l’intérieur de très-menues branches de bois fcc 6c rempli de moelle: là ils doivent être difpofés par files, à l’abri de la pluye 6 c des injures de l’air. La circonftance d’un bois plein de moelle étoit eifenticlle ; la moelle elt peut-être la pre¬ mière nourriture de l’infcéte qui fort de chaque œuf. Les mouches dont nous avons parlé dans le Mémoire précédent, font des entailles au bois verd auquel elles confient leurs œufs; ils y peuvent 6c y doivent être expo- les aux impreifions de l’air extérieur; pour faire ces en¬ tailles, il leur falloit des feies, 6c la nature en a donné deux à chacune de ces mouches. Mais il ne fuffifoit pas à la mere cigale de fendre le bois, elle devoit le percer, y creufer des trous. Aulfi a-1-elle été pourvue d’une tarière qui en peut creufer d’affés longs, car elle a plus de cinq lignes de longueur. Elle la porte à fon derrière cachée dans une coulifiè où elle cil confervée par un double étuy. Cette tarière n’cft pourtant pas lèmblable à celles dont nous nous fervons,clIe efl un infiniment double, elle efl compoiée de deux pièces qui peuvent jouer alternativement, mais fans s’écarter l’une de l’autre; elles le meuvent toujours parallèlement l’une à l’autre; Sc cela, parce quelles l'ont affemblées avec la plus grande précilion, à couliffe 6c à languette dans un fupport com¬ mun. Ces deux pièces lont deux limes dont chacune a près de là pointe, 6c feulement fur le côté extérieur, des dentelures. Avec ces limes ou cette tarière, la cigale creufe un trou qui a toute la longueur de l’inflrumcnt, 6 c qui le dirige parallèlement à l’axe du brin de bois, dès qu’il a atteint la moelle : elle y dépofe 6c arrange fept à PRE FACE. xii/ huit oeufs à la file, plus ou moins. Près de ce trou, elle en perce enliiite un fécond, pour y placer à peu près le même nombre d’œufs; 6c ainfi, elle remplit un brin de bois, 6c fuccelfivcment plufieurs brins, des trous néceL Paires pour loger fes œufs. Si en fendant en deux un de ces brins de bois on met à découvert plufieurs files d’œufs, l’ordre avec lequel ils parodient arranges ne fçauroit manquer de plaire. L’inleéte forti de chaque œuf après avoir pris de i’accroilfement, mais avant que d’avoir grofii à un point où l’entrée du trou fe trouve- roit trop petite pour le lailfer palfer, quitte le lieu de la naiiïànce. Il efi muni de jambes dont les deux premières font de bons inftruments pour fouiller la terre; il s’y en¬ fonce , il fe rend fur les racines de quelque arbre. Il a une trompe avec laquelle il tire de ces racines le fuc qui le nourrit 6c le fait croître. Il relie ainfi caché fous terre jul- ques à ce qu’il l'oit en état d’en fortir pour fubir la méta- morphofe qui le fiait paraître ailé, qui le rend cigale. Le cinquième Mémoire 6c tous ceux qui le lùivent, ne nous entretiennent que des abeilles. Leur hilloire mé- ritoit d’être traitée avec plus d’étendue que celle du commun des infeéles. On s’attend, 6c peut-être s’attend- on trop à la trouver remplie de laits furprenants, car il y aura à rabattre des merveilles qu’on en a publiées. Il ne faut pourtant que jetter les yeux fur l’intérieur d’une ruche , pour être forcé d’en regarder les mouches com¬ me des ouvrières incomparables. La cire de ces gâteaux, qui ne font qu’un alfemblage de cellules d’une figure fi régulière, 6c le miel qui remplit ces mêmes cellules, prouvent quelles fçavent des arts qui nous font inconnus. Aulfi, fi on s’en rapporte à un très grand nombre d’Au- teurs, qui, à l’envi, leur ont prodigué des éloges, elles égalent ou furpalfent peut-être les hommes en intelligence b iij xîv PREFACE. &cn connoifiances; elles ont même des mœurs qui nous doivent faire rougir des nôtres; car il n’y a gueres de vertus morales qui ne leur ayent été accordées. On croit bien que ces éloges auront befoin d’être réduits à leur jufte valeur. Les faits,même vrais, qui nous ont été tranf- mis, ne l’étoient pas pour nous, ils demandoient à être examinés de nouveau; il filloit avoir des preuves de leur réalité qu’on ne nous a pas données. Cet examen con- duit à découvrir des merveilles certaines & ignorées, qui remplacent ce qu’on en avoir dit de fabuleux. Le gou¬ vernement des abeilles a été propofé comme le parfait modèle d’un gouvernement monarchique. Nous cher¬ chons dans le cinquième Mémoire, & le premier de leur hiftoire, en quoi il confille, quels en font les principes. Nous nous y trouvons obligés de reconnoîtrc que les abeilles fe conduifent par rapport au bien de leur fociété, comme h l’unique motif de leurs aétions étoit celui qui fait agir les plus grands hommes & les plus vertueux ; elles ne femblcnt travailler que pour leur poftérité ; leurs avan¬ tages particuliers ne paroilfcnt entrer pour rien dans tout ce qu’elles font. Après avoir décrit les formes des ruches les plus favorables pour obferver ce qui fe palfe dans leur intérieur, nous nous contentons de dire ce que nous remettons .à prouver dans d’autres Mémoires, que dans chaque ruche, il y a en certains temps de l’année, trois fortes de mouches, & dans les autres temps, feulement deux fortes; des abeilles fans fexe, ou, qui ne contri¬ buent en rien à la génération, des abeilles mâles, & enfin des abeilles femelles. Les premières font celles que tout le monde connoît; leur nombre ell fans comparaifon plus grand que celui des autres ; elles font uniquement nées pour le travail ; tout celui de la ruche roule fur elles, aufii les nommons-nous les ouvrières. Ce n’ell ordinai- PRE'F ACE. ^ xv rement que pendant un ou deux mois qu’on peut voir des mâles dans une ruche ; dans celle qui en eft le plus peuplée, il n’y en a pas autant de centaines qu’il y a de milliers d’ouvrieres; ils font plus gros que celles-ci. Pendant le cours de chaque année, fi on en excepte peu de jours, on ne peut trouver dans chaque ruche qu’une feule fémelle ; mais qui eft capable de multi¬ plier fon petit peuple, au point que l’habitation où il eft, ne fufhfe plus pour le contenir. Sa fécondité eft pro- digieufe. Telle fémelle peut dans un an devenir mere de trente à quarante mille mouches, & peut - être de beaucoup plus. C’cft à elle feule que doivent le jour tou¬ tes les ouvrières, les mâles & le petit nombre de fémclles qui naiffient par la fuite dans la ruche. Cette mere refte prefque toujours dans l’intérieur du logement ; elle eft aifée à reconnoître quand elle fe montre, fur-tout par la lon¬ gueur de fon corps ; elle eft plus longue que les mâles, quoiqu’elle foit moins groffie ; d’ailleurs, fes ailes font courtes en comparaifon de celles des mâles & de celles des ouvrières. C’eft cette mere que les Anciens ont ap- pellée le roi des abeilles, & qui eft digne d’en être nom¬ mée la reine. On ne nous en a pas impofé quand on nous a parlé du refped que les autres mouches femblent avoir pour elle. Nous prouvons par un très-grand nom¬ bre d’expériences & d’obfervations fïires, que les abeilles ordinaires font plus que de la refpeéler, qu’elles cher¬ chent continuellement à lui être utiles, à lui rendre les meilleurs offices; que fans ceffie elles lui offrent du miel, elles la lèchent, elles la brodent ; que quelque part où elle aille, quelques-unes lui font cortege ; enfin, que la vie de toutes leurs compagnes n’eft rien pour elles, en com¬ paraifon de celle de la mere. Elle femble être famé de toutes leurs aétions. On verra que lorfque j’ai partagé un. xvj PREFACE. efiaim en deux ruches, les mouches de Tune où elfes ctoient en plus grand nombre, mais fans mere, n’ont pas daigné faire le moindre travail; à peine ont-elles longé à vivre au jour le jour; elles fe font laifïe périr , pendant que celles qui étoient dans une autre ruche avec la mere, y ont travaillé, quoiqu’elles y fulfcnt en très-petit nombre. Enfin, je prouve par des expériences inconteltables, que dès qu’on a ôté la reine à des abeilles qui s’occupoient fins relâche du matin au foir à faire des récoltes de cire & de miel, elles ne femblent plus fçavoir que les plantes leur offrent des richeffcs néceffaires. A peine fortent-elles de leur ruche, & elles y retournent fans y rien apporter. Tout travail celfe dans l’intérieur, on n’y confirait pas line feule cellule de cire, on n’y achevé aucune de celles qui étoient commencées. Qu’on redonne une mere à des abeilles tombées dans une inaction complctte pour avoir été privées de la leur, dans le moment on leur rend l’aétivité & l’ardeur pour l’ouvrage; les travaux de toutes efpéces font repris. Les abeilles font non-feulement fa- horieufes quand elles ont parmi elles une mere féconde, elles le font proportionnellement à fa fécondité. Quoi¬ qu’elles ne contribuent en rien à la génération , quoi¬ qu’elles ne foient deftinées qu’à être les nourrices des vers qui éclofent des œufs pondus par la reine, l’Auteur de la Nature a voulu qu’elles s’intérefiaffent pour ces vers qui, avec le temps, doivent devenir des abeilles, autant que fi elles en étoient les véritables meres. C’cfi Ja feule efpérance de voir naître beaucoup d’abeilles qui les dé¬ termine à multiplier le nombre des gâteaux de cire, & à y mettre des provifions de miel. Dès que cette efpérance leur cft ôtée, dès que leurs travaux ne peuvent être utiles a leur poftérité, le foin de leur propre vie 11e les touche plus, elles fe mettent en rifque évident de périr de faim; elles PREFACE . ? xv i; elles ne ramaffcnt plus de miel, quand celui qu elles re- cueilleroient ne ferviroit qu’à les faire vivre. Nous nous arrêtons d’abord dans le fixiéme Mémoire, à confidérer les parties extérieures des abeilles, dont la plupart peuvent être regardées comme des inflruments, qu’il eft effentiel de connoitre pour entendre comment elles viennent à bout de flaire leurs récoltes, & d’exécuter des ouvrages fi finguliers. Elles font de la dallé des mou¬ ches qui ont une trompe & des dents. Laflruéture de leur trompe eft différente de celles de tant d’autres dont nous avons parlé dans les Volumes précédents. Pour expli¬ quer tout l’art avec lequel elle eft faite, il a fallu nous engager dans une affés longue defeription, & être aidé par les figures. Nous nous contenterons de dire que l’a¬ beille la tient ordinairement pliée en deux & comme roulée; mais que quand elle veut, elle la déplie & l’allonge. C’eft avec fa trompe qu’elle enlevé aux fleurs une liqueur miellée que la nature a mile en réferve dans certaines glan¬ des connues à préfent par les Botaniftes, mais qui l’ont cté de tout temps par nos mouches. Nous prouvons que cette trompe n’agit point à la manière des pompes, comme il étoit naturel de penfer qu’elle agilfoit, & comme on l’a fait agir jufqu’ici ; qu’elle eft une efpéce de langue velue & très-longue, qui, en léchant, fe charge d’une liqueur qu’elle fçait conduire julques à une bouche qu’il étoit très-important de connoitre. Les dents font les outils avec lefquels elles façonnent la cire : leur forme mérite cl être examinée. Nous ne difeutons pas encore dans ce Mémoire fi les abeilles trouvent la cire toute faite à la campagne, fi elles n’ont qu’à la féparer des corps étran¬ gers avec lefquels elle eft mêlée, ou fi elles ont de plus importantes préparations à donner à cette matière qui doit fournir la cire, & que nous nommons matière à cire. Tome K . c xviij PREFACE. ou cire brute ; mais nous y faifons voir que c efl fur les plantes, & feulement fur les fleurs des plantes, que les abeilles la ramaflent. Sans avoir étudié la ftruéture des fleurs, on a vu cent & cent fois dans celle d’un lys, des blets jaunes, dans celle d’une tulipe, des filets bruns; &. on fçait que les premiers laiflent fur les doigts une poudre jaune, & les autres une poudre brune. En langage de Botanifle, ces filets font des étamines, & leurs poudres, les poufliéres des étamines. Chaque grain de ces pouffié- res a une figure confiante dans chaque efpécc de plante. Ce font fouvent des boules quelquefois bien Iphériques, & quelquefois plus ou moins allongées. Ces poufliéres font précieufes pour les abeilles, & elles le font pour nous, puifqu’elles font la matière à cire, la cire brute; elles font l’objet d’une des deux grandes récoltes que ces mouches ont à faire. Une abeille qui efi l'ortie de fa ruche pour aller en ramafler, entre dans la fleur dont les étamines lui ont paru le plus chargées de ces poufliéres, & de poulfiércs qui y tiennent moins. Nous n’avons pas dit encore que fa partie antérieure, l'on corcelet, l'es jambes & plufieurs endroits de l'on corps, font chargés de poils dont la plûpart ont une forme qui mérite d’être vue au mi- erofeope. Chaque poil relfemble à une tige de plante à qui des feuilles font attachées de deux côtés oppo- fés, du haut en bas. Une portion d’une écaille de la mou¬ che , garnie de poils, fembie au microfcope, un gazon bien fourni de jolies moufles. Ces poils font pour les abeilles, ce que les toifons font pour ceux qui ramaflent les paillettes d’or des rivières. L’abeille devient bientôt toute poudrée d’une poudre jaune ou blancheâtre, ou d une poudre d’une autre couleur, c’efl-à-dire, dé celle des poufliéres des étamines de la fleur dans laquelle elle s efi promenée. Les poils branchus arrêtent les poufliéres. PREFACE. xix La mouche fefçait couverte de cette poudre, & fçait la ramafler. La pénultième partie de chacune de fes jambes cfl faite en brofîe. Eiie palTe fur fon corps les unes ou les autres de ces brodes, & toutes ordinairement les unes après les autres. Les brolfcs retiennent un peu humides, les poufTiéres quelles ont enlevées, l’abeille les ralfemble enl'uite, les réunit en deux petits tas. La nature, ou plu¬ tôt l'on Auteur qui a pourvu à tout, a ménagé une cavité dans la face extérieure de la troifiéme des parties de cha¬ que jambe de la dernière paire. Cette cavité efi bordée de gros poils, au moyen defquels elle elt une efpéce de corbeille propre à conlèrver ce qui lui efl confié. C’efl dans cette cavité que les jambes de la fécondé paire por¬ tent les poulîiéres des étamines, qu’elles y en font un petit tas, une malfe folide,en lesprelfant les unes contre les autres. L’abeille palfe d’une fleur à une autre pour y continuer fa récolte, pour groflir les deux petits amas de cire brute; elle parvient à rendre celui de chacune de les deux jambes égal à un grain de poivre, & d’une figure un peu plus applatie. Alfés chargée de ces deux petites pelotes, elle part alors & les porte à la ruche. Pour faire la récolte il ne lui fuffit pas toujours de fe prome¬ ner de fleur en fleur. Les poulîiéres des étamines ne font pas toujours prêtes à tomber. Avant que d etre, pour ainfi dire, à maturité, elles font renfermées dans des efpéces de capfules appellées fommets, & elles ne paroiflent au jour que quand ces capfules s’ouvrent. L’abeille n’ignore pas que la matière dont elle a befoin, efl renfermée dans ces petites boîtes, elle faifit donc entre fes dents fucceflt- vement pluficurs de ces capfules; quand celle quelle tâte lui paroît propre à être entrouverte, elle la preflb & l’oblige à laifler paroître les poulîiéres; les deux pre¬ mières jambes viennent les prendre, elles les donnent cij XX PREFACE. aux Jeux fuivantes qui les portent aux Jeux dernières. Pour continuer J’examiner les parties qui parodient à l’extérieur Jes abeilles, au moins en certains temps, nous faifons connoître Jans le feptiéme Mémoire, l’ap¬ pareil avec lequel a été fait cet aiguillon redoutable dont elles font armées. Ce qu’on appelle vulgairement l’aiguil¬ lon , eft une pointe écailleufe extrêmement fine, & qui cependant n’eft que l’étuy de deux aiguillons, de deux dards beaucoup plus fins. L’un & l’autre font dentelés fur leur côté extérieur, & près de leur pointe. Les bldfures faites par deux armes fi déliées, feroient peu à craindre pour nous ; mais l’abeille les empoifonne & les rend par¬ la très-douloureufes. Dans fon intérieur, près de la baie de l’aiguillon, elle a une velfie pleine d’une liqueur très- tranfparente , mais caufiique. Une gouttelette de cette liqueur, quelque petite quelle foit, fait naître de la cha¬ leur fur l’endroit de la langue où elle a été appliquée. Quand pour mieux éprouver l’effet de cette liqueur, je ïne fuis fait deux piquûres légères avec la pointe d’une pe¬ tite épingle, j’ai rendu très-cuifante celle de cesblefiures dans laquelle j’ai introduit un peu de la liqueur venimeufe de l’abeille. Un canal la porte dans l’étuy des dards , au bout duquel on en voit paroitre des gouttes fucceffive- ment toutes les fois qu’on tient une abeille gênée entre fes doigts; elle fait alors des tentatives inutiles pour pi¬ quer, & comme fi elle piquoit, elle oblige de la liqueur venimeufe à fortir. Nous aimerions mieux aflùrément que les abeilles fufTent dépourvues de cette arme ; mais elle leur étoit néceffaire. Les fruits de leurs travaux, leur cire & leur miel, excitent les defirs de beaucoup d’infeétes avides & pareffeux, contre lefquels elles ont à les défen¬ dre. Elles ont a fe défendre elles-mêmes contre d’autres in¬ fectes Yoraces qui les mangent plus volontiers que leur cire P R E' F A C E. xxj & leur miel. Enfin il vient un temps où elies nous doivent paraître extrêmement barbares , où du matin au foir elles 11e s’occupent chés elles que de carnage; & c’efi dans ce temps fur-tout que leur aiguillon leur eft néceflaire. Les males font inutiles & même nuifibles dans la ruche après lin certain temps, après que la mere a été fécondée. Les ouvrières qui avoient été leurs nourrices lorfqif ils avoient la forme de ver, qui depuis leur dernière transformation avoient vécu avec eux en parfaite intelligence, leur décla¬ rent la plus cruelle guerre, lorfqu’ils ne feraient que con- fumer les provifions de la ruche fans y être bons à rien ; elles les naaflacrent; au bout de deux ou trois jours, il y en a quelquefois plus de mille de tués, & il n’en refie pas lin feul dans la ruche. Les raifons que les abeilles ouvrières pourraient alléguer pour leur juftification, nous font peu connues ; nous ignorons fur quels titres efi fondé leur droit de vie & de mort fur les mâles ; il leur a été accordé par la nature qui les a miles en état de l’exercer. Les faux- bourdons ou mâles font plus gros que les abeilles, mais ils n’ont pas été armés d’un aiguillon ; celui qu’ont les abeilles ordinaires leur donne une grande fupériorité fur eux. Afies fouvent des querelles s’élèvent entre les abeilles ouvrières d’une même ruche ; afies fouvent on en peut voir deux aux prifes, qui, polèes ou plutôt couchées fur terre, font l’une contre l’autre tout ce que pourraient faire deux adroits & courageux lutteurs ; elles cherchent réciproquement à fe piquer. Leurs corps font fi bien cuirafies qu’il efi difficile à l’une & à l’autre de trouver un endroit où elle puifie faire pénétrer fon aiguillon dans * le corps de fon adverfaire. C’en efi bientôt fiait de celle qui a été piquée; la viélorieufe la laifie bientôt expi¬ rante fur la pouffiére. Quelquefois trois à quatre abeilles en attaquent une feule, fans en vouloir à fa vie ; elles c iij xxij PREFACE . cellènt de lui porter des coups dès quelle a allongé fi trompe, & quelle y a dégorgé du miel que les attaquan¬ tes vont fitccer tour à tour. C’eft à ce miel quelles eu vouloient. Outre les actions particulières dont nous ve¬ nons de parler, il y en a de générales. Quand les mouches d’un edaim ont choifi inconfidérément pour fe loger, une ruche déjà habitée par d’autres mouches, à peine s’y font-elles introduites, qu’un combat meurtrier com¬ mence. Celles qui ont le droit de la pod'edion, s’oppo- fent à l’invafion avec tout leur courage & toutes leurs forces. D’inftant en inftant on voit fortir de la ruche une mouche viéiorieufe qui en emporte une morte, ou une qui n’a plus qu’un refie de vie qui lui ed bientôt ôté. Ces batailles ne finiffent qu’avec le jour, & coûtent louvent la vie à plufieurs milliers de mouches. Une abeille qui laille Ion aiguillon dans l’endroit où elle a piqué, & il arrive affés louvent quelle l’y laide, lé fait à elle-même une blelfure mortelle; ainfi, la vie de celle qui pique cd toujours en rifquc.Lamere ed armée d’un aiguillon plus grand que celui des autres mouches, quoique quelques Anciens ayent adulé le contraire,& que quelques déviles les en luppofent privées.Mais comme il importoit qu’une vie audi précieu- lè que celle de la reine, ne fût pas audi louvent expofee que celle des abeilles ordinaires, elle ed née avec un natu¬ rel plus pacifique ; on peut la tenir entre les doigts fans qu’elle cherche à piquer. Nous finilfons ce Mémoire par faire remarquer les différences qui font entre quelques- unes des parties extérieures des trois fortes de mouches, & qui y dévoient être. Les parties néceffaires pour ramader la cire brute, par exemple, & pour façonner la cire même, * étoient inutiles à la mere & aux mâles fur qui aucun tra¬ vail ne roule, & ils en font privés. Le huitième Mémoire nous montre les abeilles occupées PREFACE. xxiij clans l’intérieur de leur ruche à leurs différents travaux. Leurs gâteaux de cire font de tous leurs ouvrages, les plus dignes de notre attention, Si les plus fûrs de fe l’attirer. L’admiration croît pour eux à mefure qu’on les examine, je dois dire à mefure qu’on les étudie, car fins le progrès de l’analyfe, & fins celui quelle a fait fiire à la géométrie dans ces derniers temps, nous ne ferions pas en état de fçavoir à quel point ils méritent d’être admirés. Chaque gâteau eft compolc de deux rangs de cellules ou cle tubes exagones. Sur une de fes faces fe trouvent les ouvertures de toutes les cellules d’un rang, & fur la face oppofée, les ouvertures des cellules de l’autre rang. Pappus célébré parmi les géomètres anciens, qui connoilfoit les avantages des cellules de figure exagone, qui fçavoit que de toutes les cellules de capacité égale qui peuvent être ajufiées les unes contre les autres, fans laiffer de vuides cntr’elles, les exagones font celles qui peuvent être faites avec moins de matière ; Pappus, dis-je, a regardé les abeilles comme de grandes géomètres. Mais il eût eu une bien plus haute idée de leur géométrie, s’il eût feu que la conftruétion du fond de chacune de ces cellules, fembloit fuppofer quelles avoient réfolu un problème, dont la folution n’auroit pu être trouvée par les géomè¬ tres de fon temps ; une folution à laquelle on 11e peut arriver que par l’analyfe des Infiniment-petits. Celui au moins qui les a fi bien inflruites, a réfolu pour elles le problème dont nous voulons parler, & que nous allons expofer. Le fond de chaque cellule n’efl pas plat, il eft pyramidal, & formé par trois petits lozanges ou rhombes de cire, femblables Si égaux. Cette figure pyramidale per¬ met aux fonds des cellules des deux faces oppofées, de s’ajufter les uns contre les autres auffi exaétement que les corps des cellules s’ajuffent, c’eft-à-dire, fans laiffer de xxiv P RK F ACE. vukfe. Mais les abeilles avoient à choifir entre line infi¬ nité de rhombes différents qui peuvent former tics pyra¬ mides plus écrafées ou plus allongées, de également pro¬ pres à s’appliquer les unes contre les autres fans laiffer île vuide. Les rhombes pour lefquels elles fe font déter¬ minées, ont deux angles oppofés chacun d’environ i iq degrés, & les deux autres chacun d’environ 70 degrés. Quelles font les raifbns de la préférence donnée à ces rhombes! J’ai foupçonné que l’épargne de la cire en pouvoit être une, & j’ai propofé à M. Kœnig capable de réfoudre les problèmes les plus difficiles, de détermi* ner entre les cellules exagones de même capacité & à fond pyramidal compolé de trois rhombes égaux & fem- blables, quels dévoient être les angles des rhombes au moyen defquels la quantité de matière ou de cire em¬ ployée, feroit la plus petite qu’il eft poffible; & il a trouvé que les rhombes demandés font précifement ceux que les abeilles ont choifi. La conftru&ion des cellules des abeilles, outre les pro¬ blèmes purement géométriques, nous offre à réfoudre des problèmes phyfiquês , qui 'dans leur genre ne font pas moins curieux que les autres. Nous avons vû ces mouches occupées à enlever aux plantes les pouffiéres de leurs étamines, & rapporter fur chacune de leurs jam¬ bes poftérieures une petite boule faite de ces pouffiéres. Ces boules font -elles de la cire! Les abeilles trouvent- elles fur les plantes, de la cire toute Lite, comme elles y pourraient trouver de la gomme & de la réfineî Nous prouvons que ces pouffiéres d’étamines ne font point actuellement de la cire , qu’elles ne font que la matière propre à la faire, auffi la nommons-nous de la cire brute. Mais par quelle manipulation cette cire brute eff - elle convertie en véritable cire ! Les abeilles n’ont-elles qu’à la peftrir PREFACE. xxv {a pcflrir avec leurs jambes après l’avoir humectée Je quelque liqueur, comme Swammerdam & M. Maraldi fcmblent avoir été dilpofés à le croire! La converfion de la cire brute en véritable cire n’eft pas fi fimple, elle eft analogue à la converfion de nos aliments en chyle; c’eft- à-dire, que c’efi dans les inteftins des abeilles & dans un de leurs eftomacs, car elles en ont deux, que le fait la cire. Des oblèrvations très-certaines nous ont appris que les abeilles mangent la cire brute: après quelles l’ont digérée, elles font retourner vers leur bouche la vérita¬ ble cire qui en a été extraite ; elle y arrive de elle en fort en forme de confiftance de bouillie claire de quelquefois moulfeulè. La langue de l’abeille aide à conduire hors de la bouche, la cire plus délayée qu’une pâte molle ; elle la porte où elle doit être mile en œuvre par les dents pour former une portion, l'oit du fond, foit d’un des pans d’une cellule. Dans un infiant, cette bouillie de cire fe féchc & fe durcit, comme la liqueur qui devient un fil de foye, fe féche dès qu’elle efi fortie des filières des che¬ nilles de de celles de divers infeétes. Plufieurs mouches fournilfent les unes après les autres de employent la cire néceffaire à la conltrudlion d’une feule cellule. Celle qui n’a encore qu’une partie de la profondeur, ou qui ne vient que d etre rendue aulfi profonde qu’il lui convient de l’être, efl très-brute, elle n’efi qu’ébauchée; elle ne doit pas refier aulfi épaifie, aulfi malfive quelle l’cft. Les abeilles s’occupent bientôt à rendre fes pans plus minces, à les drelfer, à les applanir & à les polir, ce quelles font en les ratifiant, en les rabotant, pour ainfi dire, avec leurs dents, qui en emportent de petits cou- peaux. Comme ce travail efi long, on a louvent occafion d’obferver les mouches qui y font occupées ; on ne fe Tome V . d xxvj PREFACE. Jaffe pas de voir l’aétivité 6 c i’adrefle avec laquelle elles font alors agir leurs dents. L’habitation des abeilles, leur ruche, doit être très- clofe ; pour toutes ouvertures elle ne doit avoir que celles qui leur permettent d’entrer & de fortir librement. Cel¬ les par où d’autres infectes pourraient s’introduire trop aifément, les fentes par où l’eau Sc le vent pourraient palfer, auraient des fuites à craindre. Les abeilles le fçavent, au moins elles fçavent boucher toutes ces ou¬ vertures 6 c ces fentes; elles fçavent même que la cire n’eft pas la matière la plus propre à y être employée. Elles connoiflent une efpéce de réhne qu’elles trouvent toute frite fur certains arbres, qui a plus de ténacité que la cire ; elles vont s’en charger, elles l’apportent fur leurs jambes poftérieures en petites pelotes femblables à celles de la cire brute ; mais elles n’ont pas befoin de la man¬ ger ni de lui donner aucune préparation. Dès qu’une de celles qui s’en font chargées, elt entrée dans la ruche, pliifieurs de lès compagnes fe rendent lùccelfivement auprès d’elle; chacune prend une petite malfe, un petit grain de la refîne entre lès dents, 6 c va fur le champ le pofer dans l’endroit qui a befoin d'être bouché. Les abeilles fe fervent aulù de la même matière pour en¬ duire la plus grande partie des parois de leur ruche. Cette réfme a une odeur aromatique affés agréable. Nous lui confervons le nom de propolis qui lui a été donné par les Anciens. Tout ce qui a rapport à la génération des abeilles, fait l’objet du neuvième Mémoire. Quelque grand que foit le nombre des ouvrières qui nailîènt dans une ruche pendant le cours de l’année, elles doivent toutes le jour a une même mere, à cette reine que les Anciens avoient PREFACE. xxvi; chargée de tous les détails du gouvernement, & qui a ailes affaire d’avoir tant d’œufs à pondre. Elle eft auffi la mere des faux-bourdons, & elle l’eft encore des femel¬ les. On n’eff plus furpris qu’il y en ait telle, qui dans une année fuffife à donner naiffance à vingt mille, à trente mille, ou même à quarante mille mouches, lorfqu’on a ouvert le corps de quelqu’une qui étoit en pleine ponte: on le lui trouve tout rempli d’œufs; on y en peut compter environ cinq mille actuellement fenlibles. Si on fait atten¬ tion à la quantité de ceux qui en font déjà foitis, & lur- tout, fi on fait attention que le nombre de ceux qui par leur petiteffe échappent à nos yeux, & qui ne le dévelop¬ peront que peu à peu, eft peut-être lêpt à huit fois plus grand que le nombre de ceux qui font vihbles, on admi¬ rera la fécondité de l’abeille, & on fera difpolé à croire qu’elle peut aller à faire naître trente ou quarante mille mouches par an. L’intérieur des-faux-bourdons eft preff- que rempli par des parties qui fcmblent démontrer qu'ils font deftinés à féconder les œufs. On y trouve pluficurs réfervoirs de liqueur iaiteufe. Enfin les faux-bourdons font lortirde leur derrière, en certain temps, des parties qui paroiffent analogues à celles des mâles des autres infeétes. Mais pour ce qui eft des abeilles ouvrières, en quelque faifon de l’année qu’on ouvre leur corps, on ne fçauroit parvenir à y découvrir ni œufs ni vaiffeaux pro¬ pres à les contenir, ni aucune des parties qui caraétéri- fent le mâle. On voit feulement leur premier eftomac plus ou moins plein de miel, & leur fécond eftomac ôc leurs inteftins plus ou moins remplis de cire brute. Auffi ne contribuent-elles en rien à 1 œuvre de la génération. Nous enfeignons les temps où l’on peut parvenir à fur- prendre la mere occupée à pondre. Elle fait entrer fon der¬ rière dans une cellule vuide, au fond de laquelle elle laiffe xxviij PREFACE. un œuf. Elle en fort bientôt pour aller prefque tout de fuite en pondre un autre dans une cellule voifine ; elle eft toujours accompagnée de quelques mouches, qui, chaque fois quelle fort d’une cellule, ne manquent pas de lécher les derniers anneaux de fon corps. Nous venons de dire quelle ne donne pas feulement nailfance à des abeilles ouvrières, qu’elle la donne à d’autres fémcilcs & à tous les mâles. La cellule dont la capacité convient à l’œuf, ou, plus exactement, au ver qui doit devenir une abeille ouvrière, feroit trop petite pour un ver qui après fi transformation fera un mâle, & à celui qui après la fienne fera une fémelle. Comme fi les abeilles ordinaires en étoient bien infîruites, elles conftruifent des cellules de trois différentes capacités ; & ce qui n’eff pas moins digne d'être remarqué, la mere femble fçavoir quel eft l’embryon qui eft contenu dans l’œuf qu elle va mettre au jour. Elle ne manque jamais de loger dans une petite cellule, l’œuf qui donnera une abeille ouvrière; dans une cellule exagonc plus grande, l’œuf qui doit donner un mâle. Enfin l’œuf plus précieux que les précédents, celui dont le ver qui en fortira, deviendra une fémelle, eft dépolé dans une cellule qui ne diffère pas feulement des autres par fa grandeur, qui en diffère encore par fa figure. Les abeilles qui doivent être des reines, font traitées avec diftinétion dès l’inftant de leur naiffance, & avant même que de naître, lorfqu’elles font encore contenues dans l’œuf. Les ouvrières abandonnent leur architeélure ordi¬ naire quand il s’agit de faire une habitation où une fémelle prendra fon accroiffement. Ce n’eft pas là le temps où elles fongent à profiter des avantages que leur offrent les alvéoles exagones à fond pyramidal pour œconomifer la cire. Rien ne leur coûte alors. Elles employait plus de cire pour une feule cellule deftinée à être le berceau d’une PREFACE. xxix reine, que pour cent ou cent cinquante cellules ordinaires. Elles cherchent fur-tout à la rendre folide ; car d’ailleurs, la forme quelles lui donnent n’a rien de fort agréable & de recherché pour nous ; elle eh même fimple. Cette cellule n’eft pas, comme les autres, faite à pans, elle eh oblongue & arrondie, ayant plus de diamètre que par-tout ailleurs auprès de fa bafe, de-là elle devient de plus en plus menue jufques à fon ouverture. L’extérieur en ci t cependant orné d’une efpéce de guillochis. Une feule reine a tant de mâles dans fa ruche, quelle femble vivre au milieu d’un très-nombreux ferrail ; cependant la manière dont elle efi fécondée a été mile au rang des myftéres. Comme elle fe tient prefque conlîamment dans l’intérieur de fon habitation, on n’a pu parvenir à voir aucun ac¬ couplement. Le trop grand nombre des mâles a même fait penfer qu’elle ne devoit pas s’accoupler. Des Anciens de des Modernes ont cru que le feu! office des mâles étoit de répandre fur les œufs dépofés dans les cellules, une liqueur laiteufe & vivifiante, comme on penfe com¬ munément que le font les mâles des poiffions fur les œufs de leurs fémclles. Mais ce fentiment efi détruit dès qu’on fçait que ce n’efi que pendant quelques femaines de cha¬ que année que la mere abeille vit avec des mâles, que pendant neuf à dix mois il ne lui en refie pas un feul, quoiqu’elle ponde dans la plupart de ces mois des œufs féconds. Swammerdam à qui les mâles n’avoient pas paru avoir des parties par lefquelles ils fe pufient joindre avec la fémelle, a eu un fentiment qui femblera bien étrange à ceux qui n’ont pas médité la fuite de merveilles que fuppofe la génération des animaux. II a penfé que la vapeur, l’odeur que les mâles répandoient, fuffifoit pour féconder la mere. II faut avouer que le grand nombre des mâles qui ont été accordés à cette mere, fait unç xxx PREFACE. difficulté confidérable contre l’accouplement; s’ils étoient tous auffi ardents que le font ceux des autres infeétes, la femelle en deviendrait à plaindre, elle ne trouverait pas les moments de repos qui lui font eflentiels. Des obfervations que j’ai faites fur des meres dont chacune a été mile feule avec un mâle, lèvent la difficulté. Elles m’ont appris un renverfement d’ordre qui étoit nécef- faire, dès qu’il avoit été réglé que chaque mere aurait à fa difpofition tant de mâles. Ceux qui lui ont été don¬ nés font les plus froids, les plus indifférents de tous les mâles. C’eft à cette reine fi cherie par les ouvrières, ac- coûtumée à être fervie & prévenuë en tout par celles-ci ; c’eft à cette reine, dis-je, à faire la cour au mâle qui lui plaît, à le tirer de l'on état de froideur par fes agaceries. Elle pouffe même fes carelfes jufques à ce que nous ap¬ pellerions plus qif indécence. Elle prend par rapport à l'on mâle la polition dont font en polfeffion les mâles des autres fémellcs. Enfin , quoique je ne fois pas fûr d’avoir vu un accouplement complet, j’ai vu au moins une efpéce d’accouplement; & quand il n’v aurait que ce que j’ai vu, c’en ferait affés pour que tout le paffàt par rapport à la fécondation des œufs des abeilles, comme par rap¬ port à celle des œufs des oifeaux. Les accouplements de ceux-ci font fouvent plus courts que ceux que la mere abeille m’a montrés. Nous avons demandé qu’on nous crût pour quelque temps fur notre fimple témoignage, lorfquc nous avons affuré que chaque ruche n’a qu’une feule fémelle, excepté pendant un petit nombre de jours ou y naiffent des fe¬ melles qui n’y doivent pas relier. Nous nous fommes de même contentés d aflùrer qu’il vient un temps où tous les mâles font ôtés à la mere, & qu’elle paffte neuf à dix mois fans en avoir un leul. Ces faits eflentiels à i'hiftoire des PREFACE. xxx; abeilles, & quelques autres, avoient befoin cl être éta¬ blis par des preuves certaines que nous avons promifes, 6c que nous donnons dans le dixiéme Mémoire. Pour pouvoir certifier qu’il n’y a qu’une feule mere dans line ruche pendant plus d’onze mois de l’année, 6 c qu’il n’y a pas un male pendant plus de neuf à dix mois, il faut abiolument en avoir examiné toutes les mouches une à une, en différentes faifons de l’année. Je commence par indiquer divers moyens de faire paffer les abeilles d’une ruche dans une autre, qui ne doivent pas être ignorés par ceux qui foignent ces mouches pour profiter du fruit de leurs travaux. Pendant que l’on oblige les abeilles à déménager, on a des occafions de les voir étalées, d’appercevoir les femelles 6c les mâles. Mais ce qui peut mettre plus à portée de les examiner, c’eft que j’enfeigne enfuite à faire entrer dans plufieurs bouteilles d’un verre très-tranfparent, toutes les abeilles d’une ruche. Ces expédients ne fçauroient pourtant contenter quel¬ qu’un aulfi difficile fur les preuves des faits finguliers qu’on le doit être. Il lui refera toujours des foupçons tant qu’il n’aura pu examiner une à une, 6c manier même toutes les abeilles d’une ruche ; mais il femble que cela ne fê puiffe bien frire que fur des abeilles mortes, qu’il faille en venir à frire périr toutes les abeilles d’un grand nombre de ruches, c’eft-à-dire, d’en faire périr dans plu¬ fieurs mois, 6c frire périr même plufieurs ruches en cer¬ tains mois. Il n’eft pas difficile au moyen du foufre, d ’é¬ touffer celles d’une ruche ; mais ceux qui nient le plus fermement l’anre des bêtes, fie réfoudroient avec peine à frire périr tant de milliers de machines trop admirables. D ailleurs ces expériences ne laifferoient pas d’être chères, 6cn oteroientpas abfolument tout doute. Car par exemple, quand on n’auroit trouvé qu’une feule more au Printemps, xxxij P RE F A CE. & fans mâles, on n’en feroit pas en droit d’affirmer que cette mere qui n’avoit pas de mâles, auroit pondu des œufs féconds. On ne peut être bien certain qu’elle étoit en état d’en donner, que quand on lui en a vû pondre de tels au bout de quelques jours ou de quelques fe- maines. Sans ôter la vie aux abeilles, il y a un expédient auquel j’ai eu recours pour les examiner auffi aifément une à une, que fi elles étoient véritablement mortes; de les manier les unes après les autres; & de revoir par la fuite ces mêmes mouches occupées de leurs diifë- rents travaux. Après avoir obfervé que des abeilles, qui, pour être tombées dans l’eau fembloient parfaitement mortes, pouvoient être ramenées à la vie, lorfqu’après les avoir féchées, on les chauffoit; après m’être alluré que des abeilles tenues même fous l’eau pendant plufieurs heures comme mortes, pouvoient être ranimées, j’ai voulu faire en grand les expériences que j’avois faites en petit. J’ai plongé des ruches fous l’eau; toutes leurs abeilles y ont paru noyées, incapables de mouvement. On les a pefehées enfuite avec des écumoires. Ainfi toutes les mouches d’une ruche, très-aélives quelques heures aupa¬ ravant , ont été mifes par tas ou étendues fur une table. Ce fpeélacle avoit quelque chofe de trille pour qui ne fçavoit pas quelles en dévoient être les fuites. J’examinois mes abeilles auffi à l’aife que je les eulTe examinées fi elles eulfent été véritablement mortes. Lorfqu’elles avoient été toutes parcourues une à une, lorfqu’après avoir trou¬ vé la mere, je m’étois alfûré qu’il n’y en avoit qu’une, & qu’il n’y avoit aucun mâle, je failois changer la fcene; je failois clîuyer les mouches, je les mettois dans des poudriers, ou dans des vafes de crin que j’ai nommés fechoirs, où j achevois de les lécher ; je les chauffais doucement, & bientôt je les remettois en état de rentrer dans PREFACE. xxxiiî dans une ruche, de d’y recommencer leurs travaux. J’ai fait cette opération un très-grand nombre de fois, autant qu’il a été néceffairè pour m’inftruire des faits qui de- mandoient à être prouvés. Nous détaillons dans le Mé¬ moire dont il s’agit, les moyens les plus lürs d’en afïurer le l'uccès, & les inconvénients qui l’ont quelquefois fait mal tourner. Nous retournons dans le onzième Mémoire à ces œufs que nous avons vû dépofer par la mere en différentes cellules. Ils ont chacun une figure oblongue & arrondie, un peu plus groffe par un bout que par l’autre. Il n’y en a ordinairement qu’un dans» chaque cellule. Cependant j’ai quelquefois obfervé deux, trois & jufques à quatre œufs dans la même ; mais ceci n’arrive que lorfque les ouvrières n’ont pu fiiffire à conftruire autant de cellules que la fécondité de la mere en demandoit de vuides. Quatre vers, & même deux, périroient dans un logement qui par la fuite fera rempli par un feul. Auffi les abeilles ouvrières ont-elles foin d oter les œufs lurnuméraires des *- cellules où il s’en trouve. L’unique œuf qui doit refier, efi collé contre le fond & feulement par Ion petit bout. Ce n’efi que par ce bout qu’il touche la cellule. Un jour ou deux après qu’il y a été pofé, un ver en fort. Il efi bientôt l’objet tles tendres foins des abeilles ouvrières. Chaque jour & à plufieurs reprifes, elles lui fourniffent l’aliment qui lui efi néceffaire; elles tiennent le fond de fi cellule couvert d’une couche d’une efpéce de bouillie blanche dont il fe nourrit ; cette bouillie lui l'ert même d’un lit mollet fur lequel il efi roulé en anneau. Dans moins de fix à fept jours, il efi parvenu à fon dernier terme d’accroiffcment. Les abeilles qui connoiffent le temps où il n’a plus befoin de nourriture, ceffent alors de lui en por¬ ter. Le dernier des l'oins quelles prennent pour lui, c’eft de Tome V . e xxxiv PREFACE. murer, pour ainfidire, la porte delà cellule. Elles mettent un couvercle de cire ù Ion ouverture. Quand ce couvercle efipofé, le ver qui jufque-là avoit été en inaélion & roulé, fc déplie, s’étend & commence à travailler. Il tapilfe de foye les parois de fa loge ; il ne tarde guércs enfuite à fe métamorphofer en nymphe. Plufieurs vers croiffent les uns après les autres dans la même cellule; on peut recon- noîtrelc nombre de ceux qu’il y a eu dans chaque cellule, fi on fe donne la peine de léparcr les unes des autres, les différentes toiles de foye dont elles font tapiffées. Les vers qui doivent devenir des femelles, font traités avec plus de difiinétion ; chacun a là cellule neuve, faite pour lui, & qui ne fert qu’à lui. Enfin, environ 20 à 2 1 jours après que l’œuf a été collé contre le fond d’une cellule, une abeille cil en état de paraître au jour; après s’étre défaite de fes enveloppes de nymphe, elle fait ulkge de les dents pour ronger la porte, le couvercle de cire qui y a été attaché; elle y fait une ouverture par où elle fort s encore humide. D’officieufes mouches 1e préfentent fur le champ pour i’elfuyer avec leur trompe: lès ailes s’afîer- miffent, & dès le même jour elle efi en état de fortir de la ruche, & de s’acquitter par des récoltes de cire & de miel, de ce quelle doit à fes meres nourrices. Ap rès que la rude faifon elt paffée, le nombre des abeilles fe multiplie journellement dans une ruche; & fouvent il s’y eft multiplié à un tel point vers la mi-Mai, que l’habitation étant devenue trop petite pour contenir toutes les mouches, le meilleur parti qui leur relie à prendre, c’elt de fe partager. Dans un in fiant une très- grande troupe fe détermine à abandonner le lieu de la naiffance, pour aller chercher ailleurs un établiffement. Cette colonie d abeilles elt appellée un effaim. Le dou¬ zième Mémoire traite de ce qui a rapport aux clfaims, P RE' F A CE. XXXV (de ce qui précédé & annonce leur fortie, de la manière dont elle fe fait, & de tout ce qui la fuit, jufques à ce que la nouvelle république fe foit mile folidement en état de fe perpétuer. Quelque peu proportionné cependant que fût le grand nombre des abeilles à la capacité de la ruche, il n’en fortiroit point d’efïaim h toutes les mouches nouvellement nées étoient des ouvrières. Cel¬ les-ci, qui doivent faire le gros de la colonie, veulent avoir à leur tête une reine, & une reine féconde & qui ait été fécondée. Elle feule peut a durer la durée d’un nouvel établi dément. Il a aulh été réglé que lorfqu’un très grand nombre de mouches ordinaires feraient nées dans une ruche, des mâles y naîtraient, & que des femelles y naî¬ traient enfuite. Or dès qu'il y a des femelles nées, 8c qu’une de celles-ci ed en état de mettre au jour une nom- breufe poftérité, c’en ed ades pour déterminer un ciïaim à quitter même une ruche qui n’ed que médiocrement peuplée. Lefoir & pendant la nuit, des bourdonnements plus forts que les ordinaires, fe font entendre dans une ruche quelques jours avant le départ de l’effaim. Il ed quelquefois annoncé le matin du jour où il ne fe doit Elire que l’après-midi, par un figne moins équivoque 8c plus digne d’être remarqué. Pendant qu’un temps ferein 8c doux, & un Soleil brillant, invitent àfortir les abeilles des différentes ruches, pendant qu’on en voit beaucoup ren¬ trer avec des récoltes de cire brute dans des ruches mé¬ diocrement peuplées, fi on obferve peu de mouvements aux portes d’une ruche qui fourmille de mouches, fi peu de celles qui arrivent, rapportent de la cire brute, on peut compter que dans le fort de la chaleur du jour, il en lor- tira un effaim. Comme fi cette grande entreprilê avoit été décidée pendant la nuit, comme fi le moment où elle doit être executée avoit été déterminé, les mouches qui eij xxxvj P R E' FACE. doivent abandonner la ruche l’après-midi, ne daignent pas y travailler pendant la matinée ; & celles qui y doivent relier, attendent pour s’occuper avec leur activité ordi¬ naire, que leurs compagnes l'oient parties. La réfolu- tion de partir dans le jour fcmble donc bien déclarée; mais je ne crois pas que le moment du départ ait de même été fixé. Ce moment arrive quand la chaleur de¬ vient plus confidérable, & fur-tout quand quelque ardent rayon de Soleil agit lur la ruche. Alors dans un inllant des abeilles en fortent en foule; elles remplilfent l’air des environs; dans quelques fécondes, toutes celles qui doivent compofer l’elfaim s’y trouvent répandues. Après avoir voltigé & tourbillonné pendant quelques minutes au - delfus d’un arbre, elles fè réunilfent autour d’une de fes branches. Quand elles y font devenues tranquil¬ les , on les fait tomber dans une ruche oit ordinairement elles fe trouvent bien. Les Anciens ont voulu que dans lin elfaim , outre le véritable roi, il fe trouvât fouvent une mouche rebelle par qui la puiiïance fouveraine étoit difputée. Ils ont accordé au premier les qualités qui ren¬ dent digne de regner ; ils ont.alluré que fon extérieur ré- pondoit au rang auquel il étoit deltiné. Us nous peignent au contraire la figure de la mouche qui s’ell révoltée, comme très-hideulé & ignoble ; félon eux, la figure elï l’image des mauvaifes qualités de fon ame. Cette mou¬ che indigne de l’empire fçait pourtant féduire quelques abeilles; mais bientôt elle efl punie de fa trahifon par les autres, qui lui ôtent la vie. Le vrai auquel tout ceci doit être réduit, c’elt que quelquefois plufieurs fémelles nou¬ vellement nées fe trouvent dans une ruche lorfqu’un elfaim en part; que quelquefois deux ou trois, ou même quatre fémelles s’y alfocient. Cependant le bien de la nouvelle lociét<* demande qu’il ne lui en relie qu’une. Aulft une PREFACE. xxxv i j feule eft-elle confervée. En moins d’un jour ou deux les furnumérairesfont miles à mort. Celle qui demeure unique fouveraine eft la plus digne de 1 être, non par des vertus mo¬ rales, mais par une vertu phyfique bien elfentielle à la répu¬ blique maillante. Elle eft la plus prête à pondre, 6c proba¬ blement celle qui promet une ponte plus abondante. Sou¬ vent dès le premier ou le fécond jour, elle depofe des œufs dans les alvéoles qui viennent d’être faits. C’eft ce qu’on n’auroit pas dû attendre de celles qui ont été immolées au bien public. Lorfque j’ai ouvert le corps de plufieurs de celles-ci, je n’ai pu y appercevoir des œufs d’une groffeur fenftble. Les fémelles nouvellement nées qui font reftées dans l’ancienne ruche , n’ont pas fin fort plus heureux que les furnuméraires de l’eftaim ; comme celles-ci elles font miles à mort. Il y a pourtant quelquefois deux ou trois jeu¬ nes fémelles à qui la vie eft confervée, 6c cela quand la ruche, comme il y en a quelques-unes, fournit deux ou trois eflaims. Il ne nous eft pas permis d’être indifférents pour des mouches fi induftrieufes, 6c dont les travaux nous font fi utiles. L’objet du treiziéme 6c dernier Mémoire, eft d’e¬ xaminer les moyens de les multiplier, 6c d’en tirer le meilleur parti qu’il eft poffible. Lorfque nous avons vû où elles fe chargent de cire 6c de miel, nous avons dû faire réflexion que la quantité de l’une 6c de l’autre qu’elles recueillent fur les fleurs, n’eft prefque rien en comparai- fon de la quantité qu’elles font forcées d’y laiffer. Les ouvrières nous manquent pour faire faire des récoltes de fruits offerts par la nature avec une fi grande profu- fion ; mais il ne nous eft pas aufïi facile de multiplier ces ouvrières qui ne nous coûtent rien , qu’il l’eft de multi¬ plier les vers à loye. Il y en a autant de ceux-ci qui devien¬ nent des papillons fémelles, qu’il y en a qui deviennent e iij xxxviij PREFACE. des papillons mâles. On pourroit peut - être fonger à mettre plus à profit le petit nombre des abeilles femelles qui nailfent chaque année dans chaque ruche. Mais ce qui fe préfente de plus fur pour la multiplication des abeil¬ les, c’efl d’empêcher qu'il n’en périfle chaque année, autant qu’il en périt. Une avidité mal entendue a établi en diverles provinces, I’ulage de faire mourir celles qui font parvenues à bien remplir leur logement de cire St de miel. Ii feroit aifé de proferire par un réglement, une pratique barbare & fi oppofée à la multiplication de mou¬ ches li dignes d’être confervées. Les Auteurs qui ont traité des abeilles, nous ont appris quelles ont beaucoup d’enne¬ mis qui les détruifent. Tels font dans le genre des quadru¬ pèdes , les mulots St d’autres rats de jardin. Beaucoup d’oi- feaux les attrapent quand ils peuvent.Certains infeéfes ailés, comme les guêpes & les frêlons, font aufTi redoutables pour clics que les oifeaux ; on prétend même que les guêpes ne permettent pas d’avoir des abeilles dans quelques-unes de nos Ilîesdc l’Amérique, qu’elles les y exterminent toutes. Une elpéce de poux s’attache fur elles, St y vit fins les abandonner. Elles font fujettes à diverles maladies con¬ tre lefquelles on n’a pas manqué de preferire des remèdes. Mais tous leurs ennemis enfemble, St toutes les maladies dont elles peuvent être attaquées, même dans de belles faifons, n’empêcheroient pas que le nombre des ruches ne fe multipliât confidérablement chaque année, fi on pouvoit les fauver pendant la fin de l’Automne, pendant l’Hiver St le commencement du Printemps. C’efi alors que les ruches entières périlfent, St qu’il en périt beau¬ coup. Les deux grands Beaux des abeilles dans ces temps fâcheux, font le froid St la faim. Nous prouvons que quand on cherche à les mettre à l’abri de l’un , on les livre fouvent à l’autre. Tant quelles ne l’ont qu’engourdies P RE' F AC R XXXIX de froid, elles peuvent vivre fans avoir befoin de man¬ ger; mais un plus grand degré de froid leur ôte la vie. Si pendant l’hiver on les tient dans un lieu trop doux, leurs provifions font trop - tôt confumées, & elles le trouvent réduites à mourir de faim. Mais l’air qui fe- roit doux pour des ruches très-peuplées, efî'trop froid pour celles qui le font peu , il les fait périr. Après avoir examiné les inconvénients de l’une & de l’autre efpéce, & comment ils fe combinent par rappoit aux differentes ruches, nous preferivons les moyens qui nous ont fem- blé les meilleurs pour conferver les abeilles pendant les rudes faifons, & qui font fondés fur des expériences qui paroiffent décifives. Des ruches très-peu peuplées, & dont toutes les mouches lcroicnt mortes avant ia hn de l’hiver, fi elles eulfent été tenues dans un jardin & même dans une chambre, ont été confervées, parce que je les ai miles chacune dans un tonneau où les unes étoient entourées de terre, & les autres de menu foin; & ce qui a le plus contribué à fauver la vie à ces abeilles tenues affés chaudement, c’eft que je leur avois ménagé une porte qui leur permettoit de fortir lorfque de beaux jours les y invitoient. Enfin, plus nous mettrons les abeilles à portée de faire de bonnes récoltes, 6c plus nous en tirerons de parti, & nous travaillerons en mê¬ me temps à leur conlèrvation. Dans plufieurs pays de plaine, dès que les bleds font enlevés, les abeilles ne trouvent plus ou prefque plus de fleurs, pendant que d’autres pays fou vent voifins, arrofés de ruifleaux 6c cou¬ verts de bois, ont en abondance des fleurs de toutes efi péces. De grands exemples nous excitent à chercher à mettre ces dernières fleurs à profit. Un ufage établi en Egypte de tout temps 6c qui y fu b lifte encore, efl de faire voyager des bateaux pleins de ruches le long des jcï PREFACE. bords du Nil. En Grèce, on tranfportoit autrefois en Attique les abeilles, lorl'qu elles n’avoient plus de Heurs en Achaïe. Un ufage fi liage a été connu dans beaucoup d’autres pays; 6c il a été renouvellé par le maître entendu d’une Blanchifferie de cire établie à quelques lieues de Petiviersen Beauce. Quand les abeilles de fix à fept cens ruches qu’il a en fa poffeffion , ne trouvent plus de quoi s’occuper utilement autour de la Blancbifîerie, il les fait tranl'porter, l'oit en Beauce, loit fur les libères de la forêt d’Orléans, l'oit en Sologne, félon que l’année a été plu- vieufe ou lèche. Avec de pareils foins on parviendra à multiplier les abeilles dans le Royaume, à leur faire faire déplus abondantes récoltes de cire 6c de miel, que nous partagerons, & aurons acquis le droit de partager avec elles. Nous finilfons par expliquer comment ces fortes de partages doivent le faire, 6c par dire quelque choie des différents miels & des différentes cires, 6c de la quantité de l’un 6c de l’autre qu’on peut attendre de chaque ruche. Indépendamment des utilités que nous retirons de ces mouches, & des utilités encore plus grandes que nous en pourrions retirer, leurs républiques font bien dignes d’oc¬ cuper un efprit philofophique ; elles lui fourniffent ma¬ tière à bien des réflexions capables de l’étonner. Une feule abeille eft lame de tout Ion peuple, elle met au jour chaque année un nombre prodigieux de mouches, qui ne femblent naître que pour la fervir, 6c pour la fervir avec line affeétion inconcevable. Quoique naturellement très- laborieufès , dès que la mereleur manque, elle ne fçavent plus ce que c’eft que de travailler. Alors fuite de faire les provifions ordinaires, elles fe laiflent périr de faim. Mais ont-elles une mere féconde, c’eft avec une aétivité fans égale quelles exercent deux arts à nous inconnus, celui de recueillir 6c préparer le miel, 6c celui de faire de la cire. PREFACE. xi; cire. Quand on étudie la manière dont elles mettent celle- ci en œuvre, quand on voit qu’elle fuppofe des connoif- fances en géométrie fupérieures à celles qu’ont eues les plus grands Géomètres de l’antiquité, l’admiration que ces mouches font naître ne s’arrête pas à elles. Si on ne veut pas les regarder comme des êtres très-intelligents, on cft forcé de reconnoitre quelles ne peuvent être l’ou¬ vrage que d’une intelligence infiniment parfaite & infini¬ ment puifiante. Bientôt l’admiration s’élève à celui qui leur a donné l’être; mais bientôt on demande pourquoi il lésa fi admirablement inftruitesî Qu’étoit-il néceffairequelles conduififfent leurs ouvrages félon les réglés de la plus fublime géométrie! On cît tenté de penfer que laSageffe par excellence, a donné trop d’attention à de fimples mouches. Ce n’cft que pour nous que nous voulons que tout ait été fait. Nous ferions pardonnables de le penfer avec un excès de compfaifance, fi nous le penfions avec afies de reconnoiflance. Mais les abeilles euffent pu nous ramaffer du miel, quand elles l’auraient logé dans des vafos plus groffiérement conftruits, dans des cellules qui il euffent point été des exagones à fond pyramidal. Nous trouverions mieux notre compte par rapport à la cire, fi les abeilles, au lieu de fçavoir l’employer en grandes géo¬ mètres, avoient fçu en ramaffer allés pour fournira conl- truire des cellules plus mafiives. Mais nous fournies bien éloignés detre à portée d’en¬ trevoir quelles perfeélions coiivcnoient à chacun des êtres qui entrent dans la composition de funivers, &. quels rapports ils dévoient avoir entr’eux. Nous n’avons aucune idée de l’immenfité de cet univers dont il nous efi ailé de reconnoitre que notre terre n’efi qu’une particule, qu’une efpéce d’atome. Cet atome fur lequel nous avons été pla¬ cés, pour avoir le rapport qu’il convenoit qu’il eût avec Tome V t f xli; ^ P RE'F A CE. la totalité de l’ouvrage, demandoit à être peuplé d’urie infinité d’animaux entre lefquelsies uns, malgré leurpe- titeffe, font cependant des mondes pour d’autres. Si l’in¬ fecte pour qui l’abeille en eft un, penle, il fe juge mieux fondé à croire les abeilles faites pour lui, que nous ne le fournies à les croire faites pour nous. S’il connoit toutes les perfections de l’être qu’il habite, pour peu qu’il foit diipofé à s’enorgueillir de fa propre excellence, combien doit-il être daté de ce qu’une créature fi merveilleufement organifée, fi laborieufe, fi induftrieufe, fi habile, & pour la confervation de laquelle les hommes prennent des foins, s’il penfe, dis-je, que l’abeille a été faite pour lui. Si l’ouvrier qui fait une montre, faifoit aufii les mé¬ taux qui y entrent, il fçauroit de quelle nécefiité il eft de combiner entr’elles certaines matières de l’union def- quelles ihréfulte un compote qui eft du cuivre ; d’en com¬ biner d’autres enfemble, ou les mêmes différemment, mais de manière que leur affemblage foit du fer ou de l’acier. L’Ouvrier de l’univers n’en a pas fimplement com¬ biné les parties, il les a faites; le plan parfait fur lequel il l’a formé, demandoit que dans cet univers il entrât une particule qui eft notre terre, que cette particule pref- qu’infiniment petite par rapport à l’immenfité du refte, fut compofée de tout ce que nous y voyons, & de beau¬ coup plus que nous n’y fçavons voir; quelle eut des minéraux, des végétaux, des animaux ; & parmi ceux- ci, quelle en eût d’auffi induftrieux que le font les abeil¬ les. En un mot, chaque eftre n’eft ce qu’il eft, que parce qu’il eft une partie néceffaire à la perfeélion de l’ouvrage total. Comment pourrions - nous avoir la plus légère idée de l’infinité & de la nécefiité de ces combinaifons, nous qui ne fçavons pas celles qui doivent entrer dans un fimple grain de terre commune! La fphere d intelligence PRE'FACE. xlii; qui nous a été accordée, ne s’étend pas au - delà de la première écorce de quelques-unes des parcelles de l’uni¬ vers. Nous avons cependant à nous reprocher, de ne pas donner alTés notre attention au petit nombre de ces efîres qui ne font pas au - delà de notre portée. Ce que nous en pouvons voir eft plus que fuffifant pour remplir la mefiire d’admiration dont nous fommes ca¬ pables. Nous ne pouvons même fuffire à admirer tou¬ tes les merveilles que nous offrent ces petits animaux, que le commun des hommes ne juge pas dignes de les regards, les infeétes. Malgré l’étendue que nous venons de donner, & que nous nous fommes crus en droit de donner à t’Hiltoire des abeilles, parce qu’elles font de ceux avec qui nous avons, pour ainfi dire, à vivre, & quelles nous font d’une grande utilité, nous avons apparemment laide ignorer un grand nombre de faits curieux qu’elles nous ont ca¬ chés. Il nous refte à parler de beaucoup de genres & d’efpéces de mouches à quatre ailes, qui, n’ayant pas trouvé de place dans ce cinquième volume, fe trouvent renvoyés au fixiéme ; entre ces mouches différentes en genres ou en efjiéces, les unes vivent en fociété, comme les abeilles, & les autres vivent foiitaires. Si parmi les unes & les autres il n’y en a pas qui s’occupent actuel¬ lement pour nous, comme le font les abeilles, il y en a au moins qui peuvent nous donner des vues pour nous faire entreprendre des ouvrages qui nous feroient utiles, qui nous enfeignent des manipulations auxquelles nous ne fçavons pas avoir recours, comme nous le fe¬ rons remarquer dans le temps. Enfin entre ces mouches, nous en trouverons qui femblent le diiputer aux abeilles en génie, en adreffe, en prévoyance, & en amour pour leur poftérité, & qui ont à nous faire voir des fingulantés, xliv PREFACE. des cfpéces de prodiges de tous autres genres que ceux que les abeilles nous ont montrés. On peut être né avec un efprit qui fçait apprécier les connoiffances, avec un efprit qui, avide d’en acquérir, voudroit être inftruit des merveilles que la nature nous offre, & manquer du temps néccffaire pour les étudier en détail dans de gros ouvrages. Ceux qui fe trouvent dans ce cas nous fçauront peut-être quelque gré de 1 e- tenduë que nous avons donnée à cette Préface. Nous les avons eu en vûe lorfque nous y avons raffemblé les principaux faits qui fe trouvent difperfés dans le Volume; nous avons cherché à les chfpenfer de le lire. Nous avons donné des cfpéces d’extraits de fes différents Mémoires, moins refferrés que ceux qui fe trouvent dans les Préfaces des Volumes précédents. S’il n’étoit queftion que de rapporter les faits qu’on a obfervés, s’il n’étoit pas néceffaire de prouver en même temps qu’on les a bien vus, & de mettre en état de les revoir, on n’auroit pas à craindre de rendre ennuyeux par leur longueur des Volumes où il ne s’agit que de matières intéreffantes par elles-mêmes. Mais on ne fatisferoit pas les efprits philo- fophiques qui fçavent ne devoir admettre que les faits dont la réalité a été prouvée incontefhbiement. L A Vignette repréfente un Appentis fous lequel /ont placées des Ruches vitrées de différentes formes. En dehors de l’Appentis, un homme couvert d’un camail tient une Ruche renverfée dans laquelle il fait tomber les Abeilles d’un eflaim qui s’étoit attaché à une branche d’arbre. La Ruche qui eft près du même homme, eft poféefur la terre, comme le fera celle dont il eft chargé, èsd qu’il aura reçu dedans les Abeilles de l’elfaim. MEMOIRES MEMOIRES * POUR SERWR A L’HISTOIRE DES INSECTES. PR E Ml ER MEMO IRE. HISTOIRE DES TIPULES. 'Histoire des Mouches appeilées Tipules, auroit été placée dans le dernier volume, s ii eut été polïible de l’y faire entrer, fans le I reifdre d’une groflèur incommode; ii finit par 53 l’hiftoire des coufins, à la fuite de laquelle celle des Tipules devoit naturellement le trouver; mais au moins cette dernière ne fera iéparée de l’autre par aucun * 1 Mémoire. Les Tipules 4 , comme nous l’avons déjà dit !t.&'pi. Tome V. . A W.Cfq * Tom. 4 A'Iein. XIII P a S‘ 575' *Pi. 2 8. «Sccjt. 2 Memoire's pour l’Histoire ailleurs *, font des mouches à deux ailes, qui, au premier coup d’œil, reffembient h fort aux cou fins, quelles parod¬ ient être de leur genre. AuiTi des auteurs d Iniloire natu¬ relle, très-célebres, & des obiervateurs attentifs, Swam- merdam, Goedaert, &c ont confondu les petites elpeces deti])iiles avec lescoufins. Mais quand on ne s’arrête pas aux premières apparences, on reconnoît ailêment quelles font d’une dalle differente de celle des autres. Ceux-ci font de la première claffe générale des mouches à deux ailes ; ils font pourvus d’une trompe qui n’eft point accompagnée de dents, mais qui eft munie de plufieurs aiguillons, avec lefquels ils fçavent j)ercer notre chair, & tirer le fang de nos vaiffeauxr^iu lieu que les tipules font de la fécondé cJaff®générale des mouches à deux ailes : la nature ne leur a point accordé de trompe, elle ne leur fig. a donné qu’une bouche *, qui même n’a pas de dents. Auffi les tipules ne cherchent point à nous faire du mal > & ne font pas en état de nous en faire. Il eft heureux que nous n’ayons rien à craindre de ces mouches, car aux environs de Paris, le nombre de leurs efpeces furpaffe beaucoup celui des efpcces de coufîns. Communément elles font auffi fécondes, Si quelques- unes font confidérablement plus grandes que les elpeces de ceux-ci. Mais les tipules &les confins le reffembient. par la forme du corps; celui desunes, comme celui des autres, eh allongé; les unes & les autres font de la fécondé des claffes fubordonnées aux claffes générales. Ces inlcéfes fe reffembient encore parla grandeur de leurs jambes, par la maniéré de les pofer, par la figure de» ailes. & par la forme du corcelet. Tous les confins que je connois, ont été dans leur premier état, des vers aquatiques, Si ils n’ont quitté l’eau que lorlqu’ils font devenus ailés. Des tipules de bien des des Insectes. I . Mem. 3 cfpeces différentes, ont pris auffilcur accroiffemcnt dans les eaux, fous iaformede vers; mais des tipulesde beaucoup d’autres efpeces, ont été des vers qui fe font nourris fous terre, ou for des plantes. Nous commencerons par faire connoître quelques efpeces de ceux qui ont été des vers terreftres, & nous finirons par en faire connoître des efpeces de ceux qui ont été des vers aquatiques. Nous n’avons garde au ré fie de nous propofer de décrire exacte¬ ment toutes les efpeces de ces infectes qui naiffent fur terre, & toutes celles qui liai fient dans l’eau ; nous croyons qu’011 aimera mieux que nous nous bornions à parler de celles qui fe prefentent le plus fouvent à nos yeux, & de celles qui offrent quelque particularité remarquable. Nous venons de dire que les tipules différent des con¬ fins, en ce quelles n’ont point de trompe, & eiles diffé¬ rent des autres mouches de leur propre claffe, en ce qu’elles ont la figure des coufins; elles en différent encore par la conformation de leur bouche, & parles accompa- gnemens. La fente qui en fTit l’ouverture extérieure*, efi * ' 2. %. dirigée de devant en arriére; elle n’a point une levre an- 9- ^ : " térieure &fupérieure,& une poftérieure Sc inférieure. Ses Ievres font latérales*, elles jouent en quelque forte comme * i t j les deux mâchoires ou dents des chenilles; elles font arti¬ culées au bout de la telle. Quand on preffe le corcelet , on oblige la bouche à s’ouvrir; & on voit bientôt les deux ievres qui s’écartent l’une de l’autre, & qui laiffent apper- cevoir des cliairs entre lefquelles il n’y a qu’une fente. En augmentant la prefïion, on contraint ces dernières chairs à s’écarter les unes des autres, comme on y avoit contraint les premières. 11 femble que cette bouche ait deux Ievres de chaque côté, une levre extérieure & une levre intérieure ; on ne fçait pas même fi on ne lui en doit pas croire davantage, ou fi les plis & replis des chairs » PI. 2. %. 8 . * Fig. 8. & 9. bd. * Figure 8. * PI- 3-fig. .ï. & z. A. MEMOIRES POUR L’HISTOIRE ne font pas de chaque côté plus que l’équivalent de deux levres. Les extérieures font comme cartilagineufes, & garnies de poils courts &fins, mais les intérieures font Amplement charnues. La tête de la tipule* efi un peu allongée, on peut la mettre au rang des têtes en demi- trompe: c’eft à l'on bout que font articulées les deux levres extérieures & toutes les parties-qui compofent la bouche, que nous conhdérons. Du defiùs & dé chaque côté part un barbillon*, qui, comme une antenne , a piuficurs arti¬ culations. Dans les temps ordinaires, ces deux barbillons s’appliquent l’un contre l’autre, & fe recourbent pour pafier fur la bouche, & pour fe plier enfuite en -dclfous de la tête, où ils vont allés loin *. Ils femblent faits pour couvrir la fente de la bouche. Les elpeces de tipules que j’ai examinées, ne m’ont fait voir que ces deux barbillons, & me les ont fait voir placés de la même manière. Si leur nombre fe trouve confiamment fixé à deux, & que leur pohtion foit confiante, on aura un caraélere commode pour difiingucr ces fortes débouches des autres mouches qui, comme elles, ont une bouche fans dents. Les mou¬ ches qui auront beaucoup de relfemblance avec les tipules, mais à qui les deux barbillons manqueront, ou qui les auront autrement placés, pourront être miles dans un genre particulier, qui fera celui des Protijmles. Peut-être pourtant aimera-t-on mieux confcrver ce nom pour les mouches femblables d’ailleurs aux tipules, mais qui auront plus de deux barbillons. C’efi dans les prairies qu’on voit plus communément les grandes elpeces de tipules *, celles qui n’ont point été confondues avec les cou fins, & qui dans la plû- part des campagnes , ont leur nom particulier. Goedaert les a nommées des Tailleurs ,& Leeuwenhoek leur donne le même nom. Entre celles-ci, on en trouve qui depuis le des Insectes. I. Aîem. ? tout antérieur de la tête jufqu a leur extrémité poftérieure, ont dix-neuf à vingt lignes de longueur, ce qui fait de longs infeéles. Mais leur corps efî délié; où il a le plus de diamètre, à peine en a-t-il une ligne Si demie; il eft compofé de neuf anneaux. Le corps du male efl plus court que celui de la femelie, Si plus gros à fon bout que par-tout ailleurs; ce bout * eft ordinairement relevé en deffus, au lieu que le corps de la femelle le termine par une pointe fine dirigée * félon la longueur du corps. Cette pointe, que nousferons bien-tôt obligés de décrire plus exactement, effc compoféede plufieurs pièces comme écailleufes, qui partent du dernier anneau. Dès le commencement du printemps jufqu a celui cfe l’hiver, les tipules paroiflent dans les prairies; mais la fin de Septembre Si le commencement d’Oélobre, font les temps où elles y font le plus communes: certaines prairies font li peuplées alors de celles de la plus grande des elpe- ces, qu’on n’y peut faire un pas fins déterminer plufieurs de ces mouches à s’élever en l’air. Quoiqu’elles prennent quelquefois un allés grand vol, lorfque le Soleil ell brillant Si chaud, ordinairement elles vont peu loin ; fouvent même elles ne volent que terre à terre, ou plûtôt qu’à la furfice des herbes. Dans certains temps elles nefe fervent de leurs ailes, que comme les autruches fe fervent des leurs, pour s’aider à marcher, & réciproquement leurs jambes les aident à voler; elles s’en fervent pour foûtenir un peu leur corps à fleur des herbes, & pour le pouffer en avant. Ces jambes, fur-tout les poftérieurcs, font dé- méfurément grandes, elles ont plus de trois fois la lon¬ gueur du corps; elles font pour ces infeéles ce que font des échalfes pour les paylans des pays marécageux & inondés, elles les mettent en état de paffer alfés commo¬ dément fur des herbes élevées, A iij * PI. 3 . fig. I. q. * Fig. z.p. r, * FI. S. & g 6 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE La couleur de cette grande efpcce detipules n’a rien d’agréable; celledu corps eft un gris blancheâtre;le corcelet de même couleur par-deftus, y eftondé, & en deffous eft d’une nuance })lus claire; il s’élève d’une manière qui fait paroître l’infeéTe boftu. La tête qui tient au corcelet par une efpece de col très-court, eft petite, & couverte en 2 . %. grande partie par deux grands yeux à rezeau * d’un verd changeant, dans lequel on apperçoit du pourpre mêlé, lorfqu’on les regarde en certains fens. J’ai inutile¬ ment chéri hé des yeux liftes fur cette tête, car je ne cross pas qu’on doive prendre pour de pareils yeux, un petit tubercule que la loupe fait découvrir à l’origine de cha¬ que antenne, parce qu’il n’a pas le fuifant ordinaire aux yeux liftés. On feroit plus tenté de prendre pour deux yeux de cette elpece, deux petits grains arrondis d’un brun prefquc noir, mais très-brillant, que la loupe fait découvrir; il y en a un à chaque côté de fa partie anté¬ rieure du corcelet; ce feraient à la vérité des yeux placés bien finguiiéremcnt; mais d’autres infcéles, les faucheurs, par exemple, en ont qui nous doivent fcmbler l’être aufii bizarrement. Les ailes, malgré leur tranfparence, laiftênt appercevoir une teinte de brun, qui, tout autour de leur bord & fur les grofles nervures, eft plus forte qu’ailicurs : ces ailes font allez étroites par rapport à la grandeur de l’infede. Quoiqu’il les tienne quelquefois fur fon corps, il lui eft très-ordinaire de les en tenir écartées, & dans une poli- tion oblique, & telle que les plans prolongés des deux ailes fe rencontreraient à peu-près fur celui où les jambes font pofccs. Le microfcope n’y fait point découvrir de ces écailles qui ornent le deftus des ailes des coufns, & qui font une jolie frange à leur côté intérieur. 11 y a pour¬ tant d’autres efpeces de tipules auxquelles je crois avoir * PI. 2. fig, 8 . m. * Fig. 8. S. *7 V des Insectes. I . Mem . y trouvé des franges; mais je ne me fouviens pas d’en avoir vu qui eufient des écailles, loit lur le corps, foit fur le corcelet. La grande efpece que nous nous fommes fixés à décrire, a feulement fur le corcelet & fur les anneaux du corps, des poils fins, une forte de duvet qu’on n’ap- perçoit qu’à la loupe. A l’origine de chaque aile on ne trouve aucun veflige de ces coquilles ou ailerons, qui ont eflé accordés à tant d’autres mouches à deux ailes. Mais nos tipuies font pourvues de balanciers * ou maillets, qui n’en font que plus ailés à voir; d’ailleurs la longueur de leur tige aide à les mettre en vûe: chacun d’eux efl: pôle au-deiTus d’un très-grand fiigmate*, vers la partie poflérieure du corcelet. Les deux fiigmates antérieurs * iont moins aifés à appercevoir, on les trouve pourtant allés facilement quand on fçait que chacun d’eux efl placé au-deflus de l’origine d’une des jambes de la pre¬ mière paire, & qu’il s’étend jufqu’auprès de l’origine de la jambe fuivante. Les fiigmates des anneaux du corps doivent être extrêmement petits, car je les ai cherchés avec une aifés forte loupe, fans avoir pu les découvrir. Chaque anneau du corps efl à peu-près cylindrique, & fait de deux tuyaux prefque égaux, qui n’ont guéres qu’une conlifiance membraneufe : le tuyau fuperieur efi joint de chaque côté à l’inférieur, par des peaux blanches, &plus flexibles que le refie, qui feplilfent lorfque les deux tuyaux fe touchent, & qui fie déplilfent lorfque les deux tuyaux s’écartent l’un de l’autre. J’ai cherché les fiigmates dont je viens de parler fur ces peaux, fans les y trouver. Les tipuies de nofire grande efpece portent deux antennes*, qui n’ont rien de remarquable que quatre à * F; g . 8 & cinq grands poils*qui font verticiilés à l’origine de cha- 9- a > a - que articulation; le refie eft couvert de poils très-courts. * Fl ?‘ ‘ 5 ’ Les antennes du mâle n’ont rien de plus que celles de la p, p. &c. » PI. S . 2. £ 1. t. S MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRË femelle. Mais nous parlerons de quelques autres elpeces de tipules, dont les mâles ont des antennes qui peuvent le dis¬ puter aux plus belles de celles qui parent d’autres infeéfes. Les tipules de la plupart des petites efpeces font plus agiles que celles des grandes elpeces que nous examinons : non-feulement elles volent plus volontiers, il y en a qui fe tiennent prefque continuellement en l’air. Dans toutes les faifons, fans en excepter celle où le froid fe fait le plus fentir, on voit dans l’air à certaines heures du jour, des nuées de petits moucherons que l’on prend pour des con¬ fins, 6c ce font ordinairement des nuées de tipules. Rien n’eft plus ordinaire que de voir de ces nuées en plein midi, dans les jours de printemps, 6c même dans ceux d hiver où le Soleil brille. Les tipules qui les compofent, ont une façon de voler qui mérite d être remarquée : chacune de ces pe¬ tites mouches ne fait continuellement que monter 6c des¬ cendre, éc cela fui vaut la meme ligne verticale, ou à peu- près, comme monterait ôcdefCéndroit alternativement une boule d’ivoire qui tomberoit fur une enclume; avec cette différence que la mouche remonte jufqu’au point, & même par-delà le point d’où elle étoit delcenduc, & continue long temps un pareil jeu. Pour prendre ces mouches dès leur origine, toutes i.fi?. ont été des vers fans jambes, à tète de figure confiante *. 3* & Ceux qui par la fuite fe transforment en grandes tipules grifes, 6c en celles de plufieurs autres elpeces de gran¬ deur médiocre, fe tiennent cachés fous terre. Ils font d’un blanc très -file, ou plutôt grisâtre; leur figure cft cylindrique, à cela près que leurs deux bouts ont moins de diamètre que ce qui les précédé. Leur tête cfi ccailleufe, 6c a peu de volume: finie été n’en montre ordinairement qu’une portion, 6c quand on le prend à la main, il la retire toute fous le premier anneau. Lorfque après des Insectes. 7. Mem . 9 après l’avoir forcé par la preffion, Je la montrer, on la confidére en-deflbus * avec une loupe forte, on dé- *PI.r.fig.*. couvre deux crochets*, dont un part d’un côté, & l’autre * c, c. de l’autre; quoiqu’ils fe touchent mutuellement par leur pointe, ils ne femblent pas faits pour agir l’un contre l’autre ; ils le feraient plutôt pour agir contre deux pièces *, placées fur une meme ligne au-defious d’eux. * l > ?■ Les pièces que nous voulons faire connoître, font fixes & écailleufes, leur furface extérieure cfl convexe, & l’in¬ térieure efl concave. Leur bord fupérieur cfl dentelé; il femble que chaque crochet foit fait pour preffer contre une fuite de dents, les matières qui doivent être coupées & broyées; que cette fuite de dents foit une mâchoire fixe. Si que le crochet foit uncefpece de mâchoire mobile. La tête a en-defTu sdeux efpeces de cornes charnues*. *Fig. 5. a,a, Il y a apparence que ces vers ont fur leurs anneaux des fligmates qui m’ont échappé par leur petiteffe; mais ils en ont deux poftérieurs très-aifés à trouver ; le ver les cache pourtant quand il veut. Ils font au bout de l'on dernier anneau *, qui, comme le dernier anneau des vers * Fig que nous avons nommés à derrière rayonnant, a fix * r> r , r, r, rayons ou fix angles charnus*;deux de ces rayons* font c > c • plus courts que les autres. D’ailleurs les rayons font plus ' c> c ' ou moins allongés dans des vers qui donnent des tipules de différentes efpeces. Quand le ver veut, il applique les rayons les uns fur les autres*; & de plus, il fait rentrer en *Eîg. z.p. partie dans fon corps, l’anneau dont ils partent; mais en prelfant fon bout poflérieur, on oblige cet anneau à fe montrer, Si fes rayons à s’étendre. C’cfl alors qu on diflingue très-bien fur le plan du bout poffericur, deux taches brunes & circulaires. Si on les examine à la loupe, on voit que chaque tache eft formée d’une plaque un peu concave *, à quelque diflance de la circonférence * Fig. 9./;/ Tome V . B * PI. I. fig. 9. m. '♦Fig 10 .us, us. */■ * Fig. 10. I, b. * m ss. * t. * Fig. 6. * Tom. 4. Man. xii. f a S- ï'ÿ- 3,1 Fig. 7. a. 10 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tic laquelle eft une autre plaque * qui a quelque convexité, & dont le centre répond à celui de la plus grande plaque. En un mot, fa ftruéture eft femblable à celle des ftig- mates poftérieurs de plufieurs elpeces tic vers. Enfin, fi on dilféque le ver, on lui trouve deux trachées très-remar¬ quables, une de chaque côté*, qui tend en ligne droite, vers la tache ou le ftigmate qui eft du même côté * : elle femble pourtant fe terminer un peu avant que de l’avoir atteint ; mais où elle paroît fe terminer, elle fe divife en un très-grand nombre de branches *, qui toutes fe dirigent vers la plaque circulaire * du ftigmate: cette plaque eft fa bafe du cône-formé par toutes ces branches. Elles font deftinées à recevoir l’air, & à le portera la grande trachée* d’où elles partent: je dis à le porter, car j’ai conjeéturé 11 y a long-temps, que c’étoit leur fcul ufage; que l’air avoit d’autres ouvertures pour fortir du corps de l’infecte, & que ces ouvertures, ou partie de ces ouvertures , étoient même placées à fon bout poftérieur. Là font quatre ta¬ ches circulaires *, brunes comme les ftigmates, mais beaucoup plus petites. Ayant tenu fous l’eau la partie poftérieure du ver, j’ai vu fortir des bulles d’air de ces quatre petites taches, & je n’en ai vû fortir aucune des grandes taches ou ftigmates. Ce que j’ai rapporté ailleurs* de l’ufage qu’ont huit petits trous rangés comme ceux d’une flûte, fur le derrière des vers des tumeurs des bêtes à cornes, confirme fort l’idée que nous avons prife de l’uftge des quatre petits trous du bout poftérieur des vers tipules. Du côté du ventre, & tout près du bout poftérieur, eft l’ouverture * par laquelle le ver fait fortir l'es excrémens ; pour les rejetter, il fiit paroître au jour une portion du reélum, longue de ‘plus d’une ligne, & d’autres parties charnues. des Insectes. /. Mem. 11 Ces vers fe tiennent fous terre; & toute terre qui n’cft pas fujette à être trop fréquemment remuée, leur cfl bonne; on les trouve fur-tout dans celle des prairies baffes & humides, & il ne faut pas fouiller profondément pour les y trouver; fouvent ils ne font pas éloignés d’un pouce ou deux de fa fur face. Je connois dans le Poitou de grands cantons de marais defféchés, qui en certaines an¬ nées, n’ont pas fourni l'herbe néceflaire pour nourrir les beftiaux, à caufe du défordre que ces vers y avoient caufé; dans les mêmes cantons, & dans les mêmes années, ils ont fait beaucoup de tort à la récolte des bleds. Ces vers qui ha¬ bitent fous terre, ne fçauroient pourtant manger les parties des plantes qui s’élèvent au-deffus de fa furface; & ce qui cil plus remarquable, ils ne font pas faits pour vivre de racines. Pour tout aliment, il ne faut que de la terre, & la meilleure pour eux eft celle qui n’eft encore qu’un terreau. La terre des marais dont je viens de parler, eft très noire, elle n’cft prefque que du terreau, & c’eft fans doute une des raifons pour laquelle nos vers tipules s’y multiplient davantage que dans d’autres pays. Les nacres mouches connoiffent la terre à laquelle elles doivent, par préférence, confier leurs oeufs, celle qui fournira une bonne nourriture aux petits qui en doivent éclorre. Mais comment ces vers qui n’en veulent point aux racines des plantes, font-ils donc tant mal aux prés & aux bleds ! M. Baron Médecin de Luçon, en m’informant dans une de les lettres, des dé- fordres faits par ces vers, & dont il avoit été témoin, m’en indiquoit la véritable caufe, ce me fcmble. Ces vers ne fe tiennent pas tranquilles, ils changent de place, ils la¬ bourent la terre qui eft auprès des racines; iis détachent celles-ci, lesfoûîevent, & les expofent trop à eftre deffé- chées, lorfque le Soleil devient ardent. Peut - être au (fi qu’ils en coupent plu fie urs pour fe faire des chemins. B ij J2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Au relie, il n y a aucun lieu de douter que la terre ne foit la vraye nourriture de ces vers. Les excrémens même qu’ils jettent, le prouvent; ils font encore de véritable terre, dont l’eftomach & les inteftins de finfeéle ont Içû tirer cequ’ellecontenoit de fucs nourriciers. J’ai examiné pendant l’hiver la terre qui remplifloit desvafes dont toutes les plantes avoient été arrachées dès l’été précédent ; & j’ai vu quelquefois qu’elle étoit remplie de vers tipulcs, qui ont achevé de prendre leur accroiflement au milieu de cette terre, à laquelle il ne pouvoit relier que des frag- mens de racines pourries. J’ai quelquefois trouvé de ces vers dans des terres qui m’auroient femblé trop fablon- neufes pour eux, telle que celle tlu bois de Boulogne: mais quoique la terre qu’ils aiment le mieux foit celle qui tient du terreau, ils peuvent vivre d’une terre plus maigre. Il elt alfés ordinaire aux vieux arbres de différentes efpeces, d’avoir des cavités dans des endroits où leur bois a été attaqué par la pourriture. Lorfque ces creux font anciens, leur fond elt fouvent couvert d’un terreau qui Teffemble à celui qui vient du fumier le mieux confumé. Les tipulesde différentes efpeces vont volontiers faire leurs œufs dans les creux d’arbres pleins en partie d’un pareil terreau. Depuis plufieurs années je fuis lùr de trouver, quand je veux, dans les failons convenables, tics vers ds tipulcs dans des creux de quelques ormes de mon jardin de Charenton. J’ai.trouvé de même de ces fortes de vers dans des creux de failles où l’eau pouvoit être retenue; mais je n’en ai point trouve dans leslaulestlontle centre de la tige étoit pourri depuis le haut julqu’aux racines; i’eauyavoit un écoulement trop libre; la matière propre à nourrir les vers, ne pouvoit conferver le degré d’humidité qu’ils lui veulent. Les troncs des arbres d’une même efpece, Ÿn’ont fourni des vers de plufieurs eipeces différentes de des Insectes. ï. Mem . *3 ceux qui Te transforment dans les plus grandes tipules grifes, & de ceux qui fe transforment en tipules grilès de médiocre grandeur. J’ai eu une efpece de celles-ci * qui * PI. 4.%* m’eft venue de ces vers de troncs d’arbres, dont chaque aile, 1 • & 2 ' a trois à quatre taches brunes qui ne fe trouvent point fur les ailes de beaucoup d’autres tipules, & dont les mâles ont de jolies antennes à barbe de plume. D’autres vers des creux des troncs d’ormes Si de failles, fe font transformes dans les poudriers où je les ai renfer¬ més , en une efpece de tipules * qui mérite que nous nous * pj. arrêtions un inftant à la faire connoître; elle eft un peu > 4 - ‘S* & moins longue que la grande efpece grilè; mais fes fémelles font plus groffes que celles de l’autre efpece. La forme de leur corps * approche de celle du corps allongé de cer- * F«g* *4* taines guêpes, & on fe prête d’autant plus volontiers à cette reffemblance, qu’on-y trouve au/fi celle des couleurs,. Leur corps eft ceint alternativement de bandes noires Si de Landes d’un beau jaune qui tient de l’aurore. Le defiùs du corcelet eft noir, fes côtés & fon deftous font jaunes; les jambes le font auiïî; la tête eft noire; chaque aile a une teinte jaune fur fa moitié extérieure, & près de fon bout une tache brune. Nous avons déjà fait reprefenter en grand* une antenne du mâle d’une de ces tipules, qui * T>m, 4a, eft une belle antenne à barbes. Si nous voulions parcourir toutes les efpeces de tipules, nous en pourrions trouver qui nous offriraient beaucoup d’autres variétés de couleurs, quoique les efpeces les plus communes, & dont le nombre eft le plus grand, loient brunes ou grifâtres. J’ai, par exemple, pris à JReaumur, •vers la fin de Septembre , beaucoup de tipules d’une très-petite efpece, dont les ailes font blanches, & qui le parodient fur-tout lorfqu’elles font po/ées fur le corps. Ce corps, depuis fon origine jufqu’aux deux tiers de ft. B iij 5 4- MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE longueur, eft d’un verd c|ui a moins de jaunâtre que le citron, & le relie crt d’un brun prefque noir. La tête de cette petite tipule, comme celle de quelques autres, dont nous parlerons dans la fuite, a deux antennes fi bien fournies de barbes, & de barbes fi longues, que celles d’unetles antennes rencontrent celles de l’autre, & les croifent même. Ces-deux antennes ne font enfemble qu’une marte, qu’une efpece de gros bonnet de plume, fi peu proportionné à lapetiterte de la tête, qu’ellefem- ble à peine le pouvoir porter. Je ne connois pas le ver de cette tipule, j’ignore s’il ert tcrreflre ou aquatique, j’ai trouvé auffià Rcaumur, le longdcs allées,foitdechênes, foit de charmille,un grand nombre de tipules aurti petites que les précédentes, qui font toutes blanches. Nous n’avons pas befoin de dire que ces infeétes ne pall'ent pas immédiatement de l’état de ver à celui de mouches, qu’il y a pour eux un état moyen. Les vers de tipules, pour parvenir à cet état moyen, fe défont de leur peau comme les chenilles fe défont de la leur pour de¬ venir crilàlidcs. L’infecte tipule, après fa transformation, pourrait aurti être appellé une crilàlide; nous le nomme¬ rons pourtant une nymphe, parce que les parties exté¬ rieures de la mouche y font plus aifées à reconnoître qu’elles ne le font dans les crifalidesordinaires; elles y font néantmoins moins dirtinétes quelles ne le font dans les nymphes de plufieurs autres infectes. Nous ne parlons * PI. 2.%. actuellement que des nymphes* de ces vers tipules, qui 1.2.&3. v j vent c { c terre OL1 j e terreau. Leur couleur clt grilàtre; c’cft à l’ordinaire en-dertous, du coté du ventre, que les ailes & les antennes font ramenées, & que les jambes font * Fî». i. & 3. pofées& arrangées près & àcôté les unes des autres*. Ces jambes, fur quelques nymphes, tic vont pas jufqua la moitié du corps, & ne vont guércs par-delà la moitié des Insectes. /. Mem . 15 de celui des nymphes, où elles vont le plus loin. Cepen¬ dant les jambes des tipules devenues ailées, font plus longues proportionnellement à la longueur du corps, que 11e le font celles de beaucoup d’autres mouches, qui, lorsqu'elles étoient en nymphes, avoient des jambes dont le bout atteignoit le derrière. Mais l’Auteur de tant de petits êtres animés, a jugé convenable de replier davantage les jambes des nymphes tipules. Chaque jam¬ be*, après effie defcenduc allez bas, fe plie dans une * Pi. 2 .f& de lès articulations, elie remonte enfuite pour fe rendre 7 ‘ près de la tête; Là elle le plie une fécondé fois dans une autre articulation pour redefeendre. Si on étend la jambe qui ctoit ainli pliée, on ne lui trouvera pas encore à beaucoup près, la longueur qu’elle aura après la dernière transformation ; c’elt que chaque jambe eft piiffée dans l’étui qui la contient. De la partie lùpérieure & antérieure de la nymphe, partent deux eljjeces de cornes* plus longues fur les *p;g. 3 .e,a, nymphes de certaines efpeces, que fur celles de quelques autres; elles font de même couleur & confiftance que le refte de l’enveloppe extérieure, mais elles ne fervent à couvrir aucune des parties propres à la mouche. Elles font uniquement des parties de la nymphe, & des parties dont i’ufage ne fera pas difficile à deviner, fi on fe rappelle ce que nous avons dit ailleurs * des coques dans lefquelles * Tome-4* font renfermées les nymphes des vers à queue de rat, & A7c " des coques dans lefquelles font renfermées les nymphes des vers des oignons de Narciffe*. Nous avons vû que les * Tome 4, premières de ces coques ont quatre cornes, & que les autres eji ont feulement deux, & nous avons prouvé qu’elles font des tuyaux qui portent l’air aux ffigmates dit corcelet de la mouche en nymphe. L’analogie veut que nous jugions que les cornes de nos nymphes de tipules* cm. X 1* P a ë- 4S 6 - î6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ont un femblable ulàge; clics font, comme les autres» pofées fur le corceiet. L’ouverture qui eft à leur bout*, cil pourtant peu fènfible; à peine le microfcope y fait-il découvrir une fente. Mais une ouverture bien petite» peut fuffîre à fournir d’air un infeéle. Ces cornes font fillonnées tranlverlàlement, elles paroiffent faites d’anneaux pôles les uns fur les autres. Le corps du ver étoit lifte, au lieu que celui de la nymphe ell tout hériffé de tubérofttés, & de véritables picquans*. Il y en a fur tous les anneaux, mais les poflé- rieurs en font les mieux fournis. Il y en a plus aulfi du côté du dos que du côté du ventre : à quoi fur-tout on doit faire attention, c’efl que tous ces picquans font in¬ clinés vers le derrière; les uns font fimples, les autres font fourchus, ou difpofés en fourche. La nymphe n’a point de jambes dont elle puiffe faire ufage, il vient cependant un temps où elle a befoin d’aller en avant; c’efl alors que les picquans dont nous venons de parler, lui fervent. Le ver s’ell transformé en nymphe fous terre, fi la nymphe s’y transformoit en mouche, outre que les parties de la mouche auraient peine à s’y affermir, c’cft qu’elle ne ferait pas en état de percer ni de foulever la terre. La nymphe dont la métamorphofe ell prochaine, fe pouffe fur lès picquans.pour s’élever peu-à-peu jufqu’à la furface, & un peu au-deffus de la lùrface de la terre, c’eft-à-dire, jufqu’à ce que fon corceiet en foit dehors. Il fe fait une fente à ce corceiet, par laquelle fort celui de la îipule, qui tire fucceffiventent toutes fes parties de leur fourreau, & qui laiffe fa dépouille dans le trou où elle cfl engagée en partie. Il eft ailé de s’affili er que les nymphes peuvent faire ulàge de leurs picquans pour marcher : fi on pofefur une table des nymphes, fur-tout de celles qui l'ont prêtes à fe transformer, on les y voit fe traîner, ou plutôt des Insectes. /. Mem. 17 plûtôt fe pouffer en avant,y faire du chemin; on ne les voit point aller en arriére; la direction de leurs picquans, loin de leur aider, leur nuiroit, fi elles vouloient cheminer en ce dernier fens. Des efpeces de tipules grifes, & les tipuies jaunes St noires, dont j’ai parléci-deffus, n’ont pa£u chésmoi avec leurs ailes, que vers le commencement del’été, vers la mi- Juin, dans de grands poudriers où je les avois renfermées avecde la terre, fous la forme de ver, dès la fin de l’automne de l’année précédente. La terre n’eft plus pour elles un aliment convenable, quand elles font devenues mou¬ ches: fans pourtant avoir pû voler fur les plantes propres à leur fournir des lues quelles puiffent digérer, les tipules jaunes & noires comme les guêpes *, cherchent à s’accou- * PI- » • Fg» pler; le mâle ardent s’uniffoità une femelle dans le pou- ’ 6 ' drier* & ils voloicnt enfemble dans une prifon fi étroite, *Fig. 15. fans fe féparer. Nous avons déjà dit que le mâle a le bout du derrière plus gros qu’aucun autre endroit du corps. C’efl- làauffi que font raffemblées les parties néceffaires pourfàifir le derrière de la femelle. Cette dernière, pour fe prêter aux careffes du mâle, recourbe fon derrière en haut, St alors, malgré la pointe par laquelle il fe termine, le mâle qui eft au-deffus d’dle, Si qui a contourné fon corps *, * Fig- ij-/?* peut accrocher en-deffous le dernier anneau de la femelle. L’accouplement a quelquefois duré dans mes poudriers pendant près de vingt-quatre heures de fuite, où s’il a été interrompu, ce n’étoit que pour quelques infants; le mâle le rejoignoit bientôt à la femelle, dont il s’étoit féparé. Pour voir les parties dont le derrière du mâle a été pourvu, on preffera entre deux doigts le dernier anneau, pendant qu’on confidérerafon bout au travers d’une loupe. Dè; que la preffion a un peu agi, le bout s’entrouvre. Tome K . C » \ * * PI. 3 * fig- 7> 8 & 9 • 4 C» e,d. * /. * c. * t. *d. * PI. 3. fig. 7. m. * h, h. 18 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE & des parties qui étoient appliquées les unes contre les autres, s’écartent les unes des autres. On en remarque alors quatre de chaque côté *, qui partent d’une tige com¬ mune, ou au moins du même endroit, & qui compofent de chaque côté une efpeee de bouquet. Une de ces pièces, l’extérieure *, ed grife, & ne femble que membra- neufe, elle ed concave, & fait la moitié d’une efpeee de boîte deftinée à renfermer le refte. Des trois autres pièces, l’une * cd un afles long crochet écailleux, délié & terminé par une pointe d’un brun-clair; ce qui précédé cette pointe ed pl us blancheâtre. La troifiéme Si la quatrième pièce font en entier écailleufes S< de couleur d’ambre. La troifiéme * s’élargit, à mefure quelle s’éloigne de Ion origine, elle fe termine par une tête platte qui excede beaucoup di tige. Enfin, la quatrième* & dernière pièce, ed une lame faite en croiflant. Toutes ces pièces enfemble mettent le mâle en état de bien tenir le derrière de la femelle. Du milieu de l’efpace qui ed entre les deux efpcces de bouquets formés par les quatre pièces que nous venons de décrire; du milieu de cet efpace, dis-je, s’élève un petit corps * à peu-près cylindrique, de couleur d’ambre, & écailleux, qu’on ne peut prendre que pour la partie qui caraélérife le mâle, ou pour l’étui de cette partie. La predion oblige un fil très-délié , auifi déliéprefque qu’un fil de foye d’araignée ou de ver a foye , à fortir par ion bout qui ed taillé en bec déplumé: celui que j’ai fait paraître avoit quelquefois plus d’un pouce de longueur. Ce que nous avons dit ailleurs, en parlant de l’accouplement des papillons, peut faire foupçonner que ce fil ed la matière propre à féconder les œufs. Près de la baie de la partie du male, s’élèvent deux petits mammelons cylindriques; un peu plus loin, près du ventre, on peut obfcrvcr deux houppes de poils roux. * des Insectes, I . Mm. 19 Nous avons déjà dit que !e derrière de la femelle * lé * PI - 3 - fi 5 - termine en pointe; cette pointe eflrformée par la réunion de quatre pièces écailleules qui compolent deux efjreces de pinces * d’inégale longueur; deux pièces égales appii- *Fig. 3 ./ar¬ quées l’une contre l’autre, & dont chacune lé termine par une longue pointe, compofent la pince fupérieure *, ou *Fig.4./>,p. celle qui eftdu côté du dos ;& deux pinces plus courtes *, * r,r. dont les pointes font plus moufles, & qui lé terminent à peu-prés à la moitié de la longueur de la pince fupérieure, forment la pince inférieure ou celle qui eil du côté du ventre. C’efl dans la fente, qui eft à l’origine de cette dernière, où je crois que le mâle infère la petite partie cylindrique, de laquelle fort une cfpéce de hl. Pour connoître les ulâges auxquels font deflinées les pinces dont nous venons de parler, il faut avoir obfervé une tipule femelle dans le temps où elle fait les œufs; j’en ai vu, & avecplaifir, dans cette opération , lôit dans des prairies, foit dans des plattes-bandes de jardin. L’atti¬ tude dans laquelle elle eft alors, ne fçauroit manquer de paroître linguliére ; elle ne tient plus fon corps parallèle au plan fur lequel elle eft pofée, qui eft la Situation ordi- naiie du corps de tous les infectes, & de celui de tous les quadrupèdes, & même de celui de tous les animaux, li on en excepte l’homme. Alors, dis-je, elle fe tient droite *, * Fi s- 1 °* & marche même de temps en temps fans faire fortir fou corps de la direction verticale. Sa partie postérieure, la plus longue de les pinces, lui fert comme d’une cinquième jambe, ou au moins comme d’un point d’appui qui aide aux deux jambes poftérieures à la lôûtenir. Ces deux der¬ nières jambes font les feules quipofent alors à terre, elles font placées par de-là le dos affés en arriére; la queue en longue pince contribue d’autant mieux àfoutenir la tipu- ie,que la tipuie l’enfonce en terre, & quelle a befoin de C ij * PI. 3. fi: ♦Fig. 4. m, m, m . 32 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE dont ie contoureft borde de poils en crochets. Le milieu de ce bout a un petit enfoncement, d’où partent aufîi quelques poils. J’ai vu quelquefois l’infeefte fe tirer en avant fur ces deux efpéces de bras, ou, fi l’on veut, fur ces deux efpéces de jambes de figure particulière. Depuis les deux bras jufqu’au pénultième anneau, le ver n’a aucune partie extérieure propre à s’attirer notre attention; mais fur les côtés & vers le ventre, deux longs cordons charnus partent du milieu du pénultième anneau, & deux autres cordons pareils & femblablement polés, partent de la jomffion de l’anneau précèdent avec ie der¬ nier. Ces quatre cordons * ont une forte de refiemblance avec ceux des poifions appcllés polypes, quoiqu’ils foient tout autrement placés, & ils m’ont déterminé à donner à ces vers le nom de Vers polypes. Lorfque nous avons rangé lesversen clafies dans le quatrième volume, nous avons fait repréfenter pl. 14. fig. 1 2. un de ces vers très en grand, avec les cordons ondés & entrelacés enfemble, comme ils le font ordinairement. Ces cordons font ronds, & ont par-tout un diamètre à peu-près égal, leur bout feulement eft un peu plus menu que ce qui précédé. Au relie, ils font très-flexibles, & l’infeéle peut les plier & les con¬ tourner. Un de leurs ufages eft de retenir le corps dans le tuyau de terre, & de le fixer par un bout dans des temps où il doit s’agiter en différents fens, fans que le derrière s’éloigne d’un point fixe. L’ouverture par laquelle le ver rejette fes excrémens, & par laquelle j’en ai forcé de lortir en preflant le ventre, eft au bout du dernier anneau, & un plus près du dos que du ventre; fon contour extérieur eft quarré, & il eft commode de le confidérer comme tel pour déterminer 1, la pofition de quatre petits corps oblongs faits en olive *, dont un eft placé à chacun des angles du quarré. De ces quatre des Insectes./. Mem. 3 3 quatre petites olives, deux font plus proches de la têteque les deux autres. De l’origine de chacune de ces dernières, part un corps de figure arrondie & oblongue *, mais plus * pj. ^ gros auprès de fa bafequa fon bout. Ce bout efi plat, & 4 -f>J> entouré d’une couronne de poils roides ou de picquants. Chacun de ces derniers corps efi au moins une fois plus long, & une fois plus gros, que les petits en olive. J’ai vu quelquefois le ver s’en fervir pour fe pouffer en avant ; mais j’ignore s’ils n’ont point une fonction plus importante, s’ils ne font point les organes avec iefquels l’infedle refpire l’eau ou l’air. Quelle que foit la raifon qui détermine quelquefois ces vers à quitter leurs tuyaux, foit que ce foit pour s’en faire de plus grands, foit que ce foit pour les placer mieux à leur gré, foit pour quelque befoin qui 11e m’efi pas connu, on les voit quelquefois nager afles près de la furfice de l’eau ; alors ils fe contournent en cercle, tantôt de deffus en defious, tantôt d’un côté, & tantôt de l’autre, & fe redrefiant enfuite fubitement, ou fe con¬ tournant fubitement vers le côté oppofé, ils fe donnent des mouvements propres à les porter où ils veulent aller. J’ai vû quelquefois tous les vers que j’avois mis dans un poudrier plein d’eau, hors de leurs tuyaux, & s’en tenir dehors pendant des journées entières.Tousétoient raffem- * PI. 5.^.2. blés autour de quelque feuille*, qui s’élevoit peu au-defiùs du fond du poudrier, ou autour de quelqu’autre petite mafie. Chacun s’y tënoit fixé par fa partie pofiérieure, mais il donnoit à fon corps des mouvements d’ondula¬ tions ; il lui faifoit prendre des figures telles qu’en peut prendre une corde qu’on agite dans l’air pendant qu’on ne la tient que par un de fès bouts. Quelquefois ils fem- bloient donner des contorfions très-forcées h leur corps. Tome V . E 34 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE Des centaines de vers qui s’agitent ainfi en meme temps fur un point fixe, offrent un fpeélacle afTés piaifant & très-varié. Quoiqu’ils foient ordinairement arreftés contre quelque corps étranger, quelquefois le corps d’un ver, & plus fouvent Ion bout poflérieur, fert d’appuy à un autre ver. M ais il efi plus ordinaire à ces vers de fc tenir dans leurs tuyaux ou cellules. Chacun d’eux lé conflruit la fienne de ce qu’il rencontre de plus fjxongieux & de plus leger, comme font des fragments de feuilles pourries, de¬ venus à peine affés pefants pour fe précipiter au fond de l’eau , des grains d’une efpéce de terre peu compaéle, d’une forte de terreau. J’ai tout lieu de croire que ce ver fçait filer, qu’il tire d’auprès de fa bouche des fils, dont il fe fert pour réunir les petits grains, qui enfemble doivent compolèr le tuyau qui efi pour lui un logement conve¬ nable. Je n’ai pourtant pû parvenir à voir ces fils ; mais je crois qu’ils m’ont échappé par leur fineffe. Car j’ai vû faire au ver.que j’avois mis dans la néceihté de fè con- firuire un logement, tous les mouvements d’un infcéfe occupé à filer. Celui qui a été mis hors de Ion ancienne habitation, & qui commence à travailler pour s’en fiaire une nouvelle, fixe fa partie poftérieure; il la rend un point d’appuy fur lequel le refie du corps fe donne une infinité de mouvements pour fe porter tantôt à droite, tantôt à gauche, tantôt en haut, tantôt en bas, & pour fe con¬ tourner de toutes façons. Dans chacun des endroits où la tête fe trouve fucceffivement, elle cherche de petits grains folides, & d’une qualité convenable. Dès que les parties qui environnent la bouche, en ont touché & faifi un, les deux bras ou moignons dont nous avons parlé, s’avancent pour aider à le tenir. Le corps fe recourbe enfuite, de manière que la tête amenée tout proche de la des Insectes. /. Mem. 35 partie poftérieure, y peut dépofer & arrêter le petit grain. C’eff de ces petits grains apportés fuccefiivement, & dé- pofés les uns fur les autres, que le forme un tuyau. La tête n’abandonne pasablolument le petit grain après qu’il a été mis en place, elle fe donne des mouvements vifs, elle retourne en arriére, mais fur le champ elle fe rap¬ proche du grain. Les deux bras ne font pas alors dans i’inaélion, il femble qu’ils s’approchent de la tête pour faifir le fil qui en lort, & l’appliquer fur le grain. Un ver que je tirai un jour de fon fourreau, & que je mis dans un poudrier plein d’eau, dont le fond étoit couvert d’une terre que je croyois convenable, ne réuffit point à fe couvrir; mais il me montra mieux qu’aucun autre que j’aye vû en œuvre, les mouvementslemblables àceuxd’un inlèéfe qui file, & l'effet des fils. Il forma à diverfes repri- fes, & fucceffivement en différents endroits, de petites lames de grains liés enfemble; mais que ce fût fon inten¬ tion ou non, il ne parvint point à faire prendre une figure courbe à ces lames, à s’en couvrir; tout fon travail aboutit à faire des lames plattes qui flottoient dans l’eau. Chacun de ces vers fe transforme en nymphe dans le tuyau même où il a achevé de prendre ion accroiffe- ment. Par fa métamorphofe, l’infecffe perd fon crâne écailleux, fes liras, fes cordons charnus, & enfin toutes fes parties extérieures, comme les autres infeétes perdent les leurs en pareil cas. Il devient une nymphe, dont les jambes & les ailes fe trouvent placées comme elles le font fur les nymphes dès tipules les plus communes; mais elle diffère de celles-ci, par des ornements que la nature ne lui a pas accordés fans doute précifément pour la parer *. Lorfqu’après en avoir tiré une de fon logement, on la 6 confidére dans l’eau où on la tient, on voit une très-groffè pennache blanche & très-fournie * qui s’élève fur fa partie *PI. j.fig. 9 - * P>P>P>P>P- * Fig. i o .a,a. * Fig. 6,7 5 c 8. A. ♦ f, C. 3 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE antérieure & fupéricure, fur l'on corceiet, & qui s’étend même fur les côtés. Selon la pofition dans laquelle elt l’in- feéle, & félon que l’eau agitée agit fur lui, tantôt cette pennache ne femble eltre qu’une groffc houppe faite de fils ou de plumes d’une prodigieulè finelfe; tantôt oïl voit que ce qui n’avoit paru qu’une leule houppe, efi com- pofé de plufieurs plumets différents *. Quand on l’obferve dans des temps où l’eau ne fait point élever ces plumets, on en trouve cinq * de chaque côté du corceiet qui partent tous d’un même centre; c’elt-à-dire, qu’on trouve de chaque côté cinq tiges qui jettent difiérentes branches d’où partent des barbes ou poils extrêmement fins. Chaque plumet reffemble aux antennes à barbes des coufins, & plus encore aux antennes * de la tipuie, dans laquelle notre nymphe doit fe transformer. Qu’on ne croyepas cependant fur cette reffemblance, qu’elles font les antennes de la mouche, leur nombre exccde cinq fois le nombre de celles-ci. Elles ne tirent pas leur origine d’où les antennes doivent tirer la leur ; & enfin, ce qui auroit difpenlé de toute autre preuve, ces plumets relient attachés a la dépouille de la nymphe. A quoi lui fervent donc toutes ces pennaches ! Il y a grande apparence qu’elles font à cette nymphe, ce que lont les ouïes aux poiffons. Ceux qui connoiffent les merveilles que l’H iltoire naturelle nous offre, fçavent qu'il y a des elpéces de poiffons ou d’animaux aquatiques qui n’ont pas leurs ouïes cachées, qui les portent en dehors; & il paroît que notre infeéle, qui, tant qu’il efl ver, & prefque pen¬ dant tout le temps qu’il efl nymphe, le tient lous l’eau, doit avoir des ouïes équivalentes h celles des poiffons. « La partie poltérieure de la nymphe a aufli fa penna¬ che*, mais elle ell faite en éventail. A l’origine de cette dernière, il y a deux crochets * dont i’infcde lé lert des Insectes. / Ment. 37 apparemment pour fe retenir dans fa cellule, dans des circondances où l’agitation de l’eau l’en pourrait faire fortir pius qu’il ne veut, car il en fort quelquefois en partie. Au relie, ces nymphes font très en état de fe mou¬ voir, elles font même très-vives. Quand on les tire de leurs fourreaux & qu’on les met dans l’eau, on les y voit s’agiter en tout fens & fe tourmenter. Audi ont-elles befoin d’être vigoureufes, quand le temps de leur der¬ nière métamorphofe approche, & qui n’ed, je crois, éloigné de celui de la première que de dix à douze jours au plus. La nymphe vient alors à la furface de l’eau, elle y nage, elle y change de place en faifant prendre à fon corps différentes indexions ; il y en a qui y redent au moins un jour entier avant qu’arrive le moment où elles parviennent à changer d’état. Tout ce qui fe paffe iorff qu’cnfin la petite tipule fe dégage de fon fourreau de nymphe pour devenir ailée, ed fi lèmblable à ce qui fe paffe lorfque le cou fin fe dégage du lien, qu’en expli¬ quant comment fe Lit la dernière transformation de celui- ci *, nous avons affés expliqué comment le fait celle de * Tcme 4. celle-là. Nous redirons (feulement encore une fois, que tous les plumets de la nymphe redent à fa dépouille, ils y parodient quelquefois défigurés, de forte que lorfqu’on n’y regarde pas de près, & qu’on voit l’eau couverte de ces dépouilles, comme elle l’ed en certains jours, on croît que le bout antérieur de chaque dépouille s’ed moifi. Les oetites tipules* qui viennent de ces vers, reffem- *PI. s-%« blent fi fort aux confins les plus communs, qu’on n’héfi- °' teroit pas à les prendre pour des confins, fi on n’étoit averti qu’elles peuvent être un infeéTe d'une autre claffe; & on ne reconnoît quelles font d une autre claffe, que E iij 38 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE iorfqu’après avoir examiné le deffous de leur tête, on n’y trouve point de trompe, mais une bouche, du diffus de laquelle parlent les deux barbillons qui caraéférifent les ♦ Fi. 5.%. tipuies. Les mâles * ont des antennes à plumes plus four¬ nies de poils, & qui ont plus de volume que les plus grandes & les plus belles de celles qui s’élèvent au deffusde la tête des coulins; chaque aile a trois petites taches brunes. D’autres tipuies qui ne différent guéres des précédentes en grandeur ni en forme, qui n’en différent que par de tres-légércs particularités, comme par quelques nuances de couleur, parties antennes moins fournies de poils, &c. ont été des vers aquatiques que nous devons faire con- noître, des vers blancs qui reffemblent aux vers rouges des autres tipuies par la tête, par les deux efpéces de bras, par la forme du corps; mais qui n’ont pas, près du derrière, les quatre cordons charnus qui nous ont fait donner aux autres le nom de vers polypes. Ce qu’ils offrent de plus digne cl’être remarqué, c’eft la matière dans laquelle on les trouve. Chacun de ces vers elf logé au milieu d’une plaque épaiffe & convexe par deffus, d’une efpéce de gelée, de la nature & de la confiftance de laquelle ceux qui connoiffent le fray des grénouillcs, peuvent prendre une affés juffe idée. Le ver à tout âge efî enveloppé de toutes parts de cette matière gluante de tranfparente, elle n’efl pas même fi tran(parente quelle ne le cache un peu. Chaque plaque a au moins huit à dix lignes, & quelquefois un pouce de diamètre ; quelques- fois elles font écartées les unes des autres, & quelquefois elles fe touchent. Dans certaines années, dans les mois de Juin & de Juillet, j’ai trouvé beaucoup de ces plaques de gelée fur le fond des baquets que je tenois pleins d’eau, & quelquefois j’en ai trouvé contre les parois du baquet. J'ignore fi le ver même fournit cette quantité de matière des Insectes./. Mem. 3 9 gluante, à quoi elle peut lui être bonne, comment il fe nourrit au milieu de cette matière, fi l’eau, qui peut-être fe filtre au travers, eftle feul aliment qu’il lui faut. On pourroit foupçonner que cette matière elt celle-là même, dont il a été enveloppé dès fa naiffance, lorlqu’il étoit encore contenu dans l’œuf; que cette matière fe développe , & p,p, figures 2 , 3,4 & 5, Les Figures 1 1 & 12 repréfentcnt un œuf de tipule .très-groffi. La figure 1 1 le fait voir du côté où il a une cavité. La figure 12 le montre du côté oppofé à celui où elt la cavité. La Figure 13 fait voir trois œufs de tipule de grandeur naturelle. Planche IV. Les Figures 1 & 2 repréfentent chacune une tipule de médiocre grandeur & de mêmeeipéce, mais de différent fexe; la tipule de la figure 1 eft un mâle, & celle de la figure 2 une fémelle; le grilâtre eft leur couleur dominante, mais elles ont du jaunâtre à leurs jambes. Elles font nées cliés moy de vers trouvés dans le terreau tiré de faules, dont une partie de l’intérieur étoit pourrie. La Figure 3 montre groffi à une forte loupe un ver de tipule qui n’a que fa grandeur naturelle dans la figure 4; ces vers fe tiennent dans la bouze de vache, t, fa tête écailleufe. f, fa partie poftérieure où font les organes de la refpiration. La Figure 5 eft en très-grand celle de la tête du ver des figures précédentes, & de deux de fes anneaux, t, la tête. Tome V » G 50 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE y, tache brune qui femble être un des yeux, b, barbillons qui, en certains temps, fortent de la bouche. La Figure 6 fait voir en dedus la partie podérieure du ver précédent & extrêmement groffie. f, f, u, u, quatre tuyaux, dont les deux u, u, font plus courts que les deux f, f. Ces quatre tuyaux font les quatre digmates podé- rieurs. t, t, marquent deux trachées qui fe rendent aux digmates. La Figure y ed celle de la nymphe dans laquelle fe métamorphofe le ver précédent, dans fa grandeur natu¬ relle. La même nymphe ed groffie dans la figure 8. Les Figures 9 & i o repréfèntent en deux vues diffé¬ rentes, la petite tipuie qui fort de la nymphe delà figure 8. La Figure 1 1 ed celle d’un ver de tipuie qui fe tient ap¬ pliqué contre le dedousd’un agaric du chêne; mais cette figure le montre beaucoup plus grand qu’il ne le devient. La Figure 1 2 repréfente une portion d’un agaric du chêne, dont le deffous a été mis en deffus. a, a, bord de cette portion d’agaric, u, ver de tipuie dans fa grandeur naturelle. Tout ce qui ed en blanc & marqué b, b, ed le lit d’une bave luifante fur lequel il fe tient, h, h, &c. diverfes feuilles de gramen, qui paffent au travers de l’aga¬ ric; l’agaric en croidant, renferme celles qui le touchent. La Figure 1 3 ed celle d’une coque que le ver de la figure 1 2 fe fait d’une liqueur gluante. Les Figures 14. & 15 montrent en deux vues diffé¬ rentes la nymphe dans laquelle le ver précédent fe trans¬ forme, & la montrent plus grande que nature. Dans la figure 1 5, où l’on voit le ventre, on voit la difpofition des jambes qui s’étendent jufqu’au derrière; & la figure 14 dans laquelle elle ed vue de côté, laide voir la boffie b, qui ed fur le corcelet. Mais ce qu’on doit le plus remar¬ quer dans cette figure, c’ed la pofition des antennes, qui ed différente de celle des antennes de la plupart des des Insectes./. Afem . 51 nymphes; elles font lur le corcelet, & celles des autres nymphes font placées en partie ious le ventre. La Figure 16 eft celle de la tipule de la nymphe pré¬ cédente vue par-deflus; & la figure 17 eft celle de la même tipule vue pardefious. LaFigure 18 eft celle de la partie antérieure de la mouche précédente, qui eft repréfentéeen très-grand,& vue du côté du ventre, a, a, les antennes dont la ftruéhire eft parti¬ culière. i, 1, les yeux à rezeau. b, b, deux gros barbillons au-deflus de la bouche. P L A N C H E V. La figure 1 eft celle d’un ver aquatique, &. rouge, qui fe transforme en une petite tipule. La Figure 2 repréfente une lorte de grouppe de vers rouges de l’efpéce du précédent, afîcmblés autour d’une feuille qui eft dans l’eau ; ils font dans un mouvement continuel & changent fouvent d’attitude. La Figure 3 montre un ver rouge groffi à la loupe. b, un de les deux bras. I, l, l, l, les quatre ligaments qui nous ont déterminé à donner à ces vers le nom de poh pes. La Figure 4 fait voir en deftus la partie poltérieure très-groffie. J, f, deux corps oblongs, dont le bout eft bordé de poils, & qui paroiflent être deftinés à porter l’air dans le corps du ver, être deux ftigmates. quatre corps en forme d’olive, qu'on peut encore foup- çonner être des ftigmates. La Figure 5 eft encore celle de la partie poftéricurcdu ver, très-groiïie, mais vue en-deftous./, f, les deux ftigma¬ tes. m, m, deux des corps en olive. I, l, l, l, les quatre ligaments qu’on a négligé de donner à la figure précé¬ dente, parce quec’eft la dernière qui fait voir leur origine. Ces ligaments, & le ver lui-même, ont été reprélentés très en grand dans le tome 4. pi. 14. fig. 12. 52 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Les Figures 6 & 7 repréfentent en grand la nymphe dans laquelle le transforme le ver polype; elle a, dans l’une & l’autre figure, la tête en bas. Dans la figure 6 , elle efi vûe du côté du ventre, & elle efi vue du côté du dos dans la figure 7. h, houppe qu’elle a à fa partie pofiérieure. p, pennache qui orne Ion corcelct. I, l, les ailes qu’on a écartées du corps figure 7. La figure 6 fait voir le contour fingulier de deux jambes i, /. Dans les Figures 8 & 9, la même nymphe efi vûe de côté. La figure 9 montre cinq efpécesdeplumets/>,/>, Quand ceux des deux côtés lé relèvent, & le réunifient 1 iu¬ le corcelet, ils compoient enfemble la pennache p , de la figure 8. La Figure 10 efi celle de la tipule dans laquelle fe transforme la nymphe précédente, grofiic au microfcope. à, a, les antennes, b, b, les barbes. La Figure 1 1 efi celle d’une nymphe d'un ver tipule blanc, qui n’efi guère plus grand que le ver tipule de la figure 1 ; aufii cette figure la grolfit très-confidérablement. Cette nymphe fe tient à la furfacede l’eau, & s’y agite con¬ tinuellement. a, une de fes ailes, i, fes jambes, qui font finguüérement contournées, r, une des deux cornesavec lefquelles elle refpire l’air. La mouche de cette nymphe diffère peu de celle de la nymphe des vers rouges. Planche VL La Figure 1 repréfente plus grofie que nature une nymphe de ver aquatique, qui efi vûe dans fa véritable grandeur, figure 2. L’une & l’autre figure la montrent du côté du ventre. Cette nymphe efi toujours dans leau. i f, long fil qui part du corcelet, & dont la nymphe tient ordinairement le bout à la furfacede l’eau; mais le iil efi quelquefois plus contourné qu’il ne l’cft ici, félon que l’eau agit defius, pendant que la nymphe change des Insecte s. /. Mem . 53 Je place. Elle en change quand elle veut ; quand elle veut, elle le met dans des pofitions différentes de celle où elle paroît dans les deux ligures. L’origine du fil efl fur lecorcelet. La ligure i fait voir des poil sp,p, fur les côtés Je cette nymphe, qui, pour être vifibles, demandent à être groffisparla loupe, auffi ne paroiffent-ils pas dans la figure 2. d, marque la dépouille du ver que j’ai trouvé attachée à une de ces nymphes. La ligure 2 n’a point cette dépouille, mais elle a en c, une elpéce de crochet. La Figure 3 efl celle de la tipule, dans laquelle fe trans¬ forme la nymphe des figures précédentes. Elle a fur fes ailes quelques taches brunes & opaques. La Figure q. fait voir à peu près dans fa grandeur naturelle un ver aquatique de tipule, fingulier par fa grande tranfpa- rence, & parl’efpéce de crochet qu'il porte en devant de la tête; le même ver efl groffi au microfcope dans la fig. y. La Figure 5 repréfente la partie antérieure du ver précé¬ dent groffie au microfcope. ï, un des yeux c, c de , les deux crochets qui, lorfqu’iis font appliqués l’un contre l’autre, comme ils le font dans les figures 1 & y, & comme ils le lcwt ordinairement, ne femblent être qu’un feul & unique crochet, c d> bout d’un des crochets, brunéc écailleux, articulé en d, avec une partie blanche & moins dure, e, l’endroit où la partie e d fe trouve articulée. m,m, efpéces demains armées d’ongles ou de longues épines, &pofées à chaque côté de la bouche & un peu en déifions. La Figure 6 ne diffère de la figure 5, qu’en cequ’une partie/, blanche & oblongue,&d’un volume confidérable, fort de la bouche du ver. On oblige cette partie à paroître lorfqu’on preffie le corps, & fur-tout près de la tête. La Figure y montre le ver île la figure 1 groffi au mi¬ crofcope. c, fon crochet qui fcmble fimple, quoique les figures précédentes nous ayent appris qu’il efl double, i, un des yeux, r, r, e , e, quatre corps bruns chagrinés & faits G iij 54 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE en forme de rein, qu’on apperçoit dans l’intérieur defin- feéle. n, fa nageoire. q,q, deux filets qui forment une queue fourchue. La Figure 8 repréfente dans fa grandeur naturelle, la nymphe du ver de la figure i, & la même nymphe elt con- fidérablement groftie dans la figure 9 .c, c, deux efpéces de cornes qui font probablement les organes de la refpiration. i, les jambes, n, tt, les deux nageoires, dont chacune lemble être double, parce qu’elle eft comme divifée en deux par une efpéce de côte. Dans la Figure 1 o, la partie poftérieure de la nymphe eft groftie au microfcope. nctf nctf les deux nageoires. n c, le bord extérieur, f le bord intérieur, t, côte ou princi¬ pal vai fléau, qui jette diverfes branches. La partie Je, n’eft pas bordée comme l’eft le refte, & c’eft ce qui aide à tromper fur le nombre des nageoires. La Figure 1 1 eft celle d’une des cornes c, figure 9, vue au microfcope; alors elle paroît chagrinée avec art. Les Figures 12, 1 3 & 14 reprélentent la tipule dans laquelle fe transforme la nymphe de la figure 8. La Figure 1 5 montre le bout poftérieur du corps d’uiie des tipules précédentes, d’une tipule mâle, grofti au mi¬ crofcope. c, c, deux tiges, de chacune defquelles part une efpéce d’épine écailleulè. Quand le mâle ne fait point ufage de ces épines, elles fe croifent en X, comme on le voit ici. La Figure 16 eft celle d’une nichée d’œufs de tipules aquatiques de grandeur naturelle. Dan s la Figure 17, un des œufs de la nichée précédente, eft grofti au microfcope. La Figure 18 montre la nichée d’œufs de la figure 17, telle que le microfcope la fait voir. JY J. papfyÆetn.i, (Je / Jfu’ t dea Jruect&a Tcnn. S. Turu>ri4teatc tfeui^' 'J, tfî/. Jt ( Hu-t <Ù* InjecttJ Tarn S <.fÛ7um*vea*i Scttlp ■ Pf 3. ptuj . i 8 > 9 & quelques Provinces du Royaume, en Poitou & en Tou¬ raine, où on les a traitées avec une diftinéîion dont elles ne font pas trop dignes; car par elles-mêmes, elles n’ont rien de plus propre à fe faire remarquer, qu’un très-grand nombre d’eipéces de mouches auxquelles on 11e s’eft pas avifé d’impofer un nom. Mais elles paroiffent des pre¬ mières au Printemps; d’ailleurs, il efl probable qu’il y a eu quelqu’année où vers la Fête de Saint Marc, vers la mi-Avril, ou un peu plus tard, elles ont paru en prodi- gieufe quantité ; & qu’elles ont caufé quelque mal, ou que quelque mal du moins leur a été attribué dans cette même année. Les payfans qui fe croient les mieux inftruits, préten¬ dent qu’elles étoient autrefois armées comme les guefpes, d’un aiguillon que Saint Marc leur a fait perdre. En certaines années j’ai entendu aceufer ces mouches par ceux qui cultivent avec le plus de foin les arbres frui¬ tiers, d’y avoir fait du tort, d’en avoir rongé les bouts des boutons, & d’avoir fait périr les fleurs. Il eft vrai auffi qu’on les voit fouvent fur les fleurs & fur les bourgeons des arbres. Ce font des mouches de grandeur médiocre*, * Fig. 7*9» 5 6 Mémoires pour l’Histoire bien plus petites que les greffes mouches bleues ; elles font de la fécondé clafle générale de celle des mouches * PI.7. %. qui ont une bouche * fans dents; mais elles peuvent avec leur bouche exprimer du fuc des bourgeons & des fleurs qui ne font pas épanouies, & peut-être y occafionner un deffechcment qui les fait périr. Leur bouche, comme celle des tipules, eff au bout de la tête, & fa fente fe trouve de même entre deux levres latérales faites en efpéce de coquilles, & qui couvrent d’autres levres plus charnues; en un mot, la ffruélure de leur bouche reffemble beaucoup à celle de la bouche des tipules, < 5 c elle eff de même recouverte en certains temps par deux barbillons, chacun defquels eff attaché à un de. lès côtés; ils font moins longs proportionnellement que ceux des tipules. * Fig. 11 & Les antennes * de ces mouches font peu longues, 8c 2 ‘ a> a ' n’ont d’ailleurs rien de fingulier ; elles l'ont à grains. * Fig. 11. Mais il eff à remarquer que le mâle * a une tête beaucoup * Fig. 12. plus greffé que celle de la fémelle *. Les yeux à rezeau du mâle, font aufli beaucoup plus gros que ceux de la fémelle, & ce font eux qui rendent là fête greffe, par rapport à celle de l’autre. Dans plu fleurs elpéces de ces mouches, ces yeux font noirs. Quoiqu’ils couvrent prel- que tout le defllis de la tête du mâle, qu’ils s’y touchent * Fig. 1 j. prefque vers le derrière, là même il y a une petite grappe* compofée de trois petits yeux lifles & difpofés triangulaire- ment, qui s’élève au-deflus des yeux à rezeau. Ces mouches portent ordinairement leurs ailes de ma¬ nière qu’une des deux couvre l’autre prefqu’en entier; celle-ci ne paraît qu’auprès de l'on origine & à fon extré¬ mité. Elles lont aufli longues ou un peu plus longues que le corps, aufli le cachent-elles à nos yeux. Quand on * Fig. 11. a mis à découvert celui du mâle •*, 011 11e balance pas à placer des Insectes.//. Mem. 57 placer cette mouche clans la clafle de celles à corps long: l'a forme a quelque chofe de fingulier, en ce que l'anneau qui a le plus de diamètre, tient au corcelct, & que les autres en ont de moins en moins à mefure qu’ils s’approchent du bout pofterieur. D’ailleurs ce mâle paroît une mouche affés malfaite, dont le corps raboteux n’a pas unegrofTeur proportionnée à celle du corcelet; celui de quelques-uns cil extrêmement menu. On héfiteroit davantage à placer la femelle* parmi les mouches à corps *PI lo’ig, le lien mieux façonné, plus iilfc& diltendu par les œufs, tient de la figure d’une olive applatie. Ces mou¬ ches volent dalles mauvaife grâce ; quand elles font en l’air leur corps femble y être pendant, elles biffent au moins pendre leurs jambes qui font alfés longues. Je 11’ai encore vu de ces mouches que de deux cou¬ leurs. Les unes font noires & d’un très-beau noir, & les autres ont le corps & le corcelet rougeâtres; mais j’en ai obfcrvé des unes Sc des autres, de grandeurs très-diffé¬ rentes, & qui font de différentes clpéccs. Il y en a des efpéces auffi petites que les petites efpéccs de tipules & que les coufins, & on 11e les diftingue des unes & des autres, que quand on examine à la loupe la forme de leur corps. Des mouches connues même despayfans, communes dans nos jardins, & qu’on accule d’y faire des defordres, avoient de droit une place dans nos Mémoires, quoique d’ailleurs elles ayent peu de fingularités à nous offrir; au moins faiioit-il faire fçavoir quelle elf leur origine. Elles viennent, comme les tipules, de vers * qui fe * tiennent fous terre, qui s’y nourriffent d’une efpéce de terreau ou de terre, & qui pourtant s’accommodent d’une matière, qui paroît contenir des lues plus ailés à extraire. J’ai vû en Octobre de ces vers à milliers, & Tome V . H ** Tom. 4 Man. IV. pag. iSo. 58 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE encore petits, clans des bonzes de vache médiocrement fraîches, & pendant l’hyver j’ai trouvé des mêmes vers fous terre, dans le Bois de Boulogne. Si la laiton où j’ai rencontré des bouzes de vache peuplées de vers de ce genre, étoit celle où leurs mouches paroi fient, il feroit naturel de penfer que des meres avoient fait leurs œufs fur ces excréments ; mais dans le mois d’Oétobre, on ne voit point les mouches dans lefquelles fe transforment les vers dont il s’agit; d’où il fuit qu’ils n’avoient pu naître dans des excréments dont un grand animal ne s’étolt vuidé que depuis peu de jours; qu’il faut penfer que ces vers qui étoient fous terre, ayant l'enti que la matière qui avoit été dépofée fur fa furface, & qui l’avoit humectée, étoit propre à leur fournir de la nourriture, s’étoient ren¬ dus au milieu de cette matière. Quand nous en ferons à l’hiftoire des Scarabés, elle nous apprendra qu’il y en a quantité d’efpéces qui vont s’établir dans les bouzes de vache fraîches. Ces vers qui fc doivent transfoi nier dans les mouches de Saint-Marc, font de la troihéme clafie, & lorl'que nous • avons mis les vers en ordre, nous les avons placés* dans le feptiéme genre de cette clafie. Ils ont une tête écail- leufe, & font dépourvus de jambes. Ils ont d’ailleurs beaucoup de refiemblance avec les chenilles, par la figure de leur corps, & ils refiemblent à celles de certaines efpéces, parce qu’ils font hérilfés de beaucoup de poils, plus gros pourtant Si plus écartés les uns des autres que ceux des chenilles bien velues, & tous inclinés vers le derrière. Ils changent de peau comme les chenilles; j’ignore combien ils en changent de fois; mais je fçais que lorl'que j’en examinai vers la mi-Mars, que j’avois apportés de Poitou à la lin d’Odobre, & que j’avois renfermés dans des Insectes. IL Mem. 59 des poudriers avec la même bouze de vache, clans laquelle ils avoient été trouvés, je fçais, dis je, qu’ils me parurent différents de ce qu’ils étoient avant l’hyver; non-feule¬ ment ils étoient plus grands, ils étoient moins couverts de poils, mais de poils plus gros. Ils avoient lur chaque anneau une ceinture compolée feulement de huit à dix poils très-roidcs. Au refte leur couleur n’eff pas propre à leur attirer nos regards, elle elt d’un gris-brun, 6c par¬ tout à peu-près de la même nuance. La tête eft noire 6c platte. De crainte que les vers dont je m’étois fourni, ne fe trouvaffent trop à l’étroit, 6c dans une matière trop deffechée, vers la mi - Mars je mis les morceaux de bouze de vache dans lefquels ils étoient, fur la terre hu¬ mide qui rempliffoit une cloche de verre placée dans une pohtion contraire à celle où l’on met ordinaire¬ ment les cloches. Au bout de deux jours tous étoient entrés en terre, il n’en rcfloit aucun dans les morceaux de matière où ils avoient vécu jufque-là. Je négligeai de remuer la terre dans laquelle ils s’étoient introduits, jufqu’au 22 avril, 6c pour peu que j’euffe différé davan¬ tage, je n’y euffe trouvé que des dépouilles ; j’y furpris plufieurs des mouches dans lefquelles ils s’étoient trans¬ formés, prêtes à fortir de terre. Plufieurs autres avoient apparemment pris l’effor dès les jours précédents; il n en refloit plus que deux cachées fous la forme de nymphe, 6c depuis plufieurs jours apparemment, il n’y en avoitplus qui euffent celle de ver. Mais je fuivis mieux une autre année, lesvcrsdu même genre, que j’avois trouvés au milieu d’une terre fablon- neufe, proche d’un pied de chêne du Bois de Boulogne, au commencement de Février. Tous ceux que j’avois apportés, fubirent leur première métamorphofe en quatre 6 o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE jours de temps; depuis le 2 jufqu’au 5 Mars inclufive- mem, tous devinrent des nymphes, dont quelques-unes fe transformèrent en mouches le 1 5 Avril, & les autres les jours fuivans. Pour parvenir à paroître nymphes, ces infecflcs fe dé¬ font de leur peau de ver, 6c cela comme des chenilles de piufieurs efpéces fe défont de la leur en pareil cas. Celui qui travaille à fe métamorphofer, oblige la peau des premiers anneaux à fe fendre fur la partie fupérieure du *PI.7.%.2. corps*. Des parties charnues s’élèvent dans I mitant au- deffus de la fente, 6c en s’y élevant contribuent à l’ag- grandir. La partie antérieure de la nymphe paroit bientôt * Fig. 3 .a. au jour, elle fort par la fente. Le crâne * du ver qui tient à la dépouille dont la nymphe veut fe tirer, fe trouve alors fous le ventre. La nymphe dégage enfuite les an¬ neaux poftérieurs, elle les amené en devant, 6c les gonflant 6c pouffant en arriére, elle y poufle en même temps la * Fig. ^ & dépouille*; elle l’oblige à fe pliffer, 6c peu à peu elle 3 • d- la conduit jufqu’au bout de fon derrière ou elle eft réduite à un petit paquet. Le nom de crifalide convient peut être auffi-bien à notre infeéle métamorphofé, que celui de nymphe que nous venons de lui donner. Les aîles 6c les jambes appli- *Fig. 4&6. quées les unes contre les autres du côté du ventre *, dans une étendue qui n’a pas la moitié de la longueur du corps, n’y font guéres plus ailées à diftinguer qu’elles le font dans les crifalides ordinaires. D’aiileurs, ces crilalides ou nymphes n’ont rien de particulier dans leur forme, fi ce n’eft quelles femblent boffues. Le corcelet de la mouche * Fig. 5. e. qui eflgros6c élevé, demandeque l’endroit de la crifalide* où il eft placé, foit plus élevé que le refte. Au refte, la manière dont fe fait la dernière transfor¬ mation, le; manière dont la mouche brife Jfes enveloppes des Insectes. IL Mem. 6 1 & s’en tire, n’a rien qui mérite d’être expliqué; car tout ce qui pâlie alors feflêmble parfaitement à ce que les pa¬ pillons & d’autres mouches nous ont fait voir dans une pareille circonflance. Le relie de la vie de ces mouches ne m’a offert aucun fait remarquable. Après leur naiffance elles prennent l’effor, elles vont volontiers lé pofer fur les plantes. & fur-tout fur les arbres fruitiers. Les mâles fe joignent aux fémelles, auxquelles ils relient unis des heures entières. Pendant l’accouplement le mâle * ne fe tient point fur la * Pi. 7. fig. femelle, le corps de l’un & celui de l’autre font fur une même ligne, ils femblent n’en faire qu’un. Les ailes delà femelle recouvrent une partie de celles du mâle. Ces deux mouches ainfi jointes enfemble, rcffemblent à un infcéfe qui auroit une tête à chacun de fes bouts. Quel¬ quefois la femelle emporte en l’air le mâle qui ne veut pas l’abandonner. Souvent auffi on les prend fans les dé¬ terminer à fe féparer. Le mâle a au-deffotis de fon der¬ rière deux crochets * capables de bien faifir celui de la * Eig. !g. femelle,&qui ne font pas vifibles dans les temps ordinaires. c> c ' 11 introduit la partie propre à féconder les œufs * dans *m. une ouverture qui cil du côté du ventre de la femelle* * Fig. 14. û. affés près de l’anus. Après que celle-ci a été fécondée, elle n’ell pas long-temps fans doute à faire fes œufs qu’elle dépole, l'oit dans la terre, foit dans des excréments de vache,& peut-être dans ceux de cheval, après quoi elle périt. On ne voit guéres de ces mouches que pendant trois femaines ou un mois. La même raifon qui nous a engagé à parler des mou¬ ches de Saint-Marc, nous détermine à dire ici quelque chofe d’une efpéce de mouches* beaucoup plus petites. *pj. s.f^.y. Elles font extrêmement communes, elles parodient dans toutes les Sailons de l’année. Nous avons oublié de les El iij 6 l MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE faire connoître dans le neuvième Mémoire, nous yfup- pléerons dans celui-ci; elles ne font que de vrais moi - cherons; elles font plus petites que les plus petites tipulcs. Lorique leurs ailes font polées fur leur corps, à peine font-elles aulfi groffes qu’une grolle tête d'épingle. Avec une loupe on s’afîiire pourtant de la clalfe à laquelle elles Pl. 8 . fig. appartiennent; on reconnoît * qu’elles lont de la prc- & 12 ' miére des clalfcs générales, qu’elles n’ont qu’une trompe alfés femblable à celle des mouches bleues de la viande, & quelles font de la première des clafTes fubordonnées à la clalfe générale, de celle des mouches à corps court. Elles aiment i’efpécedc lie de vin qui ehdépofée lur les tonneaux d’où on tire le vin avec un robinet; elles aiment le marc de raifin qui s’aigrit, & en général elles aiment les liqueurs qui ont été fucrées lorfqu’elles viennent à s’aigrir. Des pots où il y avoit eu du miel qui s’étoit aigri, parce qu’on n’avoit pas daigné le féparer des vers, des nymphes de mouches à miel, & de ces mêmes mouches qui avoient péri, foit dedans, foit delîus ce miel; des compottes de pommes de rambour qu’on avoit aulfi laillé aigrir, m’ont fourni des mille milliers des mouches dont je v eux parler. ig.8 &i o. Elles avoient crû fous la forme de vers *, dans ces matières aigries, & par la fuite elles y avoient paru avec des ailes. Quand on découvrait le compottier de verre dans lequel elles étoient nées, on voyoit des nuées de ces petites mou¬ ches s’envoler. Le corps & le corcelct de cette petite mouche font jaunâtres. Ses yeux à rezeau font d’un rouge qui n’elt pas d’une belle nuance, mais qui fait pourtant qu’on les remarque plutôt qu’aucune des autres parties. Les ailes qui ordinairement fe croifent fur le corps, ont des cou¬ leurs d’iris. Inutilement ai-je cherché à voir les balanciers; mais il y a plus d’apparence que leur petitelfe a contribué des Insectes.//. Mem . 6 3 à me les cacher, qu’il n’y en a que la mouche en l'oit privée. Les antennes * lont à palette ovale & platte, comme celles des mouches à forme d'abeilles. Je n’ai pu m’affurer fi elles font vivipares ou ovipares. Quoi qu’il en foit, leurs vers * lont blancs & ont deux crochets parallèles l’un à l’autre en devant de la tête. En un mot ces vers font femblables, mais très en petit, aux vers de la viande. Comme ceux-ci auffi, lorfqu’ils lont en état de fe transformer, ils fe font une coque de leur propre peau * dont ils fe détachent, fans en lortir. Le bout antérieur & fupérieur de la coque formée par cette peau, efl un peu applati & terminé par deux cornes, * qui probablement font analogues à celles des autres co¬ ques cornues , 6 c à celles des crilalides cornues. Leur couleur efl feuille morte ou marron, elle efl femblable à la couleur des coques des mouches de la viande; le bout poltérieur de la coque a aulfi deux efpéces de cornes. * Environ dix à douze jours après que l’infetfle s’cfl transformé pour la première fois, il efl en état de pa¬ raître avec des ailes; il détache la pièce qui couvrait cette partie * de la coque que nous avons dit être ap- platie; il fouléve une pièce platte, au bout de laquelle les cornes refient ; enfin il fort ailé par cette ouverture. Nous donnerons encore ici un Supplément à un autre article du neuvième Mémoire du quatrième volume, à l’article * où nous avons parlé des vers truffes ; nous avons décrit & fait repréfenter une efpéce de ver, qui comme nous, efl friande de cette plante foûterraine; mais nous n’avons pu faire connoitre la mouche de ce ver, toutes les mouches que j’aurais dû avoir de ceux de cette elpéce ayant péri ches moi avant que de s’être métamorpho- fées pour la dernière fois. Nous avons eu depuis une * PF. 8. fig. 1 1 Si 12.a,a. *Fig.8&io. *Fig. 9&13. * Fig. I l.c,c. *F>P‘ * Fig. 14. d. * Pa S- S7*' 64 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE * Pi. s.fig. mouche des truffes *, dont nous n avons pas eu le ver, * mais feulement la coque, & cette coque difiéroit, je crois, de celles que nous avions eues auparavant. Les truffes font recherchées par plus d’une, & même par plus de deux elpéccs de vers qui fe transforment en des mouches à deux ailes : les vers par lefquels elles font attaquées en hyver & en automne, ne font peut être pas de fefpéce de ceux qui leur en veulent en été. M. le Marquis de Gouvernet qui penfe que malgré une très- grande naiffance, que quoique poffeffeur de terres très- confidérahies, on peut vivre fans être dévoré par l’ambi¬ tion , qu’on peut mener une vie douce & tranquille, celle d’un Philofophe, admirer les productions de la Nature, la forcer à étaler fes plus rares beautés dans les jardins qu’on prend foi-même plaifir à cultiver; M. le Marquis de Gouvernet, dis-je, me fit l’amitié de m’envoyer quel¬ ques truffes qui lui étoient arrivées du Dauphiné vers le commencement de Juillet, parce qu’il y avoit remarqué des coques de vers. Au bout de douze à quinze jours, il iortit de chacune des coques qui étoient bien condi- * Fig. 1 & 2. données, une mouche* qui a quelque reffemblance avec celle qui dépofe fes œufs fur des excréments hu¬ mains; fon corps comme le corps de celle-cy cft con- * Fig. 2. tourné en deffous*, mais il cft moins velu. Cette mou¬ che de la truffe a cependant des poils longs , gros & roides, femés fur le corps, le corcelet & la tête. La couleur du corcelet & celle du corps, eft un rougeâtre pointillé de brun. Ses antennes font à palette platte 6e * Fig. 3. ovale*, & par là cette mouche fè trouve d’un genre différent de celui de la mouche à laquelle nous venons dédire quelle rcffemble. Elle cft, au refte, de la première çlaffe générale des mouches à deux ailes ; clie a une trompe charnue, & elle n’a point de dents. Je des Insectes. II. Mem. 6 5 Je fuis incertain de la forme de la coque d’où cette mouche fort , & qu’elle sert faite loriqu étant prête à paffer de l’état de ver à celui de nymphe , elle s’clt déta¬ chée de la peau du ver ; mon incertitude vient de ce que les mêmes truffes me firent voir trois eipéces de coques différentes. J’en trouvai de femblables à celles des vers de la viande, mais plus petites que celles de ces vers qui fe transforment en groffes mouches bleues. J’y trouvai d’autres coques, mais très-petites *, qui avoient deux cornes * placées comme le lont celles des coques des vers à queue de rat: le bout de chacune de ces coques avoit line forte de courte queue *; ainfi le ver qui fe fait cette coque femble devoir être du genre de ceux à queue de rat. Je trouvai dans les mêmes truffes une troifiéme efpéce de coque * qui n’avoit point de cornes à fa partie antérieure, & qui avoit comme deux mammelons, deux cornes très-courtes à fon bout poftérieur *. Ces trois efpéces de coques prouvent au moins, qu’au printemps & en été il y a trois differentes efpéces de vers qui aiment les truffes, & qui fe tranf forment en trois efpéces différentes de mouches à deux ailes. Quand je voulus examiner les coques d’où étoient forties des mouches, telles que celle qui eff repréfentée fig. 1 & 2, il s’en préfenta de vuides des trois eipéces, & qui i’étoiertt apparemment lorlque je les renfermai dans le poudrier, & celles qui étoient pleines ne contenoient que des mouches mortes & défigurées. Je profite de l’efpace qui reffe à remplir dans la hui¬ tième planche, pour faire paroître une mouche à deux ailes & à corps long *, qu’on trouve fur les charmilles dès quelles commencent à être couvertes de feuilles. Les deffeins que nous avons fait faire en grand, de la tête de cette mouche, montrent que la trompe qui en Tome V. . I * PI. 8. * Fig. j. c, c. *q. * Figure 6. * < 1 > < 7 - * Fig. ! j. g 6. ‘ 5 - I 7 t, e, e, i. * t, 66 Mémoires pour l’Histoire part, elt autrement conftruite que les différentes efpéces de trompes de mouches à deux ailes dont nous avons parlé dans le tome iv. La trompe de celle-cy efl ordi- *PI- 8 . fig. nairement logée dans un long étui*, qui, tout du long & en delfus, a une couliffe qui la reçoit, & qui lui per¬ met de l'ortir. Quand cette trompe eflhors de fon étui, & développée, on voit qu’elle efl compofée de quatre Fl ’g; I 7 - pièces *, toutes d’une forte de corne, dont une * efl plus longue & plus forte que les autres ; de deux plus * e , e. courtes & très-fines *; & d’une quatrième * un peu plus * i. groffe & un peu plus longue que les deux précédentes, mais plus mince de plus courte que la première. La figure 8 nous donne auffi le développement d’une trompe dont nous ne connoiffions pa$ allés la compofi- tion, lorfque nous l’avons fait graver dans le quatrième * Tom. 4 . tome*. Nous nous fournies contentés alors de faire voir pl 8 -fig 1 '> que fon bout * efl fiait en bec d’oilèau *; mais nous ferons jy. J remarquer aéfucllement qu’en deffus, depuis l’origine de *t. cette trompe jufque par delà le tiers de près de la moitié * Pi. 8. fig. de fa longueur, il y a une couliffe*; que dans cette cou- 18> lilfe font logées trois parties, dont une * plus confidérable s ' que les deux autres, peut être regardée comme une cfpéce de langue, de fueçoir femblable au fueçoir de la trompe * Tom. j.pl. de ces pucerons * qui font fi bien diltingués des autres zS-fig- p ar j a grandeur démelurée de la leur. Les deux parties */, f plus courtes & plus déliées * qui accompagnent le grand fueçoir, font elles-mêmes apparemment des fueçoirs plus foibles qui aident au premier. Le fupplément que je dois au douzième Mémoire du quatrième volume, a pour objet une matière qui peut paroître plus intéreffante que celles des fuppléments que nous venons de donner à d’autres Mémoires de ce même volume. Lorfque nous avons traité des mouches à deux des Insectes. //. Merm 6 y ailes qui ont la forme de bourdons, nous avons fait remar¬ quer les endroits finguliersqu a choifi celui à qui font dues tant de merveilleules productions, pour faire croître les différentes eipéces de vers qui fe transforment en diffé¬ rentes efpéces de ces mouches ; nous avons admiré les mouches qui vont percer la peau de nos grandes bêtes à cornes , & celle des cerfs, pour femer leurs œufs dans les chairs de ces animaux ; nous avons vû que de chaque œuf il fort un ver *, qui fait élever une tumeur * dans * Tcm. 4. la cavité de laquelle il croît, & du fond de laquelle il rj- 17 -fè - 1 fçaitfe conferver une communication avec l’air extérieur. * p[ 6 Ces tumeurs paroiffent quelquefois en grand nombre fur le corps d’un même cerf, auffi font elles connues des Chaffeurs. Ils les fçavcnt habitées par des vers qu’ils appellent taons. La chiite du bois du cerf efl un phéno¬ mène d’hifloire naturelle très-fingulier, dont les Chaffeurs ont voulu rendre raifon. Quelques-uns penfent quelle efl l’ouvrage des vers qui lont logés dans les tumeurs charnues ; ils prétendent que dans un temps qui précédé de peu celui de la chute qu’ils veulent expliquer, ces taons s’acheminent vers le bois, qu’ils parviennent à fa bafe ou meule, & qu’ils rongent fucceffivement le merrein ou la perche de chaque corne, à l’endroit où la perche fort de la meule ; que le bois qu’ils ont comme fcié par le pied, efl obligé de tomber. .J’ai fuffifàmment prouvé qu’heureufement pour les cerfs, ces vers ne fçavent pas faire un pareil voyage; gros comme ils le deviennent, s’il falloit que ceux qui ont crû dans des tumeurs placées fur le dos, fur les côtes, lur les cuiffes & dans d’autres endroits éloignés de la tête, fe rendiffent en marchant & toujours à couvert, près de l’origine du bois, ils auroient à faire de cruelles diffeclions dans les chairs pour s’ouvrir des chemins d’une largeur 68 Mémoires pour l’Histoire fuffiiante & fort longs ; les chairs du cerf feroient toutes déchiquetées. Le Mémoire que nous venons de citer, a appris que chaque ver fe tient dans la cavité de la tu¬ meur qu’il a fait élever, jufqu’à ce qu'il ait pris tout ion accroiflement ; qu alors il aggrandit l’ouverture qui lui donnoit une communication avec l’air extérieur; il en fait une porte ailes grande pour lui permettre de fortir. Si par laquelle il iort ; que le feul voyage qu’il ait à faire, eft de fe laiffer tomber doucement à terre, où il fe traîne enfuite en avant jufqu’à ce qu’il ait trouvé à fe cachera fon gré fous quelque motte de terre, ou fous quelque pierre. Ileft donc certain^ très-certain, que ces vers ne contribuent aucunement à la chute du bois du cerf. Mais ils ne font pas les feuls vers qui doivent être nourris par les cerfs, jufqu’au temps de leur transforma¬ tion. il y a une faifon où aifés iouvent l’on en trouve à chaque cerf beaucoup d’autres réunis enièmble. Les Chaifeurs ont été apparemment les premiers qui ayent obfervé ce fait, & ils ont eu fouvent occafion de le revoir. Quelques-uns d’eux croyent que les derniers vers font ceux des tumeurs, qui font arrivés à un rendez-vous com¬ mun. Mais au moins prefque tous les Chaifeurs veulent que ce foient ces derniers vers qui rongent le bois du cerf, jufqu’à ce qu’ils foient parvenus à le faire tomber. E'tant réunis dans un même lieu, ils peuvent partir tous à la fois pour aller de concert fe mettre à l’ouvrage, & ils ne font pas éloignés de l’endroit où on les veut faire travailler; car ceux mêmes qui ont mis au plus loin l’en¬ droit où on les trouve, difent qu’ils fe tiennent dans le col. Le chemin du col au-deffus de la tête n’eft rien en comparaifon de celui qu’on fait faire aux vers des tumeurs. Enfin le temps où l’on trouve ces verseflà peu- près celui de la chûte du bois du cerf des Insectes. IL Mem. 69 C’elt auffii apparemment fur ces raifons ou plutôt fur l’authorité des Chaffieurs, que les Auteurs modernes qui ont traitéde lachaffiedu cerf, attribuent à ces vers la chute du bois; làns le donner la peine de les confulter, on n’a qu’à lire l’article du cerf dans le Dictionnaire de Trévoux, & l’on verra que l’on y rapporte comme un fait certain que le bois de cerf ne tombe que parce qu’il eft fcié par ces derniers vers. Le chemin du col à la tête ne laifferoit pour¬ tant pas encore de leur être difficile à faire, & on ne voit pas à quelle fin ils entreprendroient d’abbattre le bois, & y parviendraient. Mais ce n’eft pas affiés pour nier que des chofes fe faffient dans la nature, que de ne pas connoître le motif pour lequel elles peuvent être faites. S A. S. M. r le Prince deConty.à qui les progrès des Iciencesfont chers, a voulu que je puffie avoir des raifons plus fortes pour détruire un fentiment très-généralement reçû & très-enraciné. Elle eut la bonté de me faire dire le q. Mars quelle partoit pour la chaffie dans l’intention de m’envoyer la tête & tout le col du cerf qui ferait pris. M. r le Prince de Conty 11e manqua pas de faire couper le col par-delà la dernière vertebre à celui qui fut la malheureufe vidlime de cette chaffie, & de faire enlever toute la peau ou nappe, &de la laiffier attachée au col. S. A. S. fçavoit que cette peau pouvait me fournir des obfervations. Enfin elle eut juf- qu’à l’attention de m’envoyer le tout fur le champ. Les chairs du col ctoient encore chaudes lorfque je me mis à les diffiequer. Ce fut inutilement que je cherchai des vers entre les mufcles ou dans les mufcles qu elles coni- pofoient. On m’avoit mal indiqué l’endroit où je lesdevois chercher; je me retournai d’un autre côté, je forçai la mâchoire inférieure pour découvrir jufqu au fond de la bouche ; mais je n’y apperçûs point de vers : je ne les yo MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE cherchois pas encore où on peut les trouver. Le véritable endroit où il les faut chercher, efl pourtant peu éloigné de la racine de la langue ; mais il eft caché quand on le con¬ tente de regarder en dedans de la bouche. Pour appren¬ dre à mettre cet endroit à découvert , & à le trouver dans le moment, nous devons dire que le palais du cerf lé détache de lui-même de la voûte ofïeufe, un peu par-delà la der¬ nière des dents, pour aller fe joindre à la langue. Qu’on .9.%. coupe tranfverfalement cette portion du palais * près de q ' l’endroit où elle commence à s’éloigner de la voûte offeu- fe, & qu’on rejette fur la langue * la partie qui a été feparée du relie; alors on met en vue une cavité que cette partie cachoit, & quelle fermoit d’un côté ; celle par où paffe l’air, qui par les narines & les deux conduits du nez fe rend au pharinx : fi on regarde le palais, on remar- e > l - que la fin de la cloifon olfeulè * qui forme les deux con- c » c • duits du nez *. L’ouverture de chaque conduit, ce qu’il eft bon de fçavoir pour la fuite, avoit un diamètre tel qu’un de mes doigts entroit dedans fans y être gêné. Si on tourne enfuite les regards vers la racine de la langue, * *. on apperçoit l’ouverture * par laquelle palfe l’air que la trachée artere porte clans les poulinons. C’elt près de cette dernière ouverture, c’eft-à-dire, c’elt près du pharinx, & * par conféquent de la racine de la langue, que le tiennent les vers dont nous parlons. Je ne tardai pas à en voir dès q q • que j’eus coupé & abbaifle la portion du palais * dont je viens de parler. Trois à quatre qui étoient en marche, fe préfentérent les premiers, & me conduisirent à en trouver beaucoup d’autres. Je vis de chaque côté une fente oblon- pp. gue *, qui imitoit affés celle d’un œil, dont la paupière elt plus d’à moitié, ou prefqu’entiérement abbailfée; un ♦ u. ver * qui fortoit d’une de ces fentes, la tenoit plus ou¬ verte que n’étoit l’autre. Quand après en avoir retiré le des Insectes. II. Mem. 71 ver, j’y introduifis le doigt, je reconnus quelle étoit l’entrée d’une cavité remplie de vers qui y étoient amon¬ celles , que les vers étoient logés dans une elpéce de bourlè de chair. Avant que d’en avoir fait fôrtirles vers, je dé» gageai par dehors, c’efl-à-dire du côté de la trachée artere, chacune de ces bourfes, des parties qui la pouvoient cou¬ vrir Leur grofieur& leur figure me parurent celles d’un ceuf ordinaire de poule. M. Winllow à qui je les fis voir dans la fuite, les trouva placées à peu-près comme les amygdales dans l’homme. Ce (ont au refie de vrayes bourfes charnues ; quand je les eus vuidées l’une& l’autre des vers dont elles étoient remplies, je vis qu’on pouvoit, quand on le vouloit, rendre leur ouverture circulaire, qu elle laifioit paffer ailément le plus gros doigt ; que lorfque la bourlé étoit vuide.elle avoit des plis, qui, comme ceux des bourfes ordinaires, étoient dirigés de l’ouverture vers le fond. Enfin je recon¬ nus que l’on pouvoit retourner ces efpéces de boudes, c’efi-à-dire, en ramener le fond en tlelfus des bords de l’ouverture. Le reflbrt des bords, ou une elpéce de fphinéter peut être, tend à la rétrécir, à la rendre plus longue que large. Malgré la largeur qui lui peut refier, elle ne paroît qu’une fente, parce que la partie char¬ nue * qui eft d’un côté, fait 1 office de paupière pour la * P/. 9.%. couvrir. l ’PP- Les vers que je trouvai dans ces bourfes, étoient de grandeurs fort différentes, & par conféquent de différents âges. Pendant que plufieurs avoient à peine la groffeur d’une petite ficelle, quelques-uns * ne le cedoient en * Fig. 2. aucune de leurs dimenfions, à ceux des vers du nez des moutons dont nous avons parlé ailleurs *. Ils leur refiem- * Tome 4. Noient auffi par la forme; ils étoient, comme ceux-ci,de ^ an ' X11 ' la clalfe des vers à tête de figure variable, & dépourvûs 72 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE de jambes. J’en tirai 6q. à 65 des bourbes; mais pendant que je les ramaffois, il y en avoit qui fe difperfoient; j’en perdis beaucoup des plus petits, je crois que li je les euffe pris tous, j’en eu lie en plus de cent. Les petits ne différent des plus gros qu’en grandeur. Ils font blancs, leur blancheur eft feulement altérée par un grand nombre de courtes épines rouffeâtres, dont la moitié antérieure * PI- 9- %-3- de chaque anneau eft hériffée *. En deffous, mais au * Fig. 4.. c, c. bout de la tête, chaque ver a deux crochets noirs * plus courbes que ceux des vers du nez des moutons, qui font enfemble un angle, tantôt plus, tantôt moins ouvert, & qui ne font jamais parallèles l’un à l’autre. Le ver s’en fert pour marcher; c’eft fur ces crochets bien crampon¬ nés qu’il fè tire en avant. Les pointes qui les terminent l’un & l’autre, font roides quoique très fines, & elles le font à un tel point, que les vers qui les enfonçoient dans ma main pour marcher, me faifoient des picquûres affés douloureufes. Ils peuvent faire louftrirle cerf, lorfqu’ils fe tirent fur fes chairs, pour peu qu’elles foient fenfibles. Lorf- que j’en voulois détacher de ceux qui s’y étoient crampon¬ nés, j’éprouvois quelquefois une réfiftance qui me faifoit craindre de les crever fi je m’obftinois à les avoir de force. Quand je les arrachois, il falloit arracher le morceau de chair dans lequel les crochets étoient engagés, ou le dé¬ chirer. Leur bouche eft entre les deux crochets près de leur origine; ce n’eft qu’en preffant fortement le corps qu’on parvient à la découvrir, qu’on apperçoit une fente qui eft entre deux efpéces de lèvres ou deux parties char¬ nues, dont la fupérieure faille plus que l’inférieure. Deux * Fîg. 2 & cornes courtes *, deux efpéces de mammelons charnus nu font placés fur la tête immédiatement au-deffus des cro¬ chets. L’anneau d’où la tête fort, eft allés large; près de fa jondion avec l’anneau qui le fuit, il a de chaque côté, & en des Insectes. IL Mem. 73 Sc en deffus une petite éminence longuette Je couleur feuille-morte *. On reconnoît ces deux éminences pour les deux fligmates antérieurs, dès qu’on les examine avec la loupe. Les deux fligmates poftérieurs * font bien plus aifés à voir; chacun d’eux eft une plaque brune, dont la figure eft moyenne entre celle d’un croiffant & celle d’un rein applati. C’eft apparemment dans l’échancrure de chacun de ces derniers fligmates, qu’eft l’ouverture qui donne paftage à l’air. Pour prendre une jufte idée de leur pofi- tion. Sc du moyen que la nature a employé pour qu’ils ne fufTent pas expofés à être inondés en beaucoup d’occafions, il faut fçavoir que le corps fe termine par un appendice charnu *, dans le bout duquel efl l’anus environné de plufieurs épines courtes & déliées. Cet appendice a peu d’épaiffeur. Le dernier anneau eft ter¬ miné en certains temps par un plan, qui, comme une efpéce de mur s’élève au-deffus de l’origine de l’ap¬ pendice, Sc par un plan qui a de hauteur plus des deux tiers du diamètre de l’anneau. C’eft dans ce plan, dans ce bout du dernier anneau que font les deux fligmates * en croiffant. Mais ce plan que nous venons de confiderer comme perpendiculaire à la longueur du ver, peut s’in¬ cliner plus ou moins *, Sc quand il en eft befoin , s’ab- baiffer jufqu’à s’appliquer fur l’appendice charnu où eft l’anus; alors les fligmates fe trouvent renfermés dans une cfpéce de boîte. C’efl par les parties que nous venons de décrire, Sc par la figure Sc la difpofition des crochets de la tête que ces vers différent principalement de ceux du nez des moutons. Us différent bien davantage de ceux * qui croiffent fur le corps des bêtes à cornes, &: fur celui du cerf même, dans des tumeurs charnues. Outre que ceux des tumeurs Tome V. . K + PI. 9 . fig. z. S, S. * Fig. 5 • r, r. * Fig. 5 . a. * r ) r. * Fig. 2. h. * Terne 4. pt-37-fê- r . pl.28.fg. $, 6, îf c. Planche IX. La Figure 1 reprefente une tête de cerf qui a été pré¬ parée, & diipofée pour faire voir les bourfes charnues dans lefquelles croiftent les vers auxquels les Chafteurs attri¬ buent la chute du bois. ?n, la mâchoire inférieure qui a été forcée, g f, la langue, qq, portion du palais, qui a été coupée & détachée vers e de la voûte offeufe contre laquelle elle étoit appliquée, o o , mâchoire fupérieure. le l, partie de l’éminence offeufe qui divife en deux la cavité du nez félon fa longueur, c, c } les deux conduits qui fe rendent aux narines, x } ouverture qui donne palîàge à l’air pour entrer dans la trachée artere. f b p, p bp, les fentes des deux bourfes. p p, la partie qui, comme une paupière, recouvre l’ouverture de la bourl'e. u, ver qui fort d’une des bourfes. La Figure 2 eft celle d’un ver tel que celui marqué u, figure 1, un peu plus grand que nature, m, m, fes cornes charnues polées au-deftbus des crochets qu’on ne voit point ici, parce qu’ils font recourbés en deffous./j f, les ftigmates antérieurs, a, l’anus, b, portion du dernier anneau au-deffous de laquelle font les ftigmates poftérieurs, & qui les cache actuellement. L iij 86 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Dans la Figure 3, on fait voir en grand la portion fupérieure d’un anneau pour montrer la pofition, &. la direction des épines dont il eh hériiïe. La Figure 4 montre la partie antérieure du vergrofile à la loupe, c, c, les deux crochets écailleux. m,m, les cornes charnues. La Figure 5 repréfente le bout poflérieur du ver vû de face, a, appendice charnu qui eh du côté du ventre, & au bout duquel eh l’anus, r, r, les deuxhigmatespohérieurs. 11, partie du dernier anneau qui peut s’avancer comme dans la ligure 2, ou davantage, qui peut s’étendre & s’ab- haifler jufqu’à s’appliquer fur l’appendice a; alors elle couvre les higmates r, r. La Figure 6 eh celle de la coque que le ver de la ligure 1 lè fait de fa propre peau, lorlqu’il veut fe trans¬ former. If a. Hasard S su//.' /y - p<\i? 8f M*m i e/e !M.rf .{^j tnsr.-frj T\r. H*tus%tr*i Jsufyr Fur-4- ¥ 22 8 ya 6 7 Qâ.rrrc/fz . ~ de { 'fJzsf.desJr/wecËes-Font- F87 2 - Fui. j. Ks Fur ■ >r * Fu/ 17 IV «y .y »Y/<-.r Ton y /f.uisjutif Pr-s 4 />-/ 5 des Insectes. III. Mem. 87 •4* «Or» •O' *»V V/* *4r *'ir >A' •*» **V' *A* -4>“ *UUCAJC^UUL^UUULjeAJÜUe^C^UD<^l^JtJÜ c - * ff «Scc. * PI. 13.% 1 ( 3 c 2. des Insectes. III. Mem. 97 fi je dis qui! y a apparence que les trous nécelfaires pour Jailfer des ifluesà une partie de l’air que l’infeéle refpire, font les mêmes qui lai lient fortir l’eau, dont les vailîeaux fe trouvent trop remplis. Les chenilles nous ont donné ailleurs occafion d’établir l’exiltence des trous dont leur peau efl criblée, pour laifler échapper l’air des petites trachées. Quoique la plupart des faulfes chenilles ayent, comme le commun des chenilles, le corps d’une figure qui approche de la cylindrique, il y en a qui l’ont applati. Nous avons donné le nom de chenilles cloportes à des efpéces de chenilles à corps applati, & la même raifon nous met en droit de donner le nom de faulfe chenille cloporte à une * que j’ai trouvée fur l’aune qui a des *PJ. 12.%: anneaux qui s’emboîtent les uns fous les autres; elle efl ' 7 ^ l8, très-applatie & verdâtre. Un autre genre de faulfes chenilles * qui s’éloigne *Fig. 1,2, extrêmement de la figure la plus ordinaire aux faulfes 3 & *• chenilles, efl un genre dont il n’efl pas ailé de caraétérifer les efpéces. On trouve de ces faulfes chenilles fur diverlês fortes d’arbres fruitiers, fur les pruniers, fur les cérihers, mais fur-tout fur les poiriers. Les arbres fruitiers ne font pourtant pas les feuls fur lefquels on les puifle voir, car j’en ai vu fur des chênes. Les unes & les autres fe tiennent fur le delfus des feuilles, & n’en mangent que le parenchime fupérieur. Elles ont une peau toûjours gluante, qui les ferait prendre pour des limaces, fi on ne leur appercevoit point de jambes. Leur couleur efl un verd-brun, fem- blable à celui du noftoc ou à celui des têtards. Je leur donne aulfi le nom de faulfes chenilles têtards, mais pour une autre raifon. Il efl rare qu’elles foient allongées * comme une chenille l’efl; elles peuvent renfler à volonté certaines parties de leur corps. Souvent elles en renflent Tome V . N * Fig. 2. * PF. ! 2. fig. 1 . a, b, & fig. 3. a b. * Fig. 2 & * PI. I O. fig. 3 - * Fig. I & 2. * Tome 2. pag. 4y6.pl. 3 8 - fig- 1 l > J2 Jjr j]. * Tome 3. Aiem. xii. yl-37-fig-', 2, 3 b? 4- * PI. 13. fig. 7, 17 & iis. 98 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE extrêmement le tiers antérieur *, ou une plus grande portion, & rendent le refie effilé; alors la fauffe chenille a quelque reffemblance avec un têtard. La reffemblance ell augmentée, parce que, comme je l’ai déjà dit, fa peau a le verdâtre de celle du têtard, & paroît de même hu¬ mide. Je n’ai trouvé que 20 jambes à celles de ces fauffes chenilles qui fe tiennent fur les feuilles de poirier *; je n’ai pu en découvrir à leur dernier anneau. Quelquefois ces infeéles fe multiplient extrêmement fur les poiriers, on en trouve quatre à cinq fur une même feuille; auffi ai-je vû de ces arhres, qui, dans le mois de Juillet,n’avoient plus que des feuilles defféchées, parce que toutes leur avoient été rongées d’un côté. Quoique le plus grand nombre des efj)éccs de fauffes chenilles fe tienne fur les feuilles des arbres, il y en a des efpéces qui vivent cachées. Il y en a une * qui creufe les tiges du rofier, qui les perce en flûte*, & qui vit de ce qu’elle détache. Nous avons déjà parlé * de quelques autres, qui, écrafées fentent l’amende, & qui font tom¬ ber au printemps les poires prefqu’auflitôt qu’elles font noüées, qui ne leur donnent pas le temps de grofiir. Elles font logées dans l’intérieur du fruit, & fe nourriffent de fa fubflance. D’autres font préjudiciables à d’autres fruits. L’hifloire des galles nous a donne occaflon * de faire connoître des fauffes chenilles qui croiffent dans ces galles, fi communes fur les feuilles du fàule, & fur celles de l’ofier. Toutes les fauffes chenilles pour parvenir à être des mouches à quatre ailes, fe défont de la peau qui leur donnoit la forme de ver. Après l’avoir quittée, elles font des nymphes *. Nous ne nous arrêterons point à expli¬ quer comment chaque nymphe oblige la peau du ver à fe fendre fur le dos, & comment elle fort par la déchirure des Insectes. III. Aient. 99 quelle v a faite. Tout ce qui le paffe alors, a été rapporté iorique nous avons raconté * comment lacrifalide le tire de la peau (Le chenille pour paroître à découvert. Sur les nymphes de nos fauffes chenilles, on reconnoît ailémcnt les jambes 6c les ailes; majs elles y font empaquetées, 6c d’ailleurs fi molles 6c fi tendres, quelles font incapables alors des fonétions auxquelles elles font deftinées. Elles ne réfifleroient pas aux frottements des corps durs 6c raboteux. Audi lorfqu’une fauffe chenille le lent prête à changer d’état, elle longe à le faire une coque dont les parois intérieures ont un liffe 6c un poli incapable d’of- fenier les parties les plus délicates, 6c une coque capable de réfifler par fà folidité aux corps étrangers qui pour- roient la preffer, 6c aux inlèéles qui voudroicnt que la nymphe devînt leur pâture ou celle de leurs petits. Après tout ce que nous avons dit des différentes conf- truélions des coques des chenilles de différentes efpéces*, il ne fembleroit pas que les fauffes chenilles piaffent avoir quelque chofede nouveau à nous faire voir dans ce genre d’ouvrages ; plufieurs efpéces de ces dernières fçavent pourtant fe faire des coques de foye qui ont quelques particularités dans leur flrucflure. Elles n’ont rien de re¬ in irquable dans leur figure extérieure,qui le plus fouvent eff oblongue comme celle d’un œuf, mais qui efl quel¬ quefois applatie *, 6c qui quelquefois a des irrégularités. Pour voir ce que chacune de ces coques a de remar¬ quable, il ne faut pas s’arrêter à fon extérieur, il faut l’ouvrir, 6c cela avec quelque précaution, peu à peu, comme on le fait lorfqu’on veut mettre la nymphéa dé¬ couvert fans la bleffer. Alors on reconnoît que la coque efl fiite de deuxtiffus très-différents; l’un, l’extérieur *, eff un rezeau a.grandes mailles; 6c l’autre *, l’intérieur, efl un tiffu très-ferré, plus ferré que celui d’aucune toile. N ij ÎOO MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE Qu’on ne fe prefTe pas, au rede, de comparer ces deux tilfus avec ceux d’une coque de ver à foye, où celui de l’enveloppe extérieure ed lâche, mol, comme cotonneux, pendant que l’intérieur ed compaéle6c ferme; car les tiflus de la coque de la fauffe chenille, font différents, à bien des égards, des précédents. L’enveloppe extérieure, quoiqu’à rezeau, n’efl rien moins que molle 6c cotonneufe. Ce * Pi. 14.%. tiffu criblé * ed ce que la coque a de plus folide, de plus capable de réfider à la preffion. Les yeux feuls font en état de didinguer le rezeau, mais quand on le ♦Fig. 9. conhdére avec une loupe forte *, il paroît, quoiqu’en petit, femblable à celui d’une raquette. Les fils dont il ed compofé, font fi gros, qu’ils femblent être de petites cordes à boyau, mais qui ont des inégalités; ils ont un reffort pareil à celui qu’ont ces fortes de cordes lorfqu’elles font tendues, un reffort qui les ramene dans leur première pofition, lorfque la preffion des doigts qui les en avoit tirés, ceffe d’agir contre eux. ♦ Fig. 6 .b, Le tiffu intérieur * plus ferré 6c extrêmement ferré, ed au contraire mol 6c flexible. Il n’a point fenfiblement de reffort. Audi, 6c c’efl ce que les coques en quedion ont de plus fingulier, le tiffu intérieur n’a rien de com¬ mun avec l’extérieur; ils fe touchent Amplement l’un l’autre, fans être aucunement unis l’un à l’autre, fans même être attachés enfemble; de forte que la coque de la fauffe chenille ed double, elle ed compofée de deux coques, dont l’une ed logée dans l’autre, comme le font les boîtes de bois mince faites pour qu’une un peu plus petite entre commodément dans une un peu plus grande. Mais dans la coque de notre fauffe chenille, la boîte ou Ug- 8. l’enveloppe extérieure ed folide *, 6c faite pour deffendre » Fig. 7. l’enveloppe intérieure qui ed mince *. Il ed aifé de fe convaincre, que la flrucdure de ces des Insectes. III. Aîcm. \ oi fortes de coques eft précifément telle que nous venons de la décrire. On n’a qu’à couper avec attention au moyen d’un canif, une petite portion d’un des bouts de i’enve- loppe extérieure *, qui le laide couper comme une plume; la portion qu’on a détachée met à découvert la léconde enveloppe. Qu’on continue de couper des morceaux du même bout jufqu’à ce que celui de l’enveloppe inté¬ rieure foit entièrement à nud, & jufqu’à ce qu’il le foit par-delà l’endroit le plus renflé ; qu’on tire alors le bout de la coque intérieure, foit avec une épingle, foit avec deux doigts d’une même main , pendant qu’avec les doigts de J autre main on retient la coque extérieure; fans employer une force fenfible, fans avoir belbin de rien rompre ni de rien décoller, on fera fortir de l’enveloppe extérieure la coque intérieure *, celle qui renferme im¬ médiatement la nymphe; & on reconnoîtra à n’en pou¬ voir douter, que ces deux coques ne faifoient que le toucher, quelles n’étoient nullement adhérentes l’une à l’autre. C’eft alors qu’on pourra voir plus nettement le rezeaude la coque extérieure*, qui fe trouvant vuide, n’a plus de corps opaque pôle vis-à-vis fes mailles. C’eft alors aulfi qu’on pourra mieux connoître quel eft fon reffort , car après l’avoir prefqu’applatie, après avoir amené deux côtés intérieurs & oppolès, à fe toucher, on les verra reprendre leur première courbure dès qu’on les biffera libres. La faulfe chenille n’a qu’une certaine provifion de ma¬ tière à foye, l’œconomie avec laquelle elle l’employe, eft digne d’être remarquée. Elle a befoin que la coque ou l’enveloppe extérieure foit capable d’une certaine réfil- tance. Or il eft évident que fi la même quantité de loye qui eft mife en œuvre pour faire avec de très-gros fils, avec des efpéces de petites cordes, un rezeau très-clair, étoit N iij pi. 14.6g. * F'g- 7 " * Fig.. &. ♦ PI. T+. I, 2 & 3. * Fig. i * Fig. 2 102 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE employée à compoler un tilfu ferre, qui n'eut pas de mailles fenfibles, il faudroit que les fis de ce dernier fulTent beaucoup plus fins pour fuffire à remplir tous les vuides des mailles. Alors les fis plus flexibles 11’auroient pas la roideur qu’ont ceux qui compofent la coque à rezeau, l’enveloppe extérieure leroit trop molle. Mais cette coque extérieure étant compoiée de mailles faites par des efpéces de petites cordes, eft néceffai rement raboteufe; elle ef bien éloignée d’avoir le poli que doit avoir l’enveloppe immédiate des tendres parties de la nymphe : auffi quand la fruiïe chenille a filé l’enve¬ loppe qui la mettra en fureté, lorlqu’elle fera une nym¬ phe, fous cette première enveloppe, elle en file une autre fur laquelle les parties de la nymphe pourront être polees comme fur un lit très-mol. L’intérieur de cette l'econde coque eft plus doux & plus lilfe que le plus beau latin. Il leur eft très-nécefiaire de fe conftruire une coque extérieure capable de réffter aux dents de leurs enne¬ mis; car M. Vallifnieri a obfervé des fourmis qui cher- choient ces fortes de coques, qui les rougeoient & qui parvenoient quelquefois jufqu’a la miferable nymphe qui y étoit renfermée, dont elles faifoient de bons repas. Nous devons faire connoître par préférence une fiaufie fir ,_ chenille du rofer *, qui elt de celles qui le confruilent une double coque, parce que nous aurons beaucoup à dire dans la fuite, de la mouche en laquelle elle lé trans¬ forme. Cette fauffe chenille elt de celles qui le font remarquer par leurs attitudes bizarres; elle tient ordinai¬ rement la partiepoftérieure de (on corps, élevée *,& Mu- vent contournée en S; quelquefois elle la tient contour- . née en embas *. Elle elt de la première clalfe, de la clalfe des Insectes. III. Mem. 103 de celles à 18 jambes ; on feroit fouvent tenté de ne lui en croire que 16, parce quelle montre rarement les deux pohérieures. Le quatrième anneau, le dixiéme & le onzième en font dépourvus. Ses jambes écailleufes font terminées * pi. 14. fig. par deux crochets *, au lieu que dans les chenilles, les 4 - c > c - mêmes jambes n’ont qu’un feul crochet. Le fond de la couleur du débits du corps, eh un jaunâtre qui tire fur le feuille-morte. Elle eh: toute couverte de petits tuber¬ cules noirs, de la plûpart defquels il part un poil. Les côtes & le dehous du ventre, font d’un verd-moyen entre le céladon & la couleur d’eau. Tout ce qui eh verdâtre eh tranfparent, & permet de voir dans l’inté¬ rieur les trachées & leurs ramifications. En dehous, tout du long du ventre, on apperçoit un vaiheau femblable à celui qui règne le long du dos , & que nous avons regardé comme le cœur des chenilles, & de bien d’autres infedtes, ou au moins comme leur principale artère. Le vaiheau qui paroît fous le ventre de notre fauhe chenille, a un mouvement, mais qui femble plus lent & plus foible que celui de l’autre. Eh-ce que ce vaiheau feroit le prin¬ cipal tronc de veines! Quand cette fauhe chenille a pris tout fon accroihe- ment, elle entre en terre pour s’y conhruire une double coque, telle que celles que nous avons décrites ci-defTus. Les coques faites en terre ont befoin d’être netto)éesdes grains de terre qui fe font engagés dans le rezeau qui forme l'enveloppe extérieure, lorfqu’on veut voir bien dihinélement ce rezeau ; mais fi ces inlecfles font tenus dans des poudriers où on leur refufe de la terre, ils ne s’en bâtihent pas moins le logement qui leur eh nécehaire pour leur transformation. J’en ai eu qui fe le font fait * Fi>. j.e, fur des feuilles de rofier*. Les coques de ceux-ci étoient nettes & propres. La coque extérieure ch d'un rougeâtre 104 - MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qui tire fur ie cannelle, & la coque intérieure eft d’une couleur plus blancheûtre. * PI. 13.%. La faufle chenille du chevre-feuille *, & beaucoup d’autres fauffes chenilles entrent de même en terre,& s’y conflruifènt des coques conformes au modèle que nous avons décrit. Mais d’autres fauffes chenilles entrent en terre pour s’y faire des coques plus femblables à celles que s’y font des chenilles de plufieurs efpéces. Elles lient enlemble des grains de terre, elles en forment une maffe creufe, dont l’extérieur eft prefque fphérique, & dont elles tapif- * Eîg. 16. fcnt l’intérieur d’une toile de foye *. Toutes les coques de pure foye où les fauffes chenilles fe renferment, ne font pas auffi induflrieufement conftruites que les coques des fauffes chenilles du rofier, du chèvre¬ feuille, &c. fous des écorces d’arbres, au bout d’une trace de fciûre empilée, & cela au milieu de l’hyver, & quel¬ quefois dans des creux d’arbres qui commençoient à fe pourrir, j’ai trouvé des coques faites d’une toile de foye blanche, très-ferrée, mais mince,& par conféquent flexible, dans laquelle habitoit une fauffe chenille qui s’y devoit métamorphofer. Les coques défendues par l’ccorce ou par le bois, n’ont pas befoin d’avoir une enveloppe auffi forte que l’enveloppe de celles qui fe trouvent en terre, & à peu de dirtance de la lùrface; elles ne font pas autant en rifque d’être comprimées. Chaque forte d’mduflrie n’a été accordée qu’aux infeétes auxquels elle étoit né- ceffaire. Quelques-unes de nos fauffes chenilles fe font des coques encore plus foibles que les précédentes. Une affés petite à 2.2 jambes, qui a une raye brune tout du long du dos, que j’avois trouvée fur forme, & que j’a- vois renfermée dans un poudrier avec une feuille de cet arbre. des Insectes. 111 . Mem . 105 arbre, fe conflrui lit fur cette feuille une coque *, dont * PI. icî-g. 1 extérieur avoit le blanc, le luifant & le raboteux d’iSne * s ' écume épaiffe qui fe leroit defféchée; comme de l’écume de favon, ou comme de l’écume de bave de limaçon, il étoit plein de bulles; mais l’intérieur étoit uni &. com¬ pacte, ex vifiblement compolé de luis blancs & luifants. J’ai alfés fait entendre que les faufîes chenilles filent comme les chenilles. La filière de celles-là eft placée comme la filière de celles-ci; mais j’ai cru voir deux filières, deux mammelonspôles l’un auprès de l'autre, qui fourniiïoient des fils à une fauffe chenille du grofelier *. * Fig. N’ayant point trouvé de terre, elle travaiiloit à réunir enfèmble des grains d’excréments fecs; je la troublai dans fon opération, je brifai Ja coque quelle avoit commencée; elle lé refnit à en faire une nouvelle feus mes yeux, dès quelle eût été tirée hors de la première. La faifon dans laquelle une fauffe chenille s’efl fait une coque, décide du temps quelle y refiera. J’en ai vu telle en été qui eft fortie de la fienne fous la forme de mouche, au bout de trois femaines & même plutôt ; 6c j’en ai eu d’autres, qui ne s’étant renfermées que vers la fin d’Août,& ayant été tenues dans mon cabinet, fe font montrées encore avec leur première forme dans le mois d’Avril, lorfque j’ai eu ouvert leurs coques. J’ai déjà dit que j’avois trouvé pendant l’hyver, des faillies chenilles dans des coques quelles s’étoient faites fous l’écorce de certains arbres, ou plus avant dans l’intérieur de quelques autres arbres. Toutes doivent devenir des nymphes pour parvenir à être des mouches, & il fuit des obfervations précédentes, qu’elles ne font jamais dans l’état de nymphe pendant un temps fort long, que celles qui doivent paffer l’automne & l’hyver dans des coques, l’y paffent fous leur forme de vers & fans prendre aucune nourriture. Cette Tome V- . O io6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE longue abftinence de tout aliment ne nous paraîtra pas nouvelle, les chenilles nous en ont donné alfés d’exem¬ ples. Quand les fauffes chenilles fe changent en nymphes, la faifon efi favorable pour les amener bientôt à l’état de mouches. Enfin, la faufie chenille devient une nymphe, qui, fans fortirdela coque, fe transforme enfuite en mouche. Cette mouche efi de celles qui n’ont point de trompe, * pi. mais qui à chaque côté de la tête ont une forte dent *. 1 1. d, d. Ces deux dents fe rencontrent l’une l’autre vers le milieu de la bouche. Le premier ufage que la mouche en fait, efi de les faire agir contre fa coque, de les employer pour fe procurer une ouverture qui lui permette de fortird’un logement qui n’eft plus pour elle qu’une prifon. Les dents viennent bientôt à bout de hacher des fils de foye, même ceux qui, dans certaines coques, tiennent des grains de terre réunis. Les mouches des différentes efpéces de fauffes che¬ nilles fe reflemblent toutes; elles ont, pour ainfi dire, un air de famille, & elles l’ont à tel point qu’un obfervatcur qui a afies examiné une mouche d’une faufie chenille quelconque, pour avoir retenu l’image qu’il s’en efi faite, efi en état lorfqu’il voit pour la première fois une mou¬ che qui fort d’une autre efpéce de fhufle chenille, de la reconnoître pour une mouche de faufie chenille, quoi¬ qu’elle diffère de la première qu’il a vûe par fa couleur & par d’autres circonfiances. Je ne veux pas parler des reffemblances effentielles qui font entr’elles, comme de celles de la firucfhire de la bouche, qu’on ne peut voir que quand on tient la mouche entre les doigts; je veux parler de celles qui fe font fèntir au premier coup d’œil, & qui cependant ne font pas ailées à décrire, parce qu’elles réfultent d’un enfemblc de petites particularités. des Insectes. III. Ment . 107 Toutes ont un air ailes lourd, elles font peu farouches, elles fe biffent approcher, & même elles fe biffent prendre, elles femblent fottes. Nous verrons bientôt que nous devons être contents de leur efpéce d’imbécillité. Leurs ailes font croifées fur le corps quelles débordent un peu de toutes parts, & au-deffus duquel elles ont un peu de convexité. Ces ailes ne font pas aulfi lilfes, & auffi bien tendues que celles de beaucoup d’autres mou¬ ches; elles ont de petites convexités, de petits enfonce- -ments, un air d’être mal détirées. Du relie, les variétés qu’offrent les mouches qui viennent de fauffes chenilles de différentes efpéces, font fouvent bien moins confi- dérables, & moins frappantes que celles qui font entre les fauffes chenilles; & li nous nous engagions à les dé¬ tailler, on pourroit nous reprocher avec quelque raifon de nous arrêter trop à des minuties. Il nous fuffira de dire que quelques-unes différent fenfiblement des autres en couleur; les unes ont le corps jaune, d’autres font verdâtre, pendant que d’autres l’ont noir. Celui de quel¬ ques-unes , entr’autres celui de la mouche de la fauffe chenille du chevre - feuille *, cfl d’une couleur appro- * pi. 13.%. chante de celle des abeilles. Les unes ont des ailes tranfpa- 8 - rentes, qui à peine laiffent appercevoir une légère teinte de jauneâtre; la teinte noire ou la teinte bleuâtre des ailes de quelques autres eft très-forte. Enfin, les nuances, foit des couleurs du corps, foit de celles des ailes, va¬ rient dans celles de ces mouches qui font de différentes efpéces. Mais il y en a dans lefquclles elles ne font pas notablement différentes, quoique ces mouches vien¬ nent de fauffes chenilles qui différent beaucoup entre elles. Les unes ont le corps plus court, d’autres font plus allongé. On peut encore remarquer des différences dans la ftrudure de leurs antennes ; celles des unes font ù Oij Io8 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE fig. iilcts graines + , celles des autres font en malfue *. Les antennes du mâle différent quelquefois de celles de la 9 - femelle. La mouche mâle de la fauffe chenille du rofier, fig. a les Tiennes bordées de poils *, pendant que celles de la mouche femelle * font liffes. Mais cédons de nous arrêter à de fi petites variétés, il vaut mieux faire confidérer une partie qu’on trouve à toutes les fémelies, qui ne lçauroit manquer de paraître admirable, même à ceux qui fçavent le moins admirer, dès que fa ftructure leur fera connue. Les mouches femelles de nos faufils chenilles font ovipares; les œufs que pondent plufieurs efpéces de ces mouches, & les feuis œufs que nous confidérerons actuel¬ lement, demandoient à être logés dans des entailles faites dans le bois, ou dans d’autres parties d’arbufies vivants. La mouche a été pourvue d’un infiniment qui la met en état de faire ces entailles. Cet inftrument efi une véri¬ table feie, qui ne diffère de celles dont nous nous fervons pour couper le bois, qu’en ce quelle eff de corne, au lieu que les nôtres font d’acier, & qu’en ce qu’elle eff faite avec beaucoup plus d’art que les nôtres. Nosfeies ordinaires font des lames coupées quarrément.fur un des longs côtés defquelles les bafes des dents lont arrangées en ligne droite; mais on oblige la pointe de chaque dent à s’écar¬ ter un peu de cette ligne, & à s’en écarter alternativement dans un fens oppofé; je veux dire, que fi une dent s'in¬ cline vers la droite, celle qui la fuit s’incline vers la gauche, celle qui vient après la précédente, s’incline vers la droite, & ainfi de fuite. Delà il arrive que les pointes de la moitié des dents de la feie fe trouvent fur une ligne, & les pointes des autres dents fur une autre ligne peu fr * une couliire un peu plus ou un peu moins large. M. Vallifnieri n’a pas penl'é que l’unique ufage de ces mem¬ branes fût de maintenir les lames écailleufes, il a obfer\é qu’elles formoient deux canaux, dont il a cru l’un deftiné à conduire les œufs hors du corps de la mouche. Les dents des feies de nos mouches font elles-mêmes dentellées *. Chaque grande dent efi une fuite de dents * Fig. u. très-petites. Nous ne devons pas être furpris que les d ' inlirumentsqui ont été accordés à des infedles foient fupé- d, d, d. rieurs aux nôtres, & plus travaillés, quand nous nous rap¬ pelions de qui ils les tiennent. Outre les particularités que nous avons remarquées ci- dclfus aux feies de cette mouche, & qui manquent aux nôtres, elles en ont encore une qui ne doit pas être ou¬ bliée. Chaque feie n’eft pas feulement une l'cie, elle ell en même temps une râpe , ou une lime d’une ftruélure fmguliére. Les râpes ont des ufages plus importants que ceux de réduire en poudre du tabac ou du lucre ; elles fervent à applanir les furfaces trop raboteufes des corps les plus durs, des pierres, des métaux. Les feies n’ont des dents qu’à leur tranchant, pour ainfi dire, au lieu que les râpes ont de longues & larges furfaces tout hérilTees de dents. Nous n’avons point encore réuni dans le même infiniment lafcie & la lime, ou la rape,& l’une & l’autre fe trouvent réunies dans chacun des inflruments qui ont été donnés à nos mouches pour entailler le bois. Outre I 12 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE les dents qu’ils ont dilpolées comme celles des fcies ordi* * PI. 15. fig. naires, ils ont fur une de leurs larges faces, fur l’extérieure *, 1 l, P>P>P‘ mi nombre confidérable de dents beaucoup plus fines, 6c qui ne le cedent guéres aux autres en longueur, fi elles le leur cedent; qui toutes font dirigées vers l’origine de l’inf- trument, 6c un peu inclinées vers les greffes dents de la feie. Chacune decesdcnts longues 6c déliées a quelqu’air tic celles des peignes; de forte qu’il femble que plufieurs peignes ont été appliqués les uns au-deffous des autres lur la furfacc extérieure de chaque feie. Ces différentes fuites de dents compofent une lime ou une râpe qui eft ajoutée à la feie ; mais une râpe ou une lime fort différente de celles qui jufqu’ici ont été taillées par nos ouvriers. Quoique les mouches munies d’un infiniment fi fin- gulier ne foient pas rares, quoiqu’il y en ait des efpéces, 6c meme plufieurs efpéces, qui fc tiennent fur un des arbufics les plus communs dans nos jardins, fur le rofier; cet infiniment confiruit avec tant d’art, efi pourtant refié inconnu jufqu a ce que les yeux de M. Valifnicri ayent fçû le voir. Dans un grand nombre d’obfervations cu- rieufesque nous devons à ce célébré Auteur, il n’y en a aucune peut-être qui lui ait autant plu, 6c dont il ait paru faire autant de cas;aufii a-t’il eu foin de décrire cette feie fi furprenante, de la faire graver, 6c toutes les parties qui entrent dans fa compofition ; de donner i’Hifioire de la mouche à laquelle il l’a d’abord trouvée, 6c cela avec une étendue 6c une élégance qui nous auroient afiïïré- ment dégoûté de parler après lui d’un infiniment fi fin- gulicr, 6c de l’ufage que la mouche en fait, fi nous n’y euffions été obligés par l’Hifioire générale des fauffes chenilles 6c de leurs mouches, qui entre nécefïàirement dans le plan de notre Ouvrage. Nous ne devons pas au refie, des Insectes. III. Alcm. 113 refle, diffimuler que nous penfons que ceux qui n’ont pas lû encore dans M. Valiiinieri l’Hifloire de la mouche à fcie des rofiers, pourront l’y lire avec plailir. Quoique nous nous propofions de n’obmettre rien de ce que cette Hiftoire a d’elîcntiel, nous pourrons paffer fur quekjues détails qui plairont afïurément dans M. Valiiinieri. D’ail¬ leurs, on trouvera des différences entre les figures de la fcie que cet attentif Obfervateur a-fait graver, & celles que nous faifons paroître pour repréfcntcr un infini¬ ment du même genre, mais des différences peu effen- ticlles pourtant. Les fcies qu’il a fait rcpréfenter n’ont point de dos, elles font dcntcllées fur les deux côtés oppofés; M. Valiiinieri en a vû fans doute de telles, mais celles que nous avons obfervées, ont un dos femblabie à celui des fcies de nos ouvriers. Ses figures ont été prifes d’après la fcie d’une mouche qui efl d’une efpéce diffé¬ rente de la mouche dont nous avons fait deffiner la fcie en grand, quoique l’une& l'autre mouche viennent defauffes chenilles qui vivent fur le rofier. On imagine bien qu’il faut avoir recours au microfcope, ou au moins à des loupes très-fortes pour voir diflincîc- ment la compofition de la fcie de nos mouches. La vue fimpie fait néantmoins affés appercevoir cet infiniment, pour faire naître le defir de le connoître mieux. Quand on tient entre deux doigts une mouche qui vient de quelque fauffe chenille, & une de celles qui ont le ven¬ tre le plus gros, fi on lui prcffele ventre doucement, on oblige deux efpéces de feuillets * courbés en coquille, dont l’origine efl à quelque diflancc de l’anus, de s’écarter l’un de l’autre, & de laiffer entr’eux une fente dans laquelle on apperçoit une pointe plus brune que le refie. En prefi¬ lant davantage, on force le corps, dont on ne voyoit que la pointe, de fe montrer en entier; on contraint la fcie * Tome V. . P * PJ. r - . fig. 1 S- l > L * Fig. 8 j 14. MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE entière à paroître à découvert. Les deux lames courbes qu’on a obligées de s’écarter, font faites pour la couvrir dans les temps où elle doit être dans finaélion. Si la mouche dont on a prefle le corps, quoique de mêmeefpéce que la précédente, a le ventre moins renflé; fi elle efl un mâle, la preflion ne fait point paroître de fcie. Cet inflrument n’efl néceffaire qu’à la fémelle, le * Pf. 11. fij. mâle ne l’a point. Mais on oblige deux lamçs * terminées 7 ‘ l * 1 ‘ en pointe, Si concaves vers l’anus, à le féparer, & à laifler voir que toutes deux enfemblc compofent une pince très- * e s Insectes. III. Man. 115 Si on eft curieux de voir une de nos mouches à lcie occupée à pondre, c’eft donc fur-tout celles qui aiment les rofiers, qu’il eft commode d’épier. On y en peut trou¬ ver en différentes fàifons de l’année; j’y en ai vû au prin¬ temps, vers la mi-May ;& j’y en ai vû dans tout le mois d’Août, Si même dans les premiers jours de Septembre. , La mouche * que j’y ai obfervée le mieux. Si un plus * El-14- grand nombre de fois, a la tête Si le corcelet noirs. Le IO * côté extérieur de chacune de fes ailes eft auffi bordé de noir dans prefque toute fa longueur ; fon corps elt d’un jaune qui tire fur l’orangé ; i'cs jambes font du même jaune, elles ont feulement deux jarretières ou points noirs. Quand dans de beaux jours, vers les dix heures du matin, on verra fur le rofier des mouches de cette efpéce, ou de quelqu’autre efpéce du même genre, qu’on s’attache à les fuivre des yeux, & on parviendra aifément à avoir le plaifir d’en obferver quelqu’une dans l’opération. Heureu- fement, comme nous l’avons déjà dit, ces mouches font lourdes, pareffeufes Si elles femblent ftupides ; ou pour traiter mieux des mouches fi fmguliéres par leur induftrie, elles font très-peu farouches; elles le font moins qu’011 n’oferoit le defirer; pourvû qu’01111e faffe pas de grands mouvements, on peut les regarder de tout auffi près qu’on le veut. Je les ai fouvent obfervées avec des loupes qui n’a- voient pas trois à quatre lignes de foyer, fans les déranger dans leur travail; Si elles l’ont fouvent continué, quoique pour les mieux voir, je déplaçaffe certaines branches, mais à la vérité, je les déplaçois le plus doucement qu’il m’étoit poffible. La mouche prête à pondre, fe promene de branche en branche, elle en parcourt plufieurs avant que de fe déterminer pour une place; celle qu’elle choiht, cft ordinairement à quelque diflance du bout de la bran¬ che, mais pourtant beaucoup plus près de ce bout que de Fij Tl 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’origine; la tête de la mouche eft alors tournée en em- bas. Quand la mouche s’cft arrêtée dans un lieu qui lui a paru convenable, elle recourbe un peu fon corps en deffous. Qu’on Toit attentif dans ce moment, & bientôt on appercevra la pointe de la double lcie, delà fcie com- pofée de deux feuilles. Une plus longue portion de cette fcie, ne tardera pas à paroître; dans un inftant, la mouche la fait loi tir prelque toute entière de l’efpéce d’étui où elle étoit renfermée & couchée; en la faifant fortir clic la redreiïe, de façon quelle i’amene à être prelque per¬ pendiculaire à la petite branche dans laquelle elle la veut faire pénétrer. Ce n’eft que dans le moment où la fcie a été mile dans la pofition convenable, qu’on la peut voir toute entière, car fa pointe n’a pas plutôt touché l'écorce delà branche, qu’elle s’enfonce dedans. La mouche qui eft cramponnée fur fes jambes, appuyé fon ventre fur la baie de l’inftrument, elle la prefTe de toute fa force. Dans ce premier infant, elle n’agit fur l’inftrument que pour le piquer dans le bois, que pour y engager fa pointe, que pour le mettre dans l’état où il doit être, pour que les dents des (des trouvent prife ; celles-ci peuvent bientôt agir avec fuccès , bientôt une plus longue partie de l’inf- trument fe cache dans le bois, il s’y enfonce de plus en plus; enfin, en moins d’une minute il parvient à y entrer prefque tout entier. Le ventre de la mouche, qui d’abord étoit éloigné de l’écorce, de toute la longueur de la fcie, s’en approche jufqu’à s’appliquer contre cette même écorce. Pour voir tout ceci, on n’a befoin de donner aucun fecours à fes yeux ; mais fi on leur donne celui d’une loupe forte, & fi on cherche à fe placer dans une pofition favorable pour bien obferver tout ce qui fe paffe, on parviendra aifément à voir que ce n’eft pas la fimple pref- fion de la mouche qui fait pénétrer l’inftrument dans le des Insectes. 111 . Mem . ti7 bois. On verra, & on verra avec plaifir le jeu alternatif des deux fcies. On verra qu’il y en a une qui efî pouffée dedans le bois, pendant que l’autre efl retirée vers i écorce ; &on verra même que ce mouvement efl produit par celui des tendons ou cartilages, auxquels chaque fcie.efialfujcttie. La mouche n’introduit pas ion infiniment dans la tige du rofier précisément pour l’y introduire, & Amplement pourfendre cette tige; elle l’y introduit pour y faire une cavité propre à loger un œuf aifés gros, qu’elle veut y biffer. Si on fait attention à la manière dont cet infiniment doit agir pour pénétrer dans la tige, on verra pourquoi il convenoit qu’il eut bien des particularités que n’ont pas les inflruments que nous employons à des ufages qui nous femblent avoir du rapport avec celui que la mouche fait du fien. Nos fcies pour fcier un morceau de bois, foit de long, foit de travers, n’ont pas befoin d’être pointues, elles peuvent mordre d’abord contre la furface fur laquelle elles font appliquées; elles ne pour¬ raient fervir qu’à flaire dans le bois une couliife égale par tout. Mais cc n’étoit pas la figure qu’il convenoit que la mouche donnât à l’entaille quelle doit faire. Cette entaille ne devoit pas être par-tout également large & également profonde; l’œuf qui fera biffé dedans, doit non - feulement y être reçu, il y doit être à couvert. La mouche pour faire fon entaille, dirige fon infiniment à peu-près comme un Chirurgien dirige fa lancette pour ouvrir un vaiffeau, elle l’enfonce d’abord prefque per¬ pendiculairement , & l’en retire dans une direélion obli¬ que. Les deux fcies de la mouche avoient donc befoin detre pointues par le bout, ce qui n’efi pas néceffaire aux nôtres. Il falloit que leurs bouts puffent s’introduire dans i’écorce & dans les fibres ligneufes, comme s’y in- troduifent des inflruments tranchants. Les dents des fcies P iij I I 8 MEMOIRES POUR 1 /HlSTOIRE font en état de couper les fibres quelles rencontrent ; mais ces deux Iciesfi prodigieuièment minces, & qui ont cha¬ cune une voye extrêmement étroite, n’auroient pu ouvrir une cavité luffifante. La face extérieure de chaque fcie a été faite en râpe pour fuppléer à ce qui manque à la voye & à lepaifieur des deux fcies: lorfqu’une des fcies ef retirée vers l’écorce, les dents déchirent les fibres quelles rencontrent. Nous avons dit que quand la mouche veut commencer à faire fortir fa fcie de l’étui où elle ef ordinairement logée. Si que quand elle l’applique contre l’écorce, elle tient Ion corps, fon derrière recourbé vers la branche; nous devons ajoûter que dès que les fcies ont pénétré à une certaine profondeur, que lorfqu’il s’agit moins de rendre l’entaille plus profonde que de la rendre plus longue, la mouche redrefle fon corps, en le redreffant elle l’appuye fur la fcie dans l’inclinaifon propre à la faire avancer vers le derrière. Après avoir admiré le jeu des fcies d’une mouche qu’on aobfervée avec une loupe; après avoir vû leurs pro¬ grès, & les avoir vû pénétrer aulfi avant qu’elles le peuvent, tout mouvement femble s’arrêter dans les tendons des fcies,tout paroît en repos. Ce moment eft celui où l’en¬ taille a été rendue telle quelle devoit être, celui où la mouche fait fortir de fon corps l’œuf pour le mettre dans la place qu’elle lui a préparée. Après un infant de repos, la mouche retire tout d’un coup de l’entaille la plus grande partie de l’inf rument, elle n’y en laide que le bout, moins du tiers de fa longueur; dans cet infant même, il y a en¬ core à obferver. J’ai vû alors une liqueur moufleulè, une liqueur pleine de bulles, telles que celles du favon , s’éle¬ ver jufqu’au bord extérieur de l’entaille. J’ai vû même quelquefois des bulles poufees au-delà du bord. Si on entaille un rofier de quelque manière que ce foit, onfe % des Insectes. 111 . Mem . 119 convaincra aifément qu’en aucun temps, il ne fçauroit fournir fur le champ une fi grande quantité de lève mouf- feufe, & les mois d’Août & de Septembre font de ceux où il en donneroit le moins. Il paroîtra donc certain que cette liqueur a été fournie par la mouche, quelle en arrofie fon œuf. Cette liqueur elt au moins gluante,& M.Vallifnieri, a qui elle n’a pas échappé, croît que la mouche 1 employé pour efpalmer la playe faite au rofier, pour l’empêcher de le fermer. Il y a grande apparence quelle fert à con- ferver l’œuf, & à empêcher les libres hachées fur lefquelles il ed pôle, de fe corrompre trop vite. Peu de temps après que la liqueur moufFeufe a paru, la mouche achevé de tirer fa doublefcie de l’entaille, elle la remet dans fon lieu ordinaire, mais ce n’eft pas pour l’y biffer long-temps. Bientôt la mouche fait un pas en avant, c’eft- à-dire, en defcendant ; elle lailfe en arriére & en enhaut l’entaille qu’elle a faite pour en creufer une nouvelle tout près de la précédente. Elle recommence alors la manœu¬ vre que nous venons de décrire ; elle fait fortir fa double fcie; elle la pique aplomb, & elle en fait jouer chaque feuille. Enfin,, elle pond un œuf dans cette dernière en¬ taille. Elle continue ainfi de faire de nouvelles entailles; de les mettre à la file les unes des autres *, & d’y en mettre plus ou moins, apparemment félon qu’une plus ou moins longue partie de la branche lui paroît propre à recevoir fes œufs. Quelquefois il n’y a que trois à quatre entailles à la file les unes des autres, & j’en ai quelque¬ fois compté jufqu’à 24. La mouche fans avoir fini fa ponte, quitte fouvent la branche fur laquelle elle l’avoit commencée; elle paffe fur une des plus proches, elle s’y promène; elle en parcourt quelquefois plufieurs avant que de trouver un endroit à fon grépoury recommencer fon opération. * PI. 14 fig. 1 5. e, e. *Fig. 1 8. 0,0. * Fig. 1 3 & ix. o p. & fig. 1 5. e, e. 120 Mémoires pour l’Histoire Je ne crois pas que ces mouches faffent tome leur ponte dans un feul jour; malgré les excellents inflruments dont elles font munies, entailler le bois comme elles l’en¬ taillent, doit être pour elles un ouvrage affésrude. Tout ce que put faire devant moi une mouche qui ne fembloit pas avoir envie de perdre du temps, fut d’achever fix entailles depuis dix heures jufqu’à dix heures & demie. Auparavant elle en avoit fait trois fur une autre bran¬ che, où elle n avoit pas jugé à propos d’en faire un plus grand nombre. J’en ai pourtant vu travailler quelques- unes qui m’ont paru être des fcieufes plus habiles, qui ailoient plus vite. L’ouverture de chaque entaille nouvellement faite, efl une petite fente un peu courbe, femblable à celle d’une Lignée *; elle a un peu moins d’une ligne de long. J’en ai mefuré une file de quinze qui 11’avoit guéres qu’un pouce; un quinziéme de cette longueur n’appartenoit pas en entier à chaque entaille, car la mouchelaiffetoujours un efpace entre deux entailles, & nous en verrons bientôt la raiion. Si on enleve l’écorce qui éfl aux environs d’une de ces fentes, & un peu de la partie ligneufe, on met l’in¬ térieur de la cavité à découvert. L’ccuf qui la remplit * efl affés gros proportionnellement à la grandeur de la mouche; il efl oblong, plus menu à un de fes bouts qu’à l’autre, & d’un jaune approchant de celui du corps de la •mouche. L’endroit de la branche auquel elle a confié fes œufs ne paroît le premier jour différent des autres, qu’en ce qu’il a une file de différentes fentes * l'emblablcs à celles que la lancette ouvre dans notre peau, & dont les lèvres comme celles des baignées fe font rapprochées.. Mais bientôt, dès le lendemain, cet endroit de la branche efl différent des Insectes. III. Mem. 121 différent du refte par (a couleur ; il eft brun, & devient même noir pendant que les environs des entailles, pen¬ dant que le côté oppofé fur-tout conferve fa couleur verte. Il fe fait même peu à peu fur chaque entaille un changement plus confidérable, & que le changement de couleur n'annoncerait pas; car celui de couleur femble avertir que l’écorce, & peut-être que les fibres ligneufes qui font deffous, font péries, & commencent à fe deffécher; cependant on voit que chaque endroit entaillé fe releve*, * PI. 14. %. & prend de jour en jour plus de convexité. En un mot, 16 ' e> e ' au bout de quelques jours la file des entailles devient comme une file de grains de chapelet faits en olive*, qui * pig. 17. aytïîlt toute leur longueur, auroient perdu une partie de leur circonférence. Qu’on n’attribue pas ces élévations à une végétation des parties entaillées, ces parties ont été miles hors d’état de prendre de l’accroiffement. On reconnoîtra qu’elles font dues à une autre caufe, & très-fmguliére, fi 011 ouvre un des endroits qui ont du relief*, fi on en tire l’œuf*, & fi * Fi on peut comparer cet œuf, comme je l’ai fait quelquefois, 0> à un œuf tiré d’une entaille applatie, d’une entaille où la mouche ne l’a dépofé que depuis quelques heures : l’œuf forti de l’entaille qui a du relief, paroîtra confidé- rablement plus gros que l’autre. On jugera donc que l’œuf a augmenté de volume depuis qu’il a été pondu, ce qui nous doit paraître une grande fingularité. A la vérité, ces œufs n’ont point, comme ceux de nos poules, une enve¬ loppe roide& caffante, ils ne font recouverts que d’une fimple membrane; mais les œufs de la plupart des autres infeéles, n’ont auffi que des enveloppes membraneufes, & cependant les œufs du commun des infeéles ne croif- fent pas. L’œuf de notre mouche à fcie croît donc jour¬ nellement, & à mefure qu’il croît, il oblige les parois de Tome V . Q 03 122 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE la cellule, dans laquelle il eft renfermé, de s’élever; il oblige celte cellule à devenir plus grande en tout fens. La mouche place fes œufs comme h elle-fçavoit ce qui doit arriver; quoiqu’elle aime à les placer proche les uns des autres, elle lailfe un intervalle entre deux endroits entaillés, afin qu’ils piaffent fe gonfler fans empiéter l’un fur l’autre. L’œuf en croiffant & en obligeant la peau de l’arbufle à s’élever, à devenir convexe, oblige la fente qui a été faite à la peau, à s’aggrandir. Cette ouverture devient de jour en jour plus conhdérable, & elle efl telle lorfque la fauffe chenille fort de l’œuf, qu’elle lui donne le libre palfage qui lui efl nécëffaire pour aller chercher de quoi vivre fur les feuilles du rofier. Une mouche à fcie d’une efpéce différente de l’efpéce de celle que nous avons fuivie jufqu’ici, qui a pourtant le corps teint du même jaune qui colore celui de la der¬ nière, mais dont la tête, le corcelet, les jambes & les ailes font d’un violet très-vif, cette mouche, dis-je, confie auiïi fes œufs à des branches de rofier quelle a entaillées; mais elle les y arrange tout autrement, & avec une fymmétrie qui a quelque chofede plus agréable; elle les y difpofe par *PI- i j.fig. paires *, & elle en place dix à douze, de jufqu a quatorze 3 ' P a ' res à la file les unes des autres, tantôt plus tantôt moins. Les deux œufs de chaque paire font enfemble un angle dont la concavité efl tournée vers le bout de la branche; l’angle des deux de la première paire eft aigu , & l’angle qui eft entre les paires fuivantes, l’eft de moins en moins, fouvent il eft obtus & quelquefois très-obtus. Une efpéce de fillon tiré en ligne droite fépare tous les œufs qui font adroite, de ceux qui font à gauche. Chaque œuf eft en¬ core féparé de celui qui le précède, de de celui qui le » Fig. 3. fuit * par des fibres ligneufes; en un mot, chaque œuf des Insectes. III. Mem. 123 efl logé dans une efpéce de cellule; mais qui ne le ren¬ ferme pas entièrement. Les œufs de notre première mou¬ che lont bien cachés dans les entailles où ils ont été laides, au lieu que ceux de la dernière mouche font à découvert en grande partie dans l’infiant même où ils viennent d’être pondus. L’entaille faite pour recevoir deux œufs pofés à côté l’un de l’autre, efl trop large pour que les lèvres de la playe de l’écorce puiffent fe toucher lorfque la mouche celfe d’agir contr’elles. Quoique j’ave trouvé fur des rofiers des nichées d’œufs, telles que je viens de les décrire, je ne fuis point parvenu à voir en œuvre la mouche qui les y place avec tant d’art; mais il efl ailé d’imaginer en quoi peut différer fbn travail, du travail de l’autre mouche; pour l’effentiel, pour le jeu de la fcie , il efl le même, & n’en diffère que par la manière dont les entailles font diftribuées. Mais pour ôter tout regret à ceux qui voudroient fçavoir plus en détail les procédés de cette mouche induflrieufe , je n’ai qu’à les renvoyer à M. Vallifnieri , qui a décrit tous -ces procédés, comme il les fçavoit voir & décrire. Cette mouche à fcie efl même celle qu’il a le plus fuivie dans l’opération, c’eft celle dont il a fait graver la fcie; & dont enfin il nous adonné une hifloire très-com- plette. Les figures & les defcriptions de M. Vallifnieri appren¬ dront même que les feies de cette mouche font encore plus ouvragées que celles que nous avons fait repréfenter: au lieu que ces dernières 11’ont qu’un de leurs côtés den¬ telles, que le dos ne l’efl point, le dos de celles que M. Vallifnieri a fait graver, eftdentellé comme le côté qui lui efl oppofé. Nous n’avons vû des dents femblables à celles des peignes *, que fur une des faces de nos feies, & M. * pi. r Vallifnieri a vû de ces fortes de dents aux deux faces des Qi i 124 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE autres foies ; enfin, fi on fe donne le plaifir de lire ce que ce célébré Auteur a écrit fur la fabrique de ces fcies, on * pi. 15.% y apprendra que la pièce * qui forme une couliffe né- 9, ' o & 1 2.. ce (f a j re p OU1 - contenir les deux fcies pendant qu’ellesfont en jeu, que cette pièce, dis-je, a deux conduits, dont il penfe que l’un efl deftiné à laiffer paffer les œufs lorfqu’ils font pouffés dans les cellules qui leur ont été préparées dans la fubflance du rofier; & dont il croit l’autre deftiné à fournir une liqueur qui doit arrofer les œufs à mefure qu’ils paroiffent au jour. Les œufs m’ont pourtant paru bien gros pour paffer par le premier canal, & ceux que j’ai fut fortir du ventre, que je preffois avec les doigts, font fortis par l’anus. Comme les œufs, fi bien arrangés par paires, font à dé¬ couvert , ils font plus aifésà obferver que ceux que d’autres mouches cachent dans des entailles qui les renferment prefqu’entiérement. Auffi M. Vallifnieri a été à portée de voir, &. a très-bien vu leur accroiflement & tous les changements qui y arrivent jufqu’au moment où une fauffe chenille eft en état de fortir de celui dans lequel fes parties fe font développées & fortifiées. Le rofier eft, ce femble, l’arbriffeau favori des fauffcs chenilles & de leurs mouches : outre les deux efpéces de ces dernières qui entaillent fi finguliérement fes tiges, j’y * Fig. 6 . ai obfervé une mouche à fcie d’une plus petite efpéce *, qui eft prefque toute noire; fa tête, fon corcelet&fes ailes même le font; elle n’a de blanc que la partie moyenne de chaque jambe. La fcie dont elle eft pourvue, eft appa¬ remment trop foible pour couper les fibres ligneufes du rofier, ou peut-être que fes œufs ne feraient pas environnés de parties propres à les tenir affés humides s’ils étoient logés dans les tiges. Quoi qu’il en foit, cette mouche n’attaque que des parties plus tendres Si plus abbreuvées de lue. Dans des Insectes. III. Mem. 125 le commencement d’Avril, lorfque les rofiers avoient en¬ core la plupart de leurs feuilles pliées en éventail, j’ai vû de ces mouches le promener fur les feuilles, comme les autres fe promènent lur les branches. La mouche alloit fur-tout fur la principale côte, elle la parcourait, elle l’examinoit & ledéterminoit enfuiteà y faire une entaille, dans laquelle elle dépofoit un œuf. La manière dont cette mouche opère, n’a d’ailleurs rien de particulier. Je ne lui ai jamais vû faire qu’une entaille de luite. Après l’avoir faite, elle quittoit la feuille, elle alloit en parcourir d’autres pour faire dans leur*greffe nervure une fente femblable à celle que je lui avois vû faire dans la nervure de la pre¬ mière feuille. Quelquefois pourtant j’ai vû la mouche revenir fur celle-ci, & l’entailler une fécondé fois, mais dans un autre endroit. Quand on connoît l’admirable ftruéïure de la fcie des mouches des fauffes chenilles; quand on a vû quelques efpéces de ces mouches l’employer à l’ufage pour lequel elle paraît faite, on doit être l'urpris, lorfqu’on trouve les œufs de diverfes efpéces de mouches à fcies qui femblent finalement pofés & collés fur des feuilles; qui femblent n’y être retenus que par une colle qui s’eft defféchée, comme le font ceux des papillons, & ceux de tant d’au¬ tres mouches. La ftuffe chenille du grofelicr*, dont nous * Pi. jo.% avons parlé au commencement de ce Mémoire, 1e mé- 4 - tamorphofe dans une mouche* affés femblable à la pre- *Fig. 6 £7. rniére mouche à fcie du relier, à celle qui fe contente de difpofer fes œufs dans une feule file. Elle a, comme celle-ci, le corps jaune, &le côté extérieur de chaque aîle bordé de brun. Ses antennes font un peu plus longues que celles de l’autre. Cette mouche laiffe fes œufs fous les feuilles du grofelier contre les nervûres, ils y font à la file les uns-des autres *. Les files néantmoins font fouvent * Fig. 8. Qüj 126 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE interrompues. Mais ce qu’il y a Je plus remarquable, c’ell qu’ils n’y femblcnt que collés; ils n’y paroiffent aucune¬ ment contenus dans des entailles. Quel ufage cette mou¬ che fait-elle donc de fa feie ! Peut-être s’en fert elle pour faire une fente très-iégére fur l’endroit de la côte ou elle applique fon oeuf, & que cette fente toute légère qu’elle cft, fufht pour fournir à l’œuf une humidité qui peut lui être néceifaire. J’ai vit auffi de ces mouches dans la pofture où elles dévoient être pour faire des entailles*, &jc les y ai vues de bien près. Plufieurs faillies chenilles du groiciier entrèrent dans la terre du poudrier, où je les avois renfermées au commencement de Septembre, pour s’y faire des coques & s’y métamorphofer. Dans les pre¬ miers jours d’Avril de l’année fuivante, je vis paraître dans le poudrier les mouches de ces fauffes chenilles. Quatre à cinq jours après quelles y furent nées, j’en tirai deux du poudrier, une mouche mâle & une mouche fémelle. Je les mis dans un autre poudrier, dans lequel j’introduifis une branche de grofelier, fans la caffer ni la détacher de l’arbufîe. La mouche fémelle parcourut une des feuilles, pafîa deffous, 6 c dès les premiers in liants, elle me montra qu’elle cherchoit à y faire fes œufs. A peine un demi- quart d’heure setoit écoulé, quelle avoit déjà com¬ mencé fa ponte, 6 c au bout d’un quart d’heure, elle avoit pondu dix œufs oblongs quelle avoit placés fur la partie la plus relevée d’une côte. Chaque fois que cette mouche vouloit pondre un nouvel œuf, elle lé pofoit comme h elle eut voulu entailler la place dans laquelle elle avoit envie de le mettre. Aucun œuf pourtant ne s’eft trouvé logé même en partie dans une cavité fen- hble. Les œufs que je voulus détacher étoient fi adhé¬ rents, que je ne pus y parvenir fins lescréver; 6 c une loupe affes forte ne put me faire découvrir l’entaille qui des Insectes. III. Alan. 1 27 pouvoii être bouchée par la peau de l’œuf qui y étoit relié attachée. Les mouches * qui viennent des faufles chenilles * qui * PI. m. %. paroilfent en grand nombre fur une feuille d'ofier dans 5 cx 6 ‘ des attitudes fi variées & fi bizarres, font encore de celles * Fl °‘ 3 * qui ont Je corps jaune; mais le côté extérieur de leurs aîlcs n’a pas le bordé brun qu’a le côté extérieur des ailes des mouches précédentes. Eiles ont une fcie, fur l’ufage de laquelle je fuis encore plus embarralfé que fur celui de la fcie des mouches du grofelier. Elles ne choifilfent pas les côtes des feuilles pour y lailfer leurs œufs, elles les appliquent fur la feuille même*, où elles les arrangent *F.g. 8&aA/c/ri cte t'/ju't: /naecûu? 7 o/n 5 Pl 2 > 5 tumés à s’arrêter fur de petits objets. D’ailleurs elles font renommées pour leur chant. Cette efpéce de chant, ou de bruit qu’elles font entendre vers le temps de la moiffon, &. qui 11e plaît pas toujours, les a fait chercher par ceux mêmes qui fe foucioient le moins de connoïtre les petits animaux. Ils ont voulu fçavoir d’où venoit un bruit qui les importunoit. Les pays chauds font ceux où elles le plaifent. Dans le Royaume, je ne fçache pas qu’on les connoiffe ailleurs que dans la Provence & dans le Lan¬ guedoc. Mais comme on a par tout oui parler de leur chant, dans plulieurs provinces ou on ne trouve point de cigales, on en donne le nom à certaines efpéces de fau- terelles, foit ailées, foit non ailées, qui font de grandes chanteufes. Quelques-unes de ce s provinces peuvent pourtant avoir des cigales, mais qui n’y ont pas été obfer- vées, parce qu’elles y font rares. Il y a quelques années que M. du Hamel m’apporta une dépouille bien com- plette, & qui lui fembloit avoir été lailfée par un fearabé Tojne V. . T 1+6 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE dans l’inftant où il s’étoit transformé. Il l’avoit trouvée à fa terre de Nainvilliers, près de Petiviers en Beauce. Je l’afTurai qu’une cigale étoit fortie de cette dépouille; que cette dépouille apprenoit qu’il devoit trouver des cigales dans la terre. II y en chercha l’année fuivante, & il y en trouva quelques-unes qu’il m’adonnées, & qui font * Pi. 1 6 . 6 g. de fclpéce des plus grandes cigales * de la Provence & du *' Languedoc. Ce n’efl pas parce que les cigales font des mouches à corps court ou ellipfoïde, que nous nous fommes déter¬ minés à les placer à la fuite des mouches à feie ; mais parce qu’elles leur relfemblent par i’induftrie avec la¬ quelle elles mettent leurs œufs à couvert & en fureté. Elles font d’ailleurs bien autrement grandes que les mou¬ ches à feie. Parmi les genres de mouches à corps court, il n’y en a point dans le Royaume, dont les mouches ayent le corps aulh gros que celui des cigales des grandes clpé- * Fig. 8 & 9. ces; le corps des cigales des petites efpéces*, ell encore plus gros que celui des frelons, c’eft-à-dire, que celui des mouches que nous regardons comme fort grolfes. Au premier coup d’œil, la forme de la cigale paroît * Fig. i. grolfiére. La tête * n’elt pas proportionnée avec les autres ô ' 2, parties, comme elle l’eft communément dans les autres infeéles, & fur-tout dans les autres mouches. Elle eft * Fig. i, 2, large & courte. Les deux yeux à rezeau * y font, l’un à 5 & 6. i, i. j ro , te & l’ au t re à gauche, tout près de fon bout poflérieur. Depuis la convexité d’un de ces yeux, jufqu’à celle de l’autre, il y a une diftance égale au diamètre du corcelet dans l’endroit où il ell le plus gros; & la diftance depuis le milieu du bout poflérieur de la tête jufqu’au bout an¬ térieur, prife en delfus, n’eft au plus qu’égale au tiers de celle qu’il y a entre les convexités des deux yeux : aulfi le devant de la tête eft-il obtus. * PI. 16. fig. i. cc. des Insectes. IV Mem. 147 Les yeux à rezeau ont par leur figure oblongue, quel¬ que reffemblance avec ceux des écrevifles, mais fans être mobiles comme ces derniers dans leur orbite. Entre ces yeux, qui font taillés à un nombre prodigieux de facettes, car leur rezeau eft extrêmement fin, il y en a trois * de ceux que nous avons nommés des yeux lifles, difpofés triangulairement fur la tête. Les mouches de ce genre font de celles qui ont un corcelet compofé de deux pièces, ou, fi l’on veut, qui ont deux corcelets. La tête elt jointe & appliquée au corcelet antérieur * par un col fi court, qu’il eft toujours *Fig. 1 &6. caché. Le corcelet antérieur peut jouer fur le poftérieur * eek ' auquel il eft uni. Il peut fe mouvoir pour permettre à la tête de defcendre un peu plus bas. C’eft encore de ce que ces corceiets ont d’un côté à l’autre un diamètre à peu près égal, &égal à celui de la tête, que la cigaleparoît alfés groftiérement façonnée. Il y a pourtant quelque travail fur le corcelet antérieur, un triangle v eft fculpté, l'es côtés font gravés en creux; 011 y voit aufti quelques traits en creux parallèles aux côtés de ce triangle. Le deftus du fécond corcelet eft plus lifte & plus luifant; vers le milieu de fon bout poftérieur, il a pourtant un petit cordon qui s’élève au-deftlis du refte. Enfin, le bord de fa partie fupérieure& poftérieure fe releve au-deftus d’un fillon qui le précédé. Les quatre ailes de la cigale font tranfparentes. Les fupérieures* beaucoup plus grandes que les inférieures*, ont des nervures opaques, très-marquées, très-fortes & très-capables de foûtenir le tiftu mince qui remplit les inter- vales qu’elles Liftent entr’elles. Ces deux ailles fupéricures font attachées au fécond corcelet tout près de fa jonéïion avec le premier; & les inférieures ont leur attache afles proche de la jonélion de ce corcelet avec le premier des Tij * Fig. G. 1,1. * m, ni. 148 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE * PI. 1 6. fig. anneaux du corps. Elles font toutes quatre pofées en toit *, *• elles s’appliquent pourtant fur le corps, dont une portion refie à découvert. Pour achever de décrire tout de fuite ce que nous offre la partie fupérieure de cette groffe mouche, nous dirons qu’on y compte huit anneaux, fi on veut mettre au nombre des anneaux une partie oblongue & conique, par laquelle le corps efl terminé, quoiqu’elle ne foit pas compofée de deux pièces dans les femelles, comme les autres Je font. Le premier anneau eil le plus large de tous ; le fécond plus étroit, l’eft moins que le troifiéme,le qua¬ trième, le cinquième & le fixiéme ; mais le feptiéme égale pour le moins le fécond en largeur. D’un côté à l’autre, le diamètre des cinq premiers efl à peu-près égal, mais celui du fixiéme efl plus petit fenfiblement que le diamètre de celui qui le précédé, & furpaffe le diamètre du feptiéme qui efl plus grand que celui du dernier anneau. Auffi le * F, g- 5 -z corps du mâle *, & celui de la fémelle* fe terminent en * Figure 2. p G j nfe . ma j s j a pointe du corps de la fémelle efl plus allon¬ gée. Tous les anneaux font écailleux, ils 11’ont aucun poil fenfible à la vue fimple ; ce n’efl qu’autour des yeux à rezeau & fur le defîous de la tête & des corcelets, qu’011 en découvre, fur-tout fi on les cherche avec une loupe. Mais ce font les parties que peut montrer le deffous delà cigale, qui nous arrêteront le plus dans ce Mémoire. * Fig. 2 & C’efl-là qu’on peut voir fa trompe *; c’efl-là qu’on peut , P voir fur les fémelles où efl pofé i’inflrument* avec lequel elles parviennent à percer les trous dans lefquels elles lo- Fig -2.11,11. g ent j eurs œu f s C’cfl-là enfin, qu’on trouve aux mâles* les organes qui produifent cette efpéce de chant qui a tant fait célébrer la cigale. Heureufement que ces parties, les plus finguiiéres de l’extérieur de ces mouches de l’un &. de l’autre fexe, peuvent être bien vûes fur celles qui font des Insectes. IV. Ment. \49 mortes; 6 c que pour les étudier 6 c les didequer à l’aile, il faudroit faire périr les cigales qu’on auroit vivantes; car je me luis trouvé engagé à écrire leur hiftoire fans en avoir jamais entendu chanter une, 6 c fans en avoir jamaispodedé une en vie. Je n’en ai pu découvrir aucune dans les environs de Paris, ni dans les autres cantons du Royaume 011 j’ai été à portée de faire des obfervations. Les regrets que j’avois de ne pouvoir obl'erver vivant un genre d’mfeéles, à qui une place étoit fi due dans nos Mémoires, ont cede lorfque j’ai vû beaucoup d habiles gens fe prêter dans le Royaume, & hors du Royaume, à me procurer des connoilfances que je défirois. Dans le Languedoc, feu M. Lefèvre Médecin dUzez, qui a communiqué à l’Académie beaucoup d’expériences qui ont paru curieufes; feu M. Lefèvre, dis-je, m’a envoyé des cigales telles qu’elles font en été, & m’en a envoyé fous la forme qu’elles ont avant que de s’être métamor- phofées. M. Sauvage fçavant Profedeur en Médecine à Montpellier, & de la Société des Sciences de la même Ville, a eu audi attention de m’en procurer. M.Granger, ce Voyageur d plein de courage, à la mort duquel toutes les parties del’Hidoire Naturelle, &la Botanique fur-tout, ont tant perdu, m’a fait parvenir des cigales d’Egypte. Mais les cigales 1e trouvaffent-elles naturellement aux en¬ virons de Paris, & y eudai-je employé un grand nombre de perfonnes à m’en chercher, je n’en eude pas été plus fourni que je l’ai été de celles de toutes efpéces, & de l’un 6 c de l’autre fexe, des environs d’Avignon, par les foins de M. le Marquis deCaumont. Son penchant naturel le porte à obliger, 6 c fur-tout à obliger ceux qui, comme lui, aiment les fciences ; mais je me fais un plaifir de penfer, 6 c je le penfe fur de bonnes preuves, que fon amitié pour moy lui fait faire bien au-delà de ce qu’il Tiij i jO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE feroit pour des Sçavants qui ne lui feraient pas auffi atta¬ chés que je le fuis. Il ne s’eft pas contenté de faire lui- même les recherches 6c les obfervations que je lui avois marqué défirer être faites; il a engagé plufieurs perfonnes à le féconder, 6centr’autres M.AIphons, qui, quoiqu oc¬ cupé journellement de bonnes œuvres, trouve du temps pour étudier les infeéles, 6c en a trouvé affés pour me fournir les obfervations que j’avois le plus d’envie d’avoir par rapport aux cigales. Apparemment que nous euffions pu nous difpenfcr de traiter des cigales, de faire graver des figures qui re- préfentcnt celles de différentes efpéces 6c de différents fexes, 6c leurs parties les plus remarquables, fi des cir- co n flan ces que nous ignorons n’euffent pas empêché jufqua préfent M. Pontedera d’en publier î’hifloire qu’il avoit fait efpérer, 6c qu’il avoit promis d’accompagner de figures. Ce qu’il a rapporté de ces greffes mouches, dans une lettre écrite à M. Sherard dans le mois d’Ocftobre 1717, 6c imprimée enfuite à Padouë, prouve qu’il lésa étudiées avec un foin 6c une attention qui n’ont pu man¬ quer de lui faire faire beaucoup d’obfervations fures 6c curieufes. Ariflote 6c les anciens après lui, ont réduit les cigales à deux efpéces, qui différent principalement par la gran¬ deur; il a nommé celles de la plus grande efpéce acheta?, 6c celles de la petite efpéce tettigoiiiœ. M. Pontedera, dans la lettre que nous venons de citer, dit auffi qu’il ne con- noît que deux fortes de cigales,des grandes 6: des petites; mais qu’il connoît deux efpéces des unes 6c des autres. Il a fait un ufage du nom d’efpéce, qu’on n’a pas coutume d’en faire lorfqu’il s’agit des animaux; les cigales de deux fexes différents, le mâle 6c la fémelle, font pour lui de deux efpéces différentes, lls’eflcru autorifé apparemment des Insectes. IV . Mem . 151 à cette dénomination, parce que les Botaniftes regardent comme des efpéces de plantes différentes celles qu’ils di- fent être d’un lexe différent; mais leslexes des plantes ne l'ont ni auffi lûrement connus, ni connus depuis auffi long-temps que ceux des animaux, ce qui fait qu’on ne feroit pas auffi hardi à affûrer de deux plantes quelles 11e différent qu’en fexe, qu’on l’cfl à l’affurer de deux ani¬ maux. Quoi qu’il en foit, M. Pontedera convient qu’il ne connoît réellement que les grandes cigales * qu’Ariflote *pj. ,<$. ^ a nommées Achetés, & les petites * qu’il a nommées 1 >-> s & Tettigonies. A ces deux efpéces, j’en ai une troifiéme * * Fig. 7!* 9 ’ à ajoûter, qui eü d’une grandeur moyenne entre les grandeurs des deux autres, & qui en diffère encore par d’autres endroits. A en juger par la grandeur de la cigale qu’Aldrovande a fait repréienter pour une tettigonie, & par ce qu’il dit des lignes dorées qu’elle a fur le corps qu’il confond avec le corcelet, la tettigonie eft notre cigale de l’efpéce moyenne *, & la plus petite efpéce de cigales lui * Fig. 7. auroit été inconnue. Outre les différences de grandeur qui peuvent faire aifément diftinguer trois efpéces de cigales les unes des autres, elles ont encore entr’elles des variétés de couleur très-propres à les faire reconnoître. La grande efpéce efl en deffus la plus brune des trois. Le corps & les corce- lets y font d’un brun luifant prefque noir. Le premier corcelet a pourtant un bordé d’un jaune-brun, tout au¬ tour de fon contour polïérieur. Il a encore une ligne droite du même jaune dirigée vers la tête, & qui ledivife en deux également ; quelquefois on y apperçoit de plus, deux ou trois points jaunâtres. Les parties du bord podé- rieur du fécond corcelet, qui font plus relevées que le relie, font auffi jaunâtres. Le jaune domine bien autre¬ ment fur les cigales de l’efpéce de moyenne grandeur *. * Fig. 7. * PI. i 6. fig. 8 & .9 152 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Le premier corcelet de celles-ci, a plus de jaune que de brun ; le fécond corcelet a auffi beaucoup de jaune ; il a deux taches de cette couleur pofées l’une contre l’autre près de Ion milieu, qui ont quelque chofe de la figure d’un X mal formé. Près de l’origine de chaque aile, il y a encore une autre tache jaune; plus de la moitié de la partie (upérieure de chaque anneau eft jaunâtre. Enfin, ies ailes lupérieures font picquées de huit à dix points d’un brun prefque noir, qu’on ne trouve point aux ailes des cigales de la grande efpéce. Les cigales de la troifiéme ou plus petite efpéce *, font appellées cigalons, près d’Avignon; elles ont moins de jaune que celles de la fécondé, & plus que celles de la première efpéce. Quelques-unes ont une teinte rougeâtre. Tous les anneaux de leur corps, ont un étroit bordé jaune. Quatre rayes jaunes un peu tortueufes, font couchées fur le fécond corcelet à peu-près parallèlement les unes aux autres, & dirigées fui van t la longueur du corps. Il y a beaucoup de jaunâtre fur le premier corcelet. Si on approche les ailes des cigales de cette petite efpéce, de celles des cigales des deux premières efpéces, elles paroiflent laies en comparaifon des autres ailes. On leur trouve une teinte jaunâtre qui aide à faire briller le luifant argenté des premiers. A ces trois efpéces, il y en aura apparemment encore d’autres à ajouter, lorfqu’on obfcrvera les cigales de différents pays avec une nouvelle attention. Le nombre des efpéces de ces mouches efi prefque déjà trop grand, pour qu’on puilfe les diftinguer les unes des autres Amplement par la grandeur; mais on pourra les caraélérifer par d’au¬ tres particularités qu’elles nous offrent ; les différences de couleurs, & les différentes diflributions des mêmes couleurs, y peuvent feules fuffire. Venons à confidérer par deffous nos cigales que nous n’avons DES I N S E C T E s. IV Mem. 153 n’avons encore fait voir qu’en défais. Les plus brunes, celles de la plus grande efpéce, ont le ventre d’une couleur plus claire que celle du defïus du corps; il eft d’un jaunâtre fale & pâle, excepté près des bords, où l’on trouve encore deux bandes brunes. Ces bandes font des portions des mêmes arcs écailleux, qui recouvrent ledefTus du corps; chacun de ces arcs * le recourbe de chaque côté pour *Pi. 16. fig. venir Unir fur le ventre, 8 c pour y être affemblé à une ^ a £’ b b * lame écailleufe, comme ils le font eux-mêmes, mais moins convexe. Elleell prefque platte, plus épaiffe pour¬ tant versfon milieu que près de lès bords; dans toute l’on «tendue, elle eft d’un jaunâtre pâle. Une de ces lames 8 c l’arc auquel elle eft jointe, forment enfemble un anneau complet. Si on oblige le ventre de s’allonger, c’eft-à-dire, fi on «carte les lames blancheâtres les unes des autres, autant quelles peuvent s’écarter, on met à découvert les ftigma- tes du corps. Il y en a deux * entre deux lames j un de * chaque côté, placé tout près de la jonélion d’une lame avec l’arc écailleux qui lui correfpond. Nous n’avons pas encore achevé la defeription de la tête de la cigale, parce que nous n’avons pas encore parlé de ce qu’on en voit en confidérant le defïous. Nous n’avons pas même encore parlé de deux antennes * qui » Fig. 1 & pourraient échapper par leur petitefte, elles n’ont que 2,&c - a,a ’ quelques lignes de longueur. On peut pourtant les ap- percevoir en ne voyant la tête que par-defTus, mais il faut la regarder par-defïous pour voir leur origine *. * Fig. 2. Ch.acune d’elles eft pofée afiés près d’un des yeux à re- zeau, 8 c part de deffous une petite lame cartiiagineufê qui fe trouve fur le contour qui fait la réparation de la partie inférieure, 8 c de la partie fupérieurc. Une loupe forte fait voir que chaque antenne* eft compofée de *Fiç.3. Tome V . V IJ 4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE cinq à fix pièces articulées bout à bout, & déliées de plus en plus; celle‘de l’extrémité eft auffi fine qu’un cheveu „ & celle de la bafe eft fenfiblement plus groffe. Du bout antérieur de la tête part une pièce de figure PL 1 6 . fig. triangulaire *, qui fembie être une efpéce de très-grand & 5> l 1 ' menton, qui f'e plie pour couvrir le defïous de la tête, 8 c qui s’étend plus loin. Sa baie a une largeur égale à la diflance qui eft entre les yeux à rezeau, 8 c fa pointe va. bien par-delà la ligne dans laquelle font les attaches des deux premières jambes. Le milieu de cette pièce eft re¬ levé en boite conique, 8 c eft orné de cannelures tranf- verlales. La bafe de ce dcmi-cone fait le bout de la tête vite par-deffus. Le fommet du cône fe rend à la pointe de la pièce triangulaire. C’cft de la pointe de cette pièce * t. que fort la trompe *, au moyen de laquelle la cigale elî en état de prendre pour nourriture autre choie que la rofée dont les anciens l’ont fait vivre. Avec fa trompe elle peut aller puifer dans les vaiffeaux des feuilles 8 c des branches des arbres, le fuc qui y eft contenu. Je trouve auffi dans une lettre deM. Alphons, que lorfqu’i! faififfoit une cigale attachée à un arbre, il lui eft fouvent arrivé de tirer avec peine la trompe dont le bout étoit piqué dans l’écorce. Avant fa transformation, avant que d’être mouche, ce n’étoit que des racines des plantes qu elle pouvoir tirer les aliments néceffaires pour fon accroiffement, comme nous le dirons bientôt ; alors cependant elle n’étoit pour¬ vue que d’une trompe pareille à celle quelle a étant cigale. Il y a donc apparence que cette trompe, qui lui a été confervée dans là métamorphofe, doit lui fèrvir à un ufage femblable à celui auquel elle lui a été nécefftire lous fa première forme; qu’elle s’en fert pour pomper la lève des branches ou des feuilles, comme elle s’en fervoit aupa¬ ravant pour pomper celle des racines. des Insectes. IV Mcin . 15j Un corps délié 6c long *, une efpécc de gros fil fem- * pi. iCfîg. Me partir de la pointe triangulaire ; il a à peu-près la 2 ’ c ‘ grolïeur 6c la longueur d’une petite épingle. 11 efl appli¬ qué contre le fécond corcclct, 6c va par-delà l’endroit ou font articulées les jambes de la troifiéme paire. Ce corps délié n’efl pas la trompe, il n’en efl que l’étui, 6c ce n’efl pas du menton qu’il part comme les apparences portent à le croire. Pour voir la véritable origine de ce fou rreau de la trompe, Si pourvoir la trompe meme, il faut faire violence à l’efpéce de menton , le foûlever, tâcher de le redrelfcr un peu*. Pour peu qu’on le re- * Fig. i o. p. drdfe , ce qui n’eft pas difficile, on oblige une partie de la trompe* à paraître à découvert; celle-ci tient réellement * r. à la pointe du menton, auffi le menton ne fçauroit être foûlevé fuis que la trompe le foit. Or, lorfque la trompe efl obligée de fuivre le mouvement de la pointe du men¬ ton, il lui arrive fouvent de fe tirer de Ion fourreau; celui- ci refie en arriére, parce que fou bout antérieur, ou fa baie, eft attachée fixement à des parties membraneufes qui fe trouvent au-defîous du menton , vis-à-vis fon milieu , mais auquel elles ne tiennent point. Pour faire prendre une idée encore plus nette de la pofition tic la trompe. Si de celle de fon étui , ayons recours à une compa- raifon noble pour la cigale; comparons le bout de fon menton , au bout du nôtre, 6c les parties charnues ou membraneufes qui font fous fon menton,à celles de notre gorge. C’efl de ces parties charnues, analogues à celles de notre gorge, que l’étui tire fon origine, 6c c’cfl de la pointe du menton que part la trompe. Quand celle-ci s’éloigne de l’endroit où elle efl ordinairement, fon four¬ reau ne la fuit pas toujours, elle en fort, 6c c’efl à elle à le venir retrouver quand elle doit y être renfermée. Jl y a pourtant des circonflances où le fourreau peut fuivre la Vij * PI. 16. io. f. * * a. * 15 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE trompe, fçavoir, lorfque la cigale donne aux chairs d’où il part, un mouvement qui fait quelles accompagnent elles- mêmes le menton. fig- Le fourreau *ed une efpéeede gouttière, à laquelle il ne paroît tout du long qu’une légère fente; cette fente ed lur la face qui ed en vue lorfqu’on regarde la cigale par-def- fous. La gouttière ed alTés folide, faite en grande partie de matières cartilagineufes; elle peut fe rederrer au point que la fente n’ed que le terme des deux bords ou levres- qui fe touchent ; & elle peut s’ouvrir lorfqu’il en cd be- foin pour laitier fortir la trompe. Ce fourreau ed plus- renflé qu’ailleurs auprès de fa bafe, delà il va en dimi¬ nuant de diamètre jufques un peu par-delà la pointe du l. menton *. Dans le rede de fa longueur il cd plus menu, & a à peu-près par-tout le même diamètre, jufqu a fou bout qui ed arrondi. Une portion de la partie la plus ren- b. fléefemble avoir deux articulations*; on y voit au moins deux traits tranfverlàux plus enfoncés que le rede. Au- deffous de cette même portion on doit remarquer des cartilages bruns qui forment un ceintrc en forme de go- g. det *. Ces cartilages peuvent être comparés à nos clavi¬ cules ; c’ed fur l’efpéce de bec du godet que. pofe une partie de l’étui; le rede du contour du godet, ed, pour ainfi dire, une mentonnière dedinée à foûtenir le menton. Quand on confidére le fourreau avec une forte loupe, elle y fait découvrir beaucoup de poils. Ceux de fon bout fe font plus remarquer que les autres, parce qu’ils font difpofés en rayons. O11 remarque auffi de chaque côté de la fente, des poils qui y font dirigés perpendiculairement Si horizontalement, ils font deux efpéces de franges, mais légèrement fournies. Nous venons de voir que lorfqu’on foûleve le men¬ ton, la partie de la trompe qui y tient, fe dégage du des Insectes. IV. Mem. r 57 fourreau. Si on pafTe une épingle fous cette partie cic la trompe, & qu’avec cette épingle on la pouffe doucement, & peu à peu en haut, on parviendra bientôt à dégager la trompe toute entière, &dès quelle fera à découvert, on verra aifément quelle efl compofée de trois filets * écail¬ leux, ou de nature de corne, égaux en longueur, & de couleur de marron. Ces filets fe féparent fouvent d’eux- mêmes lorfqu’on les fait fortir hors de fa couliffe qui les contenoit ; mais s’ils font reftés unis, on les écarte les uns des autres en les frottant allés légèrement avec la pointe de 1 épingle. Quand on s’eft affairé du nombre des pièces qui entrent dans la compofition de cette trom¬ pe, pour bien voir comment elles font difpofées les unes par rapport aux autres, on doit tirer le plus doucement qu’il efl poflible, une trompe hors de fon étui, afin de n’y caufer aucun dérangement. Elle paraît alors à peu- près ronde & terminée par une pointe. Quand enfuite on vient à féparcr les trois pièces les unes des antres, ou reconnoit qu’entre deux de celles-ci *, que nous nom¬ merons les extérieures, eft renfermée la troifiéme *, que nous appellerons l’intérieure. Cette dernière efl d’une couleur un peu plus claire que celle des autres. Les deux pièces extérieures font convexes par dehors, & plattes au moins par la face qui s’applique contre la pièce intérieure. Si on les examine au microfcope ou avec une loupe d’un court foyer, on voit que leur bout fe termine en pointe arrondie, & faite à peu-près comme une cuillier oblongue, & que la convexité de cette pointe mouffe eft hériffée de dents très-proches les unes des autres, d’où il eft aifé de juger que cesdeux pièces font deftinées à faire des entailles aux plantes. La pièce intérieure a fon bout terminé par une pointe fine & courbe. Outre les trois pièces, dont nous venons de parler, V iij PI. i 6. fi». I • t, r,t. * t> * r. 1)8 MEMOIRES POUR L’KiSTOIRE nous ne devons pas oublier d’en faire connoître unequa- * PI. 1 6. fig. triéme *, qui femble appartenir à la trompe. Elle efl ce- »o& 1 1- 1 - pendant très-courte & part comme elle de la pointe du menton; elle s’appuye fur la trompe meme. Elle efl plus blancheâtre que les pièces qui compofent la trompe, &. elle n’a pas autant de confiftance; elle efl a (Tés large à la baie, mais elle s’étrécit infènfiblement pour le terminer par une pointe fine. Noos en (aillerions prendre une faulîe idée, fi nous la laiffions imaginer platte, elle efl pliée en gout¬ tière. je donnerois volontiers à cette pièce le nom de langue de la cigale. Je luis très-diipolë à croire quelle conduit dans le menton, le lue qui lui efl apporté par la trompe. Ce n’efl, au relie, que l’analogie qui veut que je lui attribue cette fondlion; car je n’ai jamais été à por¬ tée d’obfcrver une cigale pendant quelle le fervoit de la trompe. J’ignore par la même raifon, fi la trompe efl écartée du fourreau pendant quelle agit, ou li le fourreau la foûtient alors, au moins en partie. Dans chaque efpéce de cigales, le mâle feul fçait chan¬ ter. Cependant dans les pays où ces infeéles font les plus communs, on croit que c’eft la femelle qui chante, du moins le croit-on en Provence &. en Languedoc, on y prend le mâle pour la fémelle. C’elt une méprife qui ne doit être reprochée ni au peuple ni même à des hommes d’ailleurs éclairés , puifque M. Malpighi avoué y être tombé. Il avoué qu’il deffina d'abord l’inftrument dont la fémelle efl pourvue pour percer les brins de bois dans les¬ quels elle veut dépofer fes œufs, pour la partie propre au mâle, & deftinée à rendre les œufs féconds. Ceux qui ont attribué le bruit que les cigales font entendre, à une agi¬ tation prompte des ailes, accompagnée d’un frottement des fupérieures contre les inférieures, ont donné dans une erreur plus grofüére. Les grillons & quelques fauterelles des Insectes. IV. Mem . 159 les ont conduits à le penfer, & ils t’ont dit fans avoir con- fidéré un mâle de cigale; car l’examen le plus leger, ce¬ lui dont les gens de la campagne font capables, c’eft-à- dire, une fimple infpeélion, a luffi à ceux-ci pour leur apprendre à diftinguer les cigales qui doivent être muet¬ tes, de celles qui peuvent fe faire entendre; les payfans le fçavoient dès le temps d’AJdrovande, & l’ont fçû appa¬ remment plutôt. Si on ne veut donner le nom de voix qu’à l’efpccc de bruit qui eft produit par l’air chaffé hors des poul¬ inons, & qui, à fa fortie du larinx, eft modifié par la glotte, les infeéles n’ont point de voix. Mais 1 1 on croit devoir donner plus d’étendue à ce mot, fi l’on veut con¬ venir que tous les bruits, que tous les fons, au moyen defquels des animaux déterminent ceux de leur efpécc à certaines acftions, méritent le nom de voix, alors nous trouverons de la voix aux inleéles, & les organes de celle de la cigale nous paraîtront dignes d’être admirés, quoi¬ qu’ils ne foient pas placés dans le gofier. C’eft fur le ven¬ tre qu’il les faut chercher; c’eft dans là cavité qu’ils font logés. Quoique la pofition de ces organes *, connus même * Pi* >6. des payfans, n’ait pu échapper à Ariftote, &. à ceux qui, 5 ' t,J depuis lui, ou plus exaélem^nt d’après lui, ont parlé des cigales , M. Pontédéra affine avec raifon , qu’il lemble qu’ils ont été mal vus. Il eft certain, au moins, qu’ils ont été mal décrits, & qu’il y en a quelques-uns qui font difficiles à découvrir. Quand on oblerve du côté du ven¬ tre un mâle des cigales de la grande efpéce, on y remar¬ que bientôt deux allés grandes plaques écailleules * qu’on *Fîg. îie trouve point aux femelles *. Leur figure arrondie *Fi Ê , 2. approche de celle d’un demi-oval coupé Tir Ion petit axe; je yeux dire que chaque plaque a un côté qui eft en ligne l 6 o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE droite, & que le refte de Ton contour eft arrondi. C’eft par le côté qui eft en ligne droite, que chaque plaque eft arrêtée fixement , fans aucune articulation , fur le fécond corcelet, immédiatement au-dedous de l’infertion de la troifiéme paire de jambes, c’eft-à-dire, tout auprès de l’en¬ droit où le fécond corcelet & le corps font joints enfem- ble. La largeur de chacune de ces pièces ed plus grande que celle de la moitié du ventre; pofécs à côté l’une de l’autre comme elles le font, non-feulement elles cachent en entier la partie qui leur correfpond , mais elles font en¬ core un peu en recouvrement l’une fur l’autre. Elles font lin peu plus longues que larges, elles atteignent prefque le troifiéme anneau par leur bout arrondi. Cependant c’cd au feul corcelet que tiennent ces deux plaques , & quoiqu’elles y foient arrêtées à demeure, Sc qu’elles n’y ayent point d’articulation fcnfible, on peut ■* pi. 17, fig. les loûlever lorfqu’on leur fait violence *; elles tournent .11,u. alors f U r Ja partie la plus proche de leur attache; fbuvent auffi, elles font obligées décéder un peu au mouvement que fait le ventre, lorfqu’en fe pliant en deffous, il s’ap¬ proche du corcelet. Mais pour empêcher que ces deux pièces ne foient trop foûlevées, & pour les faire retomber * Fig. 11. b. îorfqu elles font été , il y a deux efpéces de chevilles * roi des & faites en épine, dont chacune appuyé fur chaque plaque qui s’élève : c’eft de la cuiffe de la cigale , ou de la partie de la jambe qui efl unie au corcelet, que part chaque cheville épineufe. Si fans s’embarrafîer de la réfiftance îles deux chevilles, * Fig. 2 & 3. on foûleve les deux plaques* jufqu a les renverfer fur le corcelet ; fi on met à découvert les parties quelles ca¬ chent lorfqu’elles font dans leur pofition naturelle, on eft frappé de l’appareil qui fe préfente. On ne peut douter que tout ce qu’on voit 11’ait été fait pour mettre la cigale en état des Insectes. IV. Man. i 6 r en état de chanter. Quand on compare alors les parties qui ont été difpofées pour qu’elle pût chanter, pour ainfi dire, du ventre, avec les organes de notre gofier, on juge que les nôtres n’ont pas été faits avec plus de foin que ceux au moyen defquels la cigale rend des fons qui ne nous font pas toujours agréables. On voit une cavité qui a été pratiquée finguiiérement dans la partie antérieure du ventre. Le premier anneau a été coupé pour la former, &le fécond a été rétréci. Le contour lupérieur de cette cavité a un rebord plus fort & plus épais que ne le font les anneaux : la forme de ce contour a même quelque chofe d’agréable, il cfl arrondi fur les côtés, & au milieu du ventre il a une languette qui s’avance vers la tête, c’efl-à-dire, vers l’intérieur de la cavité. Cette cavité au relie efl partagée en deux loges principales*. Un triangle *pj. f, g< écailleux *, convexe du côté qui ell en vûe Si très-folide, 2& 3- a été employé pour faire cette féparation. La bafe * de * ri s-7 , '7 f 7- ce triangle cfl du côté du corcclet, & le fommet de l’angle q q ' oppofé à la bafe, efl auprès de la languette dont nous avons parlé, Si placé fous elle. Sur ce même triangle s’é¬ lève une arête qui va fe terminer à la languette même. Cette arête fait la cloifon qui divife la cavité en deux jufqu’au niveau des anneaux, ou à peu près. Le fond de chacune des cellules formées par la divi- fion de la grande cavité, offre aux enfants qui prennent des cigales, un fpeélacle qui les amufe, Si qui peut être admiré par les hommes qui fçavent Lire le meilleur ufage de leur raifon. Les enfants croyent voir un petit miroir * au fond de chaque cellule, taillé en demi-cer- * Fig. 2 & cle, parce qu’un de fes côtés efl terminé par un de ceux du triangle écailleux, Si que le refie de circonférence s’ajufle fur le contour de la cavité. Quand une petite glace du verre le plus mince & le plus tranfparent, ou Tome V . X JÔZ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE une petite lame du plus beau talc, feroit fertie au fond de chacune de ces cellules, ce quon y verroit ne paroî- troit pas différent de ce qu’on y voit ; la membrane qui y efl tendue, ne le cède en tranfparence, ni à aucun verre, ni à aucun talc ; & fi on la regarde obliquement, on lui trouve toutes les belles couleurs de l’arc-en-ciel. Il femble que la cigale ait deux fenêtres vitrées, par lef- quelles on peut voir dans l’intérieur de fon corps. Mais ces deux fenêtres font ordinairement fermées par deux *PI. 17. fig. volets, qui font les deux pièces écailleufes * qui couvrent 2& 3 ' u ‘ u ‘ la grande cavité. Lorfqu’on fçait que c’eft de défions ces volets, de deflous ces plaques écailleufes, que fortent les fons que la cigale fait entendre, on comprend bien que les deux loges & les membranes fi parfaitement tendues, font defiinées à modifier les fons, à les rendre plus harmo¬ nieux, fi ce n’efi pas pour nous, au moins pour la fémelie par laquelle ils doivent être entendus, & pour laquelle ils font formés. Nous avons fait remarquer les deux arrêts qui empêchent les deux volets, les plaques écailleufes des’éle- ver trop; il y en a un auffi qui les empêche de defeendre * Fig. 3. c. dans la cavité ; c’eft une efpéce de petit chevalet * qui part de l’extrémité du corcelct, & qui efl dirigé horizon¬ talement jufqu’auprès de la bafe du triangle écailleux. Là ce chevalet fie replie à angle droit pour lé faire un pied qui porte fur la bafe dont nous venons de parler, & qui y efl fixé. Cette efpéce de chevalet fert auffi à retenir le corps, à l’empêcher de s’écarter trop du corcelet, de le relever trop en en haut. Le triangle écailleux ne partage en deux que la partie pofiérieurede la cavité. La partie antérieure de cette même * Fig. 2 &. 3. cavité, efi: remplie par une membrane très blanche*', & qui, quoique mince, a de la confifiance. Elle efi attachée par un de fes côtés à la bafe du triangle écailleux, &par DES I N S E C T E s. IV. Mem. I 6 3 fon autre côté au bord pofiérieur du corcelet. Enfin, l'es deux bouts font attachés aux parties fol ides de la cavité qui leur répondent. Cette membrane n’efi pas tendue comme le lont celles qui imitent de petites glaces; elle ne l’efi que quand le corps de la cigaie le redrefife: mais quand le corps le recourbe en embas, comme pour fe rapprocher de la tête, alors cette membrane fe plifi'e né- ceflairement, & les plis qu’elle forme font parallèles aux anneaux. Voilà, cefemble, allés de parties employées pour faire chanter une cigale; aulfi eft-ce par quelques-unes de celles que nous venons de décrire, que plufieurs Auteurs ont prétendu que leur chant étoit produit. Les uns ont voulu que le frottement des anneaux contre les volets ou pla¬ ques écailleules, fût fufHfant pour faire le bruit dont il s’agit, & cela quand le ventre s’approche du corcelet en fe courbant en défions, Si s’en éloigne enfuitc avec vîtefie pour fe recourber de nouveau & fur le champ. Mais en failànt faire loi-même ce jeu au corps d’une cigale morte, il efi aile de s’afiurer qu’il ne produit prefque point de frottement Si nullement un frottement capable de faire du bruit. D autres ont regardé les deux petits miroirs comme deux tambours qui rendoient les ions ; mais il falloit trouver les baguettes propres à frapper fur ces tam¬ bours, Si on les chercheroit inutilement. D’autres enfin, ont jugé que la membrane blanche* qui occupe la partie * PI. 17.%. antérieure de la cavité, pouvoit, en fe pliant & le dépliant, faire une forte de cri : cependant il efi facile de fe con¬ vaincre que cette membrane efi trop humide Si trop flé- xible pour rendre des fons lorfqu’elle fe plie& fe déplie. Enfin, il efi très-certain que le chant de la cigale n’efi produit par aucune des parties que nous venons d’examiner, qu’il en demande beaucoup d’autres plus Xij * PI. 17. fig. ( -ff * Fig. 8. * e. 164 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE linguliércment placées, 6: qu’il ne feroit pas polhble de découvrir avec quelqu’attention qu’on obfervât une cigale vivante, eût-elle la complaifance de chanter fur la main de l'Oblervateur ; il n’y a que la diffeélion qui puiffe nous montrer les vrais organes de fa voix. Après en avoir ou¬ vert quelques-unes fur le dos, c’eft-à-dire, après y avoir emporté la partie fupérieure du premier & du fécond an¬ neau ; après avoir mis à découvert du côté du dos la por¬ tion de l’intérieur qui répond à la cavité où font les miroirs, je fus frappé de la grandeur de deuxmufcles * qui s’offri¬ rent à mes yeux. Chacun des mufcles, dont je veux parler, efc un faifeeau d’un prodigieux nombre de fibres droites appliquées les unes contre les autres, & pourtant ailées à lëparer les unes des autres. Les deux mufcles fe rencon¬ trent l’un l’autre fous un angle plus petit qu’un droit, & ce point de rencontre & de leur attache efi fur le revers de la pièce triangulaire & écaillcufe *, & précifément à celui des angles * d’où partent les côtés qui ferment les cavités où font l’un & l’autre miroir. Ceux qui ont fait attention à la difpofition eles fibres des mufcles qui fe trou¬ vent dans le corcelct des mouches de différentes efpéces, & qui fervent à mouvoir leurs ailes, fe feront une jufîe idée des mufcles que nous voulons faire connoître ; ces derniers ne le cèdent, ni en groffeur, ni en force à ceux qui font employés à produire le mouvement des ailes, 6e font beaucoup plus longs. Des mufcles d’une telle force, placés dans le ventre de la cigale, 6e dans l’endroit du ventre où ils le trouvoient, ne fembloient y être que pour agiter vivement les parties, qui étant mûes produifoient le bruit ou léchant. Auffi pendant que j’examinois un de ces mufcles, pendant que je le tiraillois doucement avec une épingle, pendant que je le faifois un peu lôrtir de fa place pour î’y iaiffer retourner enfuite, il m’arriva de des Insectes. IV. Mem. 1 6 5 faire chanter une cigale morte depuis plufieurs mois. Le chant, comme on l’imagine, ne fut pas fort; mais il le fut affés pour me conduire à trouver la partie à laquelle il étoit dû. Je n’eus qu’à fuivre le mufcle que j’avois ti¬ raillé, qu’à chercher la partie à laquelle il aboutifloit. Mais, avant que de faire connoître la partie qui rend les fons, nous devons faire connoître le lieu où elle eft pofée; pour cela, confidérons encore une fois notre ci¬ gale du côté du ventre * ; relevons encore les volets * ou * Pi. iy. les pièces écailieufes, pour mettre à découvert la grande u u cavité où font les miroirs & les autres parties que nous avons décrites. Il y a encore dans cette grande cavité deux réduits * égaux & femblables, dont nous n’avons rien dit, * 1 , 1 . & qu’il efl bien important de connoître; il y en a un de chaque côté. O11 ne voit que les ouvertures de l’un & de l’autre, qui font courbes. Une cloifon folide, une cloifon écailleufe eft employée de chaque côté avec une portion du premier anneau , à former un de ces réduits, une de ces cellules. Cette cloifon qui commence auprès du bout du premier anneau, & qui là fe joint au rebord qui en¬ toure le contour poftérieur de la grande cavité, va fe ter¬ miner à l’origine de ce même anneau. Si cette cloifon étoit plane & droite, levuide du réduit, delà cellule ne feroit qu’égal à celui qui peut être entre la courbûre de la portion d’anneau, & un plan; mais la cloifon rentre un peu dans la grande cavité , & la capacité du réduit en eft augmentée, l’ouverture de chaque cellule eft au niveau du ventre. C’eft dans ces deux cavités que font les deux organes du chanr. Les ouvertures de ces deux cavités font pour la voix des cigales, ce que notre larinx eft pour la nôtre. Si elles font inflexibles, fi elles ne peuvent pas modifier les fons qu’elles laiflent fortir, en recom- penfe ces fons trouvent plus de parties qui les modifient, X iij 166 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE que n’en trouvent ceux qui ont été formés par notre glotte. La voûte du palais de la bouche, 6 c la cavité du nez, font néceffarres pour perfectionner nos fons; ceux des cigales peuvent être modifiés, par les volets écailleux, par les cavités où font les miroirs, par les miroirs mêmes, 6 c par les différentes parties de la grande cavité. Mais pour voir enfin les premiers 6 c véritables organes du chant des cigales, nous n’avons qu a ouvrir une des pi. 17.% cellules* dont nous venons de déterminer la figure 6 c la 3 - L pofition, nous trouverons un infiniment fonore qui y eft logé. On peut remarquer de chaque côté, fur le premier » Fig. 4. e. anneau du mâle, une portion triangulaire * plus élevée que le reffe. Deux élévations pareilles ne fe trouvent pas fur le même anneau de la femelle; elles ont été données à celui du mâle pour aggrandir les loges des inflruments fonores. On parviendra à ouvrir une de ces loges fans endommager l’inftrument qui y efl contenu, fi on em¬ porte fimpiement avec un canif celte partie de l’anneau * Fig. 5.?. qui forme uneboffe. Des quelle fera enlevée *, dès que l’intérieur de la cavité fera à découvert, on verra quelle efl occupée en partie par une membrane contournée en * t. forme de timbale*, 6c que cette efpéce de timbale pré¬ fente fa face arrondie. Cette pièce pourtant loin d’être liffe comme l’inflrument auquel nous la comparons, efl toute pliffée 6c pleine de rugofités. Pour peu qu’on la touche, on ne fçauroit héfiter fur l’ufage auquel elle efl deflinée, elle refonne plus que ne feroit le parchemin le plus fec, ou quelqu’autre membrane plus fonore que le parchemin. Quand la timbale qu’on touche, appartient, comme celle que je touchois, à une cigale qui a été long-temps tenue dans de l’eau-de-vie bien chargée de fucre, on voit que la nature de cette membrane efl d’être toûjours roidc, deletre quoique mouillée,ou au moins des Infectes. IV. Mem. 167 qu’elle eft de nature à ne pouvoir être aifément péné¬ trée par une liqueur, puilque pendant que toutes les autres membranes de la cigale étoient flexibles 6c mol¬ les , elle avoit confervé la roideur néceffaire pour rendre des Tons. La circonférence de cette timbale eft arrêtée bien fixe¬ ment *, elle l’efl fur une efpéce de cerceau decaille, je * Pi. 17.%. donne ce nom à la pièce dans laquelle eft percé un trou 9 ‘ c ' fillonné autour de l'on bord, dont le diamètre eft pref- qu’égal à celui de la circonférence de la timbale. La pièce dans laquelle il eft percé, eft la partie antérieure de cette cloifon qui ferme d'un côté la cellule de la timbale. Les rugofités qui font fur la furface de cette efpéce de tim¬ bale, y font arrangées avec une forte de régularité. Ce font des filions afles relevés, 6c prefque parallèles les uns aux autres ; le premier 6c le plus court de tous, eft le plus proche de la portion de la circonférence la plus voifine du corcelet; celui qui fuit, qui s’élève davantage fur la convexité de la timbale, eft plus long néceflairement que celui qui le précédé; c’cft-à-dire, que ces filions ne font pas parallèles à la bafe de la timbale, que chacun d’eux part d’un point de cette bafe pour s’élever fur la partie convexe, 6c aller fe terminer à un point de la bafe, oppofé à peu-prés diamétralement à celui dont il eft parti. Lorf- qu on frotte ces (liions ou la furface convexe de la timbale, avec un petit corps incapable de percer 6c de déchirer, • tel que peut être un petit morceau de papier roulé, on la fait refonner; 6c on voit que le refonnement vient de ce que des portions de la timbale qui font enfoncées par les frottements du petit corps, fe relevent dès que ce corps celfe d’agir contr’elles. La difpofition 6c le reftort des par¬ ties qui ont été enfoncées fuffifent pour les relever; il ne faut point de mufcles pour produire cet effet, mais il en * PI. r 7, 6 . ff * F'g- 9 SO, p. * 168 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE faut un, qui alternativement tire en dedans une portion de la timbale, qui oblige à devenir creufe une portion qui étoit convexe, & qui permette enfuite à cette partie tl'être relevée par fon reffort. On ne doit pas être embarrafTé où trouver le mufcle capable de produire cet effet, car on 11 ’a pas oublié les deux forts mu Ici es * dont nous avons déterminé la pofi- tion ci-deffus. Celui qui eft deftiné à mettre en mouve¬ ment une des timbales, eft appuyé & arrêté en partie contre la piece écailleufe qui lbûtient la timbale, & qui cft percée d’un trou dont le diamètre eft prefqu égal à celui de la baie de cette timbale; une partie du bout du mufcle eft vis-à-vis la portion poftérieure de ce trou. Les fibres qui compofent ce mufcle le terminent à une & plaque tendineufe prefque circulaire*. De cette plaque tendineufe partent plufieurs filets*, plufieurs petits ten¬ dons, qui vont s’attacher à la furface concave de la tim¬ bale , à peu près à diftance égale de fa partie la plus élevée, 6c de fa circonférence, Sc cela vers la portion poftérieure de cette circonférence. Je n’oferois affûrer que ces petits tendons foient les feuls par lefquels le mufcle peut agir lur la timbale, mais ils fuffifent pour en expliquer tout le jeu; car il eft clair que quand le mufcle fe contractera 6c fe relâchera alternativement avec vîteffe, une portion convexe de la timbale fera rendue concave, & cette por- - tion reprendra enfuite fa convexité par Faction de fon propre reffort. Alors fe fera ce bruit, ce chant que nous avons été fi long temps à expliquer, parce que nous avons voulu faire connoître toutes les parties au moyen defquelles celui qui n’en fait point d’inutiles, a voulu qu’il fût produit. Je fuis étonné que M. Pontédéra qui paroît avoir bien connu les organes du chant des grandes cigales, les ait placés dans des Insectes. IV. Man . 169 dans ce qu’il appelle la poitrine , qui cil la partie que nous nommons le corcelet, puifqu’il ch certain qu elles font toutes contenues dans la cavité formée par les pre¬ miers anneaux du ventre. Les cigales appellées tettigonies, ou celles de la petite efpéce*, n’ont pas été données par les anciens, pour *Ft 16. fig. d’auffi bonnes chanteufes que les achètes ou grandes ci- ; gales; quelques-uns même les font palier pour prefque muettes. AI. Pontédéra prétend quelles chantent aulîi fort que les autres proportionnellement à la grandeur de leur corps; elles font pourvues de très-grandes timbales, mais dont le bruit ne femble pas devoir être aufli bien modifié que celui des autres. J’ai trouvé la même difpo- fition des organes du chant aux cigales de moyenne gran¬ deur *, fur qui le jaune domine, & aux plus petites cigales, * F! â- 7 * mais une difpohtion différente de celle des cigales de la plus grande efpéce. Les timbales de celles de la moyenne &. de celles de la petite efpéce, ne font pas cachées entière¬ ment *. Les volets écailleux * de ces cigales font plus * p! - ' 7 - %• courts & plus étroits que ceux des autres, & leurs timbales font plus allongées. L’une & l’autre timbale fui vent en re¬ montant, la courbure de l’anneau ; l’endroit* où chacune * r. fe termine, eh à peu près aulli proche du milieu du dos, que du côté d’où elle part. Elles font à découvert l’une & l’autre près de l’endroit où elles fe terminent, & près du volet, c’eh à-dire, qu’elles le font près de leurs deux bouts. La portion d’anneau qui répond à chaque timbale, a été entaillée pour la lailfer voir, ou plutôt pour lailfcr fortir le fon quelle doit rendre ; mais le milieu de la portion entaillée n’a pas été emporté, il a été relervé pour former une languette* qui recouvre le milieu de la timbale. On * Fig- n .p. peut abbaifTer cette languette * en lui faifant violence, * Fi £- 12 d’¬ comme on peut foulever les volets. Ces timbales, ainfi que Tome V . Y 170 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE celles des grandes cigales, lont faites d’une membrane cartilagineufe 6c fonore, mais dont les plis ou filions font plus régulièrement arrangés; ils font parallèles les uns aux autres, & parallèles à peu près aux anneaux du corps. 11 n y a qu’une petite portion de chaque timbale qui le trouve fous chaque volet, ainh il n’y a que l’air agité par cette portion, qui, avant que de fortir, puilfe être réfléchi par les différentes parties de la grande cavité. ♦ pi. 17. fig; D’ailleurs le miroir * qui eft dans cette cavité eft pro- 13.//!. portionnellement plus petit que celui de la cavité des cigales de la grande efpéce. Si les cigales de la petite & celles de la moyenne efpéce ont fur les cigales delà grande efpéce l’avantaged'avoir des timbales proportionnellement plus grandes, elles les ont moins favorablement placées, puifqu’il n’y a qu’une partie de l’air qu’elles font refonner, qui puilfe être modifiée une fécondé fois, 6c quelle femble le devoir être moins parfaitement. Au relie les mufclcs deltinés à agiter ces timbales, font fembiables à ceux qui fervent à agiter celles des autres, 6c femblablement placés. Si parmi les cigales toutes les fémelles font muettes, fi elles n’ont point des organes du chant fembiables à ceux que nous venons d’admirer dans les mâles, elles ont en revanche un infiniment qui leur efi propre, 6c qui mérite bien d’être examiné avec attention. Leurs œufs doivent *PI. 19.%. être logés dans l’intérieur de petits morceaux de bois *, 6c elles font pourvues d’un infiniment avec lequel elles viennent à bout de percer de longs trous, dans lefqueîs elles les arrangent avec un grand art. Cet inftrument, comme tous ceux que la nature a accordés aux infeèles, pour couper, feier, entailler 6c percer, efi d écaillé ou de corne; 6c il efi un des plus folides dont un infeéle foit armé. 11 eft d’ailleurs d’une grandeur plus confidérable que ne le font la plupart des inftruments des infectes, des Insectes. III. Mem. 171 defiinés à des ufages équivalents. Sa firuéhire a des parti¬ cularités qui peuvent être apperçûes à lavûe fimple. Nous nous fixerons à celui des plus grandes cigales, qui a environ cinq lignes de longueur. Le dernier anneau des cigales, tant mâles que fémelles, efi conique, mais il efi bien plus long & même plus gros à fa baie dans les fémelles * que * PF. 16. fig. dans les mâles; & c’efi ce qui fait paraître le corps de jp * P’p'J- celles-là plus allongé. D’ailleurs dans les fémelles, cet £ anneau eltcompolé d’une feule pièce ; il n’en a pas une fécondé en defious comme celui des mâles*. Il efi fendu * Pi. 19. %. tout du long*, pour permettre de fortir à l’infirument que 7 & nous voulons faire connoître, & que nous appellerons la I+ f ' 7 ' tarière. Il en efi la première enveloppe. La tarière a ce¬ pendant encore fon fourreau particulier, qui efi logé avec elle dans la codifie du dernier anneau. En prenant, &même afifés foiblement, le ventre de la cigale, on oblige fa tarière à fortir de fes étuis, à fe mon¬ trer toute entière à découvert *. A la vûe fimple on recon- * pi., s. noîtroit pour quel ufage elle efi faite; les yeux n’ont pas *• b I befoin de fecours pour voir quelle efi un corps long & écailleux, qui dans toute fa longueur efi à peu près d’une grofieur égale, mais qui devient un peu plus gros proche de fon extrémité, pourfe terminer enfuite par unepointe angulaire *, ou de la figure de celle d’un fer de pique ; mais » f. cette pointe a la particularité detre dcnteiléc tout du long de chacun des deux côtés, qui la forment parleur réunion. Le fourreau immédiat * delà tarière, ne la fuit point * Fig. 1 .ce. pendant quelle fort de l’anneau. Il efi compofé de deux pièces femblables*, dont chacune depuis fon origine jul- *Fi g .2,&3, qu’à la moitié de fa longueur*, ou par-delà, efi arrêtée » j: fixement contre les chairs qui font le fond de la couüfiè * g. de l’anneau. Dans l’endroit où une des moitiés de l’étui cefife d’être attachée, il y a une articulation. La partie* * s c - Yij 172 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qui commence à cette articulation, efl faite en cuilleron allongé; dans les temps ordinaires, la pointe de la tarière efl renfermée entre ces deux cuillerons. Cette partie & celle qui fait la bafe de chaque demi-étui, font brunes, luifantes & écailleufes, comme l’eft la tarière même. Celle-ci n’efl pas abfolument droite, elle a une courbure*, dont la convexité cl l du côté qui lé préfente lorfqu’on regarde la cigale en deffous. Elle efl plus courbe vers fa bafe qu ail¬ leurs, ce qui rend fa figure propre à s’ajufter dans la cou- liffe, & qui la porte à y rentrer lorfqu’elle cil abandonnée à elle-même. Nous diflinguerons lès faces par les noms de convexes & de concaves. Cette partie mérite affinement qu’on 11e s’en tienne pas à la confidérer à la vue fimple; il 1 eifîit d’obferver fa pointe avec une loupe, pour voir que les dentelures font fortes & arrangées avec fÿmmétrie. Elles font parallèles les unes aux autres, & toutes dirigées de façon que fi elles étoient prolongées jufqua l’axe de i’inflrument, des deux angles qu’elles y feroient, l’aigu feroit tourné vers la pointe. On en compte neuf de chaque côté, dont les plus proches de la pointe font les plus fines. Elles deviennent de plus en plus groffes, à mefure qu’elles s’en éloignent ; par-delà les neuf premières & groffes dentelûrcs, il y en a encore trois à quatre affés petites. Quand on pourfuit l’examen de cet infiniment, il ceffe de paroître auffi fimple qu’on l’avoit jugé d’abord. Une fente qu’on apperçoit tout du long de la face convexe, indique qu’il efl compofé de plufieurs pièces, & on parvient aifément à s’affiirer qu’il en a trois. Pendant qu’on le manie, qu’on le tiraille fans chercher encore à le difféquer, le hazard met fouvent en état de voir que la pointe efl faite au moins tle deux pièces ; que quoique fine, elle efl formée par Ja rencontre de deux pointes des Insectes. IV. Mem. 173 une fois plus déliées, & que les dentelures font taillées fur deux pièces différentes. On voit tout cela, dis-je, lorfque l’on détermine, & fouvent fans le chercher, une de ces pièces * à aller plus loin que l’autre *. On devine * pi. 18. fig, aifément le moyen de faire paroître,quand on veut, ce 6 ; l J m que le hazard a montré d’abord, il n’y a qu’à pouffer en haut avec une épingle, ou avec la lame d’un canif, une des moitiés de la bafe de la tarière, pour obliger une des pointes * à s’élever plus que celle contre laquelle elle étoit * Fig. b. lj>. appliquée *. */>• Si nous continuons de donner le nom de tarière à cet infiniment deftiné à ouvrir des trous, quoiqu’il foit tout autrement conftruit que ceux dont nous nous fervons pour un lémblable ulàge, c’efi qu’il lui a déjà été donné par M. Malpighi, qui a pourtant héfité à l’appeller une lime. Quand on a étudié la compofition de cette tarière, &. qu’on lit enfuite la defeription, & qu’on confulte les figures que ce célébré Auteur en a données, on efi con¬ vaincu qu’il avoit très-bien obfervé les différentes parties dont elle efi compofée; mais fes figures & fa defeription concife, qui fuffiloient dans un temps où il n’en a parlé que par occafion, ne fuffiroient peut-être pas pour en faire prendre des idées nettes à ceux qui ne les auroient pas examinées fur la cigale même. Avec un peu de dexté¬ rité & de patience, on vient à bout de féparcr les trois pièces dont elle efi compofée*. Si on introduit une pointe *Fig. 5 .lp, fine Si roide, celle d’une épingle, dans la fente qui ei\^ J,rC ' en vue, lorfqu’on regarde la mouche du côté du ventre. Si qu’on pouffe vers le côté un des rebords de cette fente, après quelques tentatives, on écarte un peu la pièce à la¬ quelle appartient le rebord pouffé ; on lui fiait faire un coude en cet endroit; il paroît un vuide entre cette pièce & la partie à laquelle elle étoit ci-devant jointe. On peut 174 MEMOIRES POUR UHlSTOIRE faire entrer i''épingle dans ce vuide. Si on la conduit en- fuite tout doucement vers le bout de la tarière, on achevé * pi. i g. fig. de dégager cette pièce *. C’efi une de celles dont la pointe 4 - JP: efl taillée en lime, & que nous appellerons auffi une des limes. Si on eût agi avec l’épingle contre l’autre côté, on * Fig. j. ip. eût détaché une autre lime*. L’inftrument efl donc com- pofé de deux limes d’une figure particulière, qui peuvent jouer alternativement. Mais ce qui efi de pius remarqua¬ ble, c’efi la manière dont elles lbnt maintenues l’une &. l’autre pendant leur jeu ; elles le font de façon qu’elles refient toujours parallèles entr’elles, de façon que celle qui avance ne s’écarte point de celle qui efi en repos. Ceci dépend de la manière dont elles lont afiemblées : elles le font toutes deux avec une troifiéme pièce, que *Fi g.j.teer. nous nommerons le fupport ou la pièce d’aflemblage *. Cette dernière efi taillée quarrément dans la plus grande partie de fa longueur, elle efi environ une fois plus large qu’épaifie. Les faces fur lefquelles nous prenons fa largeur, font lafupérieure & l’inférieure, ou celles qui font paral- * te. leles au ventre de l’infeéle. Son bout * fe termine en fer de pique, mais il n’efi guère moins épais que le refie. Le * lb,fb. manche, pour ainfi dire, ou la tige* de chacune de nos pièces en lime, efi dans toute fa longueur creufée en gout¬ tière. Sa furface extérieure efi pourtant arrondie. Un des * er. côtés *, une des tranches de la pièce d’affemblage ou du fupport, entre dans la gouttière de la lige d’une lime, & l’autre côté de cette pièce entre dans la gouttière de la tige de l’autre lime; les gouttières font tellement creu- fées, que chaque tige de lime recouvre une moitié de * Fi s-7 & 8. cette face de la pièce d’afiemblage *, qui fe préfente lorf- qu’on regarde le ventre de l’infeèîe, ou de la face infé¬ rieure. Là les deux tiges laifient feulement entr’elles une petite fente, qui efi celle dans laquelle nous avons dit DES I N S E C T £ S. IV. Mem. 175 qu’il falloit faire entrer une épingle quand on vouloit féparer une des limes de l’autre 6c de ion fupport. Mais la face oppolëe* du fupport n’eft point recouverte par * Fi- les tiges des limes. Les tiges * des limes font à peu près droites, c’cft-à- * Fig. 7. h,u dire, qu’elles n’ont que la courbûre qui leur eft necef- faire, pour que la tarière fe place dans fon étui *; mais -^Fig. i.ccc. la partie taillée en lime* fait un angle avec la tige, ce *Fig. 5 ,6. qui leur donne quelque reftemblance avec certaines limes, ou avec certains riftoirs que nos ouvriers employent à limer ou à réparer dans des cavités. Nous avons dit que la pièce d’alfemblage fe termine en fer de pique; les deux faces* qui en marquent l’épailTeur, 6c qui concourent à * Fig. y. fa pointe, fervent de fupport aux deux limes*; c’eft-à- dire, que chaque lime eft pofée fur un des côtés de la portion faite en fer de pique. La pofition des limes eft aftes expliquée, on entend aftes comment le fupport eft emboîté dans l’une 6c dans l’autre; mais nous n’avons rien vu encore qui puifte ren¬ dre cet aftemblage folide : il l’eft au de-là de ce qu’on l’imagineroit, car fi on 11’agit avec bien des précautions, 6 c fi on ne fe retourne de bien des manières, il eft diffi¬ cile de dégager les deux limes de deflus le fupport, fans brifer quelqu’une de ces trois pièces. Le moyen qui a été employé pour les tenir unies, 6c en même temps, ce qui étoit effentiel, pour que les limes puftent jouer alter¬ nativement , pour que la pointe de l’une * pût être portée * Fig. 8. Ip. par de-là la pointe de l’autre, 6c ramenée enfuite en arriére; ce moyen, dis-je, eft le même que celui auquel nous avons journellement recours dans divers ouvrages de ménuiferie. Nous avons des boîtes dont le deffus fe tire, parce qu’il a des languettes qui entrent dans des cou- liftes taillées près du bord fupérieur de la boîte. Nous * PI. 18. f 4. tr. * F 'g- 5 » Fig- 10. 176 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE avons des tiroirs qui font aufti a coulifie ; enfin nous faifions beaucoup d’autres ouvrages à coulifies 6c à lan¬ guettes. Quand on examine avec une loupe forte la tran- ig. che de la pièce d’aflemblage *, 6c celle de fes faces*, qui eft couverte par les tiges des deux limes, 6c quand on '0. examine la cavité des tiges* de ces limes, on découvre fur les unes 6c fur les autres, tout ce qui efi néceffaire pour produire un engrainement exaél; on découvre fur les unes 6c fur les autres de ces pièces 6c codifies & lan¬ guettes , 6c autant qu’il en faut pour rendre l’aftemblage fur. Il eft d’ailleurs exécuté avec la précifion qui rend le jeu aifé. Nous ne font mes pas étonnés que des pièces qui échappent prefque à nos yeux par leur petitefie, foient fi parfaitement travaillées, quand nous penfons quelle eft la main qui les a faites. Il ne m’a paru y avoir qu’une codifie pour chaque tige de lime fur la face de la pièce d’afifemblage contre laquelle les deux limes font appliquées ; mais fur la tranche de la même pièce, 011 apperçoit de chaque cofté deux codifies féparées par deux languettes. Les entailles 6c les reliefs de cette pièce déterminent, 6c les reliefs 6c les entailles qui doivent eltre dans les tiges creufes des limes, 6c qu’on y voit lorf- qu’on cherche les pofitions les plus propres à les rendre fenfibles. Il y a une meilleure manière encore, que celle dont nous avons parlé,de reconnoître combien cet afiemblage eft par¬ fait, 6c cependant combien le jeu des limes eft libre; c’cft de couper une tarière avec des cifeauxaftes prèsdefabafè. On la prend enfuite entre les deux doigts d’une main,ou, fi on l’aime mieux, entre les deux branches d’une pince. O11 la faifit de manière que la prefiion n’agifte que fur la tige d’une des limes, fur une moitié de la largeur de la tarière. Alors, foit avec deux doigts feuls, fi on en a d’aftes des Insectes. IV. Mem. 177 d’affcs adroits, foit avec une épingle on pouffe vers la pointe de l’inftrument la lime qui n’eft pas preffée *; elle * Pi. i S.fig. cede fans oppolèr de réfiftance àj a petite force qui tend à la 8 ' /p ‘ mouvoir; elle va auffi loin qu’on veut par-delà la pointe fixe, toujours parallèle à elle-même. On la rameneenfuite avec la même facilité dans fa première pofition, 6c on l’en retire après, fi l’on veut, pour la faire ailer du côté oppofé au premier *, vers celui qui étoit le plus proche de la baie *Yh.j.plt. de la tarière. Pendant ces mouvements elle ne s’écarte jamais ni à droite ni à gauche, 6c elle laiffe à découvert les parties de la pièce d’affemblage defquelles on la contraint de s’éloigner. Lorl’qu’elle eft dans Ion état ordinaire, on reconnort aifément que la moitié de la face inférieure de la pièce d’affemblagc, efl entièrement recouverte par une des limes, 6c que chaque lime recouvre de plus un des côtés, ou la tranche de cette pièce, mais fans la dé¬ border *,&. fans fe recourber fur la facefupérieure; ce qui * Fig. io, appartient à la pièce d’affemblage eft d’autant plus ailé à pLo ‘ distinguer, que cette pièce elt très-noire, pendant que les tiges des limes font châtain. L’endroit de chaque tige d’où part une lime, a une efpéce d’appendice employé à cacher la moitié de la partie faite en fer de pique. La face fupé- rieure de la pièce d’affemblage, celle qui efl toute entière à découvert, a tout du long une arête, elle efl faite un peu en dos d’âne. La bafe de chaque lime efl affemblée avec une pièce cârtilagineufe, ou plûtôt écailleufe, comme la lime elle- même ^ ; ou fi l’on veut, la bafe de chaque lime fe courbe, * Fig. iz, ôt forme une efpéce de queue. Ces deux pièces, ces deux queues font égales & femblables, elles font l’une & l’autre larges & épaiffes. La longueur de chacune elt environ celle du quart de la circonférence du feptiéme anneau, fous lequel ces pièces font cachées en certains temps. Mais ce Tome V. . Z * Z» Z' 178 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE qu’on doit le plus remarquer par rapport à leur pofition, * pi. iS.fig. c’elt que chacune d’elles fait un angle * avec une lime, au point où elle lui elt jointe; & que dans l’état ordinaire, ce point de jonélion ell plus éloigné du derrière de la cigale, que ne l’elt le bout de la pièce *. Il luit de cette dilpofition, que lorfque ce bout ell forcé par des mufcles à defcendre un })eu , & en même temps à s’avancer un peu vers le corcelet, la lime à laquelle cette pièce tient, ell obligée au contraire d’avancer vers le derrière. Ainfi chacune des limes peut alternativement être pouffée vers le derrière, & être retirée en avant par le mouvement alternatif de la folide queue cartilagineufe à laquelle elle tient. C’ell au moyen de ce jeu alternatif des deux limes, que la cigale vient à bout de percer dans le bois, les trous dans lefquels elle veut loger lès œufs. J’eulTe eu plus regret que je n’en ai eu de ne m’être point trouvé dans des pays où il m’eût été permis d’en épier quelques-unes occu¬ pées à ce travail, û je n’avois pas lu dans M. Pontédéra, que des qu’on s’approche de celles qui font dans l’ac¬ tion, elles ne manquent pas de s’envoler. Après tout, la flrudlure de leurs inftruments étant bien connue, & lorf- qu’on a vu comment des mouches île plu heurs efpéces, dont il eh parlé dans le troifiéme Mémoire, font agir leurs feies, ii n’y a guéres à craindre de fe tromper fur la manière dont on peut imaginer que les cigales font agir leurs limes. Ce qui relie de plus curieux à voir, c’ell l’ouvrage produit par ces limes, c’elî la profondeur & la dirèétion des trous qu’elles ont creufés dans le bois; & c’ell ce que M. le Marquis de Gaumont m’a mis à portée de voir aulfi bien à Paris, que je l’eulfe pu voir en Pro¬ vence 6 c en Languedoc, & dans d’autres pays, s’il y en a, où les cigales fe plaifent davantage. des Insectes. IV. Menu 179 Une première fingularité qui mérite d’être remarquée, c’efî: qu’au lieu que les mouches dont nous avons parlé, font les entailles dans lefquelles elles veulent laiffer ieurs oeufs dans de petites branches d’arbres ou d’arbuftes, qui font vivantes & pleines de fuc, les cigales ne percent que des branches mortes & feches. C’eft ainfi que la nature nous offre des variétés par rapport à des fujets où tout nous fembieroit devoir fepaffer delà même manière. Les œufs de certaines mouches ont befoin d’être humedés, & même nourris, comme nous l’avons prouvé dans le troi- fiéme Mémoire, par la lève que fournit la branche dans laquelle ils ont été logés ; & les œufs de cigale ont tout ce qu’il leur faut. Le fuc qui s’épancheroit des parois du trou ou ils font renfermés, ne pourroit apparemment que leur nuire, la mere le fçait, ou fe conduit comme fi elle en étoit inftruite. Les branches que les cigales entreprennent de percer, font donc conflamment de bois fcc, mais elles peuvent être de bois de différentes efpéces. Toutes celles qui m’ont été envoyées par M. le Marquis de Caumont, bien remplies d’œufs, avoient été prifes à des meuriers. Entre les brins de bois où des nichées d’œufs étoient logées, les plus gros n "avoient qu environ trois lignes de diamètre, & les plus menus n’en avoient qu’une ligne. Les petites branches auxquelles les cigales ont confié leurs œufs, font ailées à * connoître *, on y remarque aifément de petites * pi, inégalités, de petites élévations formées par une portion 1 du bois qui a été foûlevée: ces élévations font à la file f t,t} les unes des autres, & quelquefois affés bien alignées; mais toujours au moins fe trouvent-elles fur le même côté du brin de bois. Quelquefois j’en ai vû deux hors de la ligne, & vis-à-vis quelques-unes des autres*; mais *Fig. cela eh rare. Elles ne font paselpacées fort régulièrement; Z ij ^ PI. >9 *• *• • fi g 4 Fig- 3 f ë> h - Fig- l8o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE il y en a telle qui elt disante d’un demi-pouce de celle qui la fuit, 6 c on en voit d’autres entre lelquelles il n’y a que deux lignes d’intervalle, 6 c moins quelquefois. Le plus fouvent la petite pièce d’écorce qui recouvroit cet endroit, elt tombée en entier* ou en partie. Chacune de ces éminences elt un paquet de fibres ligneufes, écar- h téespour la plupart les unes des autres à leur extrémité *; ce font celles qui ont été limées 6 c foûlevées lorfque la tarière a commencé à ouvrir un trou; elles font reliées en place, 6 c fervent à couvrir l’ouverture de ce trou. L’angle qu’elles font avec la tige, efl alfés aigu. Les paquets de fibres qui font au delfiis des différents trous, font inclinés du même côté, parce que la cigale étoit femblablement placée quand elle a percé dans le même morceau de bois des trous à la file les uns des autres. 11 n’ell peut-être perfonne qui ait l’efprit alfés peu cu¬ rieux, pour s’en tenir à regarder les dehors d’un pareil brin de bois, fur-tout lorfqu’on fçait que les œufs d’un infeéte y.doivent être actuellement renfermés. Il efl na¬ turel d’avoir envie d’en voir l’intérieur. Si pour y par¬ venir fans caufer trop de dérangement, on emporte d’un côté des lames de bois très-minces, & parallèles à la longueur du brin, jufqu’à ce qu’on foit parvenu à en tf- emporter une qui palfe par l’ouverture d’un des trous *, on mettra à découvert la cavité de ce trou, 6c peut-être celle de plufieurs autres; 6c on verra que les différents trous ont des diamètres à peu-près égaux, foit qu’ils ayent été percés dans de plus gros ou dans de plus petits brins de bois. On verra encore que la longueur du trou ne dé¬ pend aucunement de la grolfeur de la petite branche. Dans celles qui n’ont qu’une ligne de diamètre, comme dans celles cjui en ont trois, on trouvera des trous longs de trois lignes 6 c demie, 6 c quelquefois de près de quatre DES I N S E C T E s. IV. Mem. 1 8 I lignes. Le trou efl auffi long que l’inflrumcnt le peut faire. 11 y a pourtant des tarières de cigale qui ont plus de cinq lignes de longueur ; mais une portion de la tarière de plus d’une ligne, cfl arretée en dehors par le paquet des fibres qui ont été l'oûlevées. Quoique cette tarière l'oit affés forte pour couper les fibres ligneufes, il y a plus de travail à les couper qu’à percer de la moelle de bois. Le meurier a de la moelle, & tous les bois dans lefquels la cigale dépofe lès œufs, en ont auffi. Nous verrons même quelle efl déterminée à en choifirde tels, par une raifon plus importante que celle de la facilité quelle trouve à en creufcr l’intérieur. Le com¬ mencement du trou * efl dirigé obliquement; mais dès * PI. 19.%. que ce trou parvient à la moelle, il prend une direction u qui s’approche peu à peu du parallelifme à l’axe du brin de bois. La tarière ne perce plus que la moelle dès qu’elle l’a une fois atteinte, elle n’entame pas le bois qui efl par- delà. Ce qui s’attire d’abord l’attention, lorfqu’on commence à voir l’intérieur de ces trous, ce font les œufs qui y font pofés ; il y en a huit à dix dans tel trou, & quatre ou cinq dans ceux qui en ont le moins. Ils font blancs, oblongs, pointus par les deux bouts*. Audi pour profiter du terrein, * Fig. j, la cigale ne les met pas précifement à la file les uns des au¬ tres; le bout poflérieur de celui qui précédé efl vis-à-vis le bout antérieur de celui qui fuit. Chaque cigale peut faire un grand nombre de pareils œufs. Ceux qu’elle a dans le corps, font contenus dans deux ovaires. J’ai compté 1 50 & quelques œufs dans chaque ovaire * d’une fémelle qui pouvoit avoir déjà* Fig. 10. fait une partie de fa ponte, car fes ovaires étoient moins gros que ceux que j’ai vuis à d’autres cigales. Celle-ci avoit donc plus de 300 & tant d’œufs dans le corps, & ce ne Z ii; j 32 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE devoit pas être tout ce quelle y en avoir eu ; aufli M. Pon- tédéra aflure-t’ii qu’il y en a qui font 500, d’autres 600, & d’autres jufques à 700 ceufs. Ce Sçavant prétend que la mere a foin de luter l'ou¬ verture de chacune des cavités où les œufs font logés, avec une gomme capable de réfirter aux injures de l’air; je crains qu’il 11e l’ait dit, parce qu’il a penfé que cela de¬ voir être; car je n’ai pu trouver aucun vertige de gomme à leurs ouvertures, quoique j’y en aye cherché avec les meilleures loupes. Mais ce que j’ai remarqué à l’honneur de la prévoyance de la mere cigale , c’eft que les ouver¬ tures des trous font bouchées par des fibres ligneufes. Quand la cigale commence à creufer le bois, elle fe con¬ tente de foûlever les fibres qui font au bord du trou , elle les y laide attachées par un laout, & quand elle a retiré fa tarière de la cavité, elle fe fert de ces mêmes fibres pour boucher l’entrée du trou. Autant que le corps des fémellcs ert plein d’œufs, au¬ tant celui des mâles ert-il rempli de vailfeaux où le pré¬ pare la liqueur qui les doit vivifier. Quand 011 ouvre le » pi. 17.%. corps de ces derniers *, on y trouve des paquets de ces 6* vailfeaux *, qui font une infinité de tours & de retours ’ appliqués les uns contre les autres. Si on fe contente de *pi. ig.fig. prciTcr le corps par dehors, fon dernier anneau * fe P- montre plus qu’il ne faifoit, & il s’entrouvre; on voit qu’en dertous il forme une'gouttière, qui ordinairement *c. ert couverte par une plaque écailleufe : . La prertion frit *Fig. 6&7. fortir de la gouttière un gros crochet * brun & écail¬ leux recourbé vers le ventre, &dont le bout ert moufle; il fert à fàifir le derrière de la femelle, & il fert aufli à * Fig. 6. m. deffendre & à couvrir par-delfus un court tuyau *, dont le bout ert ouvert, rebordé, écailleux, & d’une couleur plus claire que celle du crochet. La prertion augmentée. des Insectes. IV. Mem. 18} fait fortir du bout de ce dernier tuyau, une partie char¬ nue, blanche, oblongue, & terminée par un mammelon qui efi précédé par une efpéce de bourlet *. Les mâles *PI. 19. fig. des cigales de la moyenne & de la petite efpéce, ont deux 7 ' m> crochets qui partent d’une même tige. Pendant plufieurs années j’ai reçû des nichées d’œufs, en apparence bien conditionnés, qui n’ont pas répondu à mon attente. Aucun n’efl: venu à bien, quoique j’aye porté mon attention pour eux jufques à les tenir dans mon goul- fet dans un tube de verre. Mais M. Alphons ayant ouvert des nids en différents temps, comme j’avois fouhaité qu’il le fît, parvint à y trouver des vers éclos; j’eus le plaifir d’en voir dans ceux qu’il me mit en état d’ouvrir moi-même vers la mi-Septembre. J’en obfervai même dans quelques brins de bois, de deux efpéces très-différentes. Dans pref- que tous, je trouvai deux ou trois vers blancs *, fans jam- * Fig. 12 ,u. bes, munis de deux dents jaunâtres *. longs à peine d’une * Figure ligne, & pas plus gros qu’un brin de fil. d > d> Les vers de l’autre eljaéce étoient de même très-blancs; mais ils avoient fix longues jambes ; leur forme approchoit afTés de celle d’une puce, au lieu que celle des premiers étoit longue & arrondie comme celle des vers les plus com¬ muns. Je dois avertir de l’erreur dans laquelle j’ai été par rapport à ces deux fortes devers, pour empêcher d’autres obfcrvateurs d’y tomber. Je n’héfitai point à penferque chaque ver fans jambes, ne dût le transformer dans un ver héxapode. Ce ne fut qu’au bout de huit à neuf mois que j’appris que j’avois regardé comme les enfants de la cigale,, des vers qui dévorent fes œufs & les petits qui en lortent. Ces vers fans jambes devinrent au printemps, de petites mouches noires & luifantes, de la claffe des ichneumons. Les femelles portent au derrière deux longs filets, tantôt féparési’un de l’autre, & tantôt réunis, parce que l’un efl * Ziüj 584 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE une efpéce de tarière dont l’autre efl l’étuy. Cet inflriï- ment lui fert à porter fes œufs dans les nids oùles cigales ont logé les leurs. Si jeu (Te foupçonné que les vers munis de jambes naif- foient des œufs de la cigale, je ne les eulfe pas confondus avec leurs plus mortels ennemis. Je n’aurois eu dès-lors qu’à obferver des nids avec l’attention avec laquelle j’en obfervai dans la fuite de ceux que j’avois confervés dans l’efprit de vin ; j’euffe vû ce que je vis plus tard, des vers à fix jambes, qui ne s’étoient encore dégagés des œufs qu’en partie, qui avoient encore une portion de leur corps dans la coque. J’ai comparé leur forme à celle des puces, ce qui fait entendre que leur tête fe recourbe en delfous vers le ventre. Son bout efl refendu, 6 c forme deux efpéces cle longues dents. Les bouts de leurs deux premières jambes font fourchus. Entre l’origine de l’une 6 c celle de l’autre s’élève un tuyau cylindrique, qui n bien l’air d être le bout de la trompe que l’infcéîe aura par la fuite. Je ne puis faire paroître ici les deffeins que j’ai de ce ver, ils n’ont été fait que depuis que les planches où ils devroient fe trouver, ont été gravées 6 c tirées. Ils fortent du nid par la même ouverture par laquelle les œufs y ont été introduits; ils vont chercher la terre dans laquelle ils s’enfoncent. M. Alphons allure que c’efl dès l’été, 6 c M. Pontédéra prétend que ce n’eft qu’après l’hiver. Les vers mangeurs de ceux des cigales, qui paffent réellement l’hiver dans les brins de bois, n’en ont-ils point impofé à ce Sçavant, comme à moi! Je fuis incertain s’ils quittent leur première dépouille dans le nid, ou fi ce n’eft qu’après être entrés en terre; c’elt-là qu’ils croifFcnt fous la figure d’un héxapode dont le bout de la tête n’eft plus refendu, mais qui a une trom¬ pe , 6 c qu’enfuite ils fe transforment en nymphes de la claffe des Insectes. IV. Mem. 185 clarté de celles qui marchent, qui prennent de la nourri¬ ture, & qui elles-mêmes ont à croître. Ces nymphes ont été très-connues des anciens. Ariftoteles a nommées tet- tigometres ou meresdes cigales. Leur forme ne diffère de celle qu’elles avoient lorfqu’elles étoient vers hexapodes, qu’au tant que diffère celle d’un jeune puceron de celle d’une nymphe de puceron ; je veux dire que la plus grande différence que j’aye remarquée entre l’hexapode de quel¬ que groffeur qu’il l'oit, Si la nymphe ou tettigometre , c’ertque celle-ci * a d'es fourreaux* dans lefquels les ailes *PI. 19. fig. de la mouche font renfermées,& qu’on ne trouve point de V & 17> vertiges de ces fourreaux à l’hexapode *. Cette différence » Fig. 15. étant connue, celui-ci fera fufiîfamment décrit quand nous aurons fait connoître la figure de l’autre, &. fes prin¬ cipales parties : car nous ne nous arrêterons point à faire remarquer que dans les héxapodes les antennes paroiffent partir du premier corcelet, au lieu que celles des nymphes partent de deffous les grands yeux ; nous ne nous arrête¬ rons pas non plus à d’autres différences rie cette nature. La nymphe crt d’un blanc -fale. La figure de fa tête approche de celle de la tête quelle aura lorfqu’clle fera devenue cigale ; dans l’un & l’autre état l’infcéte ert muni d’une trompe * de même rtruélure , pofée de la * PI. 20. fig. même manière, & confervée par un étui femblable & 1 &2, femblablement placé. La nymphe, comme la cigale, a un double corcelet duquel partent les fourreaux des ailes. On compte huit anneaux au corps de la nymphe, comme à celui de la cigale ; mais on ne trouve point aux nymphes qui doivent devenir des cigales mâles, ni à celles qui doi¬ vent devenir des cigales fémelles, les parties par lefquelles les cigales mâles différent des fémelles. On ne découvre aux premières aucune des parties qui comportent l’organe du chant, & les fécondés n’ont point de tarière. Tome V . A a ï 86 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE. Les jambes de Ja première paire font ce que les nym- no.fig. phes des cigales ont de plus remarquable *. On juge qu’elles leur ont été données pour s’ouvrir des chemins fous terre, pour piocher dans le befoin. Au premier coup d’œil on leur trouve une forte de reffemblance avec les jambes des écrevilfes, parce qu’auprès de leur extrémité * '• elles ont line partie * que nous appellerons le pied ou le gros de la jambe, beaucoup plus large & plus épaifte que le refte. Le plus grand diamètre de ce pied eft vers Ion milieu ; près de l'on bout il eft articulé avec une partie courte, une efpéce de petit bouton avec lequel eft aulii 3 &4- articulé un fort & folide crochet 515 terminé par une pointe. Nous nommerons ce crochet l’ongle, parce qu’il reflfem- ble à ceux de divers oifeaux. A quelque diftance de la pointe de cet ongle, eft l’origine d’une efpéce de dent pointue. Dans la partie concave de l’ongle, allés près de 4 & 5- la dent, eft articulée une pièce longue * en forme de petit bâton, & écailleufe, comme toutes celles dont nous venons de parler, un peu moins groftc près de l’arti¬ culation, qua fon extrémité. De celle-ci partent deux • S' d ‘ crochets * lins & courts, mais foiides. Dans les. cigales mortes, & apparemment dans celles qui font en repos, cette pièce eft couchée tout du long de l’ongle, & fur * 3- d - une partie du pied*. Le bord inférieur du pied, le plus proche de l’ongle, a une plaque de quatre à cinq dents *d. très-fines *; mais plus loin plufieurs dents beaucoup plus longues, ou des pointes, partent aufti du bord du pied en fie courbant vers l’ongle. La plus confidérable de ces *f pointes * eft branchue. La jambe a trois autres parties articulées enfemble, dont la dernière i’eft avec le pied ; elles n’ont rien qui doive nous engager à les décrire. Les quatre autres jambes de la nymphe de la cigale n’ont rien aufti qui doive nous arrêter, elles n’ont point ce gros des Insectes. IV. Mem. 187 pied qui rend les premières remarquables. Outre le petit ongle aigu par lequel elles font terminées, elles ont plu- fîeurs autres pointes écailleufes près de leurs différentes articulations. Ces nymphes avoient befoin d’être munies de jambes telles que font leurs deux premières, pour pénétrer aufïi avant fous terre qu’elles y pénétrent quelquefois. Dans line lettre où feu M. le Fevre Médecin d’Uzez, me ra¬ conte tous les foins qu’il s’étoit donnés, pour me procurer de ces infèéles pendant i’hyver, il m’a Hure en avoir trouvé à deux 6c trois pieds de profondeur, 6c que l’argile com¬ pacte ne les avoit pas arrêtés. Il prétend que les nymphes la mouillent pour venir plus aifément à bout de la percer. Au relie toutes les oblèrvations qui m ont été communi¬ quées, concourent à établir que c’eit auprès des racines des afbres qu’elles fe tiennent. M. Pontédéra allure que l’infecte ne quitte fon état de nymphe que dans l’année qui fuit celle où il l’a pris; cequi me paroît très-probable. Mais quelle que foit la longueur du temps nécelïaire aux nymphes pour arriver à leur der¬ nier terme d’accroilfement ; quand elles y font parvenues, 6c que les chaleurs de l’été commencent à fe faire fentir, elles fortent de terre, elles grimpent fur les arbres, 6c s’y accrochent à leur tige ou à leurs branches, 6c peut-être aulfi à leurs feuilles. Nous avons vû que leurs jambes font munies d’affés de pointes roides pour fe cramponner fo- lidcment. Leur métamorphofe s’accomplit alors comme celle de tant d’autres infèéles. Au refie, après tout ce que nous avons rapporté de la manière dont les papillons 6c diverfes mouches parviennent à fe tirer de leur fourreau de crilüfôde ou de celui de nymphe, nous n’avons pas eu befoin de voir des cigales dans cette opération, pour fça- voir quelle efl iaméchanique à laquelle elles ont recours. A a ij 188 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Tout ce que nous avons dit pour des cas pareils, a appris qu’elles doivent d’abord dégager du fourreau les parties intérieures de leur corps, & les ramener en fui te vers le corcelet pour faire violence à l’enveloppe qui le couvre, en la rémpiiftant plus qu’elle n’eft remplie ordinairement, & pour l’obliger par-là à fe déchirer. Si j’eulfe eu fur cela le moindre doute, il eût été levé par des cigales que j’ai reçues, & qui avoient péri dans l’opération. J’ai vu que le corps de quelques-unes s’étoit détaché du fourreau de nymphe, que les quatre à cinq derniers anneaux de ce fourreau étoient vuides , que le corps avoit été ramené tout entier dans les anneaux les plus proches du corcelet, & que le delfus de celui-ci étoit fendu. Aldrovande nous parle d’après fes propres obfcrva- tions, réitérées pendant piufieurs années, & non d’après les anciens, ce qui lui eft beaucoup plus ordinaire, lorf- qu’il nous rapporte comment la cigale fe tire de l'on en¬ veloppe de nymphe. Il dit que celle qui ne vient que de paroître au jour, eft prefque verte par tout, qu’enfuite le delfus de l'on corps prend des nuances de couleur de marron, & qu’enfin au bout d’un jour elle eft d’un brun noirâtre. Il feroit à fouhaiter pour les campagnes où l’on eft étourdi en été par le bruit des cigales, que les mets dont les Grecs s’accommodoient, fuftent encore à notre goût. On fervoit fur leurs tables des nymphes de cigales. Ariftote détermine le temps où elles étoient excellentes: quo tem- /w Pi. 20. fig. œil à rezeau * de couleur rougeâtre, qui eft un demi-globe logé dans un orbite écailleux & échancré par embas. Au- * Fig. 8. defîous de cet œil, fur la même plaque écailleufe *, il y a * g■ un autre demi-globe * dont la furface eft grainée, & que M. clle Mérian a négligé de faire paraître dans les figures» Ces derniers demi-globes feraient-ils encore des yeux i En ce cas c’en feraient d’une ftruéîure differente de celle des yeux à rezeau. Entre chaque œil à rezeau & chaque demi-globe chagriné, eft un petit mammelon prefque * m. cylindrique *» Les aîles fupérieures n’ont pas une parfaite tranfpa- rence. Le fond de leur couleur eft celle d’une olive po- chettée; elles font pointillées d’un peu de blancheâtre, & près de leur bafe elles ont plufieurs petites taches prefque [_ * Fig. 7, noires. Les aîles de deffous *, un peu plus tranfparentes que les fupérieures, font plus courtes, & ont cependant plus d’ampleur. Elles ont chacune un grand œil qui a quelque reffemblance avec ceux des aîles des papillons paons Les teintes les plus claires de ces yeux font olive, & les teintes brunes font cafté. Dans la même planche où M. clle Mérian a reprefentédes porte-lanternes, elle a repréfenté une autre mouche que les Indiens appellent des vielleurs, à caufe que le bruit quelles font imite le fon d’une vielle. Elle a donné auffi la figure de la nymphe du vielleur, qui eft une mouche qui doit encore appartenir au genre des procigales. M.* 1 . 1 ! Mérian dit que DES I N S E C T E S. VI. Mem. I 9 5 îes Indiens ont voulu lui perfuader que les vielleurs Te métamorphofoient en porte-lanternes ; & il fcmble quelle en ait été convaincue, puifqu’clle nous donne une des figures de fa planche pour celle d’un vielleur dont la tète s’eft allongée pour devenir une lanterne. C’eftune méta- morphofe qui demanderait à être mieux fuivie. En cas quelle foit véritable, elle pourrait être comparée au chan¬ gement qui arrive aux mouches épheméres, qui, après avoir volé, ont encore à fe defiaire d’une dépouille. EXPLICATION DES FIGURES DU QUATRIEME AIE MO IRE. Planche XVI. La Figure 1 repréfente une cigale fémelle de la grande efpéce, vue du côté du dos. a, a, les antennes, i, i, les yeux à rezeau entre lefquels font placés les trois yeux liffes. La tête finit où les yeux à rezeau fe terminent. Là commence le premier corcelet, ou la première partie du corcelet double, ieei, l’étendue du premier corcelet. cc ce, le fécond corcelet. La Figure 2 fait voir par-defious la cigale de la figure précédente, i, i, les yeux à rezeau.^, le prolongement de la tête, d’où la trompe part, t, la trompe, f, la fente du bout poflérieur du corps, dans laquelle la tarière double, ou les limes font logées. La Figure 3 efl en grand celle d’une antenne marquée a, fig. 1 & 2. La Figure 4. a été deffinée pour faire voir la pofition des ftigmates du corps. On y voit comment l’arc qui forme la portion fupérieure de chaque anneau, revient en defious, & qu’une lame moins convexe efi jointe par B b ij 196 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE fes bouts, aux bouts de l’autre, a b, bc, cd, trois différents anneaux, ff, f, &c. vont chacune marquer par une ligne ponctuée un des fhgmates. La Figure 5 montre par-dcfTous ur.e cigale mâle de la grande elpéce. Les parties qu’c lie a lembiables à celles de la femelle de la figure 2 , font délignées par les memes lettres ; ce quelle a de particulier font les deux volets, ou les deux écailles//, //, qui couvrent les endroits où font les organes qui modifient le chant. On y voit aufïi que fa partie poftérieure £, efl faite autrement que la partie poflé- rieure f .de la figure 2, qu’elle n’eft pas fi allongée, & qu’elle n’a pas une fente femblable à celle qui loge les limes. Dans la Figure 6, la cigale mâle de la figure 5 efl \ûe par-deffus, & montre lés quatre ailes. /, /, yeux à rezeau & fin de la tête. Depuis les yeux à rezeau jufqu’en e e } efl le premier corcelet. e e, c le fécond corceiet. La Figure 7 reprefente une cigale de mo)enne gran¬ deur, vue par-deffus. Les Figures 8 & 9 font voir par-deffus, deux cigales de la petite efpéce. La cigale de la figure 8, a lur ion double corcelet des taches qu’on ne trouve point aux corcelets de celle de la figure 9. Les Figures 10 & 1 1 font voir en grand la poftion des parties qui compofent la trompe, d’où ces parties tirent leur origine, comment ellesferéuniffent, & com¬ ment elles peuvent être féparées. /, i, figure 10, les yeux à rezeau. p , la partie de la tête qui efl ramenée & pro- iongée en defTous. De la pointe p , de cette partie, part la langue /. La trompe r, fie rend à cette même pointe pj en defTous de la langue /. Ici la trompe efl en partie hors de fon fourreau, f, le fourreau, g, elpéce de godet écailleux d’au-deffus duquel part le fourreau de la trompe. Dans la Figure 11, on n’a que le prolongement p, du DES I N S E C T E S. IV. Mem. 197 bout de la tete ; on en a retranché les yeux à rezeau , de une grande portion de ce qui les luit. On y voit la trompe hors de la couiilfie, & développée. /, r, t , les trois parties dont elle elt compo ée, loûtenues en l’air par l’épingle qui les a miles hors de leur couhire, ik qui les a écartées les unes des autres. I, la langue. Cette Hgure montre en¬ core mieux que la précédente, l’endroit où elt l’origine de l’étui, & combien il elt éloigné du bout p, d’ou la trompe part. Planche XVII. Toutes les figures de cette planche, excepté la dernière, ont été delîinéespour faire connoître les organes du chant de la cigale. La figure 1 fait voir à peu-près dans fa grandeur na¬ turelle & par déifions, le corps & partie du dernier corcelet de la cigale mâle de la grande efipéce; & les figures fuivantes jufiqu a la dixiéme inclufivement, font prifes d’après cette même cigale, n, un îles volets écailleux qui elt en fa place naturelle, 6c fur lequel pôle une jambe, u , autre volet qui a été relevé pour mettre à découvert la cavité qu’il couvroit.//;, le miroir qui elt dans le fond de cette cavité. Dans la Figure 2, plus grande que nature, les deux volets u, u, (ont rcprélèntés, relevés & jettés fur le cor- celet, & lailfient voir en entier la cavité où font les deux miroirs. m,m, ces miroirs. L’elpace qui elt entre les miroirs, elt rempli par un triangle écailleux qu’on voit mieux dans la figure luivante. // n, membrane blanche & plilfiée, que les uns ont regardée comme l’inllrument du fon, pendant que les miroirs ont été pris pour tels par d’autres. La Figure 3 repréfente les mêmes parties que la figure 2, mais beaucoup plus grolïies, & au point nécelfiaire quelles ieloient pour rendre leur figure &leur pofition diltinéles* B b iij igS MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE u, u, les deux volets, m, m, les miroirs, q, q, le triangle écailleux placé au milieu de la cavité, & qui aide à renfer¬ mer les deux loges où font les miroirs, nn, membranes blanches & pliiTées qui ont été prifes pour l’irtflrument du chant. /, l, deux ouvertures de forme oblongue, dont chacune eft à peu-prés renfermée par deux arcs. C’eft par chacune de ces ouvertures que fort l’air fonore qui a été mis en mouvement par les deux inflruments du chant. Ce font les ouvertures des deux cellules, dans chacune dcfquelles une timbale eft logée. La Figure 4. fait voir de côté une portion du corcelet. Si. une portion du corps d’une cigale mâle ; tout ce qu’on a voulu y montrer, c’efl une élévation qui efl en e, fur le premier anneau, & qu’on ne trouve point au premier anneau de la fémelle. Là cette partie de l’anneau s’élève pour faire une loge d’une capacité fuffifante pour con¬ tenir la timbale, &lui iaiffer fon jeu libre. La Figure 5 ne diffère de la figure 4., qu’en ce que la portion d’écaille marquée e, dans cette dernière figure, a été coupée prefque tout autour dans la figure 5 , &. rejettée vers le dos. e, cette portion d écaillé, t , la timbale qui alors efl à découvert, u , le volet qui efl dans fà pofition naturelle, & qui ferme la moitié de l’ouverture de la cavité où font les miroirs. La Fig. 6 repréfente fort en grand le corcelet & le corps d’une cigale mâle, dont le corps a été ouvert par-deffus. Cette figure eft très-propre à donner idée des parties d’où dépend le chant de la cigale, m, in , les deux miroirs vus du côté du dos, au lieu que dans les autres figures, c’eft du côté du ventre qu’ils font en deux mufcles compofés de fibres droites, & prefque parallèles les unes aux autres. Chaque mufcle f efl defliné à faire jouer la timbale vers laquelle il fe dirige, t, t, les deux timbales, des Insectes. IV. Mem. 199 qui ont été mifes à découvert. Lesmufcles ff font ap¬ puyés fur le triangle écailleux du côté où il efl concave. Vers la partie poflérieure du corps, on voit en f des vail- feaux blancs qui y font une infinité de plis & de replis; ces vaiffeaux font pleins de la liqueur néceffaire à la fé¬ condation des œufs. La Figure 7 efl celle d’une coupe d’anneau vue du côté du ventre, & prife au bord de la cavité où lont les miroirs; mais les miroirs ,& les autres parties ont été ôtées de cette cavité, eqq, le triangle écailleux, qui, quand il étoit en place, touchoit par le fommet de l’angle e, la portion c de l’anneau qui efl courbée en cœur, & qui étoit arrêté contre cette partie de l’anneau par les deux ligaments qui partent du fommet e. La Figure 8 montre le côté concave du triangle écail¬ leux, dont le côté convexe efl en vûe dans la figure 7. C’efl fur ce côté concave que font pofés les mufcles ff de la figure 6. La Figure 9 repréfente les deux mufcles kf, kf, tirés de deffus le triangle écailleux de la figure précédente. Des fibres i, qui partent d’une plaque prefque cartilagineufe, pofée fur le bout d’un de ces mufcles, vont fe joindre à la timbale t. La Figure i o fait voir la plaque cartilagineufe qui a été détachée du bout d’un des mufcles de la figure 9. Les fibres i, qui partent de cette plaque, font celles qui étoienfc attachées à une timbale. La Fig. 11 repréfente une partie du corcelet antérieur, le corcelet poflérieur, & partie du corps d’une cigale male de moyenne grandeur, de l’efpécede celle de la figure7, planche 16; elle les repréfente, dis-je, vues de côté & groffies. e, e, partie du corcelet antérieur, c, le corceleï poflérieur. u, l’un des volets écailleux. t,r, la timbale, qui 200 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE eft à découvert en t, & en r. p, pièce qui couvre une partie de la timbale. La Fig. i 2 eft la même que la fig. i 3, à cela près que la pièce p, qui couvre une partie de la timbale dans la figure précédente, a été abbaiffée dans la fig. 12 .p, cette pièce. La Figure 1 3 fait voir le ventre, & partie du delfous du corcelet de la même cigale, fur laquelle les figures 1 1 & 12 ont été deffinées. Un des volets u, eft abbaiffé, & une des jambes pôle deffus. L’autre volet u } eft relevé. On peut remarquer plufieurs différences entre la cavité qui eft à découvert, & celle des figures 1 , 2 & 3. in, le miroir qui eft très-petit & plus enfoncé que ceux des grandes cigales. n, la membrane blanche & pliftee. t, une petite portion d’une des timbales qui fe trouve fous le volet qui eft du même côté. La Figure 14. repréfente en grand le bout du derrière de la cigale fémeile de la figure 2, planche 16. aa, le bout du corps, ou le dernier anneau, dont la forme eft fort différente de celle des autres; c’eft une efpéce de cône, qui a un renflement au-deffus de fa bafe ; & qui eft fendu tout du long du côté du ventre, cfcf, les deux pièces, qui enfemble compofent l’étui de la tarière; la fente qui eft entre ces deux pièces, laide entrevoir la tarière. Planche XVIII. Toutes les figures de cette planche font groflics au microfcope, & font deftinées à faire connoître la ftruélure de l’efpéce de tarière de la cigale. La Fig. 1 repréfente le bout du corps d’une cigale fé- melle de la grande efpéce, vû du côté du ventre, b a a, ce prolongement du corps, qui peut être appeilé le dernier anneau, quoiqu’il ait une figure différente de celle de ceux qui le précédent; il a une entaille dans toute la longueur dans DES I N S E C T E S. IV. Mi ’tn. 20 I dans laquelle l'ont logées les pièces qui compofent l'étui de la tarière, & qui la renferment, b, le dernier des an¬ neaux ordinaires, a a, cet anneau allongé en cône, ôc refendu, dans lequel la tarière eft logée dans les temps ordinaires.^ la tarière lortie de fon étui, c, c , les deux pièces qui enfemble compofent l’étui de la tarière. Les Figures z & 3 montrent les deux pièces qui for¬ ment un étui à la tarière. Une de ces pièces figure 2, eft vue de côte , & l’autre par la face où eft la concavité d uneefpéce de cuiileron oblong. cg, le cuilleron . gf, tige du cuilleron articulée en g, & qui a une cavité qui paroît le long de gf figure 3. . La Figure q. fiait voir la tarière développée en partie,' & les trois pièces dont elle efi compofée. aa, portion de l’anneau dans lequel le loge la tarière, qui a été coupée en aa. Une des limes pf a été retirée de dcfiTus fon lupport. pf eft la partie qui elt armée de dents inclinées vers la pointe p. Les dents font noires, & le relie de la lime elt blancheâtre. tr, pièce d’un brun prefque noir cpii fert de lupport aux limes, & que nous avons nom¬ mée pièce d’aifemblage. On en voit la partie de deffus laquelle la lime p f a été dégagée./? I, l’autre lime qui eft pofée&engrainée dans l’autre moitié du lupport, comme pf l’étoit naturellement. Dans la Figure 5 les deux limes font retirées de deffus leur lupport. r e e r, le lupport, fur la face & fur l’épaifîe tranche duquel on voit des languettes & des cannelures. p f, une des limes. pi, l’autre lime. Le Cens dans lequel cette dernière fe préfente, permet de voir qu’elle a des canne¬ lures 6i des languettes propres à s’affembier réciproque¬ ment dans les languettes & les cannelures du fupport. La Figure 6 qui ne repréfente qu’une portion de la tarié’-e, montre qu’une des limes peut s’élever plus que Tome V .Ce 202 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’autre ; Ja pointe p, de la lime p l, efl; plus élevée que la pointe p, de la lime p f. Une partie r, du fupport a été îaiirée à découvert par la lime p!. Dans la Figure y, où la tarière efl repréfentée dans prefque toute là longueur, la pointe p, de la lime p/, efl beaucoup delcendue au-deflous de Ja pointe p, de la lime pf& on eût été maître de la faire delcendre davantage. Dans la Figure 8 , tout au contraire de la figure précé¬ dente, la pointe p, de la lime pl, efl beaucoup élevée par- delà la pointe p, de la lime pf. qr, partie du fupport de delfus laquelle la lime lp, a été retirée. La Figure 9 efl celle des deux limes tirées de défiais leur lùpport. La Figure 10 montre la tarière de la figure y, du côté oppofé à celui 011 elle efl vue dans cette dernière figure. Lai ime pf efl dans là pofition ordinaire, & la lime pleil delcendue plus bas qu’elle n’efl ordinairement. Ici la face qui efl en vue, efl la fupérieure quand la cigale tfl polée fur un plan horizontal, au lieu que la face des autres figures efl l’inférieure, ou celle qui le préfente lorfqu’011 regarde le ventre d’une cigale. La partie 0, delà lime pl, qui excède le fupport, apprend que la tige de la lime ne s’applique que fur l’autre face du fupport, & lur celle qui en marque l’épailTcur.ou fur la tranche. Toute la large face du fupport, efl vue dans cette figure; h on y remarque quelques filions, ils ne font pas de ceux qui fervent à main¬ tenir les fcies pendant quelles (ont en jeu. Dans la Figure 1 1, les fcies ont été coupées en l,& f, & ont été écartées de leur fupport coupé en /. Tout ce qu’on a eu deflein d’y faire voir, c’efl que le lùpport, avant que d’arriver au corps, fc divile en deux branches ty, t x, & que l’entre-deux des branches efl rempli par des mem¬ branes m, qui lient les deux branches enlemble. des Insectes. IV Mem. 203 r La Fig. 12 ne montre encore qu’une partie de fa taricre Si de l’anneau dans lequel elle eft logée. Elle fait voir les queues ibif, des limes, ou les tendons écailleux qui les font agir alternativement, b, le fupport des limes. Planche XIX. Les Figures 1 Si 2 repréfentent deux petites branches de meurier, dont celle de la figure i, eft plus menue que celle de la figure 2 : une cigale a dépofé fes œufs dans l’intérieur de chacune de ces branches./, t, t, Sic. marquent de petites élévations faites par la peau Si les fibres qui ont été coupées &foûlevées. Chacune couvre l’ouverture d’un trou creufé dans l’intérieur de la branche. Fig. 1, on voit en e, e, deux élévations qui ne font pas dans l’alignement des autres, mais cela efl rare. Dans la figure ?, où une partie du bois a été emportée, un œuf paroît en 0. La Figure 3 montre l’arrangement que la cigale donne à fes œufs dans l’intérieur de chaque morceau de bois. Le brin de bois dont on a ici la figure, efl groffi à la loupe, & on en a emporté une partie depuis II, jufqu’en rr, pour mettrèà découvert fonintérieur.Æ,//’',//, bouquets de fibres ligneufes qui ont été coupées & foûlevées par la tarière de la cigale. En t, on voit la coupe de l’ouverture du trou fur lequel les fibres étoient appliquées./! font les œufs, dont le trou a été rempli. /,&./, (a coupe des endroits qui font ligneux, m, la coupe de ce qui efl occupé par la moelle. Les bouquets de fibres h,g, k, font pofés au-deffus d’autant de trous, dont les direélions ne fe font pas trouvées en entier dans celle de la coupe qui a été frite. o,q,x, les œufs qui occupent une partie des trous, dont les ouvertures font au- deffous de k,g, h. O11 remarquera que les œufs ne vont pas du côté de 0, q, x, par-delà la partie occupée par la moelle. Dans la Fig. 4., on n’a qu’un morceau de bois très- court, Si plus groffi que celui de la figure précédente. * * C c ij 204 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE /,1e bord d’un trou, où les fibres ligneuics ont été cou¬ pées. f ces fibres. L’écorce qui les couvroit, a été brifée & détachée jufqu’en e. La Figure 5 montre un œuf, tel que ceux de la fig. 3; très-grofli. La Figure 6 repréfente le bout poftérreur du corps de fa cigale mâle, marqué £, figure planche 16; il efi vû ici de côté, dans un temps où la preflâon des doigts l’a obligé de s’ouvrir, p, la pointe du dernier anneau, qui répond au milieu du dos. e, lame écailleufe. f, fourche barbue, c, gros crochet écailleux, m, la partie du mâle qui commence à fe montrer. La Figure 7 11e diffère de la figure 6, qu’en ce que la partie avec laquelle le mâle féconde la fémelle, s’y montre en entier, m, la tige de cette partie, n, bourlet charnu qui eft auprès de fon bout; ce bout eff fait en mammelon. La Figure 8 eff celle du bout poflérieur du corps du mâle de la cigale de la figure 7, planche 16, très-grofli. e, lame écailleufe du deflous du ventre, c, c, double cro¬ chet écailleux, a, l’anus. La Fig. 9 fait voir féparément le crochet de la fig. 8. La Figure 10 nous montre un des deux ovaires de la cigale extrêmement groffi. Les files d’œufs n’ont point été comptées, mais elles font au moins en auflâ grand nombre qu’ici. a , le gros tronc antérieur, d’où partent tous les vaifleaux à œufs, b , le gros tronc auquel les vaif- feaux pleins d’œufs m’ont paru aboutir. La Figure 11 eft celle d’un œuf, d’où le ver eff forti par l’ouverture 0. La Fig. 12 fait voir un ver u, mangeur d’œufs de cigale, 6c des vers à fix jambes qui fortent de ces œufs. Il eft ici grofli. bj, portion du bois qui a été relevée pour mettre l’in¬ térieur du nid à découvert. Dans la Fig. 1 3, un ver man¬ geur de ceux des œufs de la cigale, eff vû dans fa grandeur des Insectes. IV. Mem. 205 naturelle, & le même ver eft grofli clans la figure 14.. d, d, fies dents. La Figure 1 y eft celle d’un ver hexapode de cigale. Les Figures 16 & 17 l'ont celles d’une nymphe de cigale ou d’une tettigometre, vue dans différents iens. La nymphe ne diffère prefique du ver héxapode, que parce qu’elle a des fourreaux d’ailes a, a, qui manquent à l’autre. La Figure 18 fait voir par-deffous une nymphe de ci¬ gale. t, fia trompe. Planche XX. La Figure i efit en grand celle d’une tête de nymphe de cigale & de fies dépendances, t, la tête, a, une des antennes, p, le prolongement de la tête, duquel fort la trompe, f l’étui de la trompe, qui, ici comme dans les cigales, a une origine différente de celle de la trompe, fi, une des jambes de la première paire. La Figure 2 ne repréfiente qu’une partie de la précédente, fçavoir, le prolongement p, de la tête ; mais dans cette fig. 2, la trompe t, eft entièrement hors de l'on fourreau f Les Figures 3 & 4. montrent une même jambe denymphe de cigale, une de celles de la première paire; mais elles la montrent prifie en différents temps. Du gros de la jambe i, figure 3, part-un gros crochet c. Au deffous de ce crochet, 011 voit une fuite de dents & des épines, fioit fimples e, foie fourchues /i Outre toutes ces parties qu’on trouve à la fig. 4., on lui trouve une efipéce depince/>, quelammphe releve plus quelle n’eff ici, quand il lui plait; quand elle veut, elle l’applique fi bien contre le crochet c, qu’on ne la voit pas, ou prefique pas, comme dans la figure 3. La Figure 5 fait voir plus en grand le crochet de la fig. 4, avec fia pince, c, le crochet. />, la pince, d d, four¬ che pointue par laquelle elle eft terminée, a, articulation de la pince avec le crochet. Ce iij 206 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La Figure 6 eft celle d’une de ces grandes mouches de l’Amérique, appellées porte lanternes, vue par-deftous./,la lanterne, i, un des yeux à rezeau. g, tubérofité en forme d’œil, placée au-deftous d’un de ceux à rezeau. La Figure 7 repréfente la mouche porte-lanterne, vûe par-deftous. 4 la lanterne, t, la trompe. La Figure 8 eft en grand celle de la partie écailleufe, où fe trouve un œil à rezeau. i, l’œil à rezeau. g - , tuber¬ cule graine, ni, mammelon. La Figure 9 fait voir la trompe de la mouche précé¬ dente féparément, & groftie. f, le fourreau qui lèmble avoir une articulation en f. t, la trompe que j’ai obligé de fortir defon fourreau. La Fig. 1 o nous montre dansfa grandeur naturelle, un de ces petits infeétes ailés du rofier, que j’héfiteà mettre dans le genre des cigales, & même dans un genre voifni du leur. Dans la Figure 1 1, le même infeéte eft vû bien plus grand que nature, yifa feie qu’il a éloignée de fon ventre, comme il l’en éloigne lorfqu’il veut s’en fervir pour en¬ tailler une branche de rofier. Dans la Figure 12, la feie de la figure précédente eft repréfentée plus en grand, & féparément. La Figure 1 3 Lit voir la mouche de la figure 11, par- deftous, & également groftie. f, fa lcie dans ia pof tion 011 elle eft ordinairement, t, fa trompe. La Figure 14. eft celle de la nymphe de cette mouche, groftie dans la proportion des figures 1 1 & 13. La Figure 15 eft celle du derrière du mâle de la mouche de la fig. 1 1 ; des parties qu’il tient ordinairement cachées, font vües ici groiïies au microfcope. c, c,c, efpéces rie baguettes avec lefquelles il peut faifir le derrière de la fé- mclle. m, la partie propre au mâle. — 4 . Je lHtst Je. In je.les T.-rne J+ T . a * 1 I*/ . z c> f\720 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE conflrmt tics gâteaux de cire. Il ignoroit que les abeilles n’auroient pas laifTé la peine de déchirer ce papier. Je les ai vû détacher & réduire en pièces du papier qui leur don¬ nent moins de priée. Lorfque les bandes de papier qui avoient été emploiées à boucher les vuides qui lé trou- voient entre le boisée les carreaux de verre de mes ruches, & à mieux affujettir ces carreaux, lors, dis-je, que ces bandes étoient en dedans de la ruche, les mouches ne manquoient pas de les hacher. Swammerdam auroit fait fans doute plu fieurs obferva- tions fur les abeilles, qu’il n’a pas été en état de faire, faute d’avoir eu de ces ruches vitrées. Elles n étoient pas plus connues apparemment de Ion temps en France, qu’à Am- fterdam, car il a demeuré quelque temps à Paris. Depuis qu’on a imaginé de faire de ces fortes de ruches, elles le font beaucoup multipliées. Celles que feu M. Calfini avoitfait placer dans un jardin de I Obiervatoire, ont mis M. Ma raidi en état de voir tout ce qu’il nous a rapporté de curieux & de certain dans fon Mémoire fur les abeilles. Ces ruches de verre, nous donnent affûrément de grands avantages fur ceux qui nous ont précédés, pour parvenir à nous inftruire de tous les procédés des abeilles. Leurs carreaux ne font point fàlis auffi vite que Moufet i’avoit cru. Il y en a qui confervent prefque toute leur tranfp trence pendant des années entières; & lorlqu’ils commencent à s’obfcurcir, il y a des moyens de les lever, ôi de les nettoyerenfuitc. Au travers de ces carreaux, un obfervaieur peut confidérer tes abeilles à toutes les heures du jour, & dans toutes les faifons de l’année fins les troubler & fans les inquiéter. La ruche étant placée comme il lui convient de Jctre, fous un petit toit, ce toit ne fût il que de paille, éc étant entourée de bancs de tous côtés, excepté de celui où lent les ouvertures qui des Insectes. V. Mem. 221 permettent aux mouches.d’entrer & defortir, i’obfervateur alfis lur un de ces bancs, peut, fans aucune incommo¬ dité, jouir d un fpeélacle extrêmement amulant& infini¬ ment varié. Des abeilles s’occupent avec une activité furprénante, en différents endroits à différents travaux. 11 le met bien tôt au fait de la difpofition de l’intérieur de la ruche. 11 voit qu’il y en a une grande partie remplie par des gâteaux de cire pofés à peu-près parallèlement les uns aux autres , & qui partent du fommet de cette ruche ou des environs, autant que la figure de la ruche le permet. Il lui eflaifé d’appercevoir que les gâteaux ne le touchent point, qu’entre deux gâteaux il refie un efpace au moins affés large, pour que deux abeilles y puilfent paffer à la fois. Ce font les rues, ou même, fi l’on veut, les places publiques que les abeilles ont refervées pour pouvoir faire uiage de toutes les cellules de chaque gâteau. Outre ces grandes rues, on en remarque de beaucoup plus petites, qu’on appellera peut-être plus volontiers des portes, ce font des ouvertures ménagées dans chaque gâteau, & qui le traverfent. Ces portes abbrégent beaucoup le chemin que les abeilles ont à faire, lorfqu étant entre deux gâteaux,elles veulent paffer entre d’autres gâteaux, ou fe rendre dans des endroits de la ruche ou elles n’ont pas encore travaillé. La diflribution des rues ou des places, ou, ce qui re¬ vient au même, l’arrangement des rayons de cire, peut pourtant être vu dans les ruches opaques, & fur-tout dans celles qui font en panier,& cela, fi on couche fur le côté celles qui ne font que médiocrement peuplées, ou dont une bonne partie des ‘mouches efl à la campagne. On voit alors les gâteaux par le bout*. Pour l’honneur des *Pf. ’i.fig. abeilles, il efl à propos de renverfer ainfi piufieurs ruches, 2 & parce qu’on ohltrvera que la difpofition des rues variedans différentes ruches, comme elle varie dans nos différentes E e iij 222 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE villes. Les mouches ne font point aflreintes à une trop grande régularité, elles s’accommodent aux circonftances. On trouvera des ruches remplies par des gâteaux touspa- * PI. if.fig. ralleles les uns aux autres*. On en trouvera d’autres, dont -• les gâteaux qui occupent du haut en bas une partie de la capacité de la ruche, l'ont encore parallèles entr’eux, pen¬ dant que ceux qui occupent le relie de la capacité, lont * Fig. 3. obliques * aux premiers, & plus ou moins obliques. O11 trouvera même des ruches, dont une partie de la capacité * Fig. 4.. efl entièrement remplie par des gâteaux perpendiculaires* à ceux qui occupent l’autre partie. Enfin, on trouvera beaucoup d’autres variétés & d’autres irrégularités dans l’arrangement des gâteaux. Mais il faut avoir recours néce fiai rement aux ruches vitrées pour voir diftinélément une des faces de quelque gâteau, pour bien voir les cellules dont il ell compofé. On croit communément que les cellules des gâteaux font des logements que les abeilles fe font conflruits, que cha¬ cune a le Lien ; &ceia fur ce qu’on obferve en certains temps, des cellules dans chacune defquelles une abeille efl entrée la tête la première, & dont il ne paroît que le bout du derrière, & qui y efl tranquille. Mais pour peu qu’on obferve, on reçonnoît que le principal ufage ries cellules n’efl pas de donner des logements aux abeilles. On voit un grand nombre de cellules remplies de miel; on en voit qui font bouchées par un couvercle de cire. D’autres qui font ouvertes, ont chacune un ver plus ou mois gros; & on reçonnoît aifément que ces vers ne font pas indifférents aux abeilles. On obferve de ces mouches, qui femblent chargées du foin de voir l’état des vers des cellules. L abeille fait entrer fa tête dans la cellule qui en a un, elle l’en re¬ tire fur le champ pour la faire entrer dans une autre, Sc fueceffivement elle en vifite ainfi plufieurs. Ce n’eft que DES I N S E C T E S. V. Mem. 22*> dans les ruches vitrées que tout cela, & une infinité de procédés tres-cuiicux peuvent être bien vus. Jl faut pourtant avouer que les ruches vitrées ordinaires ne donnent pas à beaucoup près un plein contentement à un fpeébteur qui n’eft pas latisfait de voir Amplement des abeilles très-occupées à difiérents travaux; à un fipec- tateur qui defireroit voir nettement & diftinélement cha¬ que forte de travail & chaque opération. Jl a regret de ce que des manœuvres qu’il lôùhaiteroitfuivre, le font fou- vent dans des endroits trop éloignés de les yeux, & trop peu éclairés. En général tout lui lèmbiefe faire trop tumul- tuairement. L’abeille fur laquelle il a fixé fies regards, & qu’il voudrait obfervcr pendant tout le temps qu elle refie occupée à une forte d’ouvrage, lui efi bien-tôt cachée par d’autres qui pafient fur elle, ou qui le placent devant elle. Plus une ruche efi peuplée, plus le mouvement y efi grand, & plus il paroît y avoir de confufion, quoi¬ que tout s’y pafTe avec beaucoup d’ordre. Il n’eft pas poffible d’avoir des ruches vitrées, où, mal¬ gré le nombre des abeilles & leur agitation continuelle» on puifîe faire à chaque inftant des oblervations fuivies; mais on peut donner aux ruches des formes telles qu’il fera beaucoup plus ailé de faire de ces fortes d’oblèrva- tions, qu’il ne fefi dans les ruches de la forme île celles qu’on a faites jufiqu’ici, & où on aura incomparablement plus dV>ccafions de fiire des oblervations telles qu’on les. dehre. Les ruches vitrées qu’on a confiâmes jufiqu’ici, font extérieurement des efpéces de tours quarrées *. La * Pi. 22;.%. cavité occupée par les mouches, ifi renfermée du bas en haut par quatre faces égaies & reébngles. Tantôt on donne un fond à cette ruche, & tantôt le plan lur lequel elle pofe, la ferme par ernbas; fon bout upérieur porte une eipéce de plancher, ou de couvercle plat. Chacun a » PI. 22. S- *PI. 2 3 . 4 - — 4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE varié à Ton gré les ornements dont i! a embelli les dehors de cette tour quarrée. Plufieurs ont misdeflus, un toit qui fig. le termine en pyramide*, mais qui n'a nulle communica¬ tion avec le logement des abeilles. M. de Rezons, dont l’Artillerie étoit devenue le principal objet, avoit donné à l’extérieur delà ruche l’air d’un fort, dont le deffus étoit terminé par une plate-forme entourée d'un parapet, & lur laquelle même il y avoit de petits canons moins* à craindre que l’aiguillon d’une mouche; ils ctoicnt de carton. Mais de toutes les figures qu’on peut donner à une ruche, celle qui met l’oblervateur le moins en état de faire des obfervations, eft celle à quatre faces égales; c’elt celle où il y a moins de mouches à portée de les yeux. Plus de mouches font en vue à chaque inftaht, lorfqiie la ruche a une figure plus applatie, lorlqu elle efl beaucoup plus large qu’épaiffe. J en ai fait faire de plus ou de moins applatics, de qui avoient d’autres variétés dans leur forme, & des va¬ riétés qui m’avoient paru propres à faciliter les différentes fortes d’obfervations & d’expériences que je me propolois de faire; car une figure de ruche avantageule a certains égards, peut ne l’être pas par rapport à d’autres objets. Je me trouve obligé de donner une idée générale de celles que j’ai fiit conftruire, fans quoi je ne pourrois faire en¬ tendre dans la luite comment je fuis parvenu à faire cer¬ taines expériences, ou certaines obfervations difficiles. La plus fimple des ruches vitrées, dans lefqueîles j’ai fig. renfermé des abeilles, & celle * qui m’a mis en état de faire les obfervations les plus délicates, étoit fi applatie que, vue par dehors, elle ne fembloit qu’une boîte à peu près quarrée & platte, telle qu’une boîte dans laquelle on ren¬ ferme un miroir pour le tranfporter, & qui feroit pofée de chan ou verticalement fur un de fes côtés. Elle n étoit aulïi qu’une efpéce de chaffis haut de vingt-deux pouces. DES ï N S E C T E S. V. Mcm. 225 large de deux pieds, & épais de quatre pouces & demi. Sur l’épaiffieur de ce chaffis étoit priée de part & d’autre une feuillure capable de retenir un panneau de bois *. Chacun *PI. 23. fig. de ces panneaux étoit arrêté en place par deux tourniquets* . r> attachés contre le bord fupérieur du chaffis & à diflance égale du milieu. Au-deffious de chaque panneau, il y avoit un affiemblage de menuiferie, femblable à celui de nos fe¬ nêtres ordinaires, & fait pour recevoir & foûtenir quatre grands carreaux de verre. Quoique j’aie fait imaginer le chalïis de bois qui formoit le corps de la ruche comme compofé de côtés femblables, la traverfe inférieure * étoit * u us plus longue que la fupérieure; chacun de fes bouts débor- doit le montant avec lequel il étoit affiemblé; il formoit une efpéce d’oreille qui laiffioit paffier une groffie vis em- ploiée à tenir le chaffis affiijetti contre le banc de bois * fur * /, b. lequel il étoit pofé. Cette même traverfe inférieure avoit une longue & large fente, par laquelle on pouvoit faire en¬ trer l’effaim dans la ruche. Je ne m’arrêterai point à faire re¬ marquer encore qu’un des montants, celui qui étoit tourné vers le midi, étoit percé de plulieurs trous * de la grandeur * r . qu’il convenoit qu’ils euffent pour laiffier fortir librement les abeilles de la ruche, & pour les y laiffier rentrer. Ce à quoy je dois faire faire attention , c’efl que cette ruche étant très-mince, il refloit peu d’efpace entre les deux carreaux oppofés. Si les mouches logées dans une pareille ruche y travailloient, comme je ne doutois pas quelles ne le hffient, elles étoient abfolument dans la néceffité de placer leurs gâteaux à peu-près pa¬ rallèlement aux carreaux de verre. Des gâteaux pofés perpendiculairement à ces carreaux', euffient été beau¬ coup plus étroits qu’elles ne les veulent. D’ailleurs le peu d’efpace qui refloit entre les deux ftees, ne permet- toit aux abeilles que de faire deux gâteaux parallèles Tome V. . F f 2 l6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’un à l’autre. De-là il luit que les mouches ne pouvoicnt travailler à faire des gâteaux, à les allonger ou à les élar¬ gir, quelles ne fufïent auffi près qu’il eft poffible de le defirer, de l’œil du fpectateur, tout près du verre; quel¬ que manœuvre quelles biffent dans les cellules extérieures des gâteaux, on étoit toujours à portée de les voir: qu’en- fin le gros des mouches étoit obligé d’être beaucoup plus étalé dans une pareille ruche qu’il ne l’efldans les ruches ordinaires. On comprendra aifément combien ces der¬ nières permettent de moins voir, li on fçait quelles ren¬ ferment fouvent neuf à dix gâteaux parallèles les uns aux autres, 6c parallèles à deux des faces de la ruche. On ne peut donc voir que deux de ces gâteaux par une de leurs larges faces, 6c les autres ne font vus que par la tranchée ; & toutes les abeilles qui fe tiennent entre ces gâteaux, y font cachées. Notre ruche platte a, dans deux gâteaux, la valeur de neuf à dix gâteaux d’une ruche épaiffe ; 6c ces deux gâteaux font vus en entier par une de leurs faces. Dans une fi grande étendue qui eft continuellement à découvert, 6c où le peu d’efpace qui refie jufqu’au verre, ne permet pas aux mouches d’être ammoncelces, on a donc incomparablement plus d’occafions d’obferver leurs différentes manœuvres, 6c on eft à portée de les mieux voir. D’autres confidérations m’ont déterminé à donner d’autres formes à d’autres ruches vitrées. Si on a plus d’attention à la forme qui convient le mieux aux abeilles, qu’à celle qui eft le plus favorable aux obfervations, on donnera aux ruches moins de capacité par en haut que par en bas. C’eft au haut de la nouvelle ruche où des abeilles viennent d’être logées, qu’elles s’établiffent; c’efl au haut de la ruche quelles commencent à travailler, à faire des gâteaux. La chaleur leur eft cffentielle au-delà DES I N S E C T E s. V. Ment. 227 de ce qu’on le crciroit, comme nous le prouverons dans la fuite, & elles font plus chaudement quand elles trou¬ vent dans le haut de leur ruche, une capacité quelles peuvent remplir en entier, en le pofant, comme elles font, les unes contre les autres. Au (files paniers'*, loitd'olur, * Pi.21.fig. foit de paille, qui font en ulage, ont une des meilleures 2> 5 formes que les ruches puiffent avoir. Pour concilier ce qui convient aux mouches & à l obfervateur, autant qu’il eft poffible, j’ai fait donner une figure pyramidale aux ruches de bois que je voulois vitrer. J'ai fait faire des ruches qui étoient des pyramides à baie reéfangle*, & * Pt. 22.%. j’en ai fait faire dont la bafe étoit plus ou moins large ^ & p par rapport à fa longueur. Quelques-unes de ces ruches en pyramide dont la baie étoit étroite*, étoient vers le » pi. 24. fïg. milieu de leur hauteur, ou un peu par-delà, aufîi minces 1 & ou plus minces que la ruche platte dont j’ai pailé ci- devant; mais j’en ai fait faire d’autres dont la baie* avoit * Fi*. 5. de large le tiers ou la moitié de là longueur. Ordinairement j ai fait conflruire ces ruches de ma¬ nière quelles pouvoient lé divilèr en trois parties *, à * Fig. 3. ae y peu près égales en hauteur, & qui miles les unes fur les LJ ,J “ autres, formoient la pyramide complette. La ruche en¬ tière étoit ainh compolée de trois étages. Chaque étage fupérieur avoit à là large fice un carreau de verre monté dans un chafîis de bois; & chaque chafîis pouvoit être tiré de place, ik. y être remis à volonté. L’étage inférieur, comme beaucoup plus large que les autres, avoit à chaque face deux chaffis, ou ce qui efl la même choie , deux carreaux de verre. Enfin , des volets de bois * attachés à * «, *, y y- chaque étage aux montants de la ruche, lervoient à fermer, pour ainh dire, les fenefhes de verre, & empéchoient ie froid & les rayons du foleil, de pénétrer trop ailèment dans la ruche. Ffij 228 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Comme les mouches cherchent à faire de larges g⬠teaux, elles difpofent pour l’ordinaire les leurs parallèle¬ ment aux deux grandes face# de la ruche, ainfi on ne perd prefque rien à n’avoir point de verre fur les petites faces, & les mouchesy gagnent. Il leur ell plus commode de pou¬ voir monter &delcendre le long du bois, que fur le verre. Aulli un Auteur qui a parié de la manière de faire des * Traité des ruches vitrées * telles qu’on les fut ordinairement, confeille abeilles^, un- t j e ne ] eur p as rae ttre du verre de tous côtés. La pvramide frime a Pans . i , . * l » V chés Jombert eu terminée par une boule , ou par quelqu autre orne- i 7 ^ 0 ’ fig ment dont je ne dirois rien s’il ne fervoit précifément qu’à 3 & 4^ ü l’orner. J’en parle parce qu’il fert à boucher un trou qu’on a eu foin de réferver au haut de la pyramide. Cette pyra¬ mide a fa pointe tronquée. On conferve un trou à l’endroit où elle fe termine. Ce trou reçoit une tige cylindrique, un * Fig. 4. b. boulon * qui fait corps avec la boule, éc au-deffùs duquel elle s’eléve; 6c cette tigeefl telle qu’elle ne remplit pas bien exactement le trou. J ’ai fait donner une bafe platte à d’au¬ tres boules deftinées au même ufage que celle dont je viens de parler; 6c j’ai fait arrêter cette pièce avec un couplet ou une charnière. La bafe, le pied-d’eflal de la boule étant appliqué fur le trou fupérieur de la ruche, le bouchoit exactement; & dans les occafîons qui demandoient qu’on mît ce trou à découvert, il étoit louvent plus ailé de le faire, que quand on avoit à tirer hors du trou un cylindre de bois qui y étoit à la vérité entré à l’ailé, mais qui depuis y avoit été maüiqué par les abeilles. Des expériences que j’avois en vùe, m’ont déterminé à faire conftruire des ruches d’une forme différente de celle des précédentes. La bafe de la ruche que je veux faire * Fig. 6. connoître*, étoit, comme celle des autres, une pyramide tronquée à quatre faces,6c plus large qucpailfe, 6c une pyramide tronquée qui pouvoit être divilée en deux félon DES I N S E C T E S. V. AlflU. 229 fa hauteur. Cette portion de pyramide n’avoit que la moitié de la hauteur que j’avois voulu donner à la ruche. Le relie de la ruche étoit fait de quatre boites * iàns fond * & fans delfus, polëes les unes fur les autres, toutes égales f entr elles & femblables , & dont la longueur & la largeur étoient telles, que la première de ces quatre boîtes s’ap- pliquoit exactement fur le bord fupérieur de la baie de la ruche. Un volet de bois * qui pouvoit s’ouvrir & fe * fermer, étoit arrêté à un des bouts de chacune des grandes faces de chaque boîte, & au-deffous du volet étoit un carreau de verre monté dans un chaflis, qui pouvoit être retiré de la feuillure qui le recevoit. On imagine d’avance que les ruches compofées de plufieurs portions de pyramides, & celles qui l’efloient de plufieurs boîtes, 11’avoient été faites ainli que pour donner la facilité de féparer une partie de la ruche des autres quand on le fouhaiteroit. Aufli chaque partie n’é- toit-elle retenue fur celle fur laquelle elle ctoit pofée, que par des crochets, ou de quelque manière équivalente; mais elles n’étoient point affemblées l’une avec l’autre à languettes, ni à tenons, ni d’aucune façon qui fuppofât de l’engrainement. Le bord de la partie inférieure & celui de la partie fupérieure étoient plans, afin qu’ils puffent s’appliquer exactement l’un fur l’autre, mais qu’ils ne filent que s’y appliquer. Quand des mouches logées dans une ruche à boîtes * y avoient travaillé, quand elles y avoient confiant des gâteaux, qui, de la boîte fupé¬ rieure defeendoient jufqu’à la dernière, ou même par- delà la dernière des boîtes, je pouvois non-feulement examiner au travers des carreaux de verre * le travail, qui avoit été fait dans la partie de la ruche qui répondoit à chaque boîte, je pouvois même examiner à mon ailé l’in¬ térieur de cette boîte; car je pouvois retirer chaque boîte Ff üj I’i -H-fig • cd » h, l. Fig. 6„ lu 2 }û MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de la place. Pour y parvenir, je coupois tous les gâteaux de cire qui fe trouvoient dans cette boite, je les coupois, dis-je, à la jonction avec la boite inférieure, à fa jonction avec celle fur laquelle elle étoit polëe, 6c à fa jonCtion avec celle qu elle portoit immédiatement. Une lame de fer-blanc ou même un fil de fer, étoit le feul infiniment néceffaire pour cette opération. Pendant qu’on tenoitde chaque main un des bouts de cette lame ou de ce fil, on le forçoit d’avancer parallèlement à lui-même entre deux boîtes, 6c le fil coupoit fans peine les gâteaux de cire qu’il trouvoit en fon chemin. La boîte qu’on fe pro- pofoit doter de place, n’étoit donc plus retenue par les gâteaux de cire. Il ne reftoit de difficulté dans l’opération, que celle de fe deffendre contre les mouches à qui elle ne pouvoit manquer de déplaire; mais nous verrons ailleurs comment on doit fe conduire en des cas fêmblables à celui-ci pour être en fureté. Pour beaucoup d’obfervations 6c d’expériences, je me * Pi. 23.%. fuis encore fervi d’une ruche * qui n’eft pas de celles 1, dans fefquelleson pourrait élever des abeilles avec profit. Sa capacité étoit telle qu'elle ne pouvoit contenir que très peu de cire 6c de miel. Quatre petits montants aflemhiés parleur bout inférieur avec une bafé faite d’une planche épaiffe d’un pouce, formoient la principale partie de la charpente de la petite ruche dont je parle. Ils étoient placés aux quatre coins d’un quarré, dont chaque côté 11’avoit que cinq pouces. La hauteur de chaque montant n’étoit que de huit pouces. Ils étoient maintenus par quatre traverfès avec lefquelles ils étoient affcmblés près de leur bout lupéiieur à tenons 6c à mortaifes. Les mon¬ tants avoient des couliffes propres à recevoir des carreaux de verre. Trois de ces carreaux étoient arrêtés à demeure, 6c le quatrième qui étoit fur la face que nous appellerons DES I N S E C T E S. V. Mem . 2 3 I l’antérieure, pouvoit monter * & defcendreclans les deux * Pi.23.fg. codifiés qui le contenoient, parce que ces couÜlTes étoient I ‘ cc ' en dehors par rapport à iatraverfe qui réuniffoit les deux montants de ce carreau. Enfin, la partie fupérieure de cette petite ruche étoit couverte d’un carreau de verre. Ainfi cette ruche 11’étoit qu’une efpéce de boite pref- qu’entiérement de verre , parce que les traverbes & les montants étoient minces & étroits. Elle n’avoit que fa bafe d'opaque. Les abeilles logées dans une telle ruche, y étoient affurément bien à découvert. Voilà ce qu’avoient de plus remarquable les différentes ruches que différentes circonftances & différentes vues m’ont déterminé à faire conflruire. Non feulement elles m’ont donné plus de facilité à obferver les abeilles que n’en donnent les ruches vitrées dont on s’efl fervi juf- qu’ici ; mais elles m’ont mis en état d’executcr diverfcs operations propres à nous faire connoître le génie de ces mouches induftrieufes; comment leur république eft compofée; quels font, pour ainfi dire, les fondements du gouvernement de cette république ; & quel eft le principe qui anime , qui fait agir toutes celles d’une même lociété. C’ell ce que nous allons commencer à examiner. Quand au travers des carreaux d’une ruche vitrée, on examine ce qui fie paffe dans l’intérieur, on n’y voit pen¬ dant la plus grande partie de l’année, que des mouches qui n’ont entr’ellcs que de légères différences, que des mouches qui différent peu entr’elles en grandeur & en couleur, & qui dans le relie font parfaitement femblables; en un mot, on n’y voit que de ces mouches auxquelles on a donné le nom d’abeilles*. Mais il y a des temps où * PI.22. fig. parmi celles-ci, on en voit d’autres* qui font fenfiblement *Vi g . 2 . plus grandes, qui ont proportionnellement à leur gran- 2]2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE dcur, une tête plus groffe & plus ronde que celle des abeilles, & entre lefquelles & les abeilles ordinaires, il y a encore des différences plus effentielles dont nous parlerons dans la fuite, mais que le premier coup d’œil ne nous découvre pas. Ces groffes mouches font cel¬ les que les anciens ont appellées Fuci , & qu’on a nom¬ mées Bourdons en François, apparemment parce que leur vol produit un bourdonnement plus plein & plus fort que celui que produit le vol des abeilles ordinaires. Malgré le nom dont elles font en poffeffion, nous les appellerons cependant des Fanxbourdons . Celui de bour¬ don peut caufer des équivoques, parce qu’il eff propre a lin genre particulier de mouches à miel. Ces fauxbour- dons ont été donnés pour les mâles par ceux qui ont étudié les abeilles avec les yeux les plus éclairés; tout nous prou¬ vera dans la fuite qu’on les doit regarder comme tels, & nous les défignerons fouvent par ce dernier nom. Com¬ munément on ne voit des mâles ou fauxbourdons dans chaque ruche, que depuis le commencement ou le milieu de May, jufques vers la fin de Juillet. D’abord on n’en apperçoit que quelques uns ; leur nombre le multiplie journellement ; & enfin il n’y en a jamais tant que dans les jours qui précédent immédiatement ceux où l’on cef- fera d’y en pouvoir découvrir. Le nombre des mâles au reffe, eff fort inférieur à celui des abeilles ordinaires. Il y a des ruches où il eff beaucoup plus grand par rapport au nombre de celles-ci, qu’il ne l’eff dans d’autres ruches; mais la ruche où il n’y a que fept à huit abeilles contre un mâle, eff extrêmement peuplée de ceux-ci. Le nombre de ces mâles paraîtra cependant encore très-confidérable, quand on fçaura qu’ils ne font pas faits pour être affortis avec les abeilles ordinaires. Celles-ci ne font pas nées pour contribuer à la multiplication de leur DES ï N S E C T E S. V Mew. 23 3 leur efpéce ; elles n’ont point tic fexe, elles ne font ni mâles ni femelles; elles font défi nées à faire tout le travail de l’intérieur de la ruche, à faire la récolte du miel 6 c de la cire, 6 c à mettre cette dernière en oeuvre. Elles font char¬ gées du loin d élever (es petits infeéles qui, comme elles, doivent devenir mouches parla luite. C’eft enfin fur elles que roule tout l’ouvrage de l’interieur de la ruche; aufiî les appellerons-nous iouvent les ouvrières. O11 a écrit il y a long-temps que chaque ruche poffede line feule 6 c unique mouche, qui femble avoir une préé¬ minence fur les autres, une mouche à laquelle les anciens ont donné le nom de Roy des abeilles. Mais des obfer- vations faites depuis plus de cent ans, ont appris que cette mouche eft une fémelle: que fi on veut lui accorder un empire defpotique fur les autres, c’eft le nom de Reine qu’on doit lui donner. Butler Auteur Anglois a aulfi imprimé un Traité des abeilles, traduit en latin en 1671. qui a pour titre, Monarchia femhùna, dans lequel il fait un peuple d’amazones des abeilles d’une ruche. Mais Swammerdam a confirmé par des preuves incontefiables, que cette mouche qu’on appellera fi l’on veut la Reine, efi une mere prodigieulement féconde. II a très-bien prouvé de plus que c’e(I à elle que doivent leur naiffance toutes les nouvelles mouches qui naiflfent dans une ruche, & que les abeilles ordinaires ne produifent point d’autres abeilles, malgré ce qui en a été dit par Butler, 6 c par tant d’autres. Quelque féconde que foit cette mere, chaque ruche doit nous paroître trop fournie de mâles. Il en eff peu où l’on n’en puifie compter plufieurs centaines; 6 c il y en a où l’on en peut trouver plus d’un mille. Ces mâles pafient prefque toute leur vie avec une feule fémelle ; car s’il leur arrive de vivre avec tr< is ou quatre femelles, ce n’eft probablement que pendant très - peu de jours. Tome V. . G g 234 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Dans la plus grande partie de l’année au moins, il n’y * IM. 22. fig. a donc dans chaque ruche qu’une léule femelle * aifée 4 - à diftinguer des autres par la forme de Ion corps. Elleeft plus longue, mais moins groiïe que les mâles. Ses ailes font très-courtes proportionnellement à la longueur de fon corps ; au lieu que les ailes des abeilles ordinaires, & celles des mâles, codèrent tout le corps, les ailes de la femelle ne vont gueres plus loin que la moitié du fien, elles Unifient vers le troifiéme anneau. Mais il n’efî pas temps encore de nous arrêter à expliquer toutes les diffé¬ rences qui peuvent être remarquées entre les trois fortes de mouches d’une même ruche. 11 fuffit actuellement qu’on fçache qu’on ne fçauroit voir une mcre dans une ruche, fans la reconnoître, tant fa figure diffère de celle des autres mouches. Toute la difficulté eft de la voir, & elle eft telle que parmi ceux qui éievent à la campagne des abeilles pour en retirer de la cire & du miel, il y en a beaucoup à qui il n’eft jamais arrivé de voir une mere. Quand je leur en ai montré une, ils la regardoient avec un plaifir qui prouvoii au moins autant que leur témoi¬ gnage, que c’étoit pour eux une vraye nouveauté. Malgré les ruches vitrées des formes les plus favorables aux obfer- vations, on ne parvient à la voir ; que quand on fçait les temps qui peuvent fournir des circonfrances heureufès. * - 0 '- 22 ’ %• J’ai eu pendant plufieurs années une ruche vitrée en tour*, fans y avoir jamais apperçû la mcre; &ce n’étoit pas faute affûrément de la bien chercher des yeux toutes les fois que j’oblérvois ce qui le paffoit dans l’intérieur delà ruche. Lorfque je me déterminai il y a plufieurs années, de tâcher de m’infîruire à fond de I hiftoire des abeilles, de vérifier les merveilles qu’on s’eft contenté d’en rapporter, fins s embarraffer de les prouver, une des premières ex¬ périences que je crus devoir faire, & qui. auffi eft une des Insecte s. V. Afe?n, 235 expérience vravcment fondamentale, fut de divifèr un elfaim d’abeilies en deux. ,ie n’ai j)as beloin de définir ce que c’eft qu'un eflaim d’abeilles. Perfonne n ignore qu'il vient un temps où les mouches s’étant beaucoup multi¬ pliées dans une ruche, & s’y trouvant trop à l’étroit, ou par quelqu autre raifon, prennent le parti de lé partager; que quand la résolution, pour ainfi dire, en a été bien prifc, dans un moment, dans moins d’une minute, une grande partie des mouches de la ruche prend l’effor pour aller chercher ailleurs une nouvelle habitation. Nous i'up- pofons encore qu’on fçait que toutes ces mouches, après être Sorties de la ruche, vont ailes ordinairement s’attacher à une branche d’arbre, & que là cramponnées les unes contre les autres, elles forment un malfif qui eft d’autant plus gros, que le nombre des mouches qui compofent l’clfaim eft plus grand. Nous parlerons ailleurs ailés au long de tout ce qui lé paffe depuis le moment où cette efpéce de colonie quitte le lieu de fa naiffance , juiqu’à ce quelle ait fixé quelque part fon nouvel établiftément. S’il n’eft perfonne qui n’ait entendu parler d’un ef¬ fara d’abeilles, il n’eft perfonne auffi qui 11’ait entendu dire que cet effara eft conduit par un chef, par un roy qui doit être une reine, ou plus fimpiement une me*e ' abeille. Une des premières expériences que je crus devoir faire, fut de partager un effara en deux ruches. Celui fur laquelle je la fis, n’étoit pas des plus forts, ou de ceux qui font compotes d’un plus grand nombre de mouches. Lorfque j’eus appris qu’il s’étoit attaché contre une bran¬ che d’un pommier en buiffon , & par conféquent placé aftes bas & commodément, je fis apporter deux ruches au pied de l’arbre, dont l’une étoit cette petite ruche *, la der- * PI - 23. fig. niére de celles que nous avons décrites, dont les quatre 1 2 ‘ faces font égales, & qui eft fermée de tous côtés, & par- Cg ij 2^6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE deffus par des carreaux de verre. L’autre étoit la ruche platte* & quarrée dont nous avons déterminé les dimen- fions ci-deffus. C’efi une opération plus limple quelle ne le femblcroit devoir être, que celle de faire entrer les mouches d’un efïaim dans une ruche. Nous expliquerons ailleurs le peu de précautions qu’elle demande ; mais il fufiit de d ire actuellement que mon Jardinier, avec fa main couverte d’un gand, fit tomber dans la petite ruche vitrée, dont on avoit eu loin d oter le carreau de devant, environ la cinquième ou la fixiéme partie des mouches de l’effaim, & celles qui compofoient la partie inférieure du grouppe. Sur le champ le carreau de devant fut remis en place, & les mouches furent renfermées de manière à ne pouvoir fonir. Ce fut dans la ruche platte qu’on fit entrer le refie de i’eflàim. Si cet effaim avoit une mere, & s’il n’en avoit qu’une, comme on prétend qu’ils n’en ont qu’une communé¬ ment, cette mere devoit fe trouver dans l’une de mes ruches, & il ne devoit pas s’en trouver dans l’autre. Mes ruches étoient donc propres à me faire voir la différence qui efl entre la manière dont fe comportent les abeilles qui ont une reine parmi elles, & la manière dont fe com¬ portent celles qui en font privées. Je ne fus pas long¬ temps à apprendre qu’il y en avoit une dans la petite ruche vitrée; je ne fus pas long-temps fans l’y voir; & ii me fut bien prouvé dans la fuite, que la ruche platte où je ne pus découvrir fur le champ une mere, n’en avoit point. Après avoir confidéré pendant moins d’un demi- quart d’heure la petite ruche vitrée, après que la grande agitation des abeilles qu’on venoit d’y renfermer, eut été un peu calmée , je parvins enfin pour la première fois de ma vie, à voir une mere abeille qui marchoit fur fe fond de la ruche. Je fus dédommagé de n’avoir réufïi des Insectes. K Mem . 2 37 que tard à voir une mere, en voyant celle-ci à bien des réprifes differentes, autant de fois que je la voulus voir. Je fus en état de la montrer à une compagnie affés nombreufe qui étoit chés moy, dans laquelle il n’y eut perfonne qui ne voulût voir, & qui ne vît cette reine fi renommée. Dans les premiers moments où je Tuivis des yeux cette mouche remarquable, je fus fort tenté de croire que tout ce qui a été dit de la cour que les autres abeilles font à la mere, du cottege dont elle eft accompagnée, avoit été plus imaginé qu’obfervé. Elle étoit feule, marchant d’un pas peut-être un peu plus lent que celui des autres abeilles, & que ceux qui étoient avec moi, appelaient volontiers une démarche grave. Elle arriva, toujours feule, à un des carreaux de la ruche, le long duquel elle monta pour fe rendre dans un des gros pelotons de mouches, qui s’é- toient formés à la partie fiipérieure. Peu de temps après elle reparut encore lur le fond de la ruche étant toujours f)it délailfée. Après être montée une féconde fois, & avoir été dérobée à mes yeux pendant quelques in fiant s par un gros de mouches, elle revint pour une troifiéme fois fur le fond de la ruche. A cette troifiéme fois, douze à quinze abeilles fe rangèrent autour d’elle, & femblerent s’y ranger pour lui faire cortege. Dans les premiers infhuits d’un grand trouble & d’une grande'con- fufion, on ne fonge qu’à foy. Si on fe trouvoit dans une grande l’aile d’affemblée qui fut renverfée fubitement fans deffus deffous, on oublierait dans le premier moment ce qu’on y aurait de plus cher. Les abeilles jettées tu- multuairçment dans la petite ruche qui avoit été tournée & retournée, & en différents feus, avoient été dans un- cas femblable. Dans les premiers inftants, chacune ne penfa qu’à foi; mais quand elles furent,pour ainfi dire*, G g iij 2 ]S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE revenues ù elles-mêmes, elles commencerait à longer a cette mere quelles avoient oubliée & méconnue. Malgré le penchant que j’avois à croire que le premier cortege que je lui apperçus lui avoit été donné par line lorte de hazard ; malgré la dilpolition que j’avois à penfer qu’une mouche plus grolle que les autres en déterininoit quelques unes de celles-ci à marcher vers le côté où elle alloit, quelle les déterininoit à venir à là luitc précisément, parcequ elle étoit plusgrolTe; bientôt jefus forcé de recon- noître que ce n'etoit pas fans fondement qu’oji avoit parlé des hommages que paroilfent rendre les abeilles à celle qui doit produire une nombreufe pollérité, & qu’on avoit parlé des l'oins & des attentions qu’elles ont pour elle. La mere avec fa petite fuite, alla encore le rendre dans un tas d’abeilles où elle difparut. Elle n’y relia pas long temps fans revenir encore fe montrer fur la bafe de la ruche. A peine y fut-elle arrivée, qu environ douze mouches fe mirent à fa fuite. D’autres ne tardèrent pas à s’avancer vers elle. Cel¬ les-ci fe placèrent en deux liles fur les côtés, pendant que Ja mere continua fa marche. D’autres qui venoient à la ren¬ contre, l’entouroient pardevant. Sa cour grolblfoit de moment en moment. Bien tôt il fe fit autour d’elle une efpéce de cercle compofé de plus de trente abeilles. Le rang de celles de devant s’ouvroit à inclure qu’il en étoit beloin pour lui lai (Ter le pafiage libre. Quelques-unes s’ap- prochoicnt d’elle plus que les autres; elles la {échoient avec leur trompe. D’autres étendoient leur trompe & la pré- fentoient étendue à la fienne pour lui offrir le miel dont elle étoit pleine. Je la vis quelquefois s’arrêter pour fuccer la trompe qui lui étoit préfentée, & je la vis quelquefois fuccer en marchant celle d'une autre mouche. Pendant piufieurs heures, je vis à un très-grand nom¬ bre de reprifes différentes cette même mere, & je la vis DES I N S E C T E s. V. Mem. 239 toûjours avec un cortege de mouches, qui lembloient defirer lui rendre des honneurs ou plutôt de bons offices. Il y a pourtant encore des cas dont nous parlerons dans la fuite, où la mcre paroît être un peu négligée : mais on lui rend fi fréquemment des foins & desaffiduités, qu’on doit regarder comme certain, une grande partie de ce qui a été dit des apparences de refpedl clés autres mouches pour leur reine. Nous allons avoir des preuves qu’il n’efl point d’attachement qui puiffe aller plus loin que celui quelles ont pour elle; notre efifaim divifé nous en don¬ nera des plus fortes; auffi croyons nous qu’on 11e defap- prouvera pas que nous nous arrêtions à décrire fon hifloire tout au long, & de rapporter quelle fut fa fin. On doit lé lôuvenir que nous avons dit qu’il n y eut qu’environ la cinquième ou la fixiéme partie de cet efïaim d'introduite dans la petite ruche quarrée. Le refie fut logé dans une ruche platte qui étoit beaucoup plus gran¬ de. Quoique le nombre des abeilles fût plus grand dans cette dernière ruche que dans l’autre, fa capacité étant encore proportionnellement plus grande, & fa forme d’ailleurs étant encore plus favorable pour lai fier voir à la fois un plus grand nombre des mouches qu’elle con- tenoit, s’il y eût eu parmi elles unemere, il n’eût gu ères été polfible qu’elle m’eût échappé ; cependant je ne pus y en découvrir. J’obligeai plufieurs fois, dans diffe¬ rents temps, les abeilles à lé répandre fur les carreaux de verre, de façon qu’elles n’étoient en grouppe nulle part. Une mere n’eut guéres été plus ailée à voir parmi des abeilles étalées fur une table, quelle l’eut été parmi celles qui étoient étalées fur les carreaux de verre de la ruche. Auffi n’y avoit il réellement qu’une mere dans cet efiaim. Ce que nous avons actuellement à apprendre , c’elt comment le comportèrent les mouches qui étoient en 240 MEMOIRES POUR L’HlSTOïRE petite quantité dans la petite ruche, mais avec une mere, & comment Ce conduifirent celles qui étoient en un nom¬ bre quatre à cinq fois plus grand dans l’autre ruche, mais fins mere. Le partage de cet eflaim avoit été fait peu après-midi & un famedi; je marque le jour pour être plus court & plus clair lorique je parlerai de ce qui fe palfa dans cha¬ cun des jours qui fui virent. Vers les quatre à cinq heures, je hs porter la grande ruche fur une elpéce de petite mon¬ tagne qui fe trouve dans un de mes jardins de Charenton ; & je fis ouvrir les trous néceffaires pour donner aux mou¬ ches la liberté de fortir & de rentrer. A l’égard de la petite ruche, je lui fis paffer la nuit dans mon cabinet, pour ôter aux abeilles qui y étoient renfermées, toute occafion de retrouver celles dont elles avoient été féparées, & pour leur en faire perdre le fouvenir, fi elles avoient du fouvenir. J’avois lieu de craindre qu’il ne leur prît envie de quitter une habitation où elles étoient très à l’étroit, pour aller trouver leurs camarades dont le logement étoit fpacieux. Mais le lendemain dès le matin je portai celte petite ruche dans un jardin qui efl féparé de celui où étoit l’autre ruche, par la rue, & je le plaçai au bas d’une terraffe qui efi à l’en¬ trée de ce jardin. L’éloignement de cette ruche à l’autre n’étoit grand que de haut en bas; mais les murs qui les féparoient, étoient caufe que les mouches de l’une étoient peu à portée de rencontrer, même en l’air, les mouches de l’autre. Celles de la petite ruche allèrent dès le même jour, dès le dimanche à la campagne. Elles revenoient pourtant peu chargées de ces pouffiéres jaunes qui font la matière de la cire, elles en avoient feulement le corps poudré; elles n’en avoient point de pelotes aux jambes poftérieures, à peine y en avoient-elles quelques plaques; auffi firent-elles très-peu d’ouvrage dans leur journée. Tout DES I N S E C T E S. V. Mem. 241 Tout celui qui parut le foir, étoit un petit cordon qui regnoit au haut de la ruche le long de la moitié d’un de Tes côtés ; on diftinguoit iur ce cordon des alvéoles ébauchés. Le lundi matin les mouches me parurent avoir pris plus de cœur au travail ; mais je ne pus les fùivre, ayant été obligé de partir fur les huit heures pour un voyage de quelques lieues. Je fçai au moins qu’en mon ablence elles firent un petit gâteau de cire qui avoit quinze à feize cellules de chaque côté, & qu’il fut fait avant deux heures après midi, car vers ce temps elles abandonnèrent toutes leur ruche ; ce fut fur une grofTe branche d’un poirier qui en étoit peu éloigné, quelles allèrent s’établir. Je les y trouvai bien raffemblées & fort tranquilles lorfque j’ar¬ rivai chés moi vers les fcpt heures & demie du foir. Je les fis remettre dans cette même ruche qu elles avoient abandonnée. Le mardi fur les fix heures du matin, je les y vis tranquilles. Quelques unes en partirent pour la cam¬ pagne lorfque l’air eût commencé à s’échauffer ; mais elles ne le mirent point à l’ouvrage. Vers les onze heures, temps où le mouvement auroit dû être grand dans la ruche, où les mouches auroient dû travailler avec activité, je les vis toutes raffemblées en un grouppe , & toutes étoient tranquilles. J’augurai mal d’une fi grande tranquil¬ lité, elle prouvoit que mes abeilles ne fe trouvoient pas bien dans leur logement, qu’elles ne daignoient pas y faire des gâteaux de cire , quelles l’abandonneroient bientôt une féconde fois. J’en fus engagé à les obfcrvcr avec plus d’attention, pour voir à quoi elles le détermineroient. Il n’y avoit pas un quart d’heure que je les confidérois, lorfque je vis tomber la mere fur le fond de la ruche. Elle s’étoit détachée du gros du grouppe. Elle n’y fut pas plutôt que quelques douzaines d’abeilles vinrent en bourdonnant, fè Tome V. . H h 242 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE ranger autour d’elle. Le bourdonnement augmenta ; il fèmbla devenir général. L’émeute fe mit par tout. Dans lin inflant le grouppe fe divifa en petits pelotons qui fe rendoient ou tomboient fur le fond de la ruche. Bientôt il n’y eut plus aucun relie de grouppe, de malfe d’abeilles en repos. La mere alors s’avança vers la porte de la ruche, quelques mouches ordinaires fortirent; elle-même fortit aulfi-tôt, & à peine fut-elle hors de la ruche quelle prit fon vol ; dans i’inftant, prefque toutes les mouches fe déterminèrent à voler avec elle. A peine en refta-t-il une cinquantaine. L’air fut rempli d’un tourbillon de mouches qui, après avoir fait des circuits allés courts, le dirigea vers un pommier. Dès que j’eus remarqué que quelques mouchess’appuyoient fur une des branches de cet arbre, je me rendis en courant atiprès de ce même arbre. Je vou- lois tâcher de découvrir la mere, de voir comment elle le conduifoit dans une femblable occafion ; fi elle étoit de celles qui s’étoient pofées les premières fur la branche. Quand j’arrivai l’écorce de cette branche étoit déjà ca¬ chée par les mouches; elles y formoient déjà un petit malfif. Mais j’obfervai la mere toute feule pofée fur une feuille à trois ou quatre pouces de la branche où l’on s’attroupoit ; il ne lui convenoit pas apparemment de fe mettre des premières fur la branche, de fe trouver fous tout le malfif. Pour déterminer les abeilles à continuer de s’airembler dans cet endroit, il fuffifoit que la mere parût l’approuver en s’en tenant proche. Les abeilles qui étoient en l’air, qui formoient un tourbillon autour du pommier, fe rendoient de moment en moment fur le malfif com¬ mencé, elles y refioient dès qu’elles s’y étoient appliquées. Quand la malfe fut devenue confidérable, quand le plus grand nombre des abeilles s’y fut joint, la mere vola rie déifias fa feuille fur cette malfe, & bien - tôt elle y fut DES I N S E C T E S. V. Mem. 243 couverte par des couches formées par les mouches que fa préfence détermina à venir fe fixer, à ceffer de voler. Je me fuis arrêté volontiers à détailler ce qui fe palfa depuis que ces mouches fe furent déterminées fous mes yeux à quitter leur ruche, julqu a l’infiant où elles furent toutes raffemblées fur une branche; 6c je ne ferai pas grâce de deux autres aventures pareilles que j’obfcrvai. On en prendra d’avance une idée de la manière dont les abeilles fe comportent, lorfqu’elles fortent en effaim de ia ruche dans laquelle elles font nées. 11 efl plus ailé de voir ce qui fe pafie dans une petite troupe telle qu’étoit celle-ci, qu’il ne l’ell dans une efpéce d’armée nombreufe. Il efl plus ailé de s’afïùrer que jamais le gros des mou¬ ches ne fe détermine à partir que la mere n’ait pris i’elfor, 6cque dès qu’elle l’a pris, toutes celles qui doivent com- pofer la nouvelle colonie, prennent leurvol dans l’inftant. Mes abeilles avoient leurs raifons 6c apparemment bonnes, pour ne pas fe tenir dans la ruche, où j’avois auffi de bonnes raifons de les vouloir. Une habitation d’une fi petite capacité ne devoit pas leur paraître fuffifante pour contenir la nombreufe poftérité qui devoit naître de la mere, 6c la quantité de rayons de cire nécelfaire à l’élever; 6c peut-être avoient-elles encore d’autres raifons 6c meil¬ leures, qui m’étoient inconnues. Je m’obftinai pourtant à les vouloir faire relier dans ce petit logement, qui me donnoit beaucoup de facilité à faire un grand nombre d’obfervations, qui me donnoit celle de porter fans em¬ barras ces mouches où je voulois. Mais foupçonnant que leur nombre pouvoit contribuer à les y faire trouver mal à leur aife, je me déterminai à n’en faire palfer qu’une partie dans la petite ruche. Du gras des mouches qui étoit attaché contre une branche, mon Jardinier en prit une poignée qui pouvoit contenir environ quatre à cinq H h ij 244 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE cens abeilles, & la mit clans la petite ruche, dont le carreau qui y fervoit de porte fut abbailfé fur le champ. La mere le trouva parmi celles qui furent renfermées 6c féparées des autres. A l’égard du relie de ces mouches, & qui en étoit la partie la plus confidérable, je le lis en¬ trer dans une efpéce de boîte qui pouvoit fervir de pied à la ruche piatte, dans laquelle avoit été-logée la plus grande partie de l’efïaim, à cette ruche qui avoit beau¬ coup de mouches fans mere. Cette boîte avoit une ouver¬ ture en defi’us, par laquelle les mouches pouvoient , s’il leur plaifoit, aller fe réjoindre à celles de la ruche piatte, lorfque cette dernière auroit été pofée fur l’autre. Je ne hs pourtant pas placer fur le champ cette boîte fous l’autre ruche, je la laiffai près de l’arbre auquel s’étoient attachées un peu auparavant les mouches qui avoient été partagées entr’elle 6c la petite ruche vitrée. Mais pour la petite ruche vitrée, je la fis emporter au loin fur le champ, & cela, en lui fai faut faire plufieurs tours 6 c détours entre des arbres, afin de dérober aux mouches qui avoient été rnifes dans la boîte, la connoiffance de l’endroit où on tranfportoit leur reine. Lorfque j’eus mis cette petite ruche fur un appui, à un des bouts du jardin, j’en confidérai l’intérieur. Tout m’y parut dans une fu- rieu(p agitation. La reine y étoit oubliée. Je la vis par¬ courir feule toutes les parties de la ruche. Un peuple alfés nombreux venoit detre réduit à très-peu d’habi¬ tants, qui, comme s’ils euffent été inquiets de ce qu’ils dévoient devenir eux-mêmes, ne fongeoient point à celle qui femble les intéreffer tant en d’autres circonfiances. Pendant plus d’un quart d’heure, je vis la mere dans le plus grand abandon aller deçà 6c delà. Il fembloit qu’on voulut la punir delà faufife démarche qu’elle avoit faite, 6c qui avoit caufé la difperfion de fon peuple. Mais fi elle étoit des Insectes. K Mem. 245 abandonnée de celles qui, comme elle, étoient captives , elle ne le fut pas de ménie’de celles qui étoient reliées en liberté. Quelques-unes des mouches qui s’étoient ré¬ pandues dans l’air, pendant qu’on avoit fait entrer leurs compagnes dans l’une & dans l’autre des ruches, vinrent fe rendre fur celle où la mere étoit prifonniére. Bien-tôt d’autres mouches, de celles qui étoient libres, averties, foit par le bourdonnement qui fe faifoit dans la ruche, foit par celui des mouches qui étoient dehors, eu par quelqu autre voye à moi inconnue, fe rendirent fur la petite ruche. En peu de temps, il s’y en afTcfnbla affés pour former tout autour un tourbillon de mouches bien fourni. Elles fe poferent deffus, & firent des efforts pour s’intro¬ duire dedans; & ne pouvant)' parvenir, parce que toutes ies entrées leur étoient bouchées, elles s’ammonceioient fur les carreaux. II m’eut été aifé de repeupler dans un infiant cette ruche; mais ce n’étoit pas mon intention , j’étois content du petit nombre d’habitants qui lui étoit refié. Je pris donc le parti de faire chafTer doucement avec des bran¬ ches chargées de feuilles, les abeilles attroupées deffus, de faire chafTer enfuite celles qui s’en approchoient, pen¬ dant qu’une perfonne la tranfportoit en lui faifant faire divers circuits propres à dérouter les mouches qui s’obfti- noient à la fuivre, & qui fembloicnt fi fort defirer de fc rejoindre à leur reine. Pour ôter tout moyen de retrouver cette ruche aux mouches qu’on en avoit éloignées, je la fis porter dans mon cabinet, & alors les mouches du jardin, qui inquiètes voloient en l’air, n’eurent plus d’autre parti à prendre que de s’aller réunir à celles qu’on avoit fait entrer dans l’efpéce de boîte dont nous avons parlé. Tout cela fe pafla avant midi. Sur les trois heures on me propofa de porter la petite ruche fur la montagne de H h iij 34.6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mon Jardin auprès de la ruche piatte, auprès de cette ruche dans laquelle la plus confidérable partie de l’effaim avoit été logée, & où elle étoit fans mere depuis près de trois jours. On étoit curieux de fçavoir fi les mouches après trois jours, auraient encore conlèrvé le fouvenir de cette mere quelles avoient perdue. Cette expérience me paroifTant mériter d’être faite, non-feulement je portai la petite ruche dans laquelle la mere étoit prifonniére, au¬ près de l’autre, je la polài même deffus. A peine y eut- elle été un quart d'heure, que les mouches qui fortoient de la grande rtifche, parurent avoir connoiffance que cette petite ruche renfermoit leur reine, ou au moins une reine dont elles avoient befoin. Quelques mouches fe rendirent fur les carreaux de verre. Elles furent bien tôt fuivies de plufieurs autres. Dans quelques infiants elles y furent attroupées. Le nombre des mouches qui s’y ren- doit, devenoit de plus grand en plus grand. Les carreaux ne tardèrent pas à être couverts de plufieurs couches de mouches pofées les unes fur les autres. L’empreffement de fe réunir à ht reine, de s'introduire dans l’endroit où elle étoit, parut devenir général. Toutes les mouches fembloient vouloir profiter de la bonne fortune qui leur étoit offerte. Enfin, il me parut que pour peu que j’euffe différé à éloigner la petite ruche, il ne fût pas refié une feule mouche à la grande ruche. Je ne voulois pas les en laiffer toutes fortir, il aurait pu être difficile de les y faire retour¬ ner, & j'avois des raifbns de fouhaiter qu’elles y demeu- rafiènt. Je fis donc chaffer, comme je l’avois fiait dans une autre occafion, les mouches qui s’étoient ammoncelées fur ia petite ruche, 5 11 ne lalloit d’autre fecret à cet homme, que celui de tenir la mere d’un elfaim, attachée avec un lil ou autrement contre fon bonnet ou l'on col, c’en étoit aiïes pour qu’il le fit fuivre par des légions de mouches. Peut être que cette mere étoit d’abord fur fon bonnet, & qu’il la ht palier W lbn coi, lorlqu’on lui lit ôter fon bonnet. Mais clt-ce feulement pour la mere qui leur a donné naiUmce, ou au moins pour la mere qui elt née parmi elles, que les abeilles ont tant d’alfeélion I On pourroit être tenté de le croire, quoique ce foit, ce lemble, donner trop de fentiments à ces mouches, & des fen- timents qui 11’iroicnt pas adcs à i’objet que la nature le propole , à celui de la conlêrvation & de la mul¬ tiplication de l’efpece. Il paroit plus probable que toute mere dont le corps elt plein d’un grand nombre d'œufs, a de quoi déterminer les abeilles à le livrer au travail ; qu’elles font même prêtes à reconnoitre pour reine toute fémelle qui leur fera préfentée , li elle elt en état de mettre au jour une nombreufe poltérité. C’elt ce qui me parut mériter d etre décidé par une expérience que je 11e manquai pas de faire dès que l’occafion s’en oilrit. Ayant eu une mere à ma difpolîition, & on verra dans la fuite qu’il m’elt fouvent arrivé d’y en avoir, & quels font les moyens d’en avoir quand on veut ; ayant, dis-je, eu une mere à ma difpofition, je la féparai de toutes les abeilles avec lefquciles elle avoit vécu jufque là, & je longeai à la prélènter pour reine à d’autres abeilles à qui elle étoit parfaitement inconnue, & que j aurais privées de leur reine naturelle. C’elt ce qui me lut ailé d’exécuter; je me fervis encore de ma petite ruche des Insectes. V. Mem. 259 vitrée *. Je n’ai pas eu befoin de dire encore, que le fond * PJ- 23.% de cette ruche, qui étoit de bois, étoit percé d’un trou l ' 2 ‘ rond, & que ce trou dans les temps ordinaires étoit rem¬ pli par un bouchon. J otai ce bouchon , & je pofai le trou fur celui qui étoit au bout lupérieur d’une grande ruche pyramidale *, & que jevenois de découvrir. Cette *pi.*.fig.3 ruche pyramidale étoit très-peuplée d’abeilles, dontplu- fieurs furent déterminées à fortir par la nouvelle ouver¬ ture qui fe préfentoit; elles entrèrent dans la petite ruche vitrée. Quand il y en eut dedans celle-ci environ 400, il m’y en parut ailes pour ce que je m’étois propolé, & je lon¬ geai à empêcher leur nombre de s’augmenter. Pour cela, je hs glilfer deux feuilles de papier polées l’une fur l’autre entre les deux ruches. Celui qui les avoit giilfées, en tint une appliquée contre le trou de la ruche pyramidale, pendant que je tenois l’autre appliquée contre la petite ruche. On ôta enfuite cette dernière ruche de place, & o n boucha le trou de chaque ruche dès qu’on eut retiré le papier qui le couvroit. La petite ruche avec les mouches qui y étoient prifonniéres , & qui avoientété féparéesde leurs compagnes, furent portées dans mon cabinet. Elles étoient toutes dans une grande agitation. Je ne tardai guéres à éprouver h ce ne leroit point un moyen de les cal¬ mer & de les confoler, pour ainfi dire, que de leur offrir une nouvelle reine. Celle que je leur gardois, étoit dans une petite boîte de bois. J’ouvris cette boite, j’ôtai prelle- • ment le bouchon du trou de la petite ruche, je pofai ce trou immédiatement fur la boîte; fur le champ prefque je rebouchai ce trou, car dans l'infant la mere entra dans la ruche dont je ne voulois ni la lailfer fortir, ni aucune des autres mouches. On croit alfés que je fus attentif à examiner com¬ ment cette mere étoit reçue ; elle le fut convenablement, Kk ij z6o Mémoires pour l’Histoire elle le fut en reine. A peine fut-eile entrée dans la ruche, qu elle eut un cercle compofé au moins d’une douzaine de mouches, qui toutes cherchoient à lui faire de fête. D’in- Haut en mitant là cour devint de plus en plus nombreufe. Quand elle fe produifit, elle étoit très mal-propre. Le hazard avoit voulu qu’il y eût de la terre réduite en poudre très-fine dans la boîte où je l’avois renfermée; une par¬ tie de cette terre, qui s’étoit attachée contre les parois de la boîte, avoit poudré la mere abeille au point de la rendre grife. Le premier loin des autres mouches fut de la dé¬ poudrer, de la décralfer, de la bien nettoyer. Elle relia pendant plus de deux heures fur ie fond de la ruche tou¬ jours entourée & fouvent couverte de mouches , dont chacune la léchoit de fon côté. Elles fembloient aulfi chercher à 1 échauffer, & elle avoit befoin d’être échauffée. Tout cela fe paffa un 2 j. c d’Avril, dont la nuit avoit été très froide. J avois eu cette mere le matin, tranfie ou plu¬ tôt comme morte de froid. Je l’avois trouvée au milieu de plulieurs milliers d'abeilles que le froid de la nuit avoit réellement fait périr. En la chauffant peu à peu je lui avois pour ainfi dire rendu la vie. Je ne pouvois me biffer d’obferver les foins & les empreffements des autres mou¬ ches pour cette nouvelle reine, combien elles cherchoient à lui être utiles. Je neparvenois à lavoir que par intervalles, que quand une ou deux mouches, qui avoient travaillé à la nettoyer, cedoient leur place à d’autres, qui venoient à leur tour pour lui rendre de bons offices. Elle fut long¬ temps à la renverfe, ayant le ventre en haut, fon corps recourbé, & le derrière beaucoup plus élevé que le relie. Plufieurs mouches étoient pofées fur elle; mais il y en avoit auffi d’autres au deffous d’elle. Quelquefois celles- ci la foûlevoient & la portoient à un demi-pouce ou à un pouce de l’endroit où elles l’avoient priée. Des mouches des Insectes. V. Ment. 26 1 fi pleines de bonnes intentions méritoient qu’on eût loin d éliés, auffi leur donnai-je du miel, J’oblervai l’amufant manège que je viens de rapporter, pendant plus de deux heures. Il faifoit froid ce jour là, mais le folcil étoit brillant. Je portai la petite ruche contre un mur fur lequel il don- noit à plomb, & dans un endroit qui n’étoit pas éloigné de trente pas de celui où étoit la ruche pyramidale d’où avaient été tirées les mouches auxquelles j’avois donné une nouvelle mere. Sur le midi je fis mettre fur la petite ruche Ion lurtout d’étoffe*, de crainte que les rayons du foleil ne fie filfent trop fentir aux mouches. Aiors elles montèrent toutes, & la mere avec elles, jufques au haut de la ruche. Un très-petit gâteau de cire y étoit attaché; ce fut fur ce gâteau qu’elles s’attroupèrent & qu’t lies fe mirent en peloton. Je ne crus pas devoir leur laiffer la liberté de fortir ce jour là, de crainte qu’elles ne fufïènt faifies du froid. Je leur fis même paffer la nuit bien chau¬ dement dans mon cabinet ; mais le lendemain fur les dix heures, quoique l’air fût encore froid, mais parce que le foleil étoit beau Metu ÿ de- t'uut dee hueetee Tctn 5 f* _-,_ P! J ! /••»•> •»/•* ■‘ ffstnS Je rUi/t ,{isTnstck*Tjytx .1 « des Insectes. VI . Mem. 281 SIXI F AIE ME MO 1 R E. DES PARTIES EXTERIEURES, DES ABEILLES ORDINAIRES. Comment elles vont faire dans les campagnes la récolte de la cire if celle du miel. 7^" O us devons notre première attention à tout ce que 1 ** l’extérieur des abeilles peut nous offrir de remarqua¬ ble. Ce ne fera qu’après avoir bien examiné leurs princi¬ pales parties extérieures, que nous pafferons à confidérer ces mouches mêmes pendant quelles font occupées dans l’intérieur de leur ruche à leurs differents travaux ; que nous chercherons à voir comment elles viennent à bout de conftruire des gâteaux compofés d’alvéoles fi réguliers; comment elles rempliffent de miel ceux de ces alvéoles deftinés à le recevoir; comment elles foignent les jeunes vers logés dans d autres alvéoles; enfin, comment elles s’acquittent des différentes fondions que la propreté, la fureté & le bon état de l’intérieur de leur habitation exi¬ gent d’elles. Nous les verrons en œuvre avec plus ele plaifir, quand nous connoitrons tous les inftruments que la nature leur a accordés pour Dire au mieux tout ce qu’elles doivent faire, quand nous connoitrons bien toutes leurs parties extérieures. Le devant de la tête de la mouche à miel ordinaire eft plat, & à peu-près triangulaire*,depuis fa partie fupé- * P- rieure jufqu’à fon bout inférieur, il va en s’étréciffant. Les yeux à rezeau font placés fur les côtés *. Ce font ^ Fi â- -• des elpéces d’ovales, dont un des bouts eft moins ouvert, c r}> Tome V . N n S; v 2$2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE plus aigu que l’autre. Ce bout le plus ouvert le trouve fur la partie la plus élevée de la tête; de-là chaque œil fe rend en defcendant près de l’origine d’une des mâchoires ou dent?. 11 relie entr’eux un allés grand efpace qui n’ell pas uni au point de n’avoir aucune inégalité; il a même deux enfoncements qui ne font féparés l’un de i’autre que par une petite éminence, par une efpéce de cloifon peu épailfe. De chaque côté de cette petite éminence qui eli plus proche du bas que du haut de la tête, part une an- • fig. terme*. Celles de l’abeille n’ont rien de fort remarquable; a> a ' elles font compofées de plulieurs parties, dont la nature tient de celle de la corne, articulées bout à bout ; ces an¬ tennes font faites de manière qu’elles peuvent être pliées &4- en deux*, & qu’elles le font toujours dans les abeilles 4 - b. mortes. La halé * de chaque antenne, eli un bouton *f oblong, luifantév rougeâtre. Une efpéce defufeau * plus brun que la baie, elt articulé avec elle. Ce fufeau peut atteindre l’endroit le plus élevé de la tête. La partie a c. reliante * de l’antenne eli articulée avec ce fufeau, avec lequel elle Lit un angle tantôt plus, tantôt moins ouvert. Cette partie a une longueur à peu près égale à celle du devant de la tête; elle cil compofée de dix pièces, dont * a. la dernière * eü une forte de bouton, & dont les neuf autres font cylindriques, à cela près que la première de celles-ci a un de lès bouts, celui qui s’articule avec le bouton, plus menu que l’autre, & que la dernière pièce efl arrondie à fon extrémité. Au moyen de toutes ces pièces jointes par des articulations, la dernière & plus longue partie de l’antenne, peut fe courber plus ou moins en arc, elle peut aulfi faire des angles plus grands ou plus petits avec la partie en fufeau. La tête de l’abeille n’elt que médiocrement épailfe» elle l’cll moins quelle n’elt longue, & qu’elle n’efl large; DES ï N S E C T E S. VI. Meîli. 2 8$ Sa partie fupérieure eft arrondie, &c’eft fur fa portion la plus élevce &en arriére, que trois petits yeuxliifes * l’ont * pi. 25.(15. dilpolés triangu lai rement. 3 ‘ h r ‘ Nous avons déjà dit ailleurs que les abeilles font de la fécondé claiTe des mouches à quatre ailes, parce qu’elles ont une trompe Si des dents. Celles-ci * contribuent beau- * Fig. 2. d, coup à rendre la figure du devant de la tête triangulaire. Quand elles font dans l’inaélion, elles forment par leur rencontre mutuelle un angle qui eft la pointe d'une elpéce de pince*. Cette pince excède le bord d’une lèvre cruf- » Fig. ». tacée, par laquelle le bas du devant de la tête eft terminé. Ce n’elt pas principalement pour broyer les matières que l’abeille veut faire palier dans fon intérieur , & qui y doivent être digérées, qu’elle a été munie de dents; les fiennes font les inftruments, au moyen defqucls elle exe- dite les ouvrages les plus dignes d’étre admirés. Comme celles de la plupart des infeéîes, elles font deux mâchoires mobiles, dont chacune eft attachée à même hauteur à un des côtés de Ja tête. Un peu au-deflùs de fon origine, chaque dent a moins de diamètre que par tout ailleurs*; * Fig. 6 delà jufqu’à fon bout elle s’évafe. Le bout eft coupé en ” s ' ligne droite Si obliquement par rapport à la tige, & cela de manière que celui d'une dent peut s’appliquer contre celui de l’autre, Si que les deux ainfi appliquées forment une pince angulaire*. Nous Lifterions prendre une faillie * Fig. 5 . idée du bout de chaque dent, fi nous Liftions imaginer qu’il eft une lame platte. Sa furface extérieure*. Si qu’on * Fig. 5 & 5, peut nommer la fupérieure ou l’antérieure, félon la poft- tion dans laquelle on confidére la tête, eft convexe ; la Lee oppofée * eft concave, à peu près comme le font * Fig.7. certaines tarières; d’où il fuit que lorfque les deux dents font appliquées l’une contre l’autre, il y a entr’elles une cavité*,dont chaque dent fournit la moitié. Le contour * pr - 25.%. N ni; 2 S4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE extérieur de cette cavité ed bordé de poils. Elle a les- ufages, elle fert à recevoir les parcelles de matière qui ont été predces & broyées entre les deux côtés extérieurs des dents, entre ceux qui fe touchent lorfqu’ils fe cher¬ chent à vuide. La cavité de chaque dent n’ed pas égale- * Fig. 7. ca. ment creufe par tout, une arrête * dirigée vers la pointe de la dent, la divife en deux portions égales. Au relie les dents peuvent non-feulement fe rencontrer, elles peuvent aulfi le croifer, & fouvent on trouve croifées celles des abeilles mortes. Un col charnu & flexible, mais très-court, unit le * pi. 27. fig. corcelet à la tête; ce col * part de la face podérieure de 8.& 12. c. çgUg.çi^ &c’cft auprès du col qu’ed l’origine de la trompe. * Fig. 1 & Quand cette dernière elt en repos *, elle s’avance jcli¬ ques auprès du bout delà pince formée par les dents, & fe recourbe enliiite en arc pour retourner vers le corcelet. Nous nous contentons actuellement d’avoir déterminé la pofition de la trompe qui mérite que nous nous arrê¬ tions dans la fuite à examiner fa Itruéture. C’clt au corcelet que les quatre ailes lont attachées, en delîus & fur les côtés , Si que les fix jambes font attachées en delfous. C’cll auffi fur le cocelet. qu’il faut chercher * Pl- les quatre principaux digmates*, qui y font placés à peu près comme nous avons vu qu’ils le font fur celui de plufieurs mouches à deux ailes. Dans les temps les plus ordinaires, le bout podérieur du corcelet ed appliqué tout entier contre le premier des anneaux du corps ; ils femblent unis l’un à l’autre dans toute leur circonférence. Le vrai ed pourtant, & c’ed ce que l’abeille montre dans * Fi -6 fig k‘ en d es cas > que corcelet ne tient au corps que par 12& 1 j. f. une efpéce de blet * qui ed vers la partie inférieure; mais * Fig. 1 j.ee. ce filet étant très-court, le bout du corcelet étant convexe*, & trouvant dans le bout du corps une concavité * propre des Insectes. VI. Mem. 285 à le recevoir, le corps & le corcelet paroiffent fouvent unis enfemble clans une étendue dans laquelle ils ne font que fe toucher. La charpente du corps efl faite de fjx anneaux *, & * Fi ^ 1 j-fz/ je ne fçais pourquoi Swammcrdam lui en a donné fept. ^ Le premier a moins de diamètre que les trois qui le fiii- vent; le dernier de ceux-ci, ou le quatrième, en a au Al¬ un peu moins que le troifiéme; mais le cinquième en a confidérablement moins que celui qui le précédé, & en a lui-même moins à fa jonéfion avec le fixiéme anneau, qua là jonction avec le quatrième. Enfin le fixiéme ou dernier anneau a peu de diamètre à fon origine, & fe termine prefque en pointe. Chaque anneau eft compofé de deux pièces écailleufes; l’une en forme non-feulement la partie liipérieure & les côtés, elle vient même en deffous recouvrir par l’un * & l’autre * de les bouts la féconde * z- pièce, celle qui eft fur le ventre. Les abeilles avoient befoin * I d’être bien cuiraffées; les querelles quelles ont entr’elles feroient trop meurtrières, fi ellespouvoient s’entrepiquer ailément avec leur aiguillon ; fi des parties charnues, des parties dans lefquellcs l’aiguillon pût pénétrer, le trou- voient à découvert , il feroit rare que deux abeilles com- battiffent l'une contre l’autre, fans fe porter réciproque¬ ment des coups mortels. Leur corps avoit donc belbin d’ctre defîèndu par des écailles; mais les mouvements qu’il a à fe donner, demandoient qu’il j>ut fe plier; il falloit auffi qu’il pût fe gonfler & fe contraéter. On lui a accordé tout ce qui lui étoit ncceflaire tn le couvrant de différents anneaux, dont chacun eft fait de deux pièces, dont l’une eft en recouvrement fur l’autre, & en difpofant auffi les anneaux qui ne pouvoient pas être fondés les uns furies, autres, de façon que celui qui précédé couvrît l’origine de celui qui fuit. Quand le corps fe courbe en embas, N il iij 2$6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE ou qu’il s’allonge, une plus grande portion de chaque anneau eft lailfée à découvert par l’anneau qui le précédé; mais il relie toujours lous celui-ci une bande écailleufe de l’autre. Cette dernière bande qui ell la partie antérieure « Pi. 26.%. de l’anneau, tient à une bande membraneufe * qui n’cfl J i- jamais mile à découvert, & qui ell unie à l’anneau qui la cache. Les abeilles ordinaires ont plufleurs endroits roulTeâtres; ils doivent cette couleur à des poils dont ils font couverts. Le deITous Si les côtés de la tête, certaines parties des jambes, le deiïbus, le delfus & les côtés du corcelet pa- * PI. 25. fig. roilTent très-velus*, même à la vue (impie. La plupart de -■ leurs poils méritent d’être mis au microfcope. Lorfqu’on les regarde au travers de verres qui grolfdfent beaucoup, la partie qui en ell couverte paroît un gazon rempli de très-jolies plantes, ou plus précilëment de jolies moufles * PI. 26. fig. d'inégale grandeur *. Chaque poil reflTemble à une petite plante qui 11a qu’une feule tige, de chaque côté de laquelle partent des feuilles oblongues & étroites, qui font avec la titre un angle tourné vers fon extrémité. Le nombre des poils qui peuvent être apperçûs à la vue Ample, eft petit en comparaifon du nombre de ceux qu’une forte loupe fait découvrir. Elle en fait voir en des endroits * pi. ij.fig. où on n’en foupçonneroit pas. Les yeux à rezeau * en paroiflent prcfquc aufli remplis qu’aucune partie du corps. Nous avons déjà dit que dans les papillons Si dans beau¬ coup d’autres infeétes, ces yeux compolés de tant de fa¬ cettes, ces yeux qui 11e font qu’un alfemblage d’uneprodi- gieufe quantité d’yeux extrêmement petits, lont de même chargés de poils qui peuvent nous paraître affés mal placés. M.Vallifnieri a penfé qu’on 11c pouvoit regarder comme des yeux ces corps taillés à tant de facettes, parce que les poils dont ils font hériffés, devoient empêcher les des Insectes. VI. Aient. 287 rayons de lumière de les rencontrer. 11 efl vrai qu’au moyen des poils, il n’y a que les rayons qui viennent dans certaines directions, qui puifient parvenir fur chaque fa¬ cette; mais il ne convenoit pas apparemment que des rayons de lumière puflent agir à la fois fur toutes, fur tous les petits yeux de certains infectes. Ce que nous avons dit ailleurs de la ftruèlure de ces petits corps, ne permet guéres de douter qu’ils ne (oient réellement des yeux; & Hook a fait, il y a long temps, des expériences rapportées dans fa micrographie, propres à les faire reconnoître pour ce qu’ils font. 11 a coupé ou percé à des mouches les parties que nous appelions les yeux, & ellesfefont enfuite conduites en aveugles. Swam- merdam a eu recours à un moyen plus doux & moins équivoque de s’affûrer de la même vérité. 11 a enduit de noir détrempé à l’huile les yeux de certaines mouches,, mais des yeux qui ne font pas velus. Il a obfervé que les mouches, fur les yeux defquelles il avoit mis un pareil ban¬ deau, voloient à l’aventure, qu’elles étoient comme imbé- ciiies, que lorl'qu’elles étoient pofées quelque part, elles ne fuioient point la main qui les vouloir prendre. J’ai répété ces expériences fur les mouches bleues de la viande, & elles- m’ont fourni les mêmes obfervations.. J’ai fait aufli ces expériences fur des yeux à rezeau très- velus, fur ceux de nos abeilles mêmes, & j’ai choifi les circonftances les plus décilives pour fçavoir fi les abeilles nui avoient furies leurs un enduit opaque, étoient en état de trouver leur chemin. J’ai couvert d’un vernis rouge, fans tranfparence, les yeux à rezeau de pluheurs abeilles toutes prifes de la même ruche. Je les ai renfermées dans un poudrier avec d’autres abeilles de la ruche, aux yeux defquelles je n’avois pas touché. Je n’étois qu’à huit à dix pas de la ruche dont les abeilles avoient été tirées, -88 Mémoires pour l’Histoire lorfque j’ôtois le couvercle du poudrier. Celles qui avoient les yeux nets prenoient fur le champ l’effor, 6c le rendoient à leur habitation. Celles dont les yeux étoient vernis n’a- voient aucun empreffement de fortir du poudrier, elles avoient peine à le déterminer à voler, 6c la plupart diri- geoient leur vol indifféremment de différents côtés, 6c n’alloient pas loin. Pour en déterminer quelques-unes à prendre un plus grand cffor, je les jcttois en l’air, elles s’y élevoient prelque verticalement à perte de vue, je nelça- vois ce qu’elles devenoicnt. On a imaginé une efpéce de chaffe aux corneilles affés piaffante, on leur met de happas dans un cornet de papier rempli en partie, ou au moins enduit de glu. La corneille qui donne dans le piégé qu’on lui a tendu, qui va pour prendre le morceau qui lui eft offert, fe fait une cocffe du cornet, 6c une coéffe qui lui couvre les yeux, & dont elle ne fçait point' fe débarraffer. Elle s’élève alors en l’air à perte de vue, 6c on affûre quelle s’élève jufqu’à ce qu’elle tombe fans force & pref- que morte. Mes abeilles dont les yeux étoient vernis me prefentoient en petit une image de cette chaffe aux cor¬ neilles. Non-feulement celles que je jettois en l’air, mais toutes celles qui plus vives ou plus inquiètes que les au¬ tres, prenoient en partant un vol un peu élevé, ne man- quoient pas de monter en l’air de plus en plus jufqu’à y dilparoître à mes yeux; 6c aucune n’a paru connoître le chemin pour aller à fa ruche. J’ai vû fouvent des abeilles qui voloient en pirouettant auprès de lafurface de la terre, comme fi elles euffent été folles Elles ne faifoient que tournoïer, 6c cela fucceff ve¬ inent en des feus contraires. Peut-être que la caulc de ces mouvements devoit être attribuée à trop de poudre qui s’étoit attachée aux poils de leurs yeux à rezeau, car ces abeilles paroiffoicnt poudreufes. des Insectes. VI. Mem. 289 Il cft donc certain au moins que les abeilles voyent, 6c qu’elles voyent avec leurs yeux à rezeau, quoiqu’il y ait grande apparence, comme le veut Swammerdam, que l’organifation de leurs yeux eft très-différente de celle des nôtres. Une différence très-conftante, c’eft que toutes les cornées des yeux des mouches ont leur furface intérieure enduite d’une matière colorée, ou pour parler plus exacte¬ ment, tapiffée par une membrane colorée. Cette mem¬ brane, qui doit paroitre analogue à notre corroïde, efl donc tout autrement placée, puifqu’elie eft par-tout appliquée contre la cornée tranfparente. Des expériences femblables à celles que j’ai faites fur les yeux à rezeau, m’ont prouvé que les petits yeux des abeilles, les yeux liffes * leur fervent auffi à le conduire. J’ai verni ces yeux, ou, ce qui eft la même chofe, le derrière de la tete, à plus de vingt abeilles que j’ai miles enfuite en liberté à trois à quatre pas de leur ruche; aucune n’a fçu la trouver, ni n’a paru la chercher. Elles ont volé de tous côtés fur les plantes, & n’ont pas volé loin. Aulfi fembloient-elles s’cmbarralfer peu de voler. Mais je n’en ai point vû de celles-ci qui fe foient élevées en l’air, comme s’y élevent celles dont les yeux à rezeau font vernis. Les poils des yeux à rezeau ne font pas de ceux qui font chargés de feuilles, qui femblent de petites plantes; comme les poils que nous voyons le plus ordinairement fur les grands animaux, ils ne font qu’une fimpie tige qui va en diminuant de groffeur depuis fon origine jufqu’à fon extrémité. La partie de chaque anneau qui couvre le deffus du corps, femblë bordée d’une frange de poils; mais quand on y regarde de plus près, on remarque que ces poils qu’on jugeoit attachés au bord poftérieur, au bord mobile de 'Tome V . Oo *PI. 2 î- fig. * Fis ) • ■ 4 - 290 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE {anneau, font plantés fur l’anneau qui fuit dans l’en¬ droit où le bord de l’anneau qui précédé, doit s’appli¬ quer. Nous nous arrêtons volontiers à parler au long des poils de l’abeille, parce que nous aurons à faire voir bientôt qu’ils ont des ufages que n’ont pas ceux des grands animaux, ni même ceux des autres infeétes. Mais avant que d’expliquer à quoi ils fervent, nous devons parler de ceux des jambes, & faire connoître les jambes * 2Ô - elles-mêmes. Celles de la première *, & celles de la fe- * Fig. conde paire *, ne différent pas beaucoup en longueur; mais les deux dernières * font plus longues que les quatre précédentes. Celles-ci ont chacune environ cinq lignes de longueur, pendant que celles qui les précédent im¬ médiatement , n’en ont que trois & demie, & que les premières ne font longues que de trois lignes. Chaque jambe efl compofée de cinq parties principales, faites d’une écaille brune & luifante. La première de ces par¬ ties *, celle qui efl attachée au corcelct, efl la plus courte de toutes, c’eft une efpécc de bouton conique, à un des * e f- bouts duquel la fécondé pièce * eft articulée; celle-ci efl longuette, peu applatie, un peu contournée, de un peu moins groffe à l’un & à l’autre de les bouts que vers fon Fig. 4. p. milieu. La troifiéme pièce * efl plus confidérable par rapport aux autres dans chaque jambe de la troifiéme paire, & Lite autrement quelle ne l’efl dans les jambes des deux autres paires, & fur-tout dans celles de la pre¬ mière; dans chaque jambe de la troifiéme paire, dis-je, 4& la troifiéme pièce * efl applatie & triangulaire. Comme nous aurons plus d’une fois occafion de ladéfigner, nous croyons lui devoir donner un nom, celui de palette trian- */. gulaire. Son bout aigu efl à fa jonélion * avec la féconde pièce, & fa partie la plus large eft à fon autre bout où * Fig. 2, &4- a. * Fig. (,.p. * Fig. 2 . y * Fig. 4 & 6. b. * Fig. g. /. 2 . b. des Insectes. VI. Aient. 291 die s’articule avec la quatrième pièce. La troifiéme pièce * * PI. 26. flg. de chaque jambe de la fécondé paire, efi plus courte, plus 3 ‘ F ‘ étroite & moins triangulaire que ne l’eftla pièce correlpon- dante de chaque jambe de la troifiéme paire. Enfin, dans chaque jambe de la première paire, la troifiéme pièce - * n’cfl; ni appiatie ni triangulaire. La quatrième pièce efi encore appiatie dans les jambes de la troifiéme * & delà féconde paire *, elle efi à peu près également large à l’un & à l’autre de fes bouts ; fon contour efi à peu près quarré, aulfi l’appellerons-nous la pièce quarrée ou la brolfe. Bientôt on ne fera pas embarraiïe de fçavoir fur quoi ce dernier nom efi fondé. Cette pièce quarrée, ou cette brode, efi beaucoup plus grande, plus confidérable dans les jambes de la dernière paire, que dans celles de la fé¬ condé. La quatrième pièce des jambes de la première paire *, ne tient aucunement de la figure quarrée & appla- » Fig tic, elle efi oblongue & arrondie. Enfin, la cinquième & dernière partie * de chacune des fix jambes, & qui pour- roi t être appeiléc le pied, efi extrêmement déliée,& com- pofée de cinq parties affés courtes miles bout à bout, & articulées les unes aux autres. Les quatre premières * l'ont * Fig. 7. 9, des efpéces de cônes tronqués un peu applatis, & dont q> r, I la bafe du premier efi articulée avec le fommet du fécond , éè ainfi de fuite. Le premier & le quatrième cône font plus longs que les deux autres. La dernière pièce plus courte que celle qui la précède, efi armée de deux paires d’ongles *, ou de crochets recourbés en embas. Un des * c,c ; /. ongles de chaque paire efi au moins une fois plus long que l’autre. Entre les deux paires de crochets, efi une petite partie charnue & chargée de poils courts, qui efi analogue à lapelotte des pieds des mouches de la viande. • Les premières pièces de toutes les jambes font très- fournies de poils à feuilles, fur-tout fur les côtés; mais O o ij * Fig. 2. 2<)2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelques pièces de jambes de la fécondé, & fur-tout de celles de la troifiéme paire, font garnies de poils (impies plus gros & plus roides que les autres. Où l’on doit princi¬ palement remarquer de ces gros poils, c’eft tout autour, ou fur trois côtés de la pièce que nous avons nommée ♦ PI.26.fig. palette triangulaire *. La face extérieure de cette palette e q jjfl'g & (uifante, mais des poils s’élèvent au-defîus des bords de cette face. Ceux qui partent de l’un & de l’autre de les côtés, font dirigés vers le bout de la jambe, & dif- pofés parallèlement les uns aux autres. De la baie de cette palette partent d’autres poils auffi roides que les précé¬ dents, & qui, comme eux, s’élèvent au-delfus de la face extérieure, mais en fe contournant vers le haut de la jam¬ be, de forte que les poils des deux côtés & ceux de la bafe, forment enfemble les bords d’une efpéce de corbeille,, dont la Lee extérieure de la palette fait le fond. Cette palette cft auffi deftinée à fervir, pour ainfi dire, de cor¬ beille; elle efl deflinée à recevoir une petite pelotte de ♦ Fig. 3 ,p,p. matière à cire * ; les poils roides aident à retenir la pelotte dans la place où elle a été mife. Si pourtant la face exté¬ rieure de la palette étoit par tout convexe, comme elle l’efl; vers fon origine, & jufqu’au tiers ou à la moitié de fa longueur, les poils n’auroient pas alfés de force pour retenir la pelotte: afin qu’elle pût y être logée fûrement,. dans le refte de la face de la palette il y a une gouttière profonde qui va en s’élargiffant à mefure qu’elle s’appro¬ che delà bafe. La palette de chaque jambe de la fécondé ♦Fig. 3 .p. paire *, n’a point une pareille gouttière ni des poils arran¬ gés comme nous venons de le dire; auffi ces deux jambes & les deux premières, qui n’ont pas de palette triangulaire, ne font jamais chargées de peiottes de matière à cire. Ce font les deux dernières jambes, qui feules ont été faites, pour conferyer la récolte de cette matière. DES I N S E C T E s. VI. Mem. 293 Nous devons dire encore un mot delà partie quarrée * *PI. 26. qui fe trouve aux jambes de la troifiéme, & à celles de *'• la fécondé paire; nous l’avons déjà nommée la broffe, & elle mérite ce nom, parce que pendant que fa face extérieure efl raie & liffe, fa face intérieure * efl plus * Fig. 6. chargée de poils que 11e fefl aucune broffe. Ces poils font des poils (impies*, q.ui font plutôt arrangés comme * Fig.7. ceux de nos broffcs habits, que comme ceux des pin¬ ceaux. Ils font diflribués par rangs parallèles les uns aux autres,& parallèles en même temps aux bouts de la broffe. Si diriges vers le pied. Voyons à prefent quel ufage l’a¬ beille fait de ces poils difpofés en broffe, & à quoi lui fervent ceux dont toutes fes parties extérieures font chargées. On fçait que les abeilles vont faire leur récolte de cire fur les fleurs; mais les Auteurs les plus exaéts n’ont pas affes fait entendre que les fleurs feules peuvent leur four¬ nir cette récolte. M. Maraidi, par exemple, paroît avoir cru que les abeilles ramaffent de la cire où elles ne fçau- roient en trouver, lorfqu’il dit qu’elles recueillent la cire fur les feuilles d’un grand nombre d’arbres & de plantes, & fur la plupart des fleurs qui ont des étamines. Ce n’eA que fur ces fortes de fleurs quelles trouvent à fe pour¬ voir de matière propre à devenir cire, ou, pour nous ex¬ primer plus brièvement, de matière à cire ; car elles ne rencontrent nulle part de la cire toute faite: mais cette matière propre à devenir de la cire, n’efl jamais fournie aux abeilles par les feuilles des arbres & des plantes, Swammerdam qui a très-bien ohfervé que cette matière efl un affemblage de petits grains, qui, pour l’ordinaire font de petits globules plus ou moins arrondis, & plus ou moins allongés, propofe des doutes fur la caufe de la figure de ces petits grains, & ne paroît pas avoir fçu à. O o iij 294 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelle partiales plantes ils dévoient leur origine. En un mot, je ne connois point d’Auteur qui nous ait dit aflcs précifément ce que c’efl que cette matière à cire, 6 c où les abeilles la prennent conftamment. Rien n’eft plus or¬ dinaire cependant, que de voir une abeille fur une fleur, & de lui voir le corps tout poudré d’une poufliére quelle ne peut avoir prifeque lur cette fleur; 6 c les oblèrvations les plus grofiiéres peuvent apprendre quelles font les par¬ ties de la fleur qui ont pu couvrir ainfl l’abeille de pouf¬ flére. Des obfervations encore afles ailées à faire, démon¬ trent que cette meme poudre, dont on a vu une abeille couverte, eft la matière à cire. Une tulippe, un lys, &c. ont fait voir cent & cent fois à ceux qui n’ont jamais cherché à étudier les fleurs en Phyflciens, des fiiets qui font chargés d’une poufliére qu’ils laifl'ent fur les doigts qui les manient. Les filets des lys y laifl'ent une poudre jaune,& les filets des tulippes en pareil cas, y en laifl'ent une brune. Les filets dont nous parlons, ont été nommés par les Botanifles, les étamines de la fleur. Le célébré M. de Tournefort n’a voulu regarder les poufliéres dont ces étamines font chargées, que comme des excréments qui dévoient être tirés de la fleur par une cfpéce de fé- crétion. Mais le fentiment qui a prévalu parmi ceux qui font leur objet principal de l’étude des plantes, le fenti¬ ment le plus généralement adopté, veut qu’on ait une idée plus noble de ces poufliéres, il veut qu’on les re¬ garde comme defiinées par la nature à rendre les germes des plantes féconds, il veut que les graines reftent flériles quand elles n’ont pas été vivifiées par ces poufliéres. 11 ne nous conviendroit pas de nous engager à difeuter ici cette grande 6 c curieufe queflion ; il nous fuffit de dire, que ces poufliéres nous font d’une grande utilité, puifqu’elies font la feule 6 c unique matière dont efl faite des Insectes. F/. Mem. 295 la cire que nous confiimons. Je ne puis pourtant laiiïer ignorer à ceux qui 11’ont pas cherché à examiner ces pouiïiéres, qu’ils ne doivent pas croire les figures de leurs grains auffi irrégulières que le font celles de nos poudres ordinaires, aufii irrégulières que le font les fi¬ gures des grains de notre farine. Quand on les obferve au microfcope, on reconnoît que les grains des pouf- fiéres des étamines d’une même plante, ont tous une même figure ; mais que des plantes de différents genres ont des pouiïiéres différemment figurées: c’eff de quoi on peut s’inftruire dans un Mémoire de M. Geoffroy, publié parmi ceux de l’Académie de l’année 171 1. pag. 210. On y verra que ces grains font faits en boule ou en boule allongée dans le plus grand nombre des plantes; mais que dansd autres plantes, ces grains ont conftamment d’autres figures beaucoup plus finguliéres. L’abeille qui entre dans une fleur bien épanouie, & dont les étamines font chargées de pouffïéres qui y tien¬ nent peu, ne fçauroit manquer de faire frotter diverfes parties de fon corps contre ces pouiïiéres, & loin de l’éviter, elle le cherche apparemment; c’efl alors que les poils dont elle efl hériiïee, lui font d’un grand ufage. Les poulfiéres qui glifferoient fi elles ne touchoicnt que des parties auffi liifes qu’une écaille luifante, font arrêtées dans les forêts de poils. L’abeille devient toute poudrée, affes ordinairement d’une poudre jaune, quelquefois d’une poudre rouge, & d’autres fois d’une poudre d’un blanc-jaunâtre, & cela félon que font colorées les pouf- fiéres des étamines de la fleur dans laquelle elle marche. J’en ai vu fouvent qui, lorlqu’elles retournoient à leur ruche, avoient leurs poils fi chargés d’une poudre colo¬ rée, quelles en étoient méconnoiiïables. U11 Gentilhom¬ me d’un canton du Poitou, où les abeilles rencontrent à SP N 296 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE la fin du Printemps beaucoup de fleurs dont les étamines* font bien fournies de poufliéres, croyoit avoir des ruches oui, dans ce temps, étoient remplies en partie d’abeilles jaunes. O11 me parla de ces abeilles d’une couleur diffe¬ rente de celle des abeilles ordinaires, comme d’une An¬ gularité; on me promit pleine de m’en faire avoir. J’aver¬ tis qu’il pourroit bien fe faire qu’on 11e feroit pas en état de me tenir promefle, qu’il y avoit grande apparence qu’on croyoit jaunes des abeilles dont les poils étoient très couverts d’une poudre de cette couleur. Auffi quand j’ai eu fait vérifier ce qui en étoit par quelqu’un accoutu¬ mé à obferver, par M. de Villars Doéieur en Médecine, qui demeure dans le canton où on croyoit avoir des abeilles jaunes, il me fit réponfe que j’avoisdeviné; qu’on n’avoit pû en trouver aucune qui fût véritablement jaune, malgré l’envie qu’on avoit eu de m’en envoyer de telles; & que celles qu’011 avoit cru l’être, 11e letoient que quand elles rapportoient dans leurs poils beaucoup de pouffières jaunes. Quoiqu’il y ait quantité d’abeilles qui, quand elles arrivent à leur ruche, ont leurs poils pleins de cette forte de pouffiére; il y en a bien davantage, qui, avant que de fongerà y retourner, ont eu foin de s’en nettoyer, defe broffer. Elles ont, comme nous l’avons vu ci-devant, des • broffes plattes à leurs quatre jambes poftérieures * ; elles en ' ont fur-tout de très-grandes aux dernières de celles-ci. Les premières jambes chargées de poils comme elles le font entre la quatrième & cinquième articulation, ont auffi là * Fi g- 2.. b. une efpéce de broffe ronde *. Il efl donc aifé d’imaginer comment la mouche en paffant ét repaffant fes différentes brodes fur le deflus, fur le deffous, éc fur les côtés de fon corps, de fon corcelet, 6c de fa tête, peut en ôter fa pouffiére qui y efl: arrêtée. Mais elle n’a garde de chercher F>P' * Fig. 4. & •P- DES I N S E C T E S. VI. Mem. 297 chercher à faire tomber à terre cette poufïîére, comme 011 cherche à y faire tomber celle qu’on ôte aux habits 6c aux meubles qu’on nettoye. Cette poufliére eh précieufe pour elle, elle veut en faire un amas; aufti parvient-elle à faire deux petites pelottes * de figure plus ou moins * P[ - h arrondie, 6c affés fouvent lenticulaire, de tous les petits grains qui fe trouvoient difperfés fur les différentes par¬ ties de l'on corps. Nous avons déjà décrit les deux places * que la nature a préparées pouf recevoir ces deux pelottes; nous avons * fait connoître deux cavités, dont chacune fe trouve lur la face extérieure d’une de ces pièces de chaque jambe poftérieure, que nous avons nommées les palettes trian¬ gulaires; enfin, nous avons vû que cette cavité eft bordée de gros poils qui s’élèvent affés haut. C’eft dans chacune de ces cavités, que l’abeille porte tour à tour les petits grains, ou, plus exactement, de petites maffes de ces grains, quelle les réunit pour en compofèr une plus grofiemafTe. L’amas qui eft fur une des palettes, n’excé- de jamais guère en groffeur celui qui eft fur l’autre. L’un 6 c l’autre n’y font fenfibles, que quand ils ont à peu près celle de la tête d’une petite épingle, 6c peut-être commencent-ils par l’avoir; mais de nouvelles pouftïé- res qui y font adjoûtées fucceffivement, les groffiiïcnt. Quand l’abeille trouve de quoi faire une bonne récolte, elle les rend aufii gros que des grains de poivre un peu applatis. Pendant qu’elle eft occupée à broiïer les pouf- fiéres qui font attachées à fes poils, pendant qu’elle les fait paffer d’une jambe de la première paire à une jambe de la fécondé, 6c enfin, pendant qu’elle les place 6c qu’elle les empile fur la palette d’une jambe de la troi- fiémepaire, fes mouvements font fi prompts, qu’il 11’efl: guéres plus aifé de les fuivre, qu’il le feroit de fuiyre Tome V . Pp 298 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE ceux des doigts de quelqu’un qui écrit couramment, ou que ceux des doigts d’un habile Muficien qui joue des airs dont l’execution doit être très-prompte. On voit bien que l’abeille fait agir les inflruments propres à ramaffier ces pouffiéres, &à les réunir enfemble; maison ne voit pas affés àfon gré comment elle employé chacun de ces inflruments. Auffi tous ceux qui ont voulu les obferver dans ce travail, fe font plaints de leur trop grande acti¬ vité, quelles ne font pas difpofées à modérer pour latis- faire la curiofité de l’obfervateur. Tout ce que j’ai cru pouvoir faire de mieux pour par¬ venir à voir leur manège, ç’a été de les étudier fur des fleurs près de la hn de l’hyver, c’eft-à-dire, dans des temps où foibles encore, & peu animées par un foleil fans ar¬ deur, elles nepouvoient fe donner des mouvements aulfi vifs que ceux quelles fe donnent en d’autres temps. Dans des jours du Printemps où la force du foleil fufbfoit à peine pour en déterminer quelques - unes à aller fur les fleurs des poiriers, ou fur celles des pommiers qui ne eommençoient qu’à s’épanouir, j’ai vu ce que j’ai inuti¬ lement cherché à voir dans des jours plus chauds. C cil alors que j’ai été en état d’obferver que l’abeille ne fe contente pas de ramaffier avec fes poils les pouffiéres qui font prêtes à tomber de deffius les étamines. Plufieurs plantes ont chacune de leurs étamines terminée par une efpéce de tête, par un petit corps fouvent oblong, que les Botanifles ont appellé le fommet de l’étamine. Les Botaniftes fçavent que ce fommet eft une capfule dans laquelle les pouffiéres font renfermées, & dont elles ne fortent que quand le temps efl venu où la capfule s’en- îr ouvre pour les laiflèr paroître au jour. Les abeilles le fçavent auffi. Les étamines des fleurs de pommier ont chacune leur fommet. L’abeille qui arrivoit fur un de DES I N S E C T E S. Vf. Mem. 299 ces arbres, dont les Heurs encore peu développées, ne fournifToient pas à une récolte aifée & abondante, tâtoit avec l'es dents le premier fommet d’étamine qui le pré- fentoit. Quand il ne lui paroilloit pas convenable, elle le quittoit pour en prendre un autre. Si celui-ci lui paroilîoit mieux conditionné, elle le preHoit avec lès deux dents comme avec une pince. On juge allés quelle tendoit par cette preffion à obliger la capfule à s’ouvrir, à lui donner des poulfiéres qui n’en étoient pas encore forties. Bien¬ tôt on voyoit l’une & l’autre jambe de la première paire s’approcher fuccelfivement de la pince, & fans doute pour s’y charger de quelques grains. Bientôt la jambe qui avoit touché la pince, retournoit en arriére, & rencontroit une de celles de la fécondé paire qui étoit du même côté. Cette fécondé jambe portoit aulïi à la troifiéme jambe du même côté, ce quelle avoit pris à la première; du moins les mouvements fuccelfifs des trois jambes d’un même côté, qui étoient très-vifibles, paroilfoient unique¬ ment tendre à cela, & on en avoit une preuve peu équi¬ voque, lorfque la même mouche après avoir répété le même manège fur quatre à cinq fleurs différentes, avoit un petit amas de matière à cire fur chaque palette trian¬ gulaire d'une jambe de la troifiéme paire. Ce que j’avois vû faire à des abeilles occupées à ra- malfer des poulfiéres fur des fleurs de pommier, je l’ai vû faire bien plus diftinélement à d’autres abeilles occu¬ pées à la récolte d’une autre matière dont nous parle¬ rons dans la fuite, &. qui elt beaucoup plus tenace que la matière à cire & que la cire même, qui eft une efpéce de gomme réfineufe, & qui a la vifcofité d’une réfine qui n’étant pas encore delféchée, peut s’attacher aux doigts. Pendant que je confidérois à la loupe une mouche, je l’ai vû charger chacune de fes dernières jambes d’une P p i j =» PI. 26 .1 î>3>4-j&c * Fig. 300 Mémoires pour l’Histoire groffe pelotte de cette matière réfmeufe. Ce fut pour elfe un ouvrage d’une grande demi-heure. La matière étoit difficile à manier & à détacher; & par-là cette mouche fe trouvoit dans une circonftance où j’avois eu grande envie d’en voir une depuis long-temps. Tous l'es mouvements étoient lents en comparaifon de ceux même des abeilles qui ramaffient la matière à cire dans des jours prefque froids. Les dents ne parvenoient à détacher une parcelle réfmeufe, qu’après des coups & des tiraillements redou¬ blés. Les dents donnoicnt enfuite une forme plus arron¬ die à la parcelle; après quoi une des jambes de la pre¬ mière paire venoit bien-tôt la faifir. La dernière partie de chaque jambe celle qu’on en peut appeller le pied, ’‘ 1 ' eft, comme nous l’avons dit, compofée de cinq articula¬ tions qui la mettent en état de faire la foncfbon de main. Cette partie de la première jambe en fe recourbant, tient bien faifie la petite parcelle que les dents lui ont lailfée. Cette première jambe donne cette parcelle au pied de la fécondé jambe du même côté, & cette dernière va pofer la parcelle fur la palette triangulaire de la troifieme jambe. Mais ce n’eft pas allés de l’y avoir pofée, il faut que la nouvelle parcelle fàffie corps avec les autres parcelles qui y ont été dépotées, & qui commencent une pelotte, c’elt à quoi la jambe de la fécondé paire travaille encore. Dès que fon pied a mis en place la petite parcelle, elle s’avance davantage en delfiis de la pelotte commencée ; elle la o. tappe trois à quatre fois de fuite* avec la partie qui eft faite en broffe, comme on tappe avec une palette de bois de la terre molle qu’on veut façonner. Les abeilles ne retournent pas toutes à la ruche avec une charge égale, toutes ne font peut-être pas égale¬ ment bonnes ouvrières ; & il y en a qui ont le bonheur de trouver des plantes qui leur fournilfent plus que n’ont DES ï N S E C T E s. VI. Mem. 3 O î fourni à d’autres celles auxquelles elles le font adredées. Quand la pelotte de chaque jambe ed petite, eile n excède pas les bords de la jambe, mais les grades pelottes vont bien par-delà*; elles font collées contre les poils, elles * Pl.26.fig. les obligent à fe plier en dehors. Ces poils auxquels elles font collées, aident beaucoup à les foûtenir. C’eft quand les fommets des étamines font bien épa¬ nouis, pour ainfi dire , & quand la fleur a beaucoup de ces fommets dont les poufliéres font prêtes à être empor¬ tées par le vent, que l’abeille peut en ramaffer davantage avec les poils qu’avec fes dents, & qu’elle n’a prefque pas befoin de faire agir celles-ci. Ces mouches, comme nous l'avons dit, peuvent emporter les pouffiéres qui fe font attachées aux poils de leurs différentes parties, avec les brodés * des jambes des deux dernières paires, &même * Fig. 3,4, avec les brodes rondes * des jambes de la première paire ; 6 & 7 - b - mais les plus grandes brodes & celles qui expédient fou- * ^ ù ‘ vrage plus vite, font celles des dernières jambes. Celles-ci peuvent réciproquement fe donner les pouffiéres dont leurs brodes fe font chargées. J’ai vû fouvent l’abeille* * Fig. 9. en faire paffer une fous fon ventre, & conduire fa brodé contre le bord extérieur de la palette triangulaire de l’autre, l’y frotter, & par conféquent y laidér & y radèmbier les pouffiéres qui étoient engagées dans la brodé. La jambe qui venoit de recevoir ces pouffiéres en rendoit enfuite autant à l’autre par un femblable manege. Dans le même indant des abeilles rentrent dan s la ruche avec des pelottes jaunes, d’autres avec des pelottes rouges, &d'autres avec des pelottes blancheâtres , j’en ai vu rentrer quelquefois avec des pelottes vertes. Les unes ont ramaffé des pouffiéres fur des plantes qui les ont jaunes, & les autres les ont ramadees fur des plantes qui les ont rouge⬠tres, ou fur d’autres qui les ont blancheâtres ou vertes,. * P P ij i x 302 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Les grains qui compofent cespelottes ont non feulement la couleur qu’ils avoient iorfqu’ils étoient fur la plante » ils ont tous confervé leur figure. Si on les examine au microfcope, on trouve que ceux de quelques-unes font de petites boules bien rondes, ceux de quelques autres des boules applaties, ceux de quelques autres des boules oblon- gues.Toutes celles que j’ai examinées tenoient de la figure arrondie. Je ne fçais pourtant pas b les abeilles n’en ra- maflent point de celles qui ont des figures plus finguliéres. Un Batanifle qui auroit a fies étudié les pouiïiéres des plantes, feroit peut-être en état de fçavoir fur quelle plante auroit été prife la pelotte qu’il examincroit. Dans les mois d’avril & de may, les abeilles ramaflent du matin au foir de la matière à cire, mais lorfqu’il fait plus chaud, dans les mois de juin & juillet, &c. c’efl fur-tout le matin jufque vers les dix heures, quelles font la grande récolte de cette matière. Alors fi la journée efl favorable, on voit les deux pelottes de pouffiéres à toutes ou à prefque toutes celles qui arrivent à la ruche. Quand on conlidére plus tard les abeilles qui entrent dans la même ruche, on en voit cependant toujours quelques- unes qui reviennent avec des pelottes ; mais le nombre en efl petit en comparaifon de celui des mouches qui n’en rap¬ portent point. Ce n’eft pas que les abeilles ne trouvaient iur les fleurs des plantes, lorfque la chaleur du foleil le fait plus fentir, autant de poulfiéres qu’elles en y trou¬ vent plus matin; ces pouffiéres doivent même être plus ailées à détacher lorfqu’il fait plus chaud, elles doivent tenir moins à l’étamine; mais il ne convient pas à l’abeille de les recueillir lorfqu’elles font trop lèches; alors il ne lui efl pas lï aifé de les lier enfembie, de les réunir dans une malfe ; elles font plus propres à faire corps les unes avec les autres, quand elles font encore humeélées par des Insectes. VL Menu 303 ia rofée de la nuit, ou par la liqueur quelles ont laiffe tranfpirer. Il efl pourtant vrai qu’on voit à toutes les heures du jour, des abeilles qui rapportent des pelottes, & le nom¬ bre de celles qui en rapportent, dt grand comme le ma¬ tin, vers le midi & après, dans la ruche où un eflâim n’eft établi que depuis peu de jours. Mais les abeilles qui vont au loin peuvent trouver des fleurs placées à l’om¬ bre & dans des lieux aquatiques, qui, l’après midi, l'ont aufïi humides que d’autres fleurs le font le matin. La néceflité de travailler où font les abeilles établies dans une ruche dont l’intérieur manque de tout, les oblige de chercher avec plus de foin les fleurs qui peuvent leur fournir de quoi faire des gâteaux qui y font fi elfentiels. Ce ne fera que dans le Mémoire fuivant que nous exa¬ minerons ce que les abeilles font de ces pelottes quelles tranfportent à leur ruche avec tant de foins & de fati¬ gues. Nous devons parler actuellement d’une autre ré¬ colte bien importante pour elles, quelles vont encore faire fur les fleurs des plantes; elles y vont faire celle du miel. M.Linéus a mieux obfervé qu’on 11e l’avoit fait avant lui, que les fleurs ont des efpéces de veflies, ou plutôt des glan¬ des qui font des refervoirs pleins d’une liqueur miellée, qu’il a nommés en latin neftaria: il leur a trouvé des ligures &dcs pofitions fi différentes dans les fleurs de différentes plantes, qu’il a cru qu’on devoit faire entrer ces neâaria dans les caractères des genres des plantes. Les abeilles au- roient pu nous inffruire il y a long-temps, de la pofition de ces refervoirs, car elles fçavent très-bien où il faut aller les chercher. C’eft dans ces glandes ou autour quelles vont puifer le miel ou la liqueur propre à le devenir. Sur le champ elles la font pafler dans leur corps, où elles la confervent jufqua ce quelles puiflènt ladépofer dans les petits pots 304 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE préparés dans la ruche pour la recevoir. On porterait donc fouvent des jugements très-injuftes des abeilles, fouvent on les croirait à tort des pareffeufes, li on penloit quelles 11'ont été à la campagne que pour fe promener, ou pour y prendre leur repas, toutes les fois quon les voit revenir chés elles fans apporter des boules de matière à cire, car fouvent elles reviennent alors avec une bonne provifion de liqueur à miel. Mais avant que de voir où cette liqueur eft contenue dans l’intérieur de la mouche, nous devons connoître l’inftrument qui a fervi à la recueillir, nous de¬ vons connoître la trompe. Les Volumes précédents nous ont déjà fait admirer la ftruéture des trompes de divers inlééles, & même celle de trompes faites pour agir contre nous, telles que font celles de quelques mouches, & fur-tout celles dont les coufîns fe fervent pour s’abbreuver de notre fang. Nous devons être plus difpofés à admirer la ftruéture de la trompe des abeilles, qui ne fert pas feulement à porter à ces mouches l’aliment qui leur eft néceffaire, mais qui eft de plus employé à faire une récolte que nous nous approprions comme fi elle eût été faite pour nous. D’ail¬ leurs la trompe des abeilles ordinaires mérite d’autant plus d’être connue, qu’elle eft confiante fur un modèle très- différent de ceux des différentes trompes dont nous avons parlé jufqu’ici, & que dès qu’on la connoîtra, on connoîtra celles de beaucoup d’autres efpéces d’abeilles qui vivent folitaires, ou en des fociétés peu nombreufes; qu’on con¬ noîtra par exemple celle de ces gras bourdons velus fi com¬ muns dans nos campagnes; en un mot, qu’on connoîtra les trompes d’un très-grand nombre d’efpéces& de genres de mouches. Dans différents temps la trompe de l’abeille eft plus ou moins allongée; le temps où elle eft dans une parfaite inaétion. 3 °> DES I N S E C T E S. VI. Ment, inaction, où clic ne fe prépare pas même à agir, eft celui où elle eft le plus raccourcie ; & c’eft dans l’état où elle eft alors que nous commencerons à la confidérer. Si on regarde le devant de la tête d’une abeille* qu’on tient * pi. 27. fig. entre Tes doigts, on remarquera aifement tout près du 1 & -• bout des dents* une efpéce de lame* allés épaifte, très- * j, d. luifante &de couleur châtain, qui fait là un coude, qui * t- s’v plie pour retourner le long de la face poftérieure de la tête, & fe rendre auprès du col. Depuis le coude qui eft proche des dents *, cette efpéce de lame va en diminuant * d > d - de largeur pour fe terminer en pointe. Dans d’autres temps où la trompe n’eft pas plus allongée, la partie dont nous venons de parler eft plus en vue, elle defcend en faifant un arc *, ou quelquefois elle eft prefque toute * pr -25. fig- droite dans la direction du devant de la tête *. Dans u cette dernière circonftance on la regarderoit volontiers * PI. 27. fig. comme une efpéce de bec d’autant plus femblable à celui 5 & des oifeaux, qu’elle a un luilant qui la fait juger de corne. Cette partie que nous avons prife tout près du bout des dents, n’eft qu’une portion de la trompe, celle qui eft déterminée par le coude que fait la trompe en repos pour fe tenir pliée, & nous la nommerons la partie anté¬ rieure, ou la lèconde partie de la trompe. Nous nom¬ merons celle à laquelle elle tient, la partie poftérieure ou la première partie. L’origine de la trompe, l’endroit où elle eft unie à la tête eft proche du col*; de-là elle va *Fig. 8. c. en ligne droite jufqu’aux dents où elle fe replie fur elle- même, de façon que fa pointe vient rejoindre la bafe*. * Fig. 2. Quand elle eft ainfi pliée en deux *, ou quand elle eft *Fig. 1 &2. Amplement redreftee*, on ne la voit pas elle-même , *Fig. 4., 5 on ne voit que les enveloppes fous lefquelles elle eft &s - cachée. Ce n’eft pas une nouveauté pour nous de trouver une trompe renfermée dans un étui, nous en avons déjà Tome V . Qq 3 o6 *pi. 7 &9 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE eu bien des exemples ; mais les étuis que nous avons vus à d’autres trompes, ne reflemblent point à celui ou plutôt à ceux de la trompe des abeilles, car elle n’en a 27. fig. pas pour un ; elle en a deux. Un des deux pourtant * ne la couvre gueres que dans la moitié de fa longueur, & l’un & l’autre ne la couvrent pas dans toute fa circonfé¬ rence. Chaque étui eft fait de deux pièces, dont chacune fera nommée un demi-étui. Pour voir diftinélement ces quatre pièces, pour prendre une idée de leur ligure, & de la manière dont elles font ajuftées lorfqu’elles couvrent la trompe, il faut preffer celle-ci vers fon origine, en la pouffant en devant. Dans i’inftant la trompe femble de¬ venue plus longue qu’elle n’étoit, & elle ne paroît plus aulfi fimple qu'elle le paroilToit. On voit à la fois cinq * Fi?-7- pièces différentes *, dont celle du milieu *, qui dans une * e; grande partie de fa longueur eft un filet un peu applati, ’ une lame étroite dont les côtés font arrondis, dont celle du milieu, dis-je, eft accompagnée de quatre efpéces *e, e;f,f dallerons pofés deux à deux * de chaque côté. Ce font les quatre demi-étuis qui font plus ou moins éloignés de la petite tige qu’ils doivent couvrir félon que la preftion * e > e ■ a été plus ou moins forte. Deux de ces ailerons * plus courts& moins grands dans leurs autres dimenfions, que ♦ Fig. 7 & les deux autres, tirent à peu près leur origine de l’endroit* *' ss ’ où eft le coude de la trompe pliée en deux. L’ufage au¬ quel ils font deftinés, fait aifément imaginer qu’ils ont une concavité ; mais lorfqu’on fçaura qu’ils ne doivent cou¬ vrir que chaque côté de la trompe, une petite bande de fon deftous, & une bande encore plus étroite de fon défiais, & enfin , fi on fe rappelle que la trompe eft une lame plate qui fe termine en pointe, on fe fera une idée jufte de la cavité de ces demi-étuis, & même de leur forme extérieure. Nous adjoûterons feulement qu’un peu DES I N S £ C T E S. VI. Man. 3 07 au delfiisde leur origine, ils ont plus de diamètre que par¬ tout ailleurs, & que delà en allant en avant ils le retré- cilTcnt de plus en plus. Ces demi-étuis font des cfpéces de gouttières angulaires, mais dont l’angle elt compris entre deux plans, dont l’un elt plus étroit que l’autre. Une arête marque cet angle. Quand les demi-étuis relient ap¬ pliqués fur la trompe, comme ils y relient ordinairement *, * El- quoique celle-ci loit autant allongée quelle le peut être, 9 * on voit qu’ils s’en écartent près de leur bout* qui Ce courbe * h, h. pour lè placer perpendiculairement à la direction du relie. Ces deux bouts parodient même lorfque la trompe cil le plus raccourcie *. On y obferve trois articulations très- *E'g-+. s dillinéies. Chaque bout fût-il couché fur la trompe allongée *, il s’en faudrait encore quelque chofe qu’il 9 ‘ n’en pût atteindre l’extrémité. Pour finir ce qui nous relie à dire de ces deux demi-étuis, nous ferons remarquer que tout leur contour elt bordé de poils ailes longs *. * Fi s- 7 » Les deux autres demi-étuis font bien plus confidérablcs que les précédents, auffi leur doivent-ils fervir d’enve¬ loppe. Nous appellerons Iedelfusde la trompe ou fa face fupérieure, celle qui le devient lorfqu’on tient l’abeille droite entre les doigts, ou qui le devient encore lorfque l’abeille éleve fa tête; cette face de la trompe*, qui, dans * Fig. 7. d’autres temps, n’ell que l’antérieure, & qui même ne l’cfl que dans une moitié de fa longueur, lorfque la trompe elt pliée. Les deux grands demi-étuis ne couvrent en en¬ tier que la face que nous venons de délîgner par le nom de fupérieure*; & chacun d’eux la couvre en entier de- *Fig. a&j, puis l’endroit où la trompe fe plie en deux jufqu’à fon extrémité, de forte que l’un d’eux recouvre l’autre. L’un & l’autre fe replient pour venir fimplement s’appliquer contre le bord de chaque côté de la trompe*. Tout * Fi g- le déifias de la partie antérieure de la trompe elt donq Qq ij 308 Mémoires pour l’Histoire défendu par deux lames*, minces à la vérité, mais capables de réfiflance, parce qu elles font des lames d’une efpécede corne, pendant que le dclfous de la trompe n’elt recouvert que le long de chacun de fes bords par les deux demi-étuis qui recouvrent le defïus. Maison voit bien que le defîous n’avoit pas befoin d’autant d’enveloppes que le delfus, * Pi. 27.6g. puifque lorfque la trompe ell dans i’inaélion *, elle ell 1 & pliée en deux,& que par confcquent fa face inférieure ou poftérieure ell alors bien à l’abri de tous les chocs aux- quels la fupérieure feule peut être expolée. L’origine des deux demi-étuis qui lont les plus petits, & que nous nommerons les intérieurs, cft lur le corps * Fig. 7 & de la trompe même *, auffi la fuivent-ils lorfqu’elle fe re- 9 * ê ë- dreffe & lorfqu’elle ell portée en avant. Mais alors les deux *ff. autres demi-étuis, les extérieurs *, relient en arriére: ils lailfent aller la trompe, parce que leurs attaches & leur origine font par-delà la baie de la trompe, & en dehors. Chacun de ces demi-étuis extérieurs, ell porté par une ♦ Fig. 9 ,h,k. tige affés malfive + , dont la longueur égale à peu près celle de la partie poflérieure de la trompe ; & chacune de ces tiges ell pofée à un des côtés de la trompe, auquel elle n’elt aucunement adhérente. Dans l’endroit où finit la tige, où le demi-étui commence, il y a une forte efarti- ♦}. culation *, ou au moins un pli qui permet au demi- étui de relier fur la trompe raccourcie, loriqu’clle fe plie en deux. •» Fi». 7. e,e. Quand on écarte un des demi-étuis intérieurs * de delîus la tige qu’il enveloppe naturellement, ou encore * ë- mieux quand on le coupe près de fon origine *, on met à découvert une pièce, qui, en petit, a afles la figure de celle qui l’empêchoit de paraître, & qui part à peu près du même endroit. Mais nous ne nous arrêterons pas à faire connoître davantage deux pièces fi petites, & doü£ 3°9 des Insectes. VL Man. les ufages ne font pas de ceux que nous chercherons à dé couvrir, lorfque nous examinerons les parties qui contri¬ buent ie plus au jeu de la trompe. LailTons les enveloppes de la trompe pour la confidérer elle-même lorfqu’elle en eft dehors, lorfqu’elle cil allon¬ gée & portée en avant. Nous continuerons de la regarder comme compofée de deux parties, l’une eft antérieure *, * Pi- 27- %■ Si l’autre poftérieure *. La partie antérieure eft celle pour 7 ‘ sê ’ 1 ' laquelle les étuis ont été faits; nous fixons l’origine de *SS>^^ C celle-ci ,& la fin de l’autre, comme nous l’avons déjà dit, à l’endroit où la trompe fe plie en deux. Quand elle ne puife point le fuc miellé des plantes, ou quand elle eft dans une parfaite inaction, elle eft applatie; elle eft peut- être au moins trois fois plus large quepaiffe, mais fies bords font arrondis: elle devient infenfiblement de plus en plus étroite, depuis fon origine jufque tout auprès de fon extrémité. Elle fe termine par un petit mammelon prefque cylindrique, au bout duquel eft un bourlct *, une efpéce tle bouton dont le centre femble percé. La circon¬ férence de ce bourlet jette des poils ailes longs Si dilpofés en rayons. Les poils 11’ont pas été épargnés à la partie an¬ térieure de la trompe, fon defTus en eft tout couvert; ils y font par tout de même couleur, d’un jaune qui tire fur celui de l’or un peu rouge; mais en différents endroits, ils font de différente longueur Si différemment arrangés. La première Si la plus large partie du defTus *, femble * Fig.^.r,». cannelée tranfverfalement par de petits filions très proches les uns des autres. Chacun de ces filions eft couvert de poils très-courts, quoiqu’affés gros, & couchés parallèle¬ ment les uns aux autres. Dans le refte * du defTus de la * partie à laquelle nous Tommes fixés, les poils font plus longs, très-preffés les uns contre les autres, couchés & dirigés vers le bout, de manière que ceux qui précédent Qqiij * Fig. 7, 9 & 1 I. É. 3 10 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE * PI. 57. fig. ne laiffent voir qu une portion de ceux qui les fuivent 1 mais où ils font encore plus longs, c’efl fur les côtés de cette même partie & fur-tout en approchant du bout, Audi la trompe vue au microfcope, a quelque reffem- blance avec une queue de renard ou de marte. Le deflùs de cette partie antérieure de la trompe, femble tout cartilagineux ; mais le deflous de la même partie ne paroît cartilagineux que dans une partie de là largeur. Le milieu de celui-ci efl tout du long marqué * Fig. 9 & par un trait plus tranfparent que le relie * qui paroît mem- I0 -*' braneux, ou même une membrane plilfée, comme l’eft celle qui fépare les anneaux écailleux de certaines mouches dont nous avons parlé ailleurs. îi eli aifé de s’aflùrer que ce qui paroît membraneux dans cette partie de la trompe, le fl; réellement, & de le diftinguer de ce qui eft de nature de corne ou de cartilage. On n’a qu’à prefler la partie poflérieuredela trompe, pendant qu’on en tient la partie antérieure tout près d’une bougie, vers laquelle la face fupérieure de cette partie efl tournée, & qu’on examine la face inférieure au travers d’une loupe dont le foyer efl très- court ; bientôt on voit arriver une goutte de liqueur dans la partie antérieure de la trompe; en continuant de prefler, on y fait avancer cette goutte; tous les endroits où elle parvient, fe gonflent confidérablement, les deux bords s’écartent l’un de l’autre: alors ce deflous de la trompe * ri 28.%. qui étoit plat,fereleve&ferenfle très-confidérablement*, ■* & 3 ' & tout ce qui fe releve efl évidemment membraneux. On * Fig. 3. dd. croit voir paraître une longue veiïîe * faite en boyau , & de la matière la plus tranfparente. Mais pendant qu’il fe fait une fl grande augmentation de volume du côté de la furface inférieure, la furface fupérieure s’arrondit feu¬ lement un peu; de platte qu’elle étoit, elle devient un peu convexe; ce qui prouve que l’enveloppe immédiate DES I N S E C T E S. VI. Mcm. 3 I I de celle-ci, n’eft pas capable d’extenfion notable. Au tra¬ vers de la vdlie qui seleve de l’autre côté, on croit voir un vaiiïeau qui va fe rendre au bouton de la trompe; on croit même appercevoir ce vaifTeau dans des temps où on n’a pas forcé de la liqueur de s’introduire dans la trompe, & de la gonfler. Si on obferve une mouche occupée à fuccer une liqueur miellée, on verra quelque¬ fois la partie antérieure de fa trompe plus gonflée que dans les temps d’inatftion; & 011 verra dans cette trompe des alternatives, de plus grands & de moindres gonfle¬ ments. Néantmoins on ne lui verra jamais prendre autant de volume qu’on lui en fait acquérir lorfqu’on force par la prelfion des doigts, de la liqueur à retourner de labafe vers la pointe. Paflons à prefent à la partie poflérieure de la trompe *, * PI. 27. fi», à laquelle nous n’avons encore donné aucune attention; 9 ' 8 ê>l- elle efl beaucoup plus grofle que l’antérieure, de ce n’eft que quand celle-ci eft dans i’inaéiion, que l’autre lui eft prefque égale en longueur. Nous venons de voir que le deflùsde la partie antérieure, a la confiftancede la corne; une petite portion * de la trompe, à laquelle on peut donner * i, 1 lin nom particulier, quoiqu’elle foit très-courte, celui de partie moyenne, eft entièrement ou prefque entièrement charnue; elle avoit befoin detre très-flexible, c’eft celle qui permet à la trompe de fe plier, celle dans laquelle le pli fe trouve, & qui fait la jomfhon de la partie anté¬ rieure avec la partie poflérieure. Pour parvenir à bien con- noître cette dernière, nous devons confidérer féparément fes deux faces. L’inférieure, ou, fl l’on veut, la pofte- rieure *, eft toute écailleufe, très-luifante & arrondie. On *gg,& juge quelle a beaucoup plus de folidité que tout le refte. Son diamètre augmente à mefure quelle s’éloigne de la partie moyenne jufqu a plus des deux tiers de fa longueur; 3 12 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE là elle fe rétrécit un peu, & il femble que la première des deux pièces dont elle eft compofée, y lànilFe. La première * Pi. 27. fig. pièce * s’arrondit comme pour fe pofer fur une autre * qui 9 -P* lui fert de baie & de pivot. Celle qui lui en fert eft conique, q ' éeailleufe, mais d’une couleur plus claire que celle de l’au¬ tre; ainfi la dernière pièce foiidc du corps de la trompe fe termine en pivot, en pointe aiïes aigûe. La trompe fins devenir réellement plus longue, peut nous paroître l’être devenue, parce que fans s’être allon¬ gée, elle peut être portée beaucoup par-delà les dents, ce que nous appellerons être portée en avant. Lamécha- nique que la nature a employée pour porter la trompe en avant, mérite qu’on cherche à la voir, Si il eft ailé d’y parvenir. Prenons la trompe dans le moment où elle eft autant en arriére, auffi proche du col qu’elle le * Fig. 8. peut être *. Si on oblerve alors avec une forte loupe le *2- pivot * dont nous venons de parler, on le trouvera logé dans l’angle que font enlemble deux petits corps bruns, *r,r. longs & droits, 8 l allés déliés*,mais qui ont toute la loli- dité que peuvent avoir des parties fi menues, car ils font écailleux ; & on fçait que dans les inleétes la corne & l’écaille font ce qu’ell la matière oftfcule dans les grands animaux. Ces deux petits corps longuets, lont les deux leviers qui portent la trompe en avant. Le pivot par lequel elle le termine, eft articulé avec Icfommet de l’angle qu’ils forment. L’autre bout de chacun de ces leviers eft arrêté * Pi. 28.%. &. articulé fur le bout d’une efpécc de petit pilier * pofé dans la direction de la longueur de la tête. Malgré le nom de pilier que je viens de donner aux corps qui fervent d’appuis aux leviers, ils ne font guéres plus gros que les * PI ' 2 7 - fig- leviers mêmes. Quand la trompe qui étoit en arriére *, eft: * Fig. 9 . J )01 'tée en avant *, c’eft le fommet de l’angle * auquel elle * 2- tient, qui lui fait faire ce chemin. Les deux petits leviers, fans DES I N S E C T E s. VI. Mem. 3 I 3 fans fe féparcr l’un de l’autre, s’élèvent peu à peu au-defïus de la tête contre laquelle ils étoient appliqués, & cela juft^ qu’au point où il leur eft poffible de s’élever le plus, après quoi ils s’inclinent dans le fens oppofé jufqu’à ce qu ils foient parvenus à rencontrer le devant de la tête,& à le coucher deftùs. L’angle qui, dans la premièrepofition* * n. 27. fig. où nous l’avons pris, étoit tourné vers les dents, dans la féconde pofition où nous l’avons amené *, eft tourné vers * Fig. 9. le col, d’où il cil ailé de juger que le l'ommet de l’angle eft plus proche, & de combien il eft plus proche de la tête dans cette fécondé pofition, qu’il ne l’étoit dans la première. Or la diftance qu’il y a entre le point où étoit d’abord le fommet de cet angle, & le point où il a été porté, eft vifiblement la mefure du chemin que la trompe a fait en avant. Ces petits leviers * qui fervent à porter la trompe en * r, r. avant, & à la .reporter en arriére, font auïïi les appuis des deux plus grands demi-étuis *. Un de ces demi-étuis eft * arrêté par un pédicule * fur un des leviers, & l’autre fur l’autre par un pareil pédicule. Cette pofition nous ap- » 0 , prend pourquoi, lorfque la trompe eft portée par-delà les dents jufqu’à un certain point, les deux demi-étuis extérieurs l’abandonnent; le chemin qu’ils font en avant ne pouvant être aufti long que celui qu’y fait la trompe, ils font forcés de refter en arriére; car il ne faut pas être géomètre pour voir que le chemin que parcourent les (leux bouts réunis des leviers, eft beaucoup plus long que celui qui eft parcouru par toute autre partie de ces leviers. Quoique la trompe ne puifle être portée en avant, fans « que les deux leviers écailleux fe redreffent pour aller en- fuite fe coucher du côté oppofé à celui où ils étoient» tous ces mouvements s’exécutent fans que la trompe Tome V • R r 314 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE s’élève fenfiblement, 6c fans que le fommet du triangle .^xcéde jamais le plan où font les bords de la tête ; 6c * pi. 27. fig. cela parce que les bords du crâne font élevés 6c arrondis*. 12, z> Z' Us lai lient entr’eux une cavité longue 6c profonde par rapport à l’épaiffeur de la tête. L’origine de cette cavité cfl peu éloignée de l’endroit écailleux où le col s’infere, 6 c elle s’étend jufqu’aux dents, c’eft-à-dire, jufqu’au bout * 0. antérieur de la tête. C’eft dans cette grande cavité * qu’eft placée en tout temps la partie poftérieure de la trompe, que le font les deux piiliers des leviers, 6c les deux leviers eux-mêmes, 6c ceux- ci y peuvent faire tout leur jeu fans en fortir. * Fîg. 9. m , H nous refte encore à faire connoître des parties * char¬ nues qui fc trouvent dans cette même cavité, 6c qui nous conduifent à examiner la feule portion de la trompe dont nous n’avons point encore parlé, la face fupéricure delà partie poftérieure. Lorfqu’on pouffe la trompe en avant, ou lorfqu’on la tient allongée par-delà les dents, on re¬ marque une efpéce de cordon très-blanc, plus gros que le col, vers lequel il femble fe diriger après être entré dans la tête 6c s’y être enfoncé ; tiraillé comme il i’eft alors, on juge allés qu’il eft plus long 6c bien moins gros qu’il ne l’eft lorfque la trompe eft en arriére. On voit un grand nombre de plis parallèles à fa longueur, femblables à ceux qu’on oblige de faire à une veffie lorfqu’on la rend très-oblongue. Le corps que nous venons d’appeller une efpéce de cordon , a aufti dans d’autres temps la figure * m. d’une efpéce de veffie *, c’eft fous fon enveloppe que font cachés les vaiffeaux qui reçoivent lefuc qui eft fourni par la trompe, 6c qui, dans d’autres circonftances, reportent des liqueurs à la trompe même. En preffant le ventre d’une abeille, on force du miel ou quelqu’autre liqueur à retourner dans ces vaiffeaux, 6c la membrane tranfpa- des Insectes. VI. Mem. 315 rente qui les enveloppe, permet de voir la liqueur qui s’y rend & qui s’y raffemble. En un mot, c’eft-là qu’eft le vaifTeau , ou que lont les vaiffeaux qui reçoivent les liqueurs ou les autres matières qui entrent dans la tête de l’abeille, qui le rendent au col où elles trouvent un canal, qui après les avoir conduites au travers du corcelet, les porte dans le corps, dans l’eflomac. Enfin, c’eft dans ces parties charnues qu’il faut chercher les mufcles qui produifent les mouvements du triangle écailleux deftiné à pouffer la trompe en avant. Mais ce que nous avons à remarquer actuellement, c’efl que l’enveloppe blanche & membraneufe * qui renferme les vaiffeaux qui doivent * recevoir ce qui eft apporté par la trompe, vient fe réunir 9 au-deffus de la trompe à fa partie poftérieure. Toute cette partie de la trompe, qui du côté oppofé * a un * contour circulaire, & qui y eft écaiilcufe, eft platte du côté que nous examinons actuellement, & charnue *. Les * chairs y font fuffifamment deffenducs par les écailles de l’autre face. Les parties charnues du deffus de la trompe, peuvent, fi i’on veut, être regardées comme un prolongement des membranes & des parties charnues qui forment & rem- pliffent la veflîe qui eft à la bafe ; ou, fi l’on veut, les regarder comme des fibres différentes, la réunion des unes avec les autres, l’infertion des unes dans les autres ne fe fait pas dans un feul point, elle fe fait dans une étendue qui a quelque longueur ; par-tout où ellefe fait, les chairs font plus relevées qu’ailieurs, au moins pendant le tiraillement. Vers l’endroit où finiffent les chairs les plus relevées, il y a une partie que je n’ai vue que par le befoin que j’ai eu de la voir. La manière dont les abeilles fe nourriffent d’une matière qui a une tout autre con- fiftance que le miel, la manière dont elles rejettent du Rr ij * PI. IJ. 7, 9 & i 1 * PI. 28. 4. 0 . 31 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE miel dans certaines circonliances, & d’autres faits de i’hiltoire de ces mouches beaucoup plus curieux, qui regardent tout ce qui fe palTe pendant qu’elles bûtilfent des alvéoles de cire, tous ces faits, dis-je, devenoient inexplicables, pendant qu’on 11e croyoit à la trompe des fîg. abeilles qu’une ouverture * à peine perceptible, lorlqu’on ,b ' la cherche avec le microfcope, 6c qui elt la feule que Swammerdam lui ait accordée. Quoiqu’il ait donné des delfeins de la trompe vûs avec les microfcopes qui grof- flfent le plus, une autre ouverture, qui eft d’une gran¬ deur prodigieufe en comparaifon de celle du bout de la trompe, s’il y en a une à ce bout, lui a échappé ; 6c malgré fa grandeur, elle m’eût échappé comme à lui, h je ne me fulfe oblîiné à chercher à expliquer les faits que je viens d’indiquer, les faits les plus embarrafTants, 6c peut-être les plus fmguliersde l’hilloire des abeilles. Mais Swammerdam femble ne s’être attaché qu’à confidérer la trompe par-delfous ; c’elt feulement de ce côté qu’il l’a fait repréfenter. D’ailleurs, les delfeins qu’il en a donnés* ne font ni affés détaillés, j’olèrois prelque dire, ni allés exads pour expliquer ce qu’on peut voir fur la compo- fition 6c les mouvements de cette partie; 6c fes explica¬ tions ne fuppléent pas à ce qui manque aux delfeins. Outre cette ouverture prelque infenfible qu’on a pré¬ tendu être au bout de la trompe, les abeilles ont une %• bouche, 6c même très-grande * ; elle cil fur la trompe 6c dans les chairs dont je viens de parler ; mais quoi¬ que grande, on ne parviendroit pas à la voir, fi on ne fçavoit 011 l’on doit la chercher. L’ouverture du trou que j’appelle la bouche, ou, fi l’on veut, le fond de la bou¬ che, efl ordinairement appliquée contre les paroisde cette cavité, dont la partie antérieure peut être appellée le pa¬ lais de l’abeille. Quand la trompe ell portée en avant > des Insectes. VI. Mem. 317 alitant quelle le peut être, outre que cette ouverture ell ibuvent fermée par les chairs qui la bordent, elle fe trouve placée comme une bouche d’infecte doit l’être, au-deffous des dents. Une languette de chair *, une vraye langue la couvre entièrement en quelques circonftances. Mais il y a un moyen fûr de la voir, qui ne demande qu’une adrclïc fort médiocre & peu de patience. Après avoir tiré la trom¬ pe en avant autant qu’elle y peut être tirée, on la ramè¬ nera en embas * autant qu’on peut l’y ramener fans la forcer trop, fans rien déchirer, èc on l’afTujettira dans cette poftion en tenant fon bout prelfé par un doigt, foit contre le corcelet, foit contre la tête même. Si alors on regarde de face la partie de la trompe qui eft au-def¬ fous des dents, on verra une ouverture * plus confidé- rable qu’on n’auroit cru la trouver ; elle a l’air de l’ou¬ verture d’un grand gober. Son contour paroîtra b bien terminé, qu’on n’aura aucun lieu de craindre qu’elle foit une fente produite par un tiraillement trop forcé. On n’héhtera pas à la prendre pour une ouverture préparée par la nature. On remarquera que fon contour intérieur eft un peu plus brun & plus luifant que les chairs des environs, comme s’il étoit cartilagineux, & comme s’il avoit une conbflance néceffaire pour réftfter à l’impref- fion des grains durs qu’il peut recevoir quelquefois. Enfin ,. on trouvera toujours cette ouverture, & faite de la même manière, à toutes les abeilles, quand on lachercheradelà manière qui vient d’être expliquée. On ne trouvera pas feulement cette bouche aux abeilles ordinaires, on la trouvera à toutes les mouches de leur dafte. Il y en a même des genres où elle eft beaucoup plus vifible, comme dans celui des gros bourdons velus, qui étant plus gros que ies abeilles, ont une plus grande bouche. Ç’efl aufb, d’après ces dernières mouches que j’ai fait faire Rr iij *PJ. 28. *./. * Fig. 4. * fu antérieure. Lorfqu’une abeille entre dans une fleur qui, près dô fonfond, a de ces glandes ou refervoirs deftinés à con¬ tenir une liqueur miellée, & qui en ont été bien remplis, elle peut trouver de cette liqueur épanchée, pour ainft dire, fur différentes parties de la fleur; c’efl-à dire, qu’elle peut y trouver de celle qui a tranfpiré au travers des mem¬ branes des cellules dans lefquelles elle étoit renfermée. Le fond d’une fleur peut ainfi être enduit d’une efpéce de miel ou de fiicre, comme le font au printemps les feuilles de divers arbres, & entr’autres celles de l’érable qui fouvent en font toutes luifantes. La trompe cfl l’inf- trument avec lequel l’abeille recueille cette liqueur ; on n’efl pas long temps à voir avec quelle aélivité, & quelle adreffe elle en fait ufage, fi 011 obferve la mouche qui, après s’étre pofée fur une fleur bien épanouie, a avancé vers l’intérieur; bientôt on peut appercevoir qu’elle allon¬ ge le bout de fa trompe, qu’elle l’applique contre les pé¬ tales ou feuilles de la fleur, tout près de leur origine. Alors ce bout de la trompe eft dans une action continuelle, il fe donne fucceflivement une infinité de mouvemens difi férents ; il fe raccourcit, il s’allonge enfuite; il fe con¬ tourne, il fe courbe comme il le doit, pour s’appliquer fur des parties, foit concaves, foit convexes ; enfin, fes mouvements font plus prompts & plus variés qu’on 11e le peut dire. Mais il n’efl pas aifé de bien connoître à quoi tendent tant de mouvements, & quel effet ils produifent; je veux dire, qu’on ne peut pas juger affés de la manière dont la trompe opère pour faire pafler dans l’intérieur de la mou¬ che, la liqueur quelle enleve à la fleur. Ce qui femblede DES ï N S E C T E S. VI. Mem. 3 2 I plus vraifemblable, ce qu’on a penfé jufqu’ici, générale¬ ment, ce qu’a cru Swammerdam, & ce que j’ai cru pen¬ dant long-temps avec lui, c’eft que la trompe elt une efpéce de corps de pompe, que l'on bout elt percé d’un trou, par lequel la liqueur peut être alpirée; enfin, qu’il y a dans le corps de la trompe des pillons ou des parties équivalentes propres à faire l’alpiration. On ne s’elt pas même avifé de douter que ce ne fût pas là le vrai jeu de ia trompe, & je n’en eulfe pas douté aulfi, fi je n’eulfe penlé à avoir recours à un expédient très-fimple, pour voir cette partie en action plus à l’aile & plus dillinélement qu’on ne la peut voir, lorfqu’elle tire d’une fleur le peu de liqueur miellée qu’elle y trouve. Tantôt j’ai Amplement enduit d’une légère couche de miel quelques endroits des parois d’un tube de verre de quatre à cinq lignes de dia¬ mètre, & tantôt j’y ai mis par-ci par-là quelques gouttes de miel. Des abeilles ont été enluite introduites & ren¬ fermées dans le tube. En pareil cas, elfes oublient prefque fur le champ qu’elles font prifonniéres. On 11e tarde pas à en voir d’aulfi près qu’il elt polfible, quelqu’une qui fe met à fuccer le miel; c’elt en obfervant de celles-ci, que j’ai commencé à douter que la trompe des abeilles dut être regardée comme une pompe; car l’abeille ne femble pas devoir s’y prendre autrement pour tirer le miel de delfus une fleur que de deflus un tube, & dans cette dernière circonftance, il ne m’a jamais paru que le miel Ait pris par fuélion. La mouche ne m’a jamais paru chercher précifément à pofer le bout de la trompe dans la petite couche de liqueur, comme cela devroit être, fi la liqueur devoit être afpirée & introduite par le trou qu’on y fuppofe. Dès que l’abeille le trouve auprès de l’endroit enduit de miel, elle allonge fa trompe, c’eft-à- dire, quelle en porte le bout à une ligne ou plus par-delà Tome V. . S f 322 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE * n. 28. fjg. les bouts des étuis*, qui ne ceffent pas de la couvrir dans 1 z.hh,tb. j e re q e q e p on étendue. Si le miel ne fait qu’enduire la furface du verre, la portion de la partie antérieure de la * Fig. 12. trompe, qui eft à découvert, fe contourne & fe courbe* au point nééeflaire pour que fa furface fupérieure s’appli¬ que contre le verre; là, cette partie fait précifëment tout ce que feroil la langue d'un animal occupé à lécher quel¬ que liqueur. Elle frotte le verre à diverfes reprifes,& le donne avec une vîtclfe merveilleufe, cent & cent inflexions différentes. Si la couche de liqueur qui a été offerte à la mouche eft épaiffe, fi elle rencontre une goutte de miel , alors elle fait entrer la partie antérieure de là trompe dans la liqueur; mais il femble encore que ce foit pour l’y faire agir, com¬ me un chien qui lape du lait ou du bouillon, fait agir la langue. Dans la goutte de miel même, l’abeille plie le bout de fa trompe, elle l’allonge & le raccourcit alterna¬ tivement; enfin, elle J’en retire d’inftant en inftant; alors on lui voit non leulement allonger & raccourcir ce bout alternativement, on voit qu’elle lui fait faire des finuo- fnés, & fur tout qu’elle rend de temps en temps fa fur- * Fig-13 -tb. f ace fupérieure concave*, comme pour donner une pente vers la tête à la liqueur dont elle s’eft chargée. En un mot, la trompe paroît agir comme une langue, & non comme une pompe. Le bout de la trompe, l’endroit où l’on veut que foit l’ouverture, eft fouvent au-deflùs de la furface de la liqueur, dans laquelle l’abeille puife. Après avoir obfervé cent & cent fois, & très-diftinéle- ment, la trompe en affion, il m’a donc paru qu’on devoit regarder fa partie antérieure comme une fécondé langue qui a été accordée à l’abeille, & qu’on pourroit appeller la langue, extérieure & velue, pour la diftinguer de la langue charnue plus analogue aux langues ordinaires, de celle de DES I N S E C T E S. VI. Mem. 323 la bouche. Par Tes différents mouvements, cette langue extérieure tend à fè charger de la liqueur miellée, & à la conduire dans la bouche. C’eft furie defîus de la langue velue que paffe la liqueur; l’abeille cherche fur-tout à l’en mouiller, à l’en couvrir; en raccourciffanl cette partie, & quelquefois au point de la faire toute rentrer fous les étuis, elle porte & dépofp la liqueur dont elle eft chargée , dans une efpéce de conduit qui fe trouve entre le deffusde la trompe & les étuis qui la couvrent. Ainfi ces étuis ne font peut-être pas autant faits pour couvrir la trompe, qu’ils le font pour former & couvrir le chemin par où paffe la liqueur qui eft conduite à la bouche, qu’on pourroit appeller intérieure, fi on vouloit donner le nom de bou¬ che extérieure au canal qui lui fournit la liqueur miellée. Nous avons dit ailleurs que la trompe peut fe gonfler & fe contracter, on y obferve auffi des gonflements & des contractions qui fe fuccédent, & qui peuvent opérer effi¬ cacement fur la liqueur qui eft en chemin fous les étuis, pour la faire parvenir à la véritable bouche. Pour me démontrer que la route que je viens d’indi¬ quer, eft celle que l’abeille fait prendre au miel, quelle ne le fait pas paffér dans l’intérieur de fa trompe, mais que c’eft entre le deffus de cette trompe & fes étuis, j’ai tenté une première expérience qui n’a pas répondu à ce que j’en attendois. J’ai mêlé avec du miel une poudre bleue extrêmement fine : j’efperois qu’une partie de la poudre qui feroit conduite avec le miel, refteroit dans le chemin par lequel elle auroit paffè, & qu’elle le marqueroit. Mais quand je fuis venu à examiner ce chemin, je ne l’ai point trouvé coloré. Auffi ai-je remarqué que l’abeille n’avoit puifé dans le miel que ce qu’il y avoit de plus liquide; & il y a apparence quelle avoit fçu féparer celui dont elle s’étoit chargée, d’une poudre qui n’étoit pas à fon goût. . Sfij 324 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Mais au moins je me fuis parfaitement convaincu par un autre moyen, que le miel mis fur la trompe 6c lotis les étuis étoit conduit à la bouche, entre cette trompe 6c lés étuis. J’ai écarté les étuis de delfus la trompe d’une abeille que je tenois entre mes doigts, 6c je fuis parvenu à placer avec la pointe d’une épingle, une goutte de miel extrê¬ mement petite fur la trompe, dans un endroit où elle pou- voit par la fuite être couverte par les bouts de l’étui exté¬ rieur. J’ai enfuite laiffé les étuis en liberté,quelquefois ils fe font d’eux-mêmes remis en place, 6c quelquefois j’ai aidé à les y remettre. La goutte de miel qu’ils ont recouverte, n’eft jamais revenue vers le bout de la trompe ; elle a tou¬ jours été poulfée vers la bouche, 6c fans doute dans la bouche même. Quelquefois pourtant, ayant pris à delfein du miel qui avoit trop de conliftance, 6c qui étoit en malle foîidc, parce que je l’avois coloré, le grain que j’ai pofé fur la trompe, n’a pu être porté jufqua la bouche, par une partie que j’avois trop fatiguée. Mais alors même, j’ai vu ce miel grainé avancer vers la tête, je lui ai vû faire quelque chemin. J’ai encore mieux vû, 6c dans une circonflance où je ne clevois pas me prometre de le voir fi bien, que l’abeille conduit le miel à fa bouche en le failant palier tout du long de la partie fupérieure de la trompe. Plus d’une fois j’ai tenu à delfein une abeille dans un état allés violent ; mon doigt index prelfoit la tête contre mon pouce, 6c fobligeoit à allonger le bout de la trompe fur l’ongle de ce dernier doigt. Sur ce bout de trompe allongée, c’elL à-dire, fur la partie qui n’étoit pas couverte par les étuis, je mettoisdu miel. L’abeille, quoique fi mal à fon ailé, n’a pas lailfé de faire ce quelle fait lorfque plus libre elle fuccc du miel. La trompe s’elt donnée les mouvements nécelfaires pour faire palfer celui dont je l’avois mouillée des Insectes. F/. Mem. 325 fous les étuis, d’où apparemment il étoit conduit jufqu a la bouche. Il eff donc très-certain que lorfque l’abeille a du miel à la difpofition , elle le lcche, elle lape, s’ii elt permis de le fervir de ce terme, Sc que ce n’ell point du tout par le trou qu’on a cru au bout de la trompe, qu’elle le fait palfer. Si ce trou exiftoit, il feroit d’une petitelfe extrême. Sa petitelfe m’a fait naître le premier doute que j’ai eu fur l'on exiftence. Il ne me paroilloit pas poffîble qu’une grolfe goutte de miel, qui fouvent étoit bue fous mes yeux dans peu d’infants, eût pu en fi peu de temps palfer par une fi petite ouverture. Une preuve encore plus forte que ce trou n’exife point, m’a été fournie lorfque je prelfois une trompe vers l'on origine pour l’obliger ele fe gonfler *; j’y vovois arriver la liqueur * pi. 2 s.fjg. qui lui faifoit prendre plus de volume: mais j’ai eu beau prclfer la trompe, jamais je ne fuis parvenu à forcer de la liqueur à fortir par fon bout, quoique la preffîon ait fouvent mis la liqueur en état de produire lin déchire¬ ment dans les membranes, qui lui donnoit une ouver¬ ture par laquelle elle s’échappoit. Ne feroit-ce pas être trop timide, que de n’ofer alfürer que les abeilles n’ont pas une manière d’enlever le miel des fleurs, différente de celle dont elles enlèvent celui qui ef fur un tube de verre! Ce qu’il peut y avoir de different, c’ef que l’abeille qui fe trouve dans une fleur où il n’y a pas affes de miel épanché, employé peut-être les frottements de fli trompe velue, pour ouvrir les capfules qui le contien¬ nent. En pareil cas, elle peut bien auffi faire un ufage de fes dents femblable à celui qu’elle en fait lorfque les fommets des .étamines tiennent encore renfermées les pouffiéres quelle cherche; elle peut bien avec fes dents ouvrir les veffies qui ont de la liqueur miellée. Elle fçait Sf iij 326 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE s’en fervir quand il s’agit de hacher du papier qui couvre du miel ; & pourquoi ne s’en ferviroit-elle pas, quand il s’agit de déchirer les membranes qui forment des veffies pleines de miel, ou d’une liqueur propre à devenir miel l EXPLICATION DES FIGURES DU SIXIEME MEMOIRE. Planche XXV. La Figure 1 eft celle d’une abeille ordinaire, d’une ou¬ vrière. La Figure 2 fait voir de côté la partie antérieure de cette abeille extrêmement groflie, fa tête & fon corcelet. a, a, fes antennes, d, fes dents, t , la trompe, un de fes yeux àrezeau. Dans la Figure 3, on voit la tête, le corcelet, & partie du corps d’une abeille par-deflus. Ces parties quoique groflies, le font moins que dans la figure précédente. а, a, les antennes, y,y, les yeux à rezeau. ô b les petits yeux, c, le corcelet. La Figure q repréfente une antenne de l’abeille de la figure 1, vûe au microfcope. b, bafe de l’antenne, f, la partie frite en fufeau. c, bouton avec lequel un des bouts dufufeau cfi articulé. Depuis c jufqu’en a, eft la fuite des anneaux qui compofent le relie de l’antenne. Les Figures 5,6 & 7, font celles d’une des dents ou mâchoires d’une abeille ordinaire, obfervée au microfcope. Dans la figure 5, la dent eft vûe par-deffus. Dans la figure б, elle eft vûe par-deflous & de côté. Et dans la figure 7, elle eft vûe par-deffous & de face ; c’eft feulement dans celle-ci qu’on peut obferver l’arête ac, qui divile en deux fa cavité. DES I N S E C T E s. VI. Mem. 3 27 La Figure 8 montre en grand & par-defius deux dents d’abeilles, appliquées l’une contre l’autre, comme elles le font, l'oit dans leurs temps de repos, loit iorfqu’elles pref- fent quelque grain de cire, ou quelqu’autre petit corps. La Figure 9 eft la figure 8 vue par-delTous. L’ouverture o, qui refie de ce côté-là, entre les deux dents, eft remar¬ quable ; Ion contour efi bordé de poils. La F igure 1 o repréfente dans fa grandeur naturelle un mâle d’abeille', une de ces mouches appeliées afies com¬ munément bourdons, & que nous avons nommées faux- bourdons. Ce mâle a ici les ailes écartées du corps, comme il les a quand il vole. La Figure 1 1 fait voir par-derriére la tête d’un mâle d’abeille, très-gro/fie. y,y, fes yeux à rezeau qui fe tou¬ chent l’un l’autre fur la partie pofiérieure de la tête ; au lieu que les mêmes yeux de l’abeille ouvrière, figure 2 & 3 , lai (fient là un intervalle entr’eux. i, i, les petits yeux pôles plus près du devant de la tête que ne le font ceux des abeilles ordinaires, figure 3. a, a, les antennes. La Figure 1 2 montre la tête de la figure 1 1 par-clevant. Si prefque de fa ce. y, y, les yeux à rezeau. f un des petits yeux, d, d, les deux dents, t, la trompe. En comparant ces dents Si cette trompe avec les dents Si la trompe de la mouche ouvrière, figure 2, on voit que le faux-bourdon les a plus petites, quoiqu’il foit plus grand. La Figure 1 3 eft celle d’une antenne d’un faux-bourdon grofiie, mais dans une proportion qui n’eft pas la même que celle dans laquelle l’eft l’antenne de la mouche ordi¬ naire, figure 4. Il fuffit qu’on puifte remarquer que le fufeau f de la figure 13, eft beaucoup plus court pro¬ portionnellement que dans la figure 4, & que la partie de l’antenne du mâle qui vient après le bouton c, a dix an¬ neaux, au lieu que la même partie de l’antenne de l’abeille 328 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ouvrière n’en a que neuf. Swammerdam n’a pas été exact dans le compte qu’il a fait des parties dont lont compo- fées les antennes des différentes mouches; il en donne i 5 à celles des mouches ordinaires, & feulement 1 1 à celles du mâle, qui en ont plus que les autres. Il fait commencer chaque antenne par le fufeau. Le fufeau de chaque an¬ tenne d’une mcre abeille, efl à peu près aufïï long que celui des abeilles ordinaires ? mais par-delà le bouton qui s’affem- ble avec le fufeau, l’antenne des meres abeilles a, comme celle des mâles, dix anneaux. La Figure 14. repréfente une dent d’un faux-bourdon, groffie 6c vue par-défions. La Figure 1 5 efl celle de la partie antérieure d’une mere abeille vue de côté 6c groffie, mais elle ne l’efl pas autant que la partie antérieure de l’abeilie ordinaire, figure 2. La comparaifon de la figure 1y avec la figure 2, luftit pour apprendre que la forme de la tète des meres reflein- ble à celle delà tête des abeilles ordinaires, 6c nullement à celle de la tête des mâles ; on y voit affés que la trom¬ pe t, de la mere efl beaucoup plus petite que la trompe des abeilles ordinaires, f, un des fligmates pofiérieurs du corcelet. Le ftigmate antérieur qui efl du même côté, efl caché par la première jambe. Les Figures 16 6c 17 repréfentent une mere abeille; celle delà figure 16, a des efpéces de rayes rougeâtres, féparées par des rayes plus larges, 6c d’une couleur plus pâle, plus blancheâtre. La mere abeille de la figure 17 a à peu près par-tout la même teinte de brun. Elle efl une des plus petites meres. L’autre qui efl vue de côté, a le corps plus renflé, 6c efl une mere de la grandeur la plus ordinaire. La Figure 18 montre en grand 6c par-deffus une dent de mere abeille. La des Insectes. VL Mem. 329 La Figure 19 fait voir par-dcffousla dent de la figure 18. Dans la Figure 20, les deux dents d’une mere abeille Font pofées l’une contre l’autre, & engrainées, pour ainfi dire, l’une dans l’autre, comme elles le font ordinairement. Si on compare ces deux dents avec celles de la figure 8, on verra quelles différent beaucoup des dents des abeilles ouvrières. Planche XXVI. La Figure 1 repréfente une petite portion d’écaille enlevée du corcelet d’une abeille ordinaire, vue au mi- crofcope; elle fcmble couverte d’une infinité de petites plantes, dont les tiges font chargées de feuilles; ces petites plantes font les poils dont elle étoit couverte. Les Figures 2, 3 & 4., font celles de trois jambes d’une abeille ouvrière, vues par leur ftee extérieure, & groffies à la loupe. La jambe de la figure 2, en cfi une de la pre¬ mière paire; la jambe de la figure 3, en eff une de la fécondé paire; & la jambe de la figure4, en elf une de la troifiéme paire. Les mêmes lettres marquent fur ces trois jambes les mêmes divifions. a, la partie qui eft arti¬ culée avec le corcelet de la mouche, e f, la cuiffe. Dans la figure 4, la partie y, qui fuit la cuiffe, a été nommée la palette triangulaire; on voit qu’elley eft autrement faite que dans les figures 2 & 3 , qu’elle a un enfoncement, une gouttière ; au lieu que dans les figures 2 & 3 , la même partie eff arrondie: auffi cette partie a dans les jambes de la troifiéme paire, un ufage qu’elle n’a pas dans celles des autres paires, elle y eff delfinée à recevoir les pouffiéres des étamines, ou la cire brute, b, la partie que j’ai appellée la broffe, & qui eff beaucoup plus grande dans la jambe de la figure 4, que dans celles des deux autres figures. La broffe b, de la figure 3, quoique pius petite que celle de Tome V. . T t 330 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE la figure 4, cfi de même applatie. Mais la broffe de la figure 2,eft plus arrondie. q, les différentes articulations qui compofent le j)ied. c, c, deux grands crochets par lefquels le pied efi terminé, i, ï, figure q., deux autres cro- cliets plus petits. La Figure 5 efi deftinée à faire voir plus en grand & mieux qu’on ne le voit dans la figure q, renfoncement de la partie appellée palette triangulaire, & les poils dont elle efi entourée, f, un refle de la cuiffe. b, une portion de la broffe. p, la palette triangulaire. Les poils dont là cavité efi bordée, forment avec cette cavité une efpéce de corbeille; ceux qui font vers c.ff, fe contournent en s’élevant. La Figure 6 montre une jambe de la troifiéme paire par fa face intérieure; c’efi la jambe qui efi vue par fh face extérieure dans la figure 4. p, la palette triangulaire. b, la broffe formée par diverfes bandes de poils parallèles les unes aux autres, q, le pied. La Figure 7 repréfente la broffe b, de la figure précé¬ dente telle quelle paroît au microfcope, & le pied.p, un refie de la palette triangulaire, b, b, la broffe, dont les poils paroiffent ici forts & roides. On doit remarquer qu’ils font faits autrement que ceux qui rendent velues d’autres parties de l’abeille ; on n’a qu’à les comparer avec ceux de la figure 1, pour voir combien ils en différent, o, q, r,f, les différentes articulations du pied. c,c, les deux grands crochets. 1 , un des deux petits crochets. La Figure 8 efi celle d’une abeille qui retourne à fa ruebe chargée de fes deux pelottesde matière à cire p,p, les deux pelottes, dont chacune efi pofée fur la palette triangulaire d’une des jambes de la troifiéme paire. La Figure 9 fait voir une abeille dans le moment où elle frotte la broffe d’une de fes jambes pofiérieures contre des Insectes. 17 , Mem. 331 le bord extérieur de la palette triangulaire de l'autre jambe de la même paire, pour faire paiïer fur celle-ci les pouf fiéres dont les poils de la brolfe font chargés. Dans la Figure io, une abeille cfl reprélentée dans le moment, où avec une des jambes de la fécondé paire, elle tape fur la pelotte de cire brute qui elt fur la jambe de la troifiéme paire qui fe trouve du même côté, pour façonner cette pelotte, & pour approcher les uns des au-; très les petits grains dont elle eft formée. La Fig. 1 1 eft en grand celle d’une portion d’une jambe de la troifiéme paire d’une abeille, vue du côté intérieur, ou du côté oppofé à celui qui paroît dans la figure 8. f p, partie de la palette triangulaire, ggg, pelotte de cire brute, logée en partie dans la cavité de la palette. On voit beaucoup de poils collés contre la pelotte, & qui aident à la foûtenir. La Figure 12 repréfente en grand une portion cc, du corcelet d’une abeille, & une portion a, de fon corps; le corps &le corcelet y font inclinés de manière, l’un par rapport à l’autre, qu’on peut voir le filet charnu f par lequel pafie tout ce qui prend fa route par le corcelet pour fe rendre dans le corps, & par où repafte tout ce qui re¬ tourne du corps au corcelet, &. à la bouche, comme le miel & la cire, l'oit brute, foit parfaite. Le bout du cor¬ celet c, c, forme une convexité qui peut fe loger dans la concavité 0 o, qui eft à la partie antérieure du corps; quand la convexité de l’un eft entrée dans la concavité de l’autre, la partie antérieure du corps eft appliquée con¬ tre la partie poftérieure du corcelet, ellesne paroiflent plus jointes l’une à l’autre par un fimple filet. La Figure 13 montre par-deïïous & en grand, le corps d’une abeille ordinaire, c, c, partie du corcelet . f, jonction du corps au corcelet./, f, f, &c. z>Z> l, & c - bouts des T t ij 33^ Mémoires pour l’Histoire arcs qui forment la partie fupérieure des anneaux, Si qur fe recourbent fur les côtés, pour venir fe terminer du côté du ventre, Si y recouvrir les bouts des lames écail- leufes qui deffendent le ventre. La Figure 14 repréfente une portion du corps de l’a- beille vue du côté du ventre, & plus en grand que dans la figure précédente, f, f, bouts de deux des arcs qui for¬ ment la partie fupérieure de deux anneaux. I, l, deux des James écailleufes du ventre; elles ont été écartées l’une «le l’autre, afin qu’on pût voir non-feulement leur partie 4 qui eft brune Si écailleufe, Si la feule qui paroiffe dans la figure précédente, mais qu’on vît aufîî leur partie c, qui efl blanche, Si qui n’efî que membrancufe, Si au moyen de laquelle chaque lame effc attachée au-deffous de ia partie écailleufe de la lame qui la précédé. Planche XXVII. Toutes les Figures de cette Planche ont une grandeur qui furpaffe beaucoup celles qu’ont naturellement les par¬ ties quelles repréfentcnt. Les Figures r Si z font celles d’une tête d’abeille ordi¬ naire vue en-deffous Si de face, figure i ,Si vue en-deflous Si de côté figure 2. d,dj les dents. 1, la trompe. figure 2, un œil à rezeau. La Figure 3 fait voir par-deffus une tête d’abeille, dont la trompe efl allongée & portée en-devant, a, a, les an- tennes.jy,jy, les yeux à rezeau. 4 la levre fupérieure. J, J? les dents, ff les deux pièces qui enfembie forment le fourreau extérieur, le grand fourreau du deffus Si des côtés de la trompe, h, h, bouts des deux pièces qui com¬ posent le petit étui, celui des côtés, t, bout de la trompe. Les Figures 4 & 3 repréfêntent toutes deux la trompe vue par-deffus, mais de côté, figure 4, Si de face, figure 5. des Insectes. VI. Man. 3 3 3 f f les deux grands demi-étuis. En^ figure q, on vojt le côté de la trompe qui cft couvert par un des demi- fourreaux. h,h, les barbes des demi-étuis intérieurs. d,d, les dents. La Figure 6 montre une trompe coupée tranfverfale- ment enf f, à quelque dihance des dents d, d. Sur cette coupe, on voit comment chacun des demi fourreaux exté¬ rieurs f, vient couvrir un des côtés de la trompe, fans lé recourber vers le deffous. La Figure 7 nous préfente une trompe allongée, vue par-deflus, & de laquelle ont été écartés les demi-étuis extérieurs & les intérieurs, b, bouton par lequel la trompe eh terminée, b t, la partie antérieure de la trompe qui s’étend jufques un peu par-delà g, g, jufque vers/// car c’eft vers II, qu’elle peut être pliée en deux, comme elle l’eft dans les ligures 1 & 2. La partie t b, eh toute couverte de poils ; celle qui la fuit, l’eft aufîî jufque près de g, g. Mais une ligne droite paroît partager également en deux portions, les poils qui font depuis/', jufque près de g, g* L’origine de l’un & de l’autre demi étui intérieur eh près de g g . e,e, ces demi-étuis, b,h, efpécesde barbes compo- fées de trois à quatre articulations. Ces barbesfont ordinai¬ rement perpendiculaires à l’axe de la trompe. Au-deiïous de chaque g, eh une tache brune formée par une partie qui embrafle la trompe, & la fortifie./’/,/'/, les deux demi- étuis extérieurs, & les plus grands, qui ont une el'péce de coté fi, qui fait laféparation de la partie deftinée à cou¬ vrir le dehus de la trompe, & de celle qui l’eh à cou\ rir un des côtés, k, k, les tiges des demi-fourreaux précédents.. d, d, les dents. La Figure 8 fait voir par-dehous une trompe qui eh redrehèe lans être allongée, une trompe qui eh enve¬ loppée dans tous fes fourreaux, t, la partie antérieure de T t ii| 334 Mémoires pour l’Histoire la trompe, f f les demi-étuis extérieurs, //, h, les barbes des demi-étuis intérieurs./, la bafe de la partie poftérieure de la trompe, qui Te termine par un pivot q, aflemblé avec les deux petits leviers r,r, au fommet de l’angle qu’ils font enfembie. c , le trou d’où part le col de la mouche. La Figure 9 repréfente encore une trompe vûe par- deffous, mais qui elt portée loin en devant,& qui eh: hors de fon grand fourreau, comme elle le doit être alors, b , ie bouton qui termine la partie antérieure de la trompe, t , la trompe, h, h, barbes des demi-étuis intérieurs, e, e, ces demi-étuis, g g, pièces qui çmbraffent & fortifient la trompe, fi, fï, les deux demi-étuis extérieurs, fï, fï, y marquent en creux ce qui elt en relief, figure y. k,k, tiges des demi-étuis extérieurs. 0,0, filets tendineux par Jef- quels les tiges h, h, font attachées à leurs appuis, p, bafe de la trompe. n t'-tlc l'ifùft -lùur !tt.< cites Avn r ut 3 F’O J Afy ^ F i<) 3 w ,î- B Fu/ 6 11 /a />4/. ^7 4 // hu.x-tss Tan ' des Insectes. VIL Mem. 339 SEPT I E'AIE M EM 0 1 R E. DES AIGUILLONS DES ABEILLES, DE LEURS COMBATS, Et des différences remarquables entre les parties exté¬ rieures des abeilles ordinaires, if les parties exté¬ rieures des mâles if des meres. N O us n’avons rien à craindre des trompes des abeilles, par la defeription delquelles nous avons fini le Mé¬ moire précèdent ; elles ne font pas faites comme celles des coufins, & celles de divers inleétes, pour percer notre chair. Mais les abeilles ont le derrière armé d’un aiguillon plus redoutable que la trompe des coufins : la piquûre cfl fuivie de douleurs beaucoup plus vives que celles que le coufm nous fait fentir pendant qu’il boit notre fang. Audi cet aiguillon n’efl-il par rapport à nous, qu’une arme défenfive; il eft rare que les abeilles s’en fervent contre quelqu’un qui ne les inquiète pas. Fût-il defliné à nous faire plus de mal, fa ftruéîure n’en feroit pas moins digne d’être connue; dès qu’on la connoît, on eft forcé d’admirer l’appareil avec lequel il eft fait. Ce ne font pas feulement les abeilles ordinaires qui font pour¬ vues d’un aiguillon ; les abeilles de différents genres, comme les gros bourdons velus Si les bourdons liffts, beaucoup de très-petites efpéces d’abeilles folitaires , Si des mouches qui ne font pas de la claffe des abeilles, comme les frelons, & plu fleurs efpéces de guêpes, font toutes armées d’un aiguillon fait à peu près lur le même V u ij 340 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE modèle: Ainfi, en expliquant comment celui des abeilles efi compofé, nous ferons connoître la compofition de ceux de toutes ces autres mouches. Dans les temps ordinaires l’aiguillon des abeilles efi caché dans leur corps; mais dès qu’on en tient une par le corcelct entre deux doigts, elle ne tarde pas à faire iortir Pl.29.fig. le fien comme un trait, d’un peu au défions de l’anus *. Bientôt elle le frit rentrer, mais c’efi pour» le darder de nouveau & à bien des rept iles. Alors elle recourbe fon corps dans tous les fens & de toutes les façons qu’il lui efi pofîible; elle cherche à piquer les doigts qui la gênent. Mais pour voir plus confiamment cet aiguillon, & pour fe procurer le temps de le mieux obfcrver, il faut faifir le corps de la mouche, & le prefier près du derrière; on oblige ainfi l’aiguillon de fe montrer, & la preffion continuée ne permet pas aux parties defiinées à le rame¬ ner en arriére, de faire leurfonélion. Quand il commence * c,c. à paroître, il efi accompagne de deux corps blancs *, oblongs, arrondis par le bout, & dans chacun defquels une gouttière efl creulée. On juge aifément que ces deux pièces compofent cnfemble une efpéce de boîte, dans la¬ quelle l’inftrument délicat efi logé lorfqu’il efi dans le corps * Eig. 1. de la mouche *. Ainfi renfermé, aucune partie de l’inté¬ rieur ne lui peut nuire, & ce qu’il étoit auffi nécefiaire d’empêcher, il ne peut Méfier aucune partie. A mefure qu’il avance davantage hors du corps, les deux pièces qui lui fervoient de fourreau , s’en écartent, & quand il efi entièrement forti, elles fe trouvent l’une à droite & l’autre à gauche hors de l'on alignement. Quoique ce petit dard loit extrêmement délié, on J’ap- perçoit néantmoins à la vue fimple ; elle fuffit même pour faire juger que quelque fin qu’il l'oit, & fur-tout auprès de fon extrémité, il efi creux, & qu’il l’eft jul’qucs au des Insectes. VII. Mem. 3 41 bout de fa pointe ; car bientôt une gouttelette d’une liqueur extrêmement tranfparente paroît pofée fur le bout même de cette pointe. On voit cette pente goutte groffir de moment en moment. Enfin fi on l’emporte avec le doigt, une autre gouttelette reparaît bientôt dans la même place. On prévoit déjà le fatal ul'age auquel une liqueur li claire eft deftinée. On foupçonne fans doute que malgré là limpidité elle efi le poifon qui doit être porté dans la playe; & c’cfi ce que nous prouverons dans la fuite par les expériences les plus décifives. Mais il ne faut pas s’en tenir à regarder cet aiguillon avec les lêuls yeux ; fi on leur donne le fecours d’une loupe d’un court foyer, ils peuvent nous apprendre qu’il n’elt pas un infiniment aulfi fimple qu’il le paroidoit. Sa baie * efi folide, épaiffe & grade, lî on la compare avec la tige qu elle porte. A mefurc que cette bafe s’é¬ lève, elle devient plus menue ; elle efi un peu appla- tie, elle a moins de diamètre d’un côté à l’autre, que de devant en arriére. Dans l’endroit qu’on peut prendre pour fon terme, il y a une efpéce de talon * du côté du dos de la mouche : C’efi de là que part cette tige droite defiinée à faire des piquûres lî douloureules, qui n’efl: pourtant que le prolongement de cette partie que nous venons de nommer la baie. Le tout efi d’une même cou¬ leur, d’un châtain brun, & d’un luilànt qui fait connoître que cette piece efi de corne ou d’écaille. A mefure que la tige approche de fon extrémité, elle devient de plus en plus déliée, &. enfin elle fe termine par une pointe fine. Malgré la finede dont cette pointe avoit paru, il y a pourtant des circonfiances où elle femble monde. Nous venons de remarquer que fon bout eft percé, qu’il laifie fortir de la liqueur. De cette même pointe qu i avoit femblé Y u iij FI. zc). % 342 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE très-fine, on voit quelquefois s’élever une autre pointe, qui l’efl beaucoup davantage, & qui s’élève tantôt plus tantôt moins, & qui tantôt rentre entièrement dans celle d’où elle étoit fortie. C’eft alors fur-tout que la première pointe paraît moufle, parce qu’on conferve l’image recente de la ]>ointe plus fine qui a difparu. Dès lors on juge que ce corps fi délié qu’on avoit pris pour un aiguillon , n’eft que la gaine , le tuyau d’un autre aiguillon incomparablement plus fin. On n’a pas cepen¬ dant encore affés d’idée de la fineffe de ce dernier, quand on en juge par celle de l’étui dans lequel il eft contenu, car cet étui ne renferme pas un feul aiguillon, il en ren¬ ferme deux égaux & femblables. C’cft ce qu’il efi plus aifé de voir qu’on ne croirait ; il y a différentes manières d’y parvenir, que nous allons expliquer. Si on examine mieux que nous ne l’avons fait encore , ce corps que nous pre- * pi. 2$. fig. nions pour l’aiguillon *, & que nous fçavons n’être qu’un 3 - étui, on remarquera que fa circonférence efi arrondie & unie vers le dos & fur les côtés, mais qu’en deffous il a une elpéce de fente ou du moins une cannelûre qui va en ligne droite de fia bafe à la pointe. Une obfervation fimple & qu’on aura fouvent occafion de faire lorfqu’on étudiera les aiguillons, démontre que ce tuyau conique eff réellement fendu dans toute fa longueur. Cette oblèr- vation eft femblable à celle qui a prouvé ci-deffus que le bout de ce tuyau eft percé. Pendant qu’on le manie, il arrive quelquefois qu’on voit fuinter de la liqueur en dif¬ férents endroits de la rainure, tantôt plus & tantôt moins éloignés de la pointe, & quelquefois dans des endroits affés proches de la baie ; qu’on voit des gouttes s’y former. Quand on vient à examiner la bafe, & qu’enfuite on fe rappelle la figure, la nature & ladifpofition des pièces qui font jouer les deux feies dont font pourvues les mouches des Insectes. VIL Mem . 343 dont il a été parlé dans le troifiéme Mémoire , la ieuie infpection des pièces qu’on trouve à l’origine de 1 étui des abeilles, porte à croire ou au moins à foupçonner fortement, que celles-ci ont deux aiguillons comme les autres ont deux fcies. On y remarque aifément deux filets écaiileux *, dont l’un vient de la gauche & l’autre * pi. 29. de la droite en fe courbant, & qui arrivés à la bafe de l’étui 3 & 7 - è> & après y être devenus parallèles l’un à l’autre, parodient s’introduire dans l'on intérieur. On n’en relie pas au fimple foupçon, fi on tente de faire paffer une pointe très-fine *, * Fig- 4. telle que celle des petites épingles, ou des lancettes étroites faites pour des opérations de la nature de celle-ci, fous un de ces filets écailleux dans l’endroit où il paroît entrer dans l’étui ; on y parvient, & avec quelque patience on réuffit à foûlever & à dégager le filet qu’on attaque. Dès qu’on eft parvenu à faire palfer la pointe entre le filet & l’étui, fi on la conduit vers le bout de celui-ci, l’aiguillon fort de plus en plus, & ii fort tout entier, & achevé de fe dégager avant que la pointe de métal foit arrivée aux deux tiers de la longueur de l’étui *; c’eft par la couliffe, par * Fig, la fente de la face inférieure, qu’il fort. On peut de même Si avec plus de facilité encore parvenir à retirer le fécond filet. Enfin onnepeut les méconnoîtrepour des aiguillons, dès qu’on voit que depuis leur bafe juiques à leur extré¬ mité, ils diminuent degrofïèur pour finir par une pointe extrêmement fine, & qu’ils font de nature de corne ou d écaille. Il pourroit, cependant, refier encore quelque fcrupule par rapport à ces deux aiguillons; on pourroit craindre que la pointe fine qu’on a fait agir, n’eût détaché de chaque bord de la couliffe une fibre qui efi prifie enfuite pour ce quelle n’eft pas. Le vrai efi néanrmojns que la facilité avec laquelle chacun des filets efi léparé du refie, leur liife Si 344- Mémoires pour l’Histoire leur contour arrondi ne permettent guéres de les croire des fibres détachées du tronc. Mais il y a une manière de fc démontrer ces aiguillons, qui ievera tout fcrupule, fur-tout fi on cherche à obferver ceux des mouches qui en ont de plus gros que les abeilles ordinaires, comme ceux des bourdons Si ceux des frelons. En tenant le bout du ventre de la mouche preffé, on forcera l’inflrument defliné à faire de douloureufes bleflures, à refier en de¬ hors. Alors on le coupera tranfverfalement vers le milieu * Pi. de fa longueur *. On détachera ainfi du refie & on fera tomber une de fes moitiés : Qu’on examine alors le bout de l’autre moitié, avec une loupe de 4a 5 lignes de foyer, on y diflinguera les coupes circulaires de deux petits *e,g. corps * pôles à côté l’un de l’autre dans un canal qui a une fente tout du long d’une de fes faces. Ces deux petits corps dont on voit les bouts, font les deux aiguillons tron¬ qués ; mais comme ils l’ont été dans un endroit où leur dia¬ mètre furpaffe celui des environs de leur pointe, il efîplus ailé de s’affurer de ce qu’ils font, qu’il ne l’efl quand la pointe de l’un ou celle de l’autre fort par le bout de l’étui. Diverfes circonflances peuvent aider encore à rendre les deux aiguillons fenfibles : Si on manie, fi on preffe cil différents fens la bafe de l’étui , on contraint tantôt les deux aiguillons d’avancer également par-delà le bout de * Fig. 7. dd. l’étui *, tantôt on n’en oblige qu’un à avancer * pendant * Fig. 6 .d. que l’autre refîe en place. Quelquefois on les voit tous deux excéder le bout de l’étui, mais l’un 1 excède plus que l’autre; tantôt on les fait defcendre tous deux, tantôt on 11’en fait defcendre qu’un féul au-defïous du bout de l’étui. Enfin non-feulement on les voit alors diffinéfe- ment tous deux, mais on voit comment ils peuvent agir, foit enfemble loit féparement; qu’un des deux peut être porté en avant pendant que l’autre refle en arriére ; qu’ils peuvent • des Insectes. VII. Mem. 345 peuvent agir alternativement, & c’eft probablement de la forte que la mouche les met pour l’ordinaire en acflion. On voit aufti qu’ils peuvent être pou fies tous deux à la fois & également en avant, & retirés en arriére. Pour découvrir certaines parties, même dans les grands animaux, il y a des temps à choifir : on ne réuffiroit pas à voir les veines laélées d’un animal qu’on n'ouvrirait que plu fieurs heures après que ladigeftion ferait faite;mais elles paraîtront bien diftinétes dans l’animal dont la digeflion ne fera qu’à peine finie. Il y a de même un temps où l’on peut parvenir à voir les deux aiguillons des mouches dans leur entier Si très-diftinéïement. Ce temps favorable eft celui où la mouche eft encore cachée fous les enveloppes de nymphe. Nous avons dit ailleurs que dans un temps femblable on découvre plus aifément que la trompe du papillon eft compofée de deux pièces égales, engrainées l’une dans l’autre, qu’on ne le découvre dans le papillon parfait. Dans la mouche qui eft encore nymphe, l’étui des aiguillons eft ouvert, il n’eft prefque alors qu’une lame platte, dont chaque côté a un rebord, ou, i 1 l’on veut, une lamecanncllée dans toute fa longueur. Quand cette lame fe roule, quand elle prend la figure conique quelle a dans la mouche parfaite , elle renferme Si cache les deux aiguillons ; mais quand la lame eft platte , les deux aiguillons font couchés l’un à côté de l’autre dans une coulifleoù il n’y a que leur petiteflè quipuifte les dérober à la vue. Mais j’ai eu des nymphes où iis ne- toient pas fi petits que la vûe fimple ne pût les diftin- guer *. Les nymphes dont je veux parler, font celles * PI. 29. fig. d’une efpéce de frêlons de S.‘ Dominique, qui furpalfe I0 * beaucoup en grofteur l’efpéce de frêlons que nous avons dans ce pays. Elles avoient été envoyées dans l’eau- de-vie, dans laquelle leurs parties intérieures s’étoient Tome V. . Xx 346 Mémoires pour l’Histoire# bien confervées clans leur figure & leur pofition natu¬ relles. Au refie, tous les bons obfervateurs qui ont examiné ce qu’on appelle communément l’aiguillon des abeilles, ont reconnu que ce corps, qui nous paroît fi déiié& fi fin, n’efl que l’étui de deux aiguillons fèmblables. Leeuwen- hoek, Swammerdam, Hook & Malpighi le premier, les ont décrits & en ont fait graver des figures. Lorfque j’ai donné dans les Mémoires de l’Académie de 1719. l’Hif- toire des Guêpes, j’ai parlé de leur aiguillon en homme qui n’avoit pas affés profité des obfervations de ces Sça- vans, & qui n’avoit pas affés cherché à s’inflruire par lés propres yeux. Trop occupé & trop fatisfàit peut-être de quantité de faits finguliers que ces mouches m’avoient fournis, je négligeai de rechercher autant que je l’aurois dû, les merveilles qui fe trouvent dans la compofition d’un infiniment redoutable pour nous. J’ai voulu réparer ici cette négligence, en détaillant les différentes manières dont ceux qui feront curieux de s’affurer de la réalité des deux aiguillons, pourront s’en convaincre. Près de leur pointe ils ont chacun fur un de leurs cô- fig. tés * des dentelures fines & dont la partie la plus large eft tournée vers la bafe. Ces dentelures qui ne permettent pas aux aiguillons defortir des chairs où ils ont été introduits, fans fouffrir beaucoup de frottement, font caufe fans doute que les abeilles les laiffent fouvent & leur étui dans les piquûres qu’elles ont faites, & dont on les oblige de s’éloigner plus vite qu’il ne leur conviendroit. D’ailleurs on voit bien que ces dentelures font utiles pour faire pénétrer les aiguillons dans la chair. Celui qui vient d y être enfoncé, s’y maintient & devient un appui pour celui qui efl refié en arriére, & qui doit, dans l’inflant fuivant, aller plus loin que l’autre. des Insectes. VIL AI cm. 347 Un gros frelon de fille de Cayenne, dont j’ai parlé ci- deflus, a non-feulement des dentelures à chacun de les aiguillons *, l’étui même des aiguillons eft dentelé * ; fur * PI. 29.% chacun des deux côtés oppolés il a une file de dix ou douze grolfes & fortes dents. On en peut compter quinze à leize fur chacun des aiguillons des mouches à miel ; mais pour les pouvoir compter, c’efi-à-dire pour les voir difiinélement , il faut les chercher avec un micro- Icope qui grolliife beaucoup, & les y placer dans une poûtion favorable ; car il arrive fouvent que les faces qui lbnt en vue, font celles qui font iilfes, & alors on cft tenté de croire que l’aiguillon qu’on examine n’a point de ces illégalités qui lui lbnt nécefiaires. Lorfque nous avons cherché à nous afiùrer de l’exif- tcnce des deux aiguillons, nous avons déjà vû d’avance qu’ils ont chacun leur bafe particulière en dehors de l’étui, & qu’elle efi courbe. Celle de l’un fe contourne vers la droite*, & celle de l’autre vers la gauche*. L’endroit où * Fig. 7. e. chacune d’elles va s’infercr, n’efi pas difficile à découvrir. * 3 - Quand 011 ouvre le ventre d’une abeille, on trouve de chaque côté près de l’origine de l’étui, une plaque dont la furface efi affés confidérable ; elle a de la folidité , on peut la manier fans la brifer. Elle efi compofée de trois pièces cartilagineufes *, réunies enlemble par une mena- * Fig. 4& brane flexible, mais qui a beaucoup de conlifiance. De 7 "" h n> c ’* ces trois pièces, dont il efi inutile de bien décrire les con¬ tours, celle du milieu efi la plus allongée & la plus étroite. C’efl à celle-ci & à la première que fe réunit la bafe d’un des aiguillons *, qui tient à l’une .& à l’autre par deux * r ,q. petits pédicules. De-là il efi ailé de juger que chaque aiguillon a des appuis folides contre la plaque à laquelle il efi attaché, &que la plaque efi faite pour le faire jouer; qu’elle efi pourvûe de tous les mufcles néceffaires pour Xx ij 348 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ic pouffer en dehors du corps & le retirer en dedans. Ce n’ed pas affés à !a mouche de pouvoir faire pénétrer dans les chairs l'es aiguillons & leur étui ; elle ne manque jamais cl’empoifonner la blefiure quelle fait. Nous avons déjà vu que le poifon quelle y verfe, 11’ed pas un noir poi- ion , qu’il elt une liqueur extrêmement tranfparente ; mais il nous rede à faire connoître le refervoir qui la fournit. Quand on a ouvert le ventre de la mouche, on parvient facilement à le trouver en piacc , parce qu’il ed précifé- ment dans celle où il ed naturel de le croire & de le cher¬ cher. Un peu par-delà la bafe de letui, vis-à-vis le mi¬ lieu de i’efpace que lai dent dans le ventre les deux aiguil- * PI. iç.fig. } ons en s’éloignant l’un de l’autre, ed une veffie* remar¬ quable par fa tranfparence, & que fa tranfparencefùt juger pleine d’une liqueur très-claire. Elle ed encore remarqua¬ ble par là folidité; car fi on la détache, on peut la manier, lui faire changer de figure jufques à un certain point, en la preffant doucement entre deux doigts, & cela lans la crever. Dans Ion état naturel eHe ed oblongue comme une olive. Son plus grand diamètre ed pofé dans le fens delà longueur du corps. On ne fçauroit la méconnoître pour ce qu’elle ed, dès qu’on s’ed affûré quelle ed pleine de liqueur, & qu’on obfervequ’elle le termine par uneefpéce * r • de vaiffeau *, qui le dirige entre les deux aiguillons, & qui entre dans leur étui. Swammerdam croit avoir vil que le bout de ce vaiffeau le réunit à letui un peu par-delà fon plus grand rendement ; mais ce qui ed incontedable, c’eft que ce vaiffeau ed le canal qui conduit la matière véni- meufe du refervoir dans letui des aiguillons. * f,f. De l’autre bout de ce refervoir part un autre vaiffeau *; Swammerdam adurequ’à une certaine didance ce vaiffeau fedivife en deux. Il 11’ed pas ailé de l’avoir dans toute là longueur; maisj’cn ai eu de beaucoup plus longsqueceux des Insectes. VIL Metn. 3 4.9 que ce célébré Auteur a fait repréfenter. Il croit que les deux branches formées par la divilion de la tige principale, font des vai fléaux aveugles. Je ferois plus difpofé à penfer quelles s’inferent quelque part dans le canal des aliments ou dans quelque partie où fe fait la fécretion d'une liqueur qui dl apportée au grand refervoir. Ce refervoir efi peut- être pour les abeilles ce qu’eft la vefficule du fiel pour les grands animaux. Je veux dire feulement quelœconomie anifnale des abeilles demande qu’une certaine liqueur foit féparée de leur fan g par fécretion; & que cette liqueur, qui efi conduite dans une veffie, eft celle que la nature a accordée à ces mouches pour les rendre plus redou¬ tables à leurs ennemis. Malgré ce que l’examen que nous avons fait de l’infiru- ment dont les abeilles font pourvues, nous a appris de fa compofition, pour nous exprimer plus brièvement & plus conformement au langage reçu, nous en parlerons dans la fuite comme d’un infiniment fimple, nous continuerons de donner le nom d’aiguillon à cet affemblagede plufieurs pièces; il n’y aura nul équivoque à en craindre, parce que ce fera ordinairement au pluriel que nous parlerons des aiguillons renfermés dans 1 étui, & que quand nous en dé- fignerons un feul, il fera caraétérilé par quelque épithéte ou par des circonfiancesqui ne fçauroient permettre qu’on le méprenne. Nous dirons donc que quand une abeille irritée a piqué Ion aiguillon dans notre chair ou dans quelque corps qui lui a été préfénté, comme dans un gand, fi on la preffe de partir, elle l’y laiffe; mais elle ne l’y laiffe pas feul, la plupart de fes dépendances y refient attachées, comme les plaques cartilagineufes, la veffie à venin, St beaucoup de parties mufculeufes. La blefîure qu’elle a voulu faire , lui coûte citer, plus cher que ne coûteroit à un homme le coup de poing qui lui feroit perdre fur 350 Mémoires pour l’Histoire ie champ tout le bras, ou le coup de pied qui lui feroit perdre la cuiffe. La bleffure quelle s’eh faite à elle-même, eh une terrible & mortelle bleffure, à laquelle elle ne fçau- roit furvivre long-temps. Après que cet aiguillon avec les dépendances a été arraché & entièrement léparé du ventre de l’abeille, il femble encore animé du défir de la venger; au moins comme s’il l’étoit, il travaille à rendre plus pro¬ fonde la bleffure qu’il a faite & dans laquelle il eh rehé. Sa bafe continue à fe donner des mouvements, elle s’in¬ cline alternativement dans des fens contraires. Lesmuf- cles dehinés à faire pénétrer l’aiguillon dans les chairs ou dans d’autres corps qui n’ont qu’un médiocre degré de dureté, font refiés adhérents à cette bafe, & ils continuent leur jeu, comme les mufclesde la queue d’un lézard con¬ tinuent le leur après que cette queue a été coupée, & même coupée en morceaux. Une des meilleures manières de bien voir la longueur * PI. 29. fig. des vaiffeaux * qui portent le venin à la veffie , c’eft de faihr 7 -ff' l’abeille pendant quelle pique , ou , ce qui eh encore plus facile, c’eh d’offrir à une abeille qu’on tient de manière à n’avoir rien à en craindre, un morceau de peau épaiffe & fouple , un morceau de chamois par exemple. Elle croit fe venger de celui qui lui fait violence, en enfonçant fon aiguillon dans le cuir. Quand elle l’y a bien engagé, qu’on la retire brufquement, mais qu’on ne l’en éloigne que de quelques lignes. L’aiguillon & fes dépendances reheront dans le chamois, & on pourra voir au bout-pohérieur delà mouche, un filet blanc qui va aboutir à la veffie à venin. Qu’on éloigne cette abeille de plus en plus, mais douce¬ ment, de l’endroit dans lequel l’aiguillon eh demeuré, le filet dont nous venons de parler continuera de fortir du corps, Si on parviendra aifément à l’avoir long de 2 à 3 pouces. D’où il fuit que ce filet, ouplûtôt ce vaiffeau, fait des ï N s E c T E s. VL Mem . 3 51 plufieurs contours dans le corps de l’abeille,qu’il y ell replié bien des fois; mais étant aulfi délié qu’il l’eft, il ell très-diffi¬ cile de voir où il le termine, 6c je n’y fuis pas parvenu. Une oblervation qu’on doit faire alors , c’elt que les deux plaques cartilagineulès*font parallèles l’une à i'autre, * PI. 29. fig. quelles femblent tendre à s’appliquer l’une fur l’autre, 6c 7 - mn °; mno ' quelles ne font féparées que par la veffie à venin, qui ell prefque vuide. De-là il ell allés naturel defoupçonner que l’unique ufage de ces deux plaques n’elt pas de fervir d’ap¬ pui aux deux aiguillons, 6c de les faire jouer, qu’elles fervent en s’approchant l’une de l’autre, à prefler la veffie, à obliger Ion venin de couler dans le canal qui la porte dans l’étui ; 6c que les deux aiguillons en mouvement conduifent cette liqueur jufques au bout de l’étui, qu’ils la font fortir par cette ouverture, qui leur permetà eux-mêmes de paroître en dehors. Quand les deux aiguillons ne feroient qu’à peu près coniques, comme nous l’avons lailfé imaginer, ils nefçauroient remplir l’étui conique dans lequel ils font pofés à côté l’un de l’autre, il y refteroit un vuide capable de recevoir la liqueur venimeufe qui y ell dardée ; mais Swammerdam a cru voir qu’ils font applatis l’un 6c l’autre par le côté par lequel ils fe touchent ; que tout du long du milieu du même côté régné une gouttière, 6c que les gouttières des deux aiguillons appliquées l’une contre l’autre forment un canal qui reçoit 6c conduit la liqueur venimeufe au bout de l’étui. Je n’ai pû voir ni le côté ap- plati de chaque aiguillon, ni la gouttière que Swammer¬ dam prétend y être : peut-être ell-ce faute d’être parvenu à obferver un aiguillon dans une pofition favorable. Il y a des circonllances où l’on voit la liqueur s’échapper par la fente qui ell tout du long du milieu de la face inférieure de l’étui, 6c il femble qu’elle ne devroit jamais fortir que par l’ouverture du bout, s’il y avoit un canal deltiné à h 352 Mémoires pour l’Histoire contenir. Elie s’échappe par la longue fente toutes les fois qu’on preffe affés l’étui auprès de fa bafe, pour obliger cette fente à devenir plus large. Dans d’autres temps cette longue ouverture efl bouchée par les aiguil¬ lons mêmes. La liqueur ne coule pas fimplement dans le conduit, elle y eft comme dardée, elle l’eft au moins par des mouches de certaines efpéces. J’ai rapporté ail¬ leurs * que pendant que je tenois entre deux doigts un très- gros frelon , je vis fortir du bout de fon aiguillon un jet de liqueur qui fut pouffé à une diflance de plufieurs pouces. Au refte il y a grande apparence que les aiguillons n’ont pas fimplement la figure arrondie fous laquelle nous les avons fait repréfenter, & qu’ils ne font pas contenus dans leur étui comme des plumes le font dans une écri- toire; il y a grande apparence, dis-je, qu’ils y font affem- blés à couliffe&à languette, d’une manière analogue à celle dont nous avons vu que les limes de la cigale font af- femblées avec leur fupport. D’autres infeéles nous donne¬ ront encore d’autres exemples de cet affemblage, employé pour maintenir pendant leur jeu, des pièces qui doivent alternativement être pouffées en avant, & retirées en arrié¬ re: mais des couliffes qui feroient taillées dans les aiguil¬ lons des abeilles, ou des languettes qui y feroient ménagées, pourroient bien nous échapper par leur extrême petiteffe. Nous avons fuppofé jufques ici que c’eft une liqueur très-limpide qui rend fi douloureufes des bleffures qui autrement feroient à peine fenties ; il eft temps de le prouver ou plutôt de le démontrer par une expérience très-fimple. Je l’ai faite d’abord fur moi-même, & quel¬ ques-uns de nos Académiciens & d’autres amateurs de la Phyfique, ont voulu depuis que je la repetaffe fur eux. Avec une épingle très-fine, je me fuis fait deux pi- quûres à un doigt, proches l’une de l’autre. Avant que de des Insectes. VIL Mem. 353 me les faire, j’avois eu foin de me munir d’une mouche à aiguillon; dès que je me fus piqué, je prefïai le ventre de la mouche, j’obligeai l’aiguiilon de fe montrer, & je pris une petite goutte de la liqueur qui s’étoit ralfemblée à fou bout, avec la pointe de mon épingle. Alors je fis entrer une fécondé fois cette pointe dans une des bleffures quellem’avoit faites, où je ne la tins qu'un inftant; ç’en fut ailes pour quelle y laiffàt du venin. Il n’y fut pas plutôt introduit, que je fentis une douleur femblable à celle qu’011 lent après avoir été piqué par une mouche à miel. Au relie, la douleur de la playe où l’épingle a porté de l’irritation, eft, comme celle des piquûres d’abeilles, plus aigue ou plus modérée, félon la quantité de liqueur veni- meufie dont la playe a été mouillée; & peut-être encore félon l’état de la playe, c’ell-à-dire, lclon la grandeur des vailfeaux qui ont été ouverts, & félon le plus ou moins de fenfibilité des filets nerveux qui ont été attaqués. Je répé¬ tai un jour cette expérience fur un de nos Académiciens qui doutoit de fon effet, ou au moins du degré de l'on effet. Pour le mieux convaincre, je n’épargnai pas la li¬ queur. Je fis entrer dans la piquûre une grolfe goutte que j’avois prife au bout de l’aiguillon d’un bourdon velu. L’épreuve fut bientôt plus forte qu’il ne l’eût voulu ; quoique très-courageux, il ne put lentir la douleur cui- l'ante de fa petite playe, fans beaucoup piétiner, & fans peller contre l’expérience. Le relie d’ailleurs égal, il y a des temps où les piquûres des abeilles font plus lenfibles que dans d’autres. Celles qui font frites en hyvcr par des mouches prefque engour¬ dies de froid, ne font pas à beaucoup près aulfi doulou- retifes, ni douloureufes pendant un temps fi long, que celles qui font faites dans des jours chauds d’été, & elles ne font pas fuivies d’autant d’accidents. La liqueur peut Tome V . Y y 354 Mémoires pour l’Histoire cire plus exaltée, plus fpiritueufe en etc qu’en hyver. D’ailleurs la mouche n’en a peut-être pas une aufïi grande provifion en hyver, ou elle n’a pas affés de force pour en faire fortir autant. J’ai rapporté dans l’Hiftoire des * Mémoires Guêpes *, une expérience qui fait voir que plus la quan- tité de liqueur que la mouche a à verfer, eft grande, 6 c 22 . 6 . " plus la piquûre eft fenfible; 6c qui prouve en même temps que la quantité qui eft dans le refervoir, peut être bientôt épuifëe. J’y ai dit, qu’ayant été piqué un jour par une guêpe, je crus qu’il valloit autant prendre fon mal de bonne grâce, je la laiffai achever de me piquer tout à fon aife : en pareille circonftance, la mouche retire de la playe fon aiguillon fain 6c entier. Quand elle eut elle-même retiré le fien, je la pris, 6c en l’irritant, je la pofai fur la main d’un domeftique aguerri, qui n’étoit pas à une pi¬ quûre près. Celle qui lui fut faite, fut peu douloureufe. Je repris la guêpe, & je me fis piquer moi-même une féconde fois. A peine fentis-je cette dernière piquûre; la liqueur venimeulè avoit été prefque épuifée dans les deux pre¬ mières. Enfin, j’eus beau irriter la guêpe, elle ne voulut pas piquer une quatrième fois. La quantité de liqueur venimeufte qu’on peut prendre avec la pointe d’une épingle au bout de l’aiguillon d’une abeille, eft fi peu confidérable, qu’on nedoit point croire qu’il y ait du rifque à l’appliquer fur fa langue, 6 c on doit être curieux de fçavoir l’effet qu’elle y produit, d’en connoître le goût. C’eft une expérience que Swammer- dam a faite avant moi, 6 c que j’ai répétée plufieurs fois, 6 c fiit répéter à diverfes perfonnes. Sur l’endroit de la lan¬ gue qui eft touche par ce peu de liqueur, on fent d’a¬ bord un goût douceâtre qui femble tenir un peu de celui du miel ; mais bientôt ce doux devient âcre & brûlant. Qn fent une impreffion de chaleur analogue à l’impreffion des Insectes. VIL Mem. 355 qu’y feroit le lue laiteux du titimale. L’endroit de ma langue ou la petite gouttelette avoit été appliquée, eft quelquefois relié pendant plufieurs heures, comme s il eut été légèrement brûlé. Quelquefois ma langue a été limpiement un peu échauffée. La liqueur que Swam- merdam a goûtée, a produit plus d'eftet, elle a mis fa bouche plus en feu. Mais l’effet doit être plus grand félon la quantité de liqueur qu’on aura prife, & peut-être encore, comme nous venons de le dire, félon le temps dans lequel on l’aura prife. Une liqueur qui femble brû¬ ler la langue, qui y fait naître au moins de la chaleur, eft très-capable de eau fer des douleurs cuifantes dans des libres qui viennent d’être bi ffées. Des liqueurs plus douces étant introduites dans des playes nouvellement faites, y peuvent produire des irritations douloureules. Après m'ê¬ tre fait deux petites bleffures avec une épingle, j’ai quel¬ quefois introduit dans l’une la pointe de la même épingle mouillée de miel ;& fur le champ la piquure eft devenue douloureufe, bien moins pourtant que fi la pointe de l’é- pingle y eut porté de la liqueur venimeufe. Il n’eft pas au refte, aifé de faire des expériences propres à nous découvrir la nature de cette liqueur. Quelquefois j’ai effuyé le bout d’un aiguillon où il y en avoit une goutte avec du papier bleu ; l’endroit qui en a été mouillé n’a point rougi : ainft cette liqueur n’eft point acide, ou elle n’a pas un acide actuellement développé. Nous fçavons que l’œconomie animale demande qu’il fe faffe des lecrétions dans le corps des grands animaux. Et nous avons déjà fait remarquer, que comme la le- crétion de la bile lé fait dans ceux-ci, de même il fe fait dans les abeilles celle de la liqueur qui remplit la veiïie qui eft à la bafede l’aiguillon. Cette liqueur devoit être feparée de celles qui circulent dans les vaifteaux de 356 Mémoires pour l’Histoire l’infecte, & elle a apparemment, comme la bile, des ufages ; peut-être aide-t-elle à faire faire dans lesinteflins de la mouche, des digeftions dont nous parlerons dans la fuite. Les animaux de toutes efpéces n’auroient pas à fe plain¬ dre de la liqueur venimeufe que l’aiguillon des abeilles in¬ troduit quelquefois dans leurs chairs, s’il étoit vrai, comme Pline la raconté, que l’ours devenu trop gras, va à deflein irriter des abeilles logées dans un tronc d’arbre, < 3 : qu’il fe fait faire une infinité de piquures, fur-tout à fon muleau, qui lui font falutaires. Il feroit bien étrange que la nature eût appris à l’ours à avoir recours à un tel remede; que pour rétablir fafanté, il fût obligé de fe faire faire un grand nombre de petites blelfures capables de faire périr dans des douleurs cuifantes tout autre animal. Selon les apparences, il n’y en a aucun, fans en excepter l’ours, auquel un tel venin ne faffe quelque mal. Il peut pourtant y avoir du plus ou du moins. Peut-être agit-il plus foiblement fur les animaux de certaines efpéces, que iiir ceux des autres. Entre les hommes il y en a pour qui ces fortes de piquûres ne font rien en comparaifon de ce qu’elles font pour d’autres hommes. J’ai eu un domefli- que qui n’en tenoit prefque aucun compte. En quelque endroit qu’il eût été piqué, cet endroit ne s’élevoitprelque point, les environs delà piquûre ne s’enfîoient pas, comme fe fulfent enflés les environs d’une femblable piquûre faite à d’autres. J’eus occafion de vérifier ce fait en éprouvant un remede que feu M.du Fay avoit foupçonné bon, & qu’il croyoit avoir expérimenté avec fuccès. Ayant été piqué par une abeille, il penfa à effayer l’effet de l’huile d’olive mife fur fa piquûre. Des expériences faites en Angleterre, l’avoient conduit à cet eflai. Elles ont paru prouver que cette huile efl capable d’arrêter les effets funefles d’un venin bien autrement puiffant que celui des abeilles. On des Insectes. VIL Mem. 357 a prétendu qu’un homme bravoit les morfures des vipères au moyen de l’huile d’olive qu’il appliquoit fur celles qui lui avoient été faites. M. du Fay ayant été piqué au nez par une abeille, voulut éprouver ce que pourroit l’huile d’olive en pareil cas. Dès que l’huile eut été étendue fur fa petite bleflure, la douleur fut appaifée, elle ne revint point, 6c il 11e parut aucune élévation. 11 me raconta ce fait, fçaehant que j’avois plus d’occafions que perfonne de répéter l’expérience du nouveau remede. Dans des cas fembiables, j’avois déjà éprouvé l’effet de l'huile d’aman¬ de douce, 6c le luccès que cette huile avoit eu, ne devoit pas me difpofer à bien augurer de celui de l’huile d’olive. Cependant je fus tenté au bout de quelques jours, de lui donner plus de confiance. Un de mes domeftiques fut aufiï piqué au nez, j’étois préfent, 6c je ne tardai pas à humeéler fa piquûre d’huile d’olive ; il parut s’en trou¬ ver très-bien; il m’aflura qu’il nefentoit plus de douleur, 6 c fon nez ne devint aucunement enflé. Dès le lendemain, je fis une opération qui demandoit que j’euffe plu fleurs perfonnes à m’aider, 6c une de ces opérations, dont on ne fe tire guéres fans être piqué. Elle me parut très-fivo- rable pour répéter les épreuves de l’huile d’olive. Après avoir retiré l’aiguillon d’une piquûre qui fut frite à mon cuifinier, fur le front6c prefque entre les deux yeux, je la frottai d’huile d’olive; il fe crut foulagé, mais s’il reçut un foulagement, il ne fut que paffager. Au bout d’un quart d’heure, à peine pouvoit- il entr’ouvrir les yeux. L’en¬ flure qui avoit gagné l’une6cl’autre paupière, les tenoit toutes deux abbaiflees. Je fus moi-même piqué cinq fois tant aux doigts qu’aux bras. Je n’épargnai pas l’applica- tion de l’huile d’olive, 6c malgré l’huile, mes doigts, ma main 6c mon bras s’enflérent 6c relièrent douloureux. L’huile n’eut pas un autre luccèspar rapport aux piquûres Y y iq 358 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de quelques autres perfonnes fur lefquelles elle fut éten¬ due. Pourquoi avoit-elle donc li bien réuffi ou paru fi bien réuffir fur le domeftique fur lequel je l’éprouvai d’abord î J’eus l’après-midi un très-bon éclairciflement à cette difficulté. Dans l’après-midi, ce même domeffique fut piqué par plus de douze abeilles différentes, aux doigts, aux mains, aux bras, fans qu’il s’en plaignît, & fans qu’il parût s’en cmbarraffer le moins du monde, & auffi fans qu’aucune des piquures produisît d’enflure fenfible. J’ai connu à la campagne, des gens qui nedaignoient pas cou¬ vrir d’un gand la main avec laquelle ils alloient couper des gâteaux dans l’intérieur d’une ruche, quoiqu’ils fçuffent quelle feroit piquée plus d’une fois. Ces piquûres extrê¬ mement douloureufes pour les autres hommes, étoient fi peu de chofepour eux, qu’elles ne leur paroiffoient pas valoir la peine qu’ils fe gênaffent la main, qu’ils la ren- diffent moins libre par un gand. Il n’y a peut-être que trop de remedes qui ne doivent leur réputation qu’à quelque cas femblable au premier où nous avons employé l’huile d’olive; que parce qu’ils ont été donnés dans des circonftances où ils étoient inutiles pour guérir le mal. Outre l'huile, j’ai éprouvé contre le venin des abeilles, beaucoup de jus de différentes plantes qui nous ont été indiquées par différents Auteurs. J’ai éprouvé l’urine,qui eff beaucoup vantée; j’ai éprouvé le vinaigre, &c. & je n’ai rien tenté qui ne m’ait paru avoir dans quelques circonftances, des fuccès qui ont été dé¬ mentis par la fuite. Ce qui même eff trop pour le rcmede qu’on voudroit préférer, c’eff qu’il n’y en a aucun qui, dans i’inftant où il a été appliqué, n’ait diminué ou ap- paifé la douleur. L’eau feule a fouvent produit cet effet ; la douleur revient après, & l’endroit piqué & les parties qui en font voifines, s’enflent plus ou moins félon le des Insectes. VIL Mem. 359 tempérament de la perfonne, & peut-être félon les clii- pofitions adhielles de fon intérieur ; & enfin, félon les fibres des nerfs ou des vaiffeaux qui ont été blefTés. Ce qu’il y a de certain, c’eft qu’il 11e faut jamais manquer doter l’aiguillon de la playe dans laquelle il a été laiffé. Le perfil pilé m’a femblé avoir mieux réuffi que tout ce que j’ai employé ; cependant j’ai fi peu d’opinion de ce remede, que quoique je fois de ceux à qui les piquûres font très-cuilantes, & quoique les miennes foi eut ordi¬ nairement fuivies d’enflüre, je ne daigne plus y avoir recours. Mais on demanderapeut-être de quelle néceffité il étoit que les abeilles fuffent pourvues, pour nous piquer, d’un aiguillon compolé avec tant d’art î C’eft que cet aiguillon qui nous pique quelquefois, ne leur a pas été donné pré- cifément pour nous piquer. Elles ont des ennemis, contre iefquels il faut quelles fe puiffent deffendre. Il y a plus, des mouches plusgrofies quelles ne font, & fur lefquelles elles doivent cependant avoir la fupériorité, qu’elles doi¬ vent attaquer avec avantage; de telles mouches, dis-je, fe trouvent dans leur propre habitation. Ce font celles qu’on appelle vulgairement les bourdons, que nous avons nommées faux-bourdons, Sc que nous avons dit être les mâles. Quand les mâles n’ont encore que la forme de ver, les abeilles ordinaires ont précifément pour eux les mêmes foins qu’elles ont pour les vers qui, après leur métamor- phofe, feront des abeilles ordinaires. Lorfque les mâles font devenus ailés, elles fe comportent encore avec eux, comme fe doivent comporter enfemble les enfantsd’unemême fa¬ mille. Les unes & les autres doivent auffi, comme nous le dironsdanslafuite,leur naiffanceà unemêmemere.Enfin, les abeilles vivent pendant quelque temps avec les mâles en parfaite intelligence; mais des jours arrivent où ces mêmes 360 Mémoires pour l’Histoire abeilles font aux mâles, 6c où elles leur doivent taire la guerre la plus meurtrière ; elles les tuent impitoyablement, elles en font un carnage affreux. Les mâles font pourtant beaucoup plus gros, & femblent plus forts que les abeilles ordinaires; mais celles-ci ont une arme qui leur donne bien de l’avantage fur les autres; elles ont un aiguillon, 6c les mâles n’en ont point. Parmi les loix de quelques Républiques bien policées, nous en trouvons d’étrange¬ ment barbares. Les Lacédémoniens pouvoient tuer les enfants qu’ils croyoient devoir être à charge à la Répu¬ blique, parce qu’ils étoient nés contrefaits. Les loix des Chinois leur permettent des aétions auffi inhumaines. Nous ne fçavons pas apparemment toutes les raifons qui demandent que les abeilles ouvrières traitent avec tant de cruauté les mouches mâles; mais elles en ont au moins une autfi bonne que celle qui avoit déterminé les Lacé¬ démoniens à faire périr les enfants qu’ils jugeoient devoir titre à charge à la République. Nous prouverons dans la fuite, qu’il vient un temps où les mâles font au moins inu¬ tiles dans les ruches ; & ce n’ett que quand ce temps ed venu, que les abeilles ordinaires en font un maffia e général. Les abeilles fe livrent auffi les unes aux autres des com¬ bats à mort. Dans des faifons, 6c dans des heures du jour où la chaleur les met en pleine vigueur, elles attaquent 6c tuent impitoyablement les étrangères qui oient entrer dans leur ruche. Mais il y a fouvent des combats ,à mort entre" les mouches de la même ruche. S’il eft permis de vouloir deviner la politique des abeilles, 6c de croire à leur avantage que leurs querelles n’ont pas des motifs aulfi frivoles que le font fouvent ceux des nôtres, on peut penfer qu’une raifon femblable à celle qui les détermine à tuer les mâles, les détermine à tuer d’autres abeilles. Si on leur refufe une charité pareille à celle de ces des Insectes. VII. Alem. 3 61 ces peuples fauvages, qui croient traiter favorablement leurs vieillards, en retranchant de la durée de leur vie, des jours qu’ils pafferoient dans la peine & le mal-être, au moins y a fil apparence que pour le bien de leur focicté qui femble feut les faire agir, les abeilles tuent celles quelles l'çavent netre plus en état d’y contribuer. Dans de beaux jours, & des jours chauds, on a fou- vent occafion d’obferver de ces combats à mort entre les mouches d’une même ruche. Quelquefois l’attaquante & l’attaquée en fortent en fe tenant déjà l’une l’autre; quelquefois c’eft en dehors qu’il y en a une qui tombe fur line autre qui vole, ou elle va fê jetter fur une autre qui étoit en repos, ou qui marchoit doucement fur la partie extérieure de l’appui de la ruche. De quelque manière que le combat ait commencé, dès quelles le font jointes, elles tombent bientôt à terre. Elles ne parviendraient pas à fe porter des coups fûrs en l’air, & il leroit difficile quelles pulTent s’y foutenir pendant qu’elles chercheraient à fe faire des bleffiures mortelles. Il efl ailé de parvenir à en oblèrver qui leront ainfi aux prifes devant une ruche, pour peu qu’on le cherche. On leur verra faire tout ce que fe¬ raient deux lutteurs couchés par terre, &. dont chacun voudrait arracher la vie à fon ennemi. Chacune tâche de prendre la polition qui lui eü le plus avantageufe. Quel¬ quefois elles font toutes deux couchées fur un côté, fe tenant réciproquement failles avec leurs pattes, tète con¬ tre tête, derrière contre derrière, & contournées de façon qu’elles forment enlèmble un cercle ou un ovale. Quand elles fe tiennent ainfi, les mouvements de leurs ailes les font pirouetter de temps en temps, & les portent quelque¬ fois en avant à plus d’un pied de diffimee, mais toujours à Heur de terre. Une des deux parvient enfuite à prendre quelque polltion plus favorable, à monter fur l’autre, & Tome V . Z z 362 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE à approcher Ion derrière du col de ceile-ci. Elles lont alors fi acharnées au combat, (pion peut les obferver avec une loupe fans les déterminer à fe quitter. La loupe avec la¬ quelle j’ai fou vent oblèrvé deux combattantes, m’a fait voir quelles dardoient continuellement leur aiguillon. Tous les mouvements de l’une & de l’autre, les flexions & les nouvelles pofitions que leur corps prenoit, ne fembioient tendre qu à parvenir à trouver une partie molle de Ion adverfaire.dans laquelle l’aiguillon pût être introduit. Ces combats ne dureraient apparemment qu’un inflant, fi les abeilles étoient moins bien cuirafïées; mais malgré les écailles dont leurs chairs font couvertes, ces chairs ne font pas inacceffibles. Si une abeille peut faire paffer Ion aiguil¬ lon entre une écaille, & celle fur laquelle elle n’cft qu’en recouvrement , elle pourra enfuite l’enfoncer dans les chairs qui font l’attache de l’écaille inférieure. Pour peu que le col de l’abeille qui fe deffend, s’allonge, il devient à découvert, fi l’aiguillon de Ion ennemie elt proche alors, il pourra le piquer. J’ai remarqué quelles cherchoient aufîî mutuellement à fe piquer vers la bafe de leur aiguillon, peut être à l’anus. Il ne m’eft jamais arrivé qu’une fois de faire une obfer- vation qui prouve décifivement qu’une mouche peut par¬ venir à enfoncer Ion aiguillon dans le corps d’une autre. J’en fuivis deux (pii fe battoient en fortantde leur ruche. Le combat le paflfa fur la partie extérieure de l’appui, if ne fut pas long; bientôt j’en vis une vaincue & expirante. Je la pris, je l’examinai, Si je trouvai que l’aiguillon de l’autre étoit relié engagé entre deux anneaux du ventre de celle-ci. Mais il eft rare apparemment que l’abeille qui pique une autre mouche de fon efpéce, lui laiffe fon ai¬ guillon enfoncé dans le corps. Si ce cas étoit ordinaire, chaque combat coûterait la vie aux deux mouches. La des Insectes. VIL Mm. 363 viéïorieufe ne fçauroit lurvivre long temps à Ja perte cie fon aiguillon , auquel la veffie à venin, Si généralement tout ce qui efl néceffaire pour le faire agir, refie attaché. Tant de parties arrachées font une playe incurable & mor¬ telle. Ces combats font quelquefois très-longs. J’en ai vû un dans lequel ce ne fut qu’après une heure prekjue entière, qu’une des deux mouches Iadfa l’autre expirante fur la pouffiére. Quelquefois fatiguées l’une & l’autre, & defef- perant toutes deux de remporter une viéioire compiettc, elles le lëparent, chacune s’envole de Ion côté. Quand elles ont lçu l’une Si l’autre ef qui ver les coups d aiguillon, le combat fie termine lans mort; mais il doit être bientôt fatal à celle dont quelque partie charnue a été atteinte. Quelque petite que foit la quantité de venin qui y efl dépolée, elle efl capable de produire un effet funefle dans un auffi petit corps que celui d’une mouche; nous pouvons en juger par celui qu’il produit fur nous. La douleur de quelques piquûres qui ont été bien affaifion- nées, efl quelquefois fi violente, quelle porte à la tête, que la tête en efl étonnée. Chaque pays, chaque canton prelque a fon hifloire d’un cheval qui ayant été le frotter contre une ruche d’abeilles. Si l’ayant renvcrfée, a été affailli par les mouches irritées, Si qui n’a pu réfifter aux piquûres qu elles lui ont faites; qui en efl mort au bout d’un temps très-court, en moins d’un quart d’heure ou d’une demi-heure; j’ai ouï raconter une de ces luftoi- res par un homme digne de foi, & qui avoit été pref- que témoin du fait. Un fembiable fait a été rappoité par Arillote. Des Auteurs ont été jufqu a déterminer le nombre des piquûres qui peuvent frire périr un grand animal ; quelques-uns l’ont fixé à vingt. Je ne fçais pas fi la dofe de venin contenue dans ce nombre de piquûres Z z ij 3^4 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE peut quelquefois fuffire pour donner la mort; mais il efl certain au moins, qu’il y en a une dolè qui, dillribuée à différentes parties du corps, caulèroit des douleurs, des inflammations, des irritations, & enfin une forte de fièvre, fous laquelle l’homme le plus robufle fuccomberoit. Les aéhqns dont nous venons de parler, font des ac¬ tions particulières; mais il y a quelquefois entre ces mou¬ ches, des aélions qu’on peut appeller générales. Ce n’eft guéres que dans le temps des effaims, que celles-ci arri¬ vent, que lorfiqu’une colonie de mouches qui cherche une habitation, va mal habilement fe loger, foit dans une ruche dont d’autres abeilles font en poffdfion depuis long¬ temps, foit dans une où un autre effaim s’efl: établi depuis peu de jours ou depuis peu d'heures. Lorlqu’il fait beau & chaud, les abeilles reçoivent mal les étrangères qui veu¬ lent entrer en fociété avec elles. C’eft alors que lé livrent les batailles les plus meurtrières. J’ai déjà dit quelque chofie dans le cinquième Mémoire, d’une que je vis très-bien, qui dura prefque toute une après midi, qui ne finit qu’avec le jour, & peut être que lorfque toutes les abeilles d’une petite troupe, qui avoient voulu 1 e joindre à celles d’un fort effaim, eurent été maffacrées. J’ai rapporté dans ce cinquième Mémoire, les aventures des premières mouches que je m’étois avifé de loger en petit nombre avec une mere, dans une très-petite ruche vitrée. J’ai raconté com¬ ment, & combien de fois elles quittèrent cette ruche; & qu’enfin après leur dernière fortie, elles fe déterminèrent peu après midi à entrer dans une ruche où j’avois logé depuis une ou deux heures un effaim très-nombreux. Dès que la petite troupe d’abeilles fut entrée dans la ruche de cet effaim, le combat commença. La ruche n’étoit pas conftruite de manière à me laiffer voir ce qui fe paffoit dans l’intérieur, mais les dehors m’offroicnt un fpcétacle des Insectes. VIL Mem. 365 meurtrier & très-varié. Je voyois fortir deux mouches, dont une étoit entraînée par l’autre, qui la làifdfoit par ou elle pouvoit, 8c qui tendoit à lui monter lur le corps; quand elle y étoit parvenue, bientôt celle qui avoit du deflous, étoit égorgée; je dis égorgée, de peut-être le puis je dire dans le lens propre. La mouche fupérieure faififloit l’autre, & laferroit avec les dents près de la tête, & je ne fçais fi ce n’étoit pas au col ou au corcelet. Il m’a paru que quelquefois c’étoit auprès des premiers ftigmates. Ce qui eft certain , c’elt que dès que la mouche vaincue avoit été ferrée près de fa partie antérieure, elle étoit morte ou mourante. La viétorieufe la lailfoit fans vie fur la pouffiére,ou prête d’y expirer; elle i’abandonnoit alors, mais elle refloit polée auprès d’elle, comme pour jouir de fa viéloire, ou pour le dé- lalfer de lès fatigues. Les mouches viéïorieulès faifoient conftamment la même manœuvre. Dès que le combat étoit fini par la mort de leur ennemie, pofées fur leurs quatre premières jambes, elles frottoient les deux pofié- rieures l’une contre l’autre. Quelquefois l’affaire étoit dé¬ cidée dès l’intérieur de la ruche, quelquefois c’étoit en dehors à quelque diftance quelle le terminoit. Dans le premier cas, une mouche fortoit triomphante de la ruche tenant fous fon ventre & entre fes jambes celle à laquelle elle avoit ôté la vie, & lortoit en volant. Elle prenoit tan¬ tôt un plus grand & tantôt un plus petit elfor; quelque¬ fois ce n’étoit qu’à quelques pieds de la ruche qu’elle alloit s’appuyer à terre, 8c y dépolèr le cadavre dont elle étoit chargée; quelquefois elle s’élevoit à perte de vûe. Sou¬ vent je remarquois l’endroit où aboient fe pofer celles que je pouvois fuivre des yeux, & lorfque je me rendois où j’en avois vu une s’arrêter, fi l’abeille pleine de vie & de vigueur en étoit partie, j’y trouvois au moins la morte, Z z i ij 366 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Dans {e lècond cas, dans celui où l’abeille naveit pas encore mis à mort l’abeille qu’elle tenoit lailie, & quelle portoit en volant hors de la ruche, elle ne la portoit pas loin, qu’à quelques pas ; là elle achevoit de la tuer. Nous ne viendrions pas auffi vite à bout de tuer une mouche, fi nous ne voulions pas iecrafer, que chaque abeille venoit à bout de tuer celle qu elle avoit tranfportée hors de la ruche. Elles fçavent mieux que nous où les coups mortels doivent être portés. Je ne les voyois pas fe fervir alors de leur aiguillon; mais il y a apparence que des bleflùres empoifonnées faites à la mouche vaincue, avoient valu la fuperiorité à la viélorieule. 11 ne relloit plus à celle-ci qu’à donner, pour ainfi dire, le coup de grâce, & elle le faifoit avec (es dents. Hors de la ruche, tous les combats à mort n’étoient que de feule à feule. Peut-être que tout ne fe paffoit pas aulfi génércufement dans l’intérieur. Celles qui étoient maffacrées en dehors, avoient déjà été miles hors de combat dans la ruche même. Dans les temps où fe frit la grande tuerie des mâles, trois ou quatre abeilles n’ont point de honte pour¬ tant d’en attaquer enfemble un l'eul. Au refie, j’ai déjà dit ailleurs, que je ramalTai plus de 250 abeilles mortes, de celles cjui furent tuées dans cette journée, ou plutôt dans cette après midi, & je n’en ra- maflai que 250, parce que je n’avois pas befoin d’en avoir davantage pour l’expérience qui m’avoit engagé à ies ramaffer. J’ai vû fouvent, & le jour même du carnage que je viens de raconter, trois à quatre mouches après une feule, fans que la vie lui fut arrachée. Elles la prenoient par une jambe, chacune de fon côté ; quelquefois elles lui mordoient le corps ou le corcelet. J’avois d’abord pitié de celle qu’on attaquoit avec tant de lâcheté & des Insectes. VII. Mem. 367 Je fupériorité ; mais après avoir obiervc que l’abeille attaquée par tant d’ennemies, parvenoit à s’en débar- raffer, j’appris quelle avoit un moyen ailé de le tirer d’afîaire, & je reconnus qu’on n’en vouloit pas à l'a vie. Le combat ceffoit dès que celle qui avoit été tiraillée & mordue, allongeoit l'a trompe. Une des attaquantes ve- noitTuccer cette trompe avec la fienne, &ainfi en fail'oient les autres à leur tour. De forte que les autres abeilles ne fembloient lui avoir porté des coups que pour la forcer de leur dégorger du miel qu’elle leur refuloit. Dans tous les combats inégaux qui fe pafferent fous mes yeux ce même jour, & il s’en pafïa plufieurs, jamais les attaquées ne furent miles à mort, elles le tirèrent toutes d’affaire par le même expédient. Ç’a été une queftion fur laquelle les Anciens ont été partagés, de fçavoir fi le roy des abeilles, notre mere abeille avoit un aiguillon. Ariftote lui en adonné un, & Columelle a prétendu qu’Arillote s’étoit trompé, qu’il avoit pris pour un aiguillon un gros poil que le roy porte dans le ventre. Cette queftion n’étoit pas encore décidée du temps d’Aldrovande, qui s’en eft tenu à dire quelle ne le pouvoit être que par une nouvelle & exaéfe obier- vation. Toute la difficulté qu’il y avoit à éclaircir un fait par rapport auquel on eft reftédans l’incertitude pendant tant de fiécles, étoit pourtant d’avoir une mere abeille, & de lui preffer le ventre. Car dès qu’on preffe celui d’une mere, on obligea fortirde fon corps un aiguillon * 29.% qu’il n’eft pas poffible de méconnoître pour ce qu’il eft, 9 * il furpaffe beaucoup en grandeur celui des abeilles or¬ dinaires ; du refte, il n’en diffère qu’en ce qu’il eft un peu courbé vers le ventre, au lieu que celui des autres mouches eft droit Ceux qui ont affûré, & apparemment d’après Ariftote, 368 Mémoires pour l’Histoire que la mere abeille avoit un aiguillon, ont voulu avec lui quelle n’en fût armée que pour la dignité ; ils ont pré¬ tendu quelle n’en faifoit jamais ufage; ils l’ont regardée comme un roy, qui tout petit qu’il elt, elï un modèle à propofer aux rois auxquels un grand peuple eft loûmis; ils nous l’ont donné pour magnanime & pour incapable de faire par lui-même des exécutions cruelles, quoique juftes. Il eft au moins très-vrai que la mere abeille eft bien plus pacifique, plus difficile à irriter que ne le font les abeilles ordinaires; elle n’eft pas aulli dilpolée à fe fervir de Ion aiguillon, que les autres le font à fe fervir du leur. J’ai eu cent & cent fois des meres abeilles fur une de mes mains, je les y ai louvent touchées & priles de l’autre main, fans qu’aucune m’ait jamais piqué. Je crois pourtant qu’il n’a quelquefois tenu qu’à moi d’avoir la gloire d’être piqué par une reine. Pendant que deux de mes doigts en faififfoient une par le corps ou par le cor- celet,& qu’ils la mettoient mal à l’aile affiés long-temps pour poulfer fa patience à bout, j’ai vu quelquefois quelle faifoit fortir fon aiguillon , & quelle contournoit fon corps autant qu’il lui étoit polfible, & fucceffivement de différents côtés, pour parvenir à percer un de mes doigts. La piquûre quelle m’eût faite, eût été apparemment plus douloureufe que celles que font les autres mouches. La veille qui doit fournir fon aiguillon de venin, elt propor¬ tionnée à la grandeur de cet aiguillon, par conféquent plusgroffe que celle des abeilles ordinaires. J’ai d’ailleurs goûté du venin tiré de la veffie d’une mere, il m’a paru avoir un goût auffi brûlant, pour le moins, que celui des abeilles ordinaires. Si l’aiguillon ne devoit être d’aucun ulàge aux meres, elles en auroient été privées, comme les mâles le font, elles n’en auroient pas été armées. & d’un qui ell plus conlidérable des Insectes. VIL Mem. 3 6 9 confidérable que celui des abeilles communes. Mais appa¬ remment qu’une mere ne s’en fert que dans des occafions importantes, que dans des combats dignes d’elle, peut- être feulement lorfqu’elle a à fe melurcr avec une autre mere, comme il peut y en avoir des occafions, dont nous parlerons dans la fuite. La vie de toutes les mouches d’une ruclie, dépend de celle de la mere, puifqu elles périffent bientôt toutes, quand cette dernière a perdu le jour. Or nousfçavons que la vie d’une mouche qui pique, eft tou¬ jours en grand danger; lorfqu’il lui arrive de lai (Ter fou aiguillon dans la piaye quelle a faite, elle fe fait à elle- même une bleffure mortelle. Les fociétés d’abeilles au- roient donc été trop fouvent expofées à être détruites, f la mere de chaque ruche étoit auffi colère, auffi dif- pofée à faire des piquûres, que le font les mouches ordi¬ naires. Dès que parmi les abeilles il y a des fémelles, des mâles & des mouches qui ne font ni de l’un ni de l’autre fexe, l’intérieur des unes a néceffairement été conformé diffé¬ remment de celui des autres. Nous verrons auffi dans un autre Mémoire, qu’on ne trouve dans le corps des ou¬ vrières aucun veftige des parties qui ont été accordées aux fémelles pour contenir les œufs 8 c les faire croître, ni de celles qui ont été données aux mâles pour féconder ces mêmes œufs. Mais nous n’en fbmmes encore qu’aux parties extérieures de ces mouches, 8 c nous devons nous arrêter à comparer celles des unes avec celles des autres; elles nous offrent des variétés dans leur confiruébon, leur pofition 8 c leur grandeur, qui méritent d’être remarquées. Au lieu que les abeilles ordinaires partent pour la cam¬ pagne dans les beaux jours dès que le Soleil commence à paroître fur l’horifon, 8 c quelquefois plutôt, on ne voit prefque jamais les faux-bourdons fortir de leur ruche, que Tome V. . A a a *PÎ. 33. fi l.p. *PI. 26. 4& s- p- * PI. 25. 2, 6 & 8 * Fig. &. 14. 37O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE depuis onze heures du matin jufques à cinq à fix de i"après midi. Ce qui eft plus confiant encore, c’ell qu’on ne par¬ vient jamais à en obferver aucun qui y retourne avec une récolte de matière à cire, à en obferver aucun qui revienne chargé des deux pelottes. On les a aufïi toujours traités depareffèux, qui, fans rien faire, vivent du miel que les iahorieufcs abeilles ont ramaffé, & qui ne vont à la cam¬ pagne que pour s’y promener. Quand on examine leurs parties extérieures, on cefTe de leur reprocher leurparefTe. On reconnoît que s’ils ne travaillent pas, c’efl qu’ils n’ont g. pas été faits pour travailler. Si on confidére * la partie de chacune de leurs jambes de la troifiéme paire, qui cfl analogue à celle des jambes fembiables des ouvrières, que S- nous avons nommée la palette triangulaire *, on n’y verra pas cet enfoncement , cette petite cavité, qui avec les poils dont elle eft bordée, forme uneefpéce de petite corbeille propre à recevoir & à contenir la petite pelotte compofée de pouffiéres d’étamines. Dès que la partie néccffaire aux abeilles ordinaires pour former & tranfportcr à la ruche les deux petites boules de cire brute, a été refufée aux bourdons, ils ont été déchargés par la nature de l’un & de l’autre travail. Nous avons vu que les dents des abeilles ordinaires leur font néceffaires pour faire la récolte de la cire brute, qu’elles s’en fervent pour ouvrir ces fommets, ces capfules dans lefquelles font renfermées les pouffiéres quelles veu¬ lent recueillir, & nous verrons dans la fuite combien ces memes'dents leur font des inflruments effentiels, lorfqu’ii s’agit de mettre la cire en œuvre. Quoique ces abeilles foient confidérablement plus petites que les mâles, quoi¬ qu’un mâle pefe plus que deux abeilles ordinaires, les dents s g- de celles-ci * furpaffent beaucoup en grandeur les dents de I2 ceux là *. Au lieu que celles des abeilles ordinaires huilent des Insectes. VIL Ment, 371 en-devant de la tête, & quelles font toujours très-vifibles, celles des mâles font appliquées contre la tête, & elles font fi petites que les poils des environs fuffifent pour les cacher entièrement; elles ont d’ailleurs des dcnteiûres que 11’ont pas les dents des abeilles ordinaires. La difproportion eft auffi grande entre ia trompe des faux-bourdons*& celle des abeilles ordinaires*, que celle qui eft entrc'lcs dents des uns & celles des autres. Non- feulement la trompe des mâles eft plus d’une fois plus courte, elle eft de même beaucoup plus déliée. Ils n’ont donc pas autant de facilité que les abeilles pour puifer le miel dans les fleurs où il efl caché à une grande profon¬ deur. La leur ne leur a été donnée que pour fuccer celui qui efl néceffaire pour les faire vivre, & nullement pour en faire des récoltes. Un fi petit infiniment ne pourroit parvenir à recueillir la quantité deŸtaiel, qui efl recueillie par un beaucoup plus grand, que dans un temps confidé- rablement plus long. On peut remarquer d’autres différences entre d’autres parties extérieures des faux-bourdons, & des parties ana¬ logues des abeilles ordinaires, dont il ne nous feroit pas auffi aifé de rendre raifon, ou même dont il fera toujours impoffible delà rendre. Je ne m’arrêterai point à dire que la partie antérieure de leurs antennes * a une articulation de plus que celle des antennes des abeilles ordinaires*, & que la partie de l’antenne de l’abeille commune, que nous avons nommée le fufeau *, efl plus longue que le fufeau de l’antenne du bourdon *; mais nous ne pouvons nous empêcher de faire faire attention à la grandeur des yeux à rezeau * des mâles, qui couvrent tout le deflus de la partie fupérieure&poftérieure de la tête, pendant que les yeux à rezeau des abeilles ordinaires *, forment Ample¬ ment chacun une efpéce d’ovale fur chaque côté. Auffi Aaa ij * pi. 2j. fig. 1 2 . t. * Fig. 2 . * Fig. t 3. a c. * Fig. 4. */■ * F 'g- * 3 -f- *Eig. I I .y,y. *F^.^.y,y, 372 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE c’eft fur le derrière de la tête que font placés les trois petits * Pl.2j.f5g. yeux, ou les yeuxliffesde celles ci *,& les trois petits yeux 3 * Fi*. U. tics males * font en devant afles près des antennes ; il ne leur eft pas relié de place fur le derrière. Nous n’apper- cevons pas la liaifon qu’il peut y avoir entre des yeux à rezeau très-grands, & ce qui conftitue le fcxe du mâle, quoique plu fieu rs obfervations confirment que la nature a donné ces fortes d’yeux beaucoup plus grands aux mâles des infeétes de diverfes efpéces, qu elle ne les a donnés à leurs fémelles. Les mâles des mouches de Saint-Marc, nous en fournirent un exemple dans le fécond Mémoire de ce volume. Les faux-bourdons ont le corcelet très velu, & plus velu que celui des abeilles; mais les anneaux de leur corps font plus lilfes. Ils ont à leurs jambes, & fur-tout à leurs jambes * Pi 33.%. poltérieures, des broflfes* dont les poilsfont plus ferrés & 3 ‘ b ' plus courts que ceux des abeilles ordinaires. Elles ne font faites que pour nettoyer le deffus de leur corps & de leur corcelet, pour faire tomber la pouffiére qui s’y efi atta¬ chée, même celle des étamines; mais elles ne font pas faites pour retenir les grains de celle-ci, & les raffembler en petites maffes. Les meres abeilles nous paroîtront mieux mériter d’être nourriesde provifions qu’elles n’ont pas ramaffées, que les bourdons ne le méritent. Comme il n’y en a qu’une ordi¬ nairement dans chaque ruche, elle n’y augmente pas confi- dérablement laconfommation. Enfin, elle eftaffés chargée d’ouvrage,dès qu’elle eft obligée de mettre au jour un nom¬ bre d’œufs auffi prodigieux que celui qu’elle y met chaque année; elle eft donc uniquement deftinée à pondre. Auffi; ne doit-on pas trouver, & 11e trouve-t-on pas fur fes jam¬ bes poftérieures non plus que fur celles des bourdons, les deux cavités deftinées fur les jambes des abeilles ordinaires * Fig. I O» des Insectes. VIL Mem . 373 à recevoir deux pelottes de matière à cire. Elle n’avoit pas befoin d’une trompe auffi longue que celle des abeilles, & de dents auffi grandes que les leurs. Ses dents * bien moins * pi. 25.fi grandes que celles des abeilles, font pourtant plus grandes i!J,i 9 (Sc2 que celles des bourdons. Chacune a deux dentelures que 11’ont point celles des abeilles ordinaires. Quand les dents font en repos, les dentelures de l’une entrent dans celles de l’autre *. La trompe de la mere elt auffi beaucoup plus * Fig. 20, courte& plus déliée que celle des abeilles ordinaires, quoi¬ que plus longue & plus groffe que celle des mâles. Les meres * font fur-tout remarquables par leur Ion- * Fig. 16 & gueur. Quoique moins groffies que les mâles*, elles font ordinairement plus longues. Il y a pourtant des meres bien plus longues & plus groffies que d’autres, ce qui dépend peut-être de la quantité &*de l’état des œufs qui font dans leur corps; car c’eft la longueur du leur qui les rend plus longues que les abeilles ordinaires ; leur corcelet 11’efi; guéres plus long que celui d’une abeille ouvrière. Leur corps, au relie, n’a pas une figure qui tienne autant de l’elliploïde ou de celle d’une olive, que celui des abeilles ordinaires en tient. Depuis le premier anneau jufquès au dernier, fon diamètre va en diminuant. D’ailleurs le corps de la mere femble plus détaché du corcelet, que ne Tell le corps des abeilles ordinaires: on a fouvent occafionde voir que, comme le corps des mouches Ichneumons, il n’efi uni au corcelet que parmi fil. Mais rien n’aide plus à faire reconnoîtreune mere abeille, rien ne frappe davan¬ tage, quand on i’apperçoit, que le peu de longueur de fes ailes. Les bouts des fiennes fe terminent fouvent au troi- ficme anneau, pendant que les bouts des aîies des abeilles ordinaires,& lur-tout de celles des bourdons, vont par-delà celui du corps. Les ailes forment une efpéce d’habillement aux mouches, qui les portent fur leur corps. Les abeilles A a a iij tp O * P!. 25. *Pi. 26. G & 7. 574 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE fig. ordinaires *, & ies faux-bourdons , femblent avoir un habit long, pendant que la mere iemble porter un jufte, ou un de ces habits courts que les Dames ont nommé des Pets-en-Vair. Avec de fi courtes ailes la mere abeille peut voler, mais moins bien & plus difficilement que les abeil¬ les ordinaires; elle doit le fatiguer davantage en volant. Auffi lui arrive-t-il peu de fois dans fa vie de faire ufage de fes ailes. Il y a apparemment telle mere qui a donné naiffanee à bien des milliers de mouches, & qui dans fa vie n'a jamais volé qu’une fois. La mere doit fe tenir conflamment dans la ruche. Dès qu’elle en fort, tout fon peuple eh ordinairement déterminé à la fuivre. Il ne con- venoit donc pas qu’elle eût une facilité de voler qui l’eût engagé à prendre trop fouvent l’effor; il faut qu’elle ne s’y détermine que dans la néceffité. En deffius, les anneaux du corps desmcres font liffies, on n’y voit point de poils comme fur ceux des abeilles ordinaires. Une loupe en fait pourtant découvrir quelques- uns fur le premier anneau. Leur corcelet n’eft pas non plus auffi velu que celui des abeilles ordinaires; le milieu de fa partie fupérieure eh lifTe; mais il y a des poils fur le côté du corcelet, & en deffious. Les meres en ont beaucoup fur la tête, « 5 c même fur les yeux à rezeau qui par leur pofition & leur contour, reffemblent à ceux des abeilles ordinaires. Les trois petits yeux font auffi placés fur leur tête comme fur celle des abeilles ordinaires, dans une forêt de poils. On leur trouve des poils fous le ventre & fur les jambes. Mais il eft à remarquer, que non-feulement les mefes n’ont pas à la palette de chaque jambe de la dernière paire une fig. broffe faite de poils longs, comme font les abeilles ordi¬ naires*; elles n’en ont pas même une faite de poils courts, comme l’ont les bourdons; à peine trouve-t-on quelques poils fcniés furie côté intérieur de cette palette, fur celui où des Insectes. VIL Man. 375 devrait être la brofTe ; aufïi étoit-il inutile quelle en fût pourvue. Les mouches qui entourent la mere, ne font continuellement occupées que du foin de la nettoyer, de la brofTer, de la lécher, elles ne lui fouffrent pas la moin¬ dre ordure, & elles femblent chercher à lui épargner tout ce qui a apparence de peine. La couleur de toutes les meres n’eft pas la même; j en ai vû plufieurs qui avoient tous les anneaux du deffus de leur corps d’un brun couleur de marron très-foncé, & par-tout d’une teinte égale*; & j’en ai vû plufieurs dont chaque anneau étoit de deux teintes *, & fouvent de deux couleurs. La moitié antérieure, ou à peu près, étoit d’une couleur plus claire que celle de la partie poftéricure. Celle- ci étoit rougeâtre dans quelques-unes, & ce qui la précé- doit étoit un blanc teinté de cette couleur; enfin, j’ai vû plus ou moins de rougeâtre & de blancheâtre fur diffé¬ rentes meres. Je ne ferai point de procès à Virgile fur ce que je ne leur ai jamais trouvé de taches qui appro¬ chaient de la couleur de l’or. L’or entre naturellement dans la parure d’un Roy, & ce n’eft pas trop pour un Poète d’avoir changé du rougeâtre en or. Il n’efî guéres même d’infeéte qui ait des écailles liffes 6 c des poils jau¬ nâtres, qui regardé au loleil en certains fens, ne faffepa- roître quelque brillant qui pourra paraître approcher de celui de l’or. Le deffous du corps efi d’une couleur plus blancheâtre que celle du deffus. Ce n’eft donc pas feule¬ ment par fa grandeur, & par fa forme, qu’une mere abeille peut être diftinguée des autres abeilles & des bourdons, elle le peut être par la couleur du corps, qui eft toujours différente de celle des unes & de celle des autres. Leur, corcelet eft brun. * PI. 2J. %. J 7 - * Fig. i 6. 376 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE EXPLICATION DES FIGURES DU SEPTIEME MEMOIRE. Planche XXIX. Toutes les Figures de cette Planche repréfentent des aiguillons de mouches.& les parties qui y ont rapport, vus à la loupe ou au microfcope. La Figure 1 montre l’intérieur du bout du corps d’une abeille ordinaire, qu’on a mis à découvert en enlevant une portion d’anneau, a a a, la portion d’anneau qui a été dé¬ tachée & tirée hors de fa place naturelle, b b, le contour de l’ouverture, dont la pièce précédente a été enlevée, ^la partie qui ell appellée l’aiguillon, & qui, comme les figures fuivantes le feront voir, efl un étui qui renferme deux aiguillons, c, c, deux parties blanches & charnues, qui enfemble font un fourreau, dans lequel l’aiguillon efl logé en grande partie. La Figure 2 moins groffie que la précédente, fait voir du côté du ventre le bout pollérieur d’une abeille, dans un inflant où l’aiguillon^ efl forti, comme il l’efl lorf- qu’elle veut s’en fervir pour piquer, c, c > les demi-four¬ reaux charnus. La Figure 3 repréfente un aiguillon vu de côté avec la plupart de fes dépendances, f l’étui dans lequel les deux aiguillons font renfermés. La fa et f efl celle qui efl cil deffous quand l’aiguillon efl dans le corps delà mouche pofée horifontalement. t, le talon de l’étui des aiguillons. g, & e, les deux aiguillons, dont on ne voit ici que les bafes. m, n, parties mufeuieufes & cartilagineufes.qui pofent en p,&q f fur la bafe de l’aiguillon g. 11 y en a de pareilles fur celles de l’aiguillon e, mais qui ne fçauroient paroître dans cette figure. c,c, les demi-fourreaux charnus. Dans des Insectes. VII. Mem. 377 Dnns la Figure4., une épingle eft paffée entre le four¬ neau fSi un des aiguillons^ Elle a fait fortir cet aiguillon en partie du fourreau, Si l’en tient dehors. Dans la Figure 5, l’épingle a mis les deux aiguillons c,g, entièrement hors du fourreau f. En ces deux figures 4. Si y , y, Si q, montrent les appuis des parties ni, n , g. La Figure 6 fait voir une portion du fourreau des aiguillons, du côté où l’on peut voir qu’il efl un tuyau ouvert dans toute là longueur ; on n’a laiffé dans fa cavité qu’un des deux aiguillons qui y étoient. e, cet ai¬ guillon. d, les dentelures qui fe trouvent fur un des côtés de l’aiguillon, près de là pointe. La Figure 7 montre très en grand un aiguillon d’untf abeille avec toutes les dépendances, & elle montre cet infiniment par fa face inférieure, qui efl la même que celle par laquelle efl vue la portion repréfentée, figure 6. gd,ed, les deux aiguillons. /S l’étui dans lequel ils font logés ci côté l’un de l’autre, d, à les pointes denteilées des deux aiguillons, qui appliquées l’une contre l’autre, ne forment qu’une feule pointe très-aigûe. CcLte pointe dd, qui efl ici au-flefTus de f efl quelquefois entièrement dans l’étui, Si cela lorfque la bafe gp , d’un aiguillon, Si celle ep, de l’autre, font tirées vers7,7. m,n,o, les trois feuilles membraneufes&cartilagineufes liées par deux efpéces de pédicules à la bafe d’un aiguillon, Si qui fervent à le faire jouer. En .refont des mufcles qui mettent en mouve¬ ment les parties précédentes, u, la vefTie qui contient le venin, r, le conduit par lequel cette liqueur eft portée dans l’étui des aiguillons, ff vaiffeau long Si tortueux, par lequel apparemment la liqueur venimeufe fe rend dans la vefbe; Svvammerdam prétend avoir obfervé que ce vaiff.au fe divife en deux branches; mais je ne l’ai pû voir que fimple. Tome V . Bbb 378 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La Figure 8 fait voir la coupe tranfverfale des deux ai¬ guillons logés dans l’étui. e,g, les deux aiguillons.l’étui. La Figure 9 efl celle du derrière d’une mere abeille, Lors duquel l’aiguillon eftlorn./l l’aiguillon qui efl concave du côté du ventre, au lieu que l’aiguillon des abeilles ordinai¬ res efl droit. La Figure 1 o a été défiance d’après une très-greffe nym¬ phe d’une mouche du genre des frelons, qui m’cft venue de Cayenne dans de l’eau-de-vie; elle étoit renfermée dans une forte coque de foye. Les parties qui compofoient fon aiguillon, ont été plus aifées à développer quelles ne l’eu F fent été dans la mouche même c, c, les deux demi-four¬ reaux analogues aux fourreaux charnus des abeilles, mar¬ qués par les mêmes lettres dans les figures précédentes. e,e, les deux aiguillons tirés hors de leur fourreau, f, le fourreau des aiguillons, qui peut lui-même être regardé comme un troifiéme aiguillon , parce qu’il efl dentellé de chaque côté, comme les aiguillons le font d’un côté; mais fes dentelures font plus fortes, & plus groffes que celles des aiguillons. . des Insectes. VIII. Mem. 379 MiOK(iOXC^KCiOX(iOXC#M^°M^KC^MiOXCiOXC^KC^K HUITIEME MEMOIRE. DES GASTEAUX DE CIRE; Comment les Abeilles parviennent à les conjlruire; comment elles changent en véritable cire les pouj- fiéres d’étamines. De la récolte éf de l’emploi de la Propolis. Comment elles remplirent les alvéoles de miel, & comment elles l'y conferrent. Ï L eft temps tic confidérer les ouvrages des abeilles plus attentivement que nous ne l’avons lait jufqu’ici, de les voir elles-mcmes en travail, de voir comment elles conf- truifent ces gâteaux * compofés de cellules de figure régu¬ lière, appliquées les unes contre les autres. Ils ont leurs deux faces femblables; fur l’une & fur l’autre eft un nom¬ bre à peu près égal d’ouvertures d’alvéoles. Tout y paroît difpolè avec tant de fÿmmétrie,& tout y paroît fi bien fini, qu’à la première infpeélion on eft tenté de les regarder comme le chef-d’œuvre de i’induftrie des infectes: on les mettroit même volontiers en parallèle avec ce que les plus . adroits de nos ouvriers fçavcnt executer tle plus difficile. C’eft un ouvrage pour lequel l’admiration croît à mefure qu’on l’examine davantage. Quand on a bien vu la véri¬ table figure de chaque alvéole, quand on a bien étudié leur arrangement, la géométrie fcmble avoir donné le deffiein de tout l’ouvrage, & en avoir conduit l’execution. On reconnoît que tous les avantages qui pouvoient y être fouhaiîés, s’y trouvent réunis. Les abeilles parodient avoir eu à réfoudre un problème qui raffiemble des con¬ ditions qui en enflent fait regarder la fofution comme Sbbij * PI. 30. % 380 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE difficile à bien des géomètres. Ce problème peut être énoncé ainfi : une quantité de matière, de cire étant donnée, en former des cellules égales & femblabies, d’une capacité déterminée, mais la plus grande qu’il efl poffi- ble par rapport à la quantité de matière qui y efl em¬ ployée, 6c des cellules tellement difpofées qu’elles occu¬ pent dans la ruche le moins d’efpace qu’il efl poffible. Pour fatisfaire à cette dernière condition, les cellules doivent fe toucher de manière qu’il ne relie entr’clles aucun efpace angulaire , aucun vuide à remplir. Les abeilles y ont fatisfiit, 6: en même temps, elles ont fa- tisfait aux premières conditions, en fanant des cellules qui font des tuyaux à fix pans égaux, des tuyaux exago- ncs. Elles auraient pu faire des cellules qui n'auraient eu que trois côtés égaux, ou des cellules qui auraient eu quatre côtés égaux, faire des cellules dont la coupe tranfverfale eût été un triangle équilatéral, ou des cel¬ lules dont la coupe eût été un quarré, ou même des cellules qui euffent eu pour coupes d’autres triangles, 6c d’autres quadrilatères; mais ces cellules qui, comme les cellules exagones, auraient été à pans égaux,6c qui n’au- roient lai (Te aucun vuide entr’elles, belles avoient eu cha¬ cune la même capacité qu’a chaque cellule exagone, n'au¬ raient pu être fûtes avec une auffi petite quantité de cire. C’efl ce qui. efl connu depuis long-temps, 6c ce qui a fait admirer à Pappus, qui tient un rang parmi les géomètres anciens, que les abeilles fe biffent déterminées pour la figure exagone. D’ailleurs, la figure du corps d’une abeille approchant de la fphérique, il peut entrer à l’ailé, 6c fê loger dans une cellule à fix pans, fans y laifTer autant de vuide qu’il en bifferait dans une cellule dont la coupe ferait triangulaire ou quarrée. On voit encore que tout ce que les abeilles poiiypieut des Insectes. VIII. Mem. 381 faire de mieux pour ménager le terrein & la matière, étoit decompofer leurs gâteaux de deux rangs d’alvéoles tour¬ nés vers des côtés oppolés. Si elles eulî'ent fait des gâteaux comme les guêpes les font, qui n’euffent eu des ouver¬ tures d’alvéoles que fur une de leurs faces, & qui fur l’autre face n’euffent eu que les fonds de ces mêmes alvéo¬ les, les cellules que les abeilles raffemblent dans un feul gâteau, en euffent compofé deux; or il efî vifible que les deux gâteaux à un feul rang de cellules, euffent tenu plus de place dans la ruche, que 11’y en tient un à double rang. Enfin, il eft vifible encore que les deux gâteaux enflent confommé plus de cire qu’il n’en entre dans le gâteau à double rang de celiules. Toute la cire néceffaire pour former les fonds des cellules d’un des deux gâteaux à un fimpie rang de cellules, eft épargnée dans legâteau double. S’il convenoit aux abeilles que le fond de chaque cel¬ lule fût plat, que chaque cellule fût exactement un tuvau exagone ouvert à un de les bouts, & fermé à l’autre *, rien ne lèroit plus fimpie que la difpofition des deux rangs de cellules. Le fond entier d’une cellule *, lui feroit commun avec une autre cellule. Deux cellules correfpondantes, dont l’une auroit fon ouverture fur une des faces du g⬠teau, & dont l’autre auroit la fienne fur l’autre face, fê- roient faites d’une feule & longue cellule divifée tranf- verfalement par une cloifon; ou, fi l’on veut, une mince feuille tle cire qui diviferoit en deux parties égales toute l’épaiffeur du gâteau, fourniroit les fonds de toutes les cellules. Mais nous dirons bientôt qu i! eft prouvé que ces fonds plats ne s’accordoicnt pas avec la plus grande épargne de la cire que nous avons fait regarder comme une des con¬ ditions du problème que les abeilles femblent avoir eu à réfoudre. D’ailleurs les ufages auxquels les cellules font def- tinées, demandoient quelles euffent chacune un fond plus B b b iij I O. * a e. * PL 31 • fig- i . *oqrp. * ao ep, qp, r F . * ae e p. * o, p- * a, e. * PI. 30.%. 6 . 382 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE étroit que ie refie, ils demandoient que chaque cellule fe terminât en pointe. C’eft la plus difficile partie du problème qui a été réfolu pour elles par celui qui les a fi bien inf- truites. Chaque cellule efl un tuyau exagone *, pôle fur une bafe pyramidale*. Le fond de chaque cellule efl un angle foiide formé par la réunion de trois pièces, detiois lames de cire * quadrilatères. M. r Maraldi, qui a bien étudié la figure des cellules, & la manière dont elles font difpofées les unes par rapport aux autres, veut que chacune des pièces* dont nous ve¬ nons de parler, foit un rhombe, dont les deux grands angles * ont chacun, à peu près, 1 10 degrés, & dont les deux petits angles * en ont par conséquent chacun en¬ viron 70. Quand en regardant par l’ouverture d’une cellule *, on en obferve le fond, on y diffingue très-aifé- ment les trois pièces dont il s’agit. Celles de quelques cellules paroiffent quarrées, mais plus ordinairement elles femblent des lozanges ou des rhombes plus ou moins allongés, qui s’éloignent plus ou moins du quarré parfait. Swammerdam a cru comme moi, trouver de ces fortes de variétés dans 'les figures des trois pièces du fond. Mais leurs figures font néantmoins pour l’ordinaire des rhom¬ bes, tels que ceux dont M, r Maraldi a déterminé les an¬ gles. Les Sçavants qui ont befoin d’avoir des inflrumentS’ de figure régulière, les grands Agronomes, du nombre defquels a été M. r Maraldi, fçavent mieux que perfonne combien il efl difficile de mefurer des angles, & combien U cil difficile de les tracer avec une extrême précifion fur les matières les plus dures. Quand donc les abeilles ne donneroient pas toujours aux rhombes des alvéoles les angles que leur théorie demanderoit quelles leur donnaf- fient, il n’y auroit pas de quoi être étonné; on ne doit que l’être de ce qu’elles s’écartent fi peu des indurés précifès. des Insectes. VIII. Mem. 383 Si nos ouvriers avoient à faire prendre les mêmes figures à d’auffi petits morceaux de cire, il leur arrivcroit bien plus rarement d’y réuftir. Enfin, fi quelque imperfeélion le glilfe dans les pièces du fond d’une cellule, nous ver¬ rons que les abeilles fç ivcnt la lauver, la rendre prefque infenfibie & incapable de produire aucun mauvais effet. Nous devons donc nous repréfenter le fond de chaque celiuie *, comme une cavité renfermée par trois rhombes * PL 31. fig. égaux & lemblables, comme une cavité pyramidale. Cha- 2 & ** cun des rhombes fournit un de les angles obtus *, & par * p. confisquent, les deux côtés qui le renferment pour former 1 angle folide de cette cavité pyramidale, pour en former le lommet. Mais le contour, la circonférence de cette cavité, n’eft pas telle que la circonférence d’une vraye pyramide; elle a trois angles que j’appellerai l'aillants ou pleins N & qui font les angles oppolcs à ceux qui fe réu- *0,0,0, nilfent au lommet*; & trois angles que j’appellerai ren- * p. trants ou vuk!es *, & qui font faits par la rencontre de *a,a,e. fieux côtés*, dont un appartient à un rhombe, & l’autre * oa , a a, à un autre rhombe. Cette circonférence a donc fix côtés, dont chaque rhombe fournit deux; les fix côtés enfemble font employés à former les trois angles [aillants ou pleins, & les trois angles rentrants ou vuides. Ces fix côtés font les appuis, les halés des fix lames ou pans de cire*,qui par ieur * PI. 31. affemblage compofent le corps fie la cellule, ou la partie exagone. Chacune de ces lames * eft rectangle depuis *Fïg. 1&3, l’ouverture fie l’alvéole, jufques à ce quelle parvienne à 0 c b I rencontrer le fomrftet + d’un des angles faillants ou pleins delà circonférence fie la baie de la cavité pyramidale. Là cette pièce prend la figure aigue * qui lui convient pour * ofœ* remplir une port: >n de l’angle rentrant ou vuide, formé en partie par le côté du rhombe fur lequel elle pofe. Le relie fie cet angle, eft rempli * par la lame uni s appuyé * Fig. 384 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE lur le côte de l’autre rhombe qui fait l’angle en fe joignant au côté précédent. * PI. 3 r.figi Le fommet d'un angle faiilant * de chaque rhombe, fc 1 - °‘ 4 trouve toujours dans la ligne droite où cil l’arête * faite par la jonction de deux des lames, de deux pans de hexa¬ gone. Les deux pans lailfent entr’eux l’efpace angulaire qui peut être, & qui e(t exactement rempli parle fommet de cet angle faiilant. Cette dilpofition elt confiante év auffi régulière qu’il eft poflible phyfiquement quelle le foit. Ainfi des fix angles de hexagone, il v en a trois qui font toujours fymmétrifés très-reguliérement avec la baie; les trois qui répondent aux angles (aillants de la circonférence de celle-ci. Pour une régularité complette, il faudroit que *Fig-3 .a,a,a. chacun des trois autres angles (aillants du tube exagone*, que chacune de fes trois autres arêtes allât précilêment ren- * p ig- 2 & 3.. contrer le fommet d’un des angles rentrants*, que la moi¬ tié de chacun de ces derniers angles fût remplie par une partie angulaire fcmblab!e& égale, & par laquelle les pans de hexagone fe termineraient; mais on peut ordinairement obfervcr une dilpofition un peu différente. L’arête formée *Fig. 5 .fl. par la jonétion de deux lames de hexagone *, ne va pas * a - rencontrer le fommet de l’angle rentrant*, elle rencon¬ tre un des côtés de cet angle à une petite diflance du fommet; un des pans prolongés fournit plus que l’autre pour remplir cet angle. J’ai remarqué auffi que la lame qui contribue le moins par fon prolongement à remplir l’angle, eft plus étroite que l’autre; j’ai affésconflamment obfervé deux lames plus larges, ou dont chacune paffe fur le fommet d’un angle rentrant ; & quelquefois j’en ai vu trois lames plus larges que les trois autres. De-là il fuit que hexagone n’efi pas parfait, qu’il n’a pas fes côtés égaux, qu’il en a déplus petits que les autres. II en arrive auffi que les angles de hexagone ne font pas tous des Insectes. VIII. Mem. 3Sj tous égaux entr’eux; mais la différence eft moins grande entre les angles & les pans auprès de l'ouverture, quelle ne l’eft auprès de la baie. Les petits pans de hexagone m’ont paru s’élargir, & les grands m’ont paru s’étrécir à mefure qu’ils s’éloignent de la bafe. Je ne fçaurois croire qu’on doive attribuer les efpéccs d’irrégularités que je viens de faire remarquer, à manque d’adreffe de la part des abeilles. Je penferois plus volon¬ tiers qu’il en réfulte que le fond de la cellule en a des en¬ droits mieux difpofés à recevoir l’œuf, ou à contenir une liqueur dont nous parlerons dans la fuite, qui eft l’aliment néceffaire au ver qui doit fortirde cet œuf. Néantmoins les abeillesne confhuifènt pas toujours des ouvrages (i dé¬ licats, avec autant d’exaéîitude quelles fembient lè le pro- pofer; mais files inégalités deviennent trop grandes dans une cellule, elles fçavent les fiuver en adjoûtant ou en retranchant à la baie de la cellule fuivante; ainfi les irré¬ gularités ne vont pas en augmentant. Si une bafe a été lin peu trop étendue, elles en laiffent une petite portion à la cellule qui fuit, & fi la bafe a été faite trop étroite, avant que d'élever les pans, les abeilles prennent ce qui lui manque fur la bafe deftinée à foûtenir une autre cellule. Tout ceci deviendra plus aifé à entendre, quand on fçaura mieux comment les cellules font difpofées les unes par rapport aux autres. Leur difpofition feroit affurément ce que les abeilles auroient imaginé de plus admirable, fi elles l’avoient imaginée. L’arrangement des cellules d’une des deux couches, des cellules dont les ouvertures font fur une même face, n’a cependant rien île fort remar¬ quable dès qu’on fçait quelles font exagones; dès-là, on voit affés comment elles peuvent être ajuftées les unes auprès des autres, fans biffer aucun vuide. Mais quand Tome V . Ccc PI. 31. fil .bd. * S 1 PI. 50. fij J 3 & E' * Fig. 386 Mémoires pour l'Histoire on confidcre la fécondé couche, celle des cellules qui ont leur ouverture fur la face oppofée, que nous appellerons la ièconde face du gâteau, il n’eft pas audi ailé de voir comment elles peuvent être placées, fans que les halés pyramidales des cellules de la première couche obligent à lai (fer des vuides entre les baies des cellules de la fé¬ condé couche. Pour qu’il n’y eut point de ces fortes de vuides, & pour épargner la cire qui doit être employée à former la bafe des cellules, il n’y avoit rien de mieux que de faire fervir les baies mêmes des cellules de la première couche, de bafes aux cellules de la fécondé couche; c’eli auffi ce que font les abeilles. Chaque cellule d’une cou¬ che* a un des rhombes de fa bafe appliqué contre un des rhombes d’une cellule* de l’autre couche. Trois cellules de la première couche, qui le touchent *,foui niffent la baie complétée d’une cellule de la ièconde couche; & de même réciproquement trois cellules de la féconde couche, qui lé touchent, fournirent la bafe cà une cellule de la première couche ; car les baies nappai tiennent pas plus aux cellules d’une couche, qu’elles appartiennent à celles de l’autre couche. Dès que nous nous repréfenterons trois cellules contiguës d’une même face, n’importe de laquelle, nous concevrons que leurs trois bafes fe touchent *; mais qu’é - tant pyramidales, elles laiflent entr’elles un vuide pyra¬ midal précifément femblable à celui de l’intérieur de la bafe d’une des cellules. Il cil de même renfermé par trois rhombes femblables & égaux. En un mot, par fa réunion de ces trois bafes, il 1e forme une cavité pyra- midale exactement femblable à celle qui fait le fond de chacune des cellules précédentes, mais tournée dans un fens directement contraire. Si on cleve fur les fix côtés des rhombes qui forment la circonférence de cette cavité, les fix lames qui doivent renfermer le tube exagone, on des Insectes. VIII. Mem. 5R7 aura une cellule femblable & égale aux trois autres, mais tournée vers un côté oppofé, une cellule de l’autre cou¬ che. Chacune des trois cellules de la première couche, fournit un des rhomhes de fa baie pour former la baie complette de cette cellule. Quoique tout ce que nous venons de dire puiiïc pa- roître fimpleà ceux qui ont accoutumé leur imagination à laifir des figures géométriques, gles ont la même longueur que les pans en trapeze * de ' 1 ‘ la cellule pyramidale, & cela quels que foient les angles des rhombes. Enfin, il a démontré qu’entre les cellules à fond pyramidal, celle dans laquelle il entroit le moins de ma¬ tière, avoit fon fond fait de trois rhombes, dont chaque grand angle étoit de 109 degrés 26 minutes, & chaque petit angle de 70 degrés jq. minutes. Quand M. Maraldi a donné les mefures les plus précifes de ces angles, il a fixé les grands à 109 degrés 28 minutes, de les petits à 70 degrés 32 minutes. Un tel accord entre la folution & les mefures aduelles, a affûrément de quoi furprendre. Lorfqu’on compare groffiérement une cellule à fond . 10. plat *, avec une cellule à fond pyramidal *, on n’apperçoit & 7 * pas, & même on 11’eft pas porté à penfer que la cellule à fond plat efl de toutes, celle qui conformité le plus de cire. M. Kœnig a pourtant démontré que les abeilles œco- nomifent la cire, en préférant les fonds pyramidaux aux fonds plats, qu’elles ménagent en entier la quantité de cire qui feroit néceffaire pour un fond plat. Si je ne craignois qu’on fe lafïat de m’entendre parler géométrie, je rappor¬ terais volontiers les démonflrations de M. Kœnig; mais ceux qui font curieux de les voir, n’y perdront rien pour 11e les pas trouver ici. Le Mémoire qui les donne, a été lû à r Académie en 1739, il en fera fait mention dans l’Hifloire de cette même année; elles y feront expofées plus nettement, & mifes dans un plus grand jour, par des Insectes. VIII. Mem. 391 notre célébré Hiftorien, que je ne le pourrois faire. M. Kcenig, au relie, a très-bien remarqué que ce problème n’étoit pas Je ceux qu’on pou voit refondre du temps de Pappus, Quelle idée cet ancien géomètre n’eût-il pas eu de la géométrie des abeilles, fi outre les avanta¬ ges du tube exagone, il eût connu ceux du fond pyra¬ midal \ 11 falloir que les méthodes des nouveaux calculs fullcnt découvertes, que nous fuliions en état de ré¬ foudre, par le moyen de l’analvfe des Infiniment petits» les queftions de Alaxhnïs & Minhnis, pour fçavoir à quel point de perfection & d’œconomie l’architeéïure des abeil¬ les eft portée. Le problème que j’avois propofé à M. Kcenig, & qu’il a très-bien rélolii, ne renferme pourtant pas encore toutes les conditions que les abeilles auraient pu y faire entrer; car nous avons fuppofé que leurs cellules lont des exa- gones parfaits; & des obfervations faites avec grande atten¬ tion, nous ont appris, comme nous l’avons expliqué ci- devant alfés au long, qu’il y a au moins deux pans oppo- fés, plus larges que les quatre autres. Car fi trois des angles de hexagone rencontrent exactement les trois angles tail¬ lants de la bafe, il y a au moins deux angles rentrants, dont chacun * n’elt pas rencontré par l’angle corrclpor.- * PL 31.%. dant, formé par deux pans voifins, & prolongés pour 5 - a - remplir le vuide de cet angle rentrant. Je ne fçais li cette difpolition va encore à l’épargne de la cire, mais il elt in- , dubitable qu’elle tend à rendre l’ouvrage plus parfait, qu’elle a quelque utilité qui fera admirée, dès qu’elle fera connue. Comme la récolte & la préparation de la cire coûtent beaucoup aux abeilles, il leur importoit extrêmement de la bien œconomifer, & nous venons de voir avec quelle fcience elles le font. Nous remarquerons de plus, que cette *PI. 31. 11 & 12 392 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE raiJon d’œconomie les engage à tenir les parois de leurs alvéoles minces, à un point qui demandoit que la lolidité de la conftruction fupplcât au peu de matière. Il n’tff point de papier auffi fin que le lont les pièces du fond, & les pans du tube. Cependant les cellules doivent être capables de réfifter à tous les mouvements des mouches qui y entrent, & qui en fortent en différents temps. Le bord de l’ouverture a plus à fouffrir qu’aucun autre en¬ droit, il eff plus fréquemment & plus fortement attaqué. Les abeilles auffi ne manquent pas de le fortifier ; elles adjoutent tout autour de la circonférence de l’ouverture de la cellule, un cordon de cire qui rend le bord trois ou quatre fois plus épais qu’il ne le feroit s’il n’avoit que l’é- pailfeur des pans. On trouve même ce cordon aux cellules qui ne font qu’ébauchées, qui n’ont pas encore toute la profondeur qu’elles auront par la fuite. Il eff plus épais dans les angles que par-tout ailleurs, ce qui fait que l'ou¬ verture de chaque cellule n’eff pas un exagone parfait. Ce n’eff pas afles que d’avoir admiré la figure pyra¬ midale des fonds des alvéoles, & le choix des rhombes qui y font employés ; ces mêmes fonds offrent quelque¬ fois des irrégularités, qui ne lont pas moins propres à donner idée du génie des abeilles. Ceux qui ne vou- droient regarder l’emploi confiant des trois rhombes égaux, que comme l’ouvrage d’une machine bien mon¬ tée, doivent être embarraffes&furpris, lorfqu’iis obferve- ront, comme je l’ai obfervé bien des fois, que les fonds pyramidaux de certaines cellules, font conftruits de quatre fig. pièces*; qu’entre ces pièces, il n’y en a quelquefois que deux quadrilatères, que les autres ont plus ou moins de côtés ; enfin, que dans différents fonds, ces pièces varient différemment en figure & en grandeur. Nos mouches gavent donc fe méprendre ; elles peuvent manquer de donner des Insectes. VIII. Mem. 395 donner au premier rhombe la grandeur & les . ng'les qui lui conviennent^ niais au (fi èlles fçavent remédier à leurs méprifes. Elles ajuftcnt alors plus de pièces les unes contre les autres, afin que la pyramide prenne une figure qui s’é- loi gne le moins qu’il eft poliible de celle quelle auroit dû avoir. Mais comment les abeilles viennent-elles à bout de conftruire ces cellules, d’en compofer des gâteaux ou rax ons 1 C’eft ce qu’il n’eft pas aulfi aile de voir qu’on le fouhaiteroit. Elles fe portent à l’ouvrage avec tant d’ar¬ deur; il y en a tant à la fois qui veulent y avoir part ; elles cherchent tellement à s’entraider, que dans les endroits où elles travaillent avec le plus de fiuccès, foit à jetter les fondements de quelque noux'eau gâteau, foit à en allon¬ ger ou à en élargir un ancien , le fpeéîateur ne voit pres¬ que que du trouble & de la confufiori. 1! voit continuelle¬ ment arriver de nouvelles mouches, il en voit continuelle¬ ment partir d’autres,& fouvent il voit partir au bout d’un inftant, celles qu’il avoit vu arriver. Malgré nos ruches vi¬ trées, il n’y a que des moments, & encore des moments très-courts, où on puifie obferver celles qui établirent les baies des cellules, & qui en élevent les pans. Si l’obferva- teur parvient à voir une abeille qui édifie, bientôt il a le regret delà voir partir, ou bientôt il eft fâché de ce qu’elle lui eft cachée par d’autres qui fe mettent devant elle. On parvient néantmoins aftes aifément à obferver que leurs deux dents font les inftruments aveclefquels elles modèlent & façonnent la cire. Au moyen d’un peu de patience, on apperçoit des cellules, dont il n’y a encore qu’une partie d ébauchée; & on ne tarde pas à remarquer i’aéïivité avec laquelle une abeille fait mouvoir les dents, contre une petite portion de la cellule ; cette portion eft entre les deux dents, qui par des coups alternatifs & réitérés la Tome V „ D d d *PI. 30. I. 394 Mémoires pour l’Histoire battent de chaque côté, l’applanilïent, la rendent compare, «St Ja réduifent à n’avoir qu’une épaiflèut convenable. Sans voir les abeilles occupées à leur travail, on peut s’aflurer de l’ordre dans lequel elles le conduilént, li on détache des gâteaux, & fur-tout des gâteaux nouvellement fig. faits * ; leur contour montre la première ébauche, ou plû- tôt le plan de diverfes cellules, & en montre de plus ou de moins avancées. Le contour de chaque gâteau peut etre comparé à ces bâtiments oit on a laide des pierres d’at¬ tente. Ceux qui ont voulu attaquer l’efprit géométrique des abeilles, qui ont voulu qu’on n’admirât pas trop la ligure exagone de leurs cellules, ont dit que les cellules prenoient nécefiairement cette figure dès que les abeilles vouloient quelles fuffent toutes contiguës; qu’il arrivoit dans la conftruélion de ces cellules, ce qui arriverait fi l’on prefioit à la fois un nombre de boules d'une cire molle, & de même diamètre, arrangées fur une table qui aurait des rebords, &. où elles fe toucheraient toutes. La prelfion changerait les boules en difques exagoncs. Mais on rend plus de jufiiee au génie des abeilles ou à l’infiinél qui leur en tient lieu, lorfqu’on a confidéré les bords des gâteaux dont nous venons de parler : ils prouvent que les abeilles fe conduifcnt comme les ou¬ vriers qui travaillent à élever un bâtiment conforme au delfein que l’architeéle a donné. Elles commencent par établir la bafe de l’édifice, d’une cellule. Nous avons vu que cette bafe doit être compofée de trois petites lames de cire égales & femblables, faites en rhombe. Les abeilles façonnent d’abord un de ces rhombes. Rap¬ pelions-nous que deux des côtés de chaque rhombe fe trouvent à la circonférence de la bafe, & qu’ils fervent d’appuis à deux des faces, à deux des lames du tuyau exagone. Les abeilles bâtilfent, pour ainfidire, fur chacun des Insectes. VIII. Mem. 395 des côtés extérieurs du rhombe nouvellement conftruit, elles y attachent une petite lame qu’elles allongeront par la fuite, Si qui formera une des faces de hexagone; c’eff- à-dire, qu’après avoir frit un des trois murs rie cire, en rhombe, qui doivent compofer la baie, elles établiffcnt fur les deux côtés de ce mur, les fondements de deux des murs de hexagone. Elles travaillent enfuite à faire un autre rhombe de la bafe, qu’elles affemblent avec le pre¬ mier dans hinclinaifon qu’il doit avoir. Sur les deux côtés extérieurs de celui-ci, elles ébauchent encore les fonde¬ ments de deux ries pans de hexagone. Enfin, elles fer¬ ment Si finilfent la bafe, en y adjoûtant le troifîéme rhombe femblable aux deux premiers, Si achèvent d’é¬ baucher les fondements de hexagone, en mettant une lame de cire fur chacun des côtés extérieurs de ce dernier rhombe. Pendant que des abeilles prolongent les pans d’un tuyau exagone, d’autres abeilles ébauchent les baies de pluheurs nouvelles cellules; d’autres mettent à profit les baies de celles d’une des faces du gâteau, pour conflruire des cellules fur l’autre face; car elles travaillent à la fois aux alvéoles des deux côtés. Dans des circonfîances où elles font prefiees par l'ouvrage, Si nous dirons ailleurs quelles font ces circonfiances, elles ne donnent aux nouvelles cellules qu’une partie de la profondeur quelles doivent avoir; elles les laifient imparfaites, & différent de les finir jufquesà ce quelles ayent ébauché le nombre de celles qui font néceffaires pour le temps préfent. Enfin, les bords de chaque gâteau ne font faits, pour ainfi dire, que des fon¬ dations de diverfes cellules. De quelque adreffe que les abeilles foient douées, cc n’eft qu’avec le temps & bien de la peine qu’elles peu¬ vent dreffer les parois des cellules, les rendre auffi minces Ddd ij 396 Mémoires pour l’Histoire & auffi unies quelles doivent letre. Elles ne les jettent pas en moule. Si l’abeille qui dégroffit une partie de la cellule, qui commence à lui faire prendre forme, vouloit d’abord la rendre auffi mince qu'elle le doit devenir par la luite, elle n’y réuffiroit pas. Cette partie trop foible pour refiler au poids & aux mouvements de la mouche, fie briferoit. Auffi l’abeille lui donnede la folidité, du maffifi, beaucoup au-delà de ce qu’il convient qu’il lui en refte. D’autres mouches font chargées de limer, pour ainfi dire, de réparer & de polir ce qui cfl encore brut. Dans la plupart des eipéces d’ouvrages faits par main d’homme, le travail de finir eft celui qui demande le plus de temps. Peu de pu¬ deurs peuvent fournir affés de befogne à un très-grand nombre de Cifeleurs&de Répareurs. Le plus grand nom¬ bre de nos petites ouvrières en cire, cil auffi occupé a tra¬ vailler les dedans des cellules, à les perfectionner. La place ne permet pourtant qu’à une abeille à la fois de drefferév d’applanir les parois intérieures d’une cellule. Mais com¬ me le nombre des cellules eft confidérable, & que chaque mouche ne refte pas long-temps dans celle où elle eft entrée, c’eftde tous leurs travaux celui dans lequel l’on a plus d’occafions de les obfierver. On parvient aifément à voir une abeille qui fait entrer fa tête dans un alvéole, & quand elle ne l’y enfonce pas bien avant, on apperçoit en fuite quelle en ratifie les parois avec les bouts de lès dents ; quelle les fait agir l’une contre l’autre avec une aélivité admirable & fans interruption, pour détacher de petits fragments de cire, «.les efpéces de coupeaux. Les dents qui les ont détachés, ne les laiffent pas tomber. La mouche qui en a fait une petite boule, greffe comme la tèted’une épingle, fort de la cellule,&va porter cette cire ailleurs. Elle n’eft pas plutôt fortie qu’une autre mouche prend fia place pour continueriemêmc ouvrage. Celle-ci des Insectes. VIII. Mem. 397 entre comme la première avoit fait, la tête la première dans l’alvéole; elle y entre plus avant, fi les endroits à polir lont plus proches du fond. Quand c’eft fur le fond même qu’il faut travailler, la mouche efi toute entière dans la cellule; à peine fou derrière excéde-t-il un peu les bords de l’ouverture. Nous avons déjà parlé des deux principaux ufages des alvéoles. Nous avons dit qu’il y en a qui font employés à conferver le miel, 6c qu’il y en a d’autres, dans chacun dei'qucls doit naître un ver, y prendre l'on accroilTement, Si s’y transformer en mouche. Nous avons dit au (fi que les mâles des abeilles, les faux-bourdons, font beaucoup plus gros que les abeilles ordinaires. La cellule qui efi def- tinéeà loger un ver qui fe transformera en faux-bourdon, doit donc être plus grande en toutes fes dimenfions, que la cellule qui efi deftinée â loger un ver qui fe transformera dans une abeille ouvrière. Les ouvrières font auffi des cel¬ lules exagones de deux différents diamètres. Le nombre de celles qui font deftinées pour des abeilles ordinaires, cil grand par rapport au nombre de celles qui font faites pour des mâles. J’ai trouvé que 20 des petites cellules polèes fur une même ligne droite, remplilfent cnfcmble une longueur de quatre pouces moins une demi-ligne. Si on néglige la demi ligne, le diamètre de chacune de ces cellules fera de 2 lignes f. Et un gâteau de 1 5 pouces de long, fur un peu plus de 10 pouces de large, fera compolé d’environ 9000 alvéoles. Apres avoir mel'uré avec foin la longueur qu occu- poient des cellules à vers, d’où doivent naître des faux- bourdons, j’ai trouvé que 10 de celles-ci avoient une longueur de 2 pouces 9 lignes, 6c ~ de ligne. Ainfi le diamètre de chaque cellule, étoit de 3 lignes 6c ou à peu près de 3 lignes 6c un tiers de ligne. Mais avant D dd iij 398 Mémoires pour l’Histoire induré ensuite de ces cellules alignées autrement que les premières, je trouvai qu’il n’en falloit que 9 pour remplir la même longueur de z pouces 9 lignes & ~ de ligne; c’eft-à-dirc, que chacune de ces cellules avoit dans un fens, un diamètre d’un neuvième plus grand que celui quelle avoit dans l’autre. Quand les indurés me l’ont eu appris, j’ai été conduit à reconnoître que ces cellules n’étoient point des exagones parfaits, comme on a cru qu’elles en étoient: je diftinguois fort aifément deux faces oppofées, égales entr’elles, & plus petites que les quatre autres; & en répétant les mefures, je me fuis a duré que félon que la ligne lur laquelle je les mefurois, pafloit par Ses petites ou par les larges faces, il ne falloit que neuf, ou qu’il falloit dix cellules pour remplir à peu près la même longueur. J’ai cru auffi avoir obfervé de la diffé¬ rence entre les diamètres des petites cellules, celles qui ont des vers qui donnent des abeilles ordinaires, mais des différences moins confidérables ; & ces différences font prouvées par ce que nous avons dit ci-devant, que des trois angles rentrants de la bafe, ii y en a au moins deux qui ne font pas rencontrés par les angles formés par les prolongements des pans de hexagone. La longueur du pendule déterminée dans un pays dont la latitude cft bien connue, donne une mefure fixe qui a été long-temps defirée desSçavants, une mefure à laquelle toutes celles dont on veut avoir une connoiffance précife & fûre, doivent être rapportées. Nous ne ferions pas auffi embarraffés que nous le fommes fouvent fur les mefures des Anciens, s’ils enflent connu cette mefure fixe. Nous en aurions une autre, qui, quoique moins exade, nous fuffiroit pour bien des cas, s’ils nous enflent donné les mefures des cellules des abeilles; car il eft plus que proba¬ ble, que les abeilles d’aujourd’hui des environs d’Athènes des Insectes. VIII. Mem. 399 & de Home, font de la même efpéce que celles qui y étoient autrefois; que celles d’aujourd’hui ne font pas des alvéoles plus grands ou plus petits que ceux que fai- foient les abeilles qui travailloient dans les temps ou les Grecs & ceux où les Romains ont été le plus célébrés, M. Thevenot avoit penfé aufiï, comme nous le rapporte Svvammerdam, à prendre une mefure fixe d’après les cel¬ lules des abeilles. Les profondeurs des différentes cellules des abeilles, ne font pas aufiï confiantes que les longueurs de leurs diamè¬ tres. Communément les cellules à vers d’abeilles ouvrières, ont cinqlignes J de profondeur; & le gâteau compofé de deux rangs de cellules oppolees, efi épais d’environ dix lignes. Les cellules des vers qui doivent devenir des faux- bourdons, ont quelquefois plus de huit lignes de profon¬ deur; mais il y en a de moins profondes. Nous verronsdans la fuite, que les mêmes cellules qui fervent à élever les vers jufqu’à leur transformation, ont fouvent fervi auparavant à contenir du miel, & qu’elles y fervent fouvent après que les mouches dans lefquelles les vers fe font transformés, en font forties. Ainfi les cellules à vers de mouches ordi¬ naires, & les cellules à vers de mouches mâles, font dans différents temps des cellules à miel. Mais il y a des cellules que les abeilles ne defiinent qu’à recevoir du miel, aux¬ quelles elles donnent beaucoup plus de profondeur qu’aux autres. J’ai mefuré des alvéoles qui n’avoient que le dia¬ mètre des plus petits, & dont la profondeur étoit au moins de dix lignes. Lorlque la récolte du miel efi fi abondante, qu’il efi difficile d’avoir allés de vaifieaux pour ie loger, lorfque les abeilles ont peine à confiruire un nombre fuf- fifant de cellules pour contenir tout celui qu’elles peu¬ vent recueillir, elles allongent les anciennes, ou cllesdon- nent aux nouvelles quelles bâtiffent, une longueur qui 400 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE furpafîe beaucoup celle des cellules ordinaires. II eft vifib’e qu’elles épargnent ainfi les façons des baies. Nous verrons encore bientôt qu’il y a pour elles une autre épargne dans les cellules plus profondes. Les abeilles fçavent s accom¬ moder au temps, elles fçavent auffi s’accommoder au lieu. Quoique l’axe des alvéoles foit communément perpen¬ diculaire aux faces du gâteau, elles en conflruilent qui l’y ont incliné, Si elles en conflruilent quelquefois qui font courbes, Si cela iorfque le voifinage des parois de la ruche Si leur figure, ou Iorfque quelqu’autre circonftance ne per- mettroient pas d’y placer affés d’alvéoles droits. La difpofition des gâteaux offre, comme celle des al¬ véoles de chaque gâteau, des faits qui font honneur à l’intelligence des abeilles. Des mouches nouvellement établies dans une ruche qui étoit vuide. Si où elles fe trouvent bien, n’y refient pas long temps fans y jetlcr les fondements d’un gâteau qu’elles allongent Si élargiffent avec une célérité furprenante ; mais avant que de lui avoir donné autant détendue quelles lui en veulent, elles fe partagent. Une partie des ouvrières en commence un fécond , Si quelquefois une autre partie des mouches entreprend d’en faire un troifiéme. Quand il y a deux ou trois atteliers, plus d’ouvrières peuvent s’occuper à la fois fins s’embarraffer, elles font en état de faire plus de be- fogne. Les gâteaux font communément arrangés parallè¬ lement les uns aux autres, & parallèlement à la plus grande des fices de la ruche, fi la ruche a des faces, c’efl-à dire, fi fon contour n’efl pas courbe comme l’eft celui des ruches coniques. Il doit relier un intervalle entre deux gâteaux, une rue qui permette aux abeilles d’aller vifiter les alvéoles de l’un Si de l’autre gâteau. Ces rues n’ont ordinairement que la largeur qui luffit pour laiffer palier deux abeilles à la fois. Chaque gâteau ne tient iouvent au haut des Insectes. VIII. Mem. 401 au haut de la ruche, & même au haut de celles dont le defTus eft plat, que par une efpéce de pied qui a peu de- tendue. Quand les abeilles commencent un lècond gâteau dans une de ces dernières ruches, elles l’attachent fouvent au bout oppofé à celui où l’autre gâteau eft aflùjetti. Il luit de ce que nous venons de dire, que ce lecond gâteau doit être conftruit parallèle au premier, & qu’il ne doit relier entr’eux qu’un certain intervalle. Les abeilles qui ont jette les fondements du dernier, malgré la diftance qu’il y a entre l’endroit où elles l’ont collé, & l’endroit où tient le premier, ont donc jugé que lorlqu’il feroit fini, il fe trou- veroit placé par rapport à l’autre, comme il convient qu’il le l'oit. Il leur arrive pourtant de le tromper, & c’ell encore un de ces faits qui l'emblent prouver quelles jugent. Quel¬ quefois l’attache du nouveau gâteau a été polée fur une ligne tellement éloignée de la ligne où eft l’attache de l’autre, qu’il y auroit un trop grand intervalle entre le pre¬ mier & le fécond gâteau, fi celui-ci étoit conllruit parallèle à l’autre. Pour regagner une partie du vuide qui naît de fa mauvaife pofition, les abeilles leconduifent obliquement. A mefure qu’elles l’étendent, elles lui donnent une incli* naifon qui le rapproche de l’autre. La pofition du fécond gâteau a été quelquefois fi mal choifie, que le vuide qui relie d’un côté entre les deux gâteaux, ne paroît pas fùp- portable aux abeilles. Alors elles en conllruifent un troi- fiéme entre ceux-ci, mais qui a toujours peu detendue, par rapport aux deux premiers : elles le terminent dans l’endroit où les deux autres ne laiffent entr’eux qu’un in¬ tervalle qui y peut être fans inconvénient. Elles font plus quelquefois, elles remplilTent certains efpaces de gâteaux tous parallèles entr’eux, mais inclinés ou même perpen¬ diculaires aux premiers faits *. Mais, comme nous l’avons dit, les gâteaux font pour Tome V . E e e * pi. 21. fig. 3 & 4 - 402 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 1 ordinaire parallèles les uns aux autres. Ils laifTent entr eux des efpéccs de rues. Les abeilles auroient fouvent trop de chemin à faire, fi pour parvenir entre deux gâteaux juf- que vers leur milieu, il falloit toujours paffer par les bouts des rues. Pour abréger le chemin, quand elles conftrui- fent un grand gâteau , elles fçavent y referver une ou plu- fieurs ouvertures à peu près rondes. Ce font de grandes portes toujours ouvertes, & qui leur permettent d’arriver plutôt entre ies gâteaux, & d’en fortir. Des gâteaux lou- vent longs de plus de 18 à 20 pouces, & larges de 12 ou 1 j , comme il y en a dans certaines ruches, contien¬ nent un nombre de cellules bien confidérable. Leurs contours font curvilignes; mais ne prenons d’un gâteau qu’une portion reélangje longue d’environ 15 pouces, & large de plus de 10. Il ell aile de calculer quelle fera compofée de plus de 9000 cellules, comme nous l’avons déjà dit. Quoique les cellules foient formées de feuilles de cire extrêmement minces, les gâteaux deviennent des pièces pelantes lorfqu’ils font bien pleins de miel. Leur propre poids pourroit rompre les attaches qui les tiennent luf» pendus au haut de la ruche. Les abeilles fçavent auffi les affujettir en divers autres endroits contre lès parois ; & elles multiplient les attaches autant quelles en trouvent la facilité. Dans les ruches vitrées, les gâteaux extérieurs font fouvent foûtenus par de petites maffes de cire quelquefois cellulaires, collées par un de leurs bouts à un des carreaux de verre, & par l’autre au gâteau. Les gâteaux intérieurs font auffi quelquefois attachés les uns aux autres. Celui qui fe trouve immédiatement après un gâteau extérieur, efl attaché à celui-ci; ainfi les foiitiens des gâteaux extérieurs fervent à maintenir les autres. La prévoyance de ceux qui préparent des ruches pour y des Insectes. VIII. Mem. 403 loger des abeilles, les engage à y difpofer de petits bâtons en croix, qui par la fuite fervent de l’upports aux gâteaux qui y font conllruits ; ces fupports les mettent hors de nique de tomber, & épargnent du travail aux mouches. Nous avons vû les abeilles occupées à conftruire & à polir des cellules, nous les avons vû en compofer de grands gâteaux, fans avoir rien dit encore de la matière dont elles les conüruifent, fans avoir dit encore comment elles font la cire même; c’cfl-à dire, fans avoir expliqué en quoi cette cire brute qu’elles ramalfent fur les fleurs diffère de la vraye cire, & comment elles la convcrtiffcnt en véritable cire. Nous n’avons pas même dit où chaque abeille prend la cire dans l’in fiant où elle veut la mettre en œuvre pour en faire une portion de cellule. Ce der¬ nier fait me paroît avoir été ignoré par ceux qui ont trai¬ té des abeilles ; &• ils ne nous ont aucunement appris à quoi il falloit s’en tenir fur la converfion de la cire brute en véritable cire, ce qui eft cependant une quéftion cu- rieufe & importante à éclaircir, non-lèulement par rap¬ port à l’Hiftoire des abeilles, mais même par rapport à la Phy-fique. Ces deux petites pelottes dont font fouvent chargées les deux dernières jambes des abeilles qui reviennent de la campagne, ont été prifesfur les fleurs, ainfi que nous l’avons expliqué dans le fixiéme Mémoire. Elles 11e font autre chofe que des amas de pouffiéres d’étamines. C’efl ce que nous avons appellé de la cire brute ou de la ma¬ tière à cire. On pourroit néantmoins douter fi ces pôuf- fléres d’étamines ne font pas actuellement de la cire pro¬ prement dite. Certaines parties des plantes & des arbres donnent de la réfine toute faite; les mêmes parties ou d’au¬ tres parties de différents arbres, donnent de la gomme telle 404 Mémoires pour l’Histoire que nous l’employons. Enfin, nous connoiflons à préfent un arbrifleau commun au Mifliflipi, des grains duquel on retire une forte de cire au moyen de l’eau bouillante. Ne pourroit-ii pas fe faire que d’autres parties des plantes, que leurs fleurs donnaflent de la cire telle que ceile que nous brûlons journellement, que les abeilles ne fuflent chargées que du loin de l’y ramafler! Il feroit afles naturel de penfer que cela cft ainfi. Mais quand on vient à exa¬ miner ces petits grains que les abeilles ont enlevés aux étamines des fleurs, on reconnoît aifément qu’ils ne font point du tout de la cire, ils ne font que la matière dont elles la font. En attendant que nous apprenions le moyen d’avoir afles de cette cire brute pour fournir à des eflais un peu en grand, nous nous contenterons de faire remarquer qu’il efl très-facile d’en avoir pour des eflais en petit. Dans les jours où les abeilles vont à la campagne, on n’a qu’à fe tenir le matin auprès d’une ruche, & prendre celles qu’on y voit arriver chargées. Si on n’eft pas afles aguerri avec elles pour ofer les làifir avec une pince, fi on craint trop leurs piquûres, il y a un autre moyen de leur enlever leur récolte avec moins de rifque. On n’a qu’à tenir à la main un petit bâton frotté de glu. Dès qu’une abeille fe fera pofée fur le devant de la ruche, ou qu’elle y marchera, on s’en rendra maître fi on la touche avec le petit bâton. On lui ôtera fes deux boulles fi elle les a encore, & fi elle les a Inifle tomber fur le devant de la ruche, ce qui arrive afles fouvent en pareil cas, on les y ramaflera. Quand on fe fera fourni ainfi d’un certain nombre depelottesde cire brute, il fera facile de faire les expériences propres à mon¬ trer qu’elles ne font point encore de la cire. La plus fimple de toutes, & celle qui s’offre la première, cft de peflrir entre le pouce & l’index une de ces petites des Insectes. VIII. Alem . 405 boules, de lui faire changer de figure en la pefiriffant, & fur-tout de la réduire à une lameplatte. En pareil cas, la cire ordinaire fe ramollit, & devient flexible comme une pâte; quelque figure qu’on lui fa (Te prendre, lès parties refient continues; en un mot, la cire alors efi duélile, & la petite boule ne l’efi pas, elle ne fe ramollit point entre les doigts, elle s’y brife fouvent: on reconnoît toujours à la vue fimple, & encore mieux à la loupe, que la petite mafie n’efi qu’un affemblage de grains, dont chacun, mal¬ gré les preffions réitérées par des doigts chauds, a confervé là figure. S’ils tiennent les uns contre les autres, ce 11’efi: que par un peu d’humidité refiée fur leur furface. Pour fçavoir ce que peut fur cette matière une chaleur plus forte que celle des doigts, on mettra une petite pe- lotte dans une cuillier d’argent qu’on pofera fur de la cendre chaude, ou fur un charbon peu ardent. Si la petite boule étoit de cire, dans un inftant elle y deviendrait cou¬ lante, au lieu que la petite boule de cire brute confervefà figure, elle jette de la fumée, elle fedefféche&feréduit en charbon. On peut faire au feu une autre expérience, qui prou¬ vera auffi décifivement que la cire brute n’a pas encore les propriétés de la véritable cire. On en formera un petit corps long, une efpéce de filet, dont on préfentera un des bouts à la flamme d’une bougie. Ce fil de cire brute s’y allumera & brûlera comme ferait un brin de bois fec, 6 c plus chargé de matière huileufe que du bois ordinaire; mais il ne fe fondra pas, comme fe fondrait fans brûler, un petit rouleau de cire. Cette matière éprouvée à l’eau, comme éprouvée au feu, paraîtra encore différente de la cire. Si on en jette dans l’eau, elle tombera & refiera au fond, au lieu que de la cire remonterait 6 c refierait à la furface. Qu’on ne Eee iij 4.06 Mémoires pour l’Histoire foupçonne pas que, quoique cette matière paroiffe plus pélante fpécihquement que la cire, elle ne l’eft pas réelle¬ ment. Qu’on ne s’imagine pas que l'on excès de pélàn- teur doive être attribué à 1 humidité dont elle étoit pé¬ nétrée lorfqu’eile tenoit à la plante, humidité qu’elle conferve encore lorfque l’abeille la tranfporte. J’ai gardé de cette cire brute pendant plu fieurs années, & j’en ai eu qui a palfé un hyver entier fur la cheminée d’un cabinet où il y avoit continuellement du feu; le temps & le lieu eulfent dû fuffire à la delfécher parfaitement ; néantmoins quand j’ai jetté dans l’eau cette matière fi bien delTéchée, elle a été à fond. Il s’enfuit donc que les abeilles donnent quelque pré¬ paration à la cire brute qui la rend de véritable cire. Mais en quoi confilte cette préparation ! Ne leur fuffit-il point de la pelïrir, ou plutôt de la broyer en quelque forte! On peut foupçonner que chacun de ces petits grains qui ont été enlevés à la plante, font des efpéces de petits lacs membraneux, dont l’intérieur elt rempli de cire. On peut foupçonner qu’il n’y a qu’à brifer les enveloppes pour avoir la cire qu’elles couvrent. Mais j’ai eu beau pelïrir, j’ai eu beau broyer même cette matière, foit dans des cuillicrs d’argent avec un manche de couteau de porce¬ laine, foit fur du verre, je ne lui ai donné aucune des qualités qui lui manquoient pour être delà cire. Aprèsdes broyements réitérés, elle n’elï devenue ni plus duélile ni plus fufible qu’elle l’étoit auparavant. Puifqu’il ne fuffit pas aux abeilles de pelïrir la cire brute, on peut croire qu’elles y adjoûtent quelque matière, ou plutôt quelque liqueur. M. rs Maraldi & Swammerdam, l’ont penfé ainfi. Comme le miel ell ce que les abeilles ont le plus à leur difpofition, il étoit allés naturel de foupçonner quelles en mêioicnt avec la cire brute; mais des Insectes. VIII. Mem. 407 ç’a été inutilement encore que j’ai broyé de cette cire im¬ parfaite après l’avoir humeétée de miel ; fon état n en a pas paru changé. Swammerdam a eu un autre foupçon qui eh ingénieux. Il a pcniè que la liqueur venimeufe dont les abeilles ont une ahes groA'e veffie toute pleine, ne leur a voit pas été Amplement accordée pour empoifonner les bleffûres qu’elles font; que peut-être les abeilles humectaient avec cette liqueur la matière qu elles avoient ramaffée fur les plantes, & quelle pouvoit avoir une efficacité propre à changer cette matière en véritable cire. Il a cru même avoir fait quelques expériences favorables à cette idée, & qui lui avoient fait naître le defir de ramafTer plus de li¬ queur venimeufe pour répéter plus en grand les mêmes expériences. Celles que j’ai tentées ne me ilifpofent pas à croire qu’il eût été content du fuccès. Après tout, les gros bourdons velus, & beaucoup d’efpéces d’abeilles qui ne font pas de véritable cire, ont, comme les abeilles, des veffies pleines d’un femblable venin. Les guêpes & les fre¬ lons font bien pourvûs de ce venin, quoiqu’ils ne faffent que du papier. Ce feroit aflurément une découverte curieufe & peut- être même utile,que celle d’une manipulation ou d’un pro¬ cédé Ample qui transformeroit la cire brute en vraye cire. Celle que les abeilles nous ramafîent ne nous coûte rien; elles font des ouvrières que nous n’avons pas la peine de nourrir; mais nous n’avons pas à beaucoup près, affiés de ces ouvrières, & il s’en fuit bien qu’elles nous procurent toute la cire que nous pourrions confumer. La quantité de pouffiéres d’étamines qu’elles ramaffent à la campagne, n’ch rien en comparaifon de la quantité qu’elles y laifîènt perdre. Si nous fçavions faire de la cire avec ces pouf¬ fiéres, peut-être trouveroit-on des moyens d’en recueillir * Voyage de AI.’ Four ne- fort. Lettre 2, * Aîémoires de l’Acadé¬ mie 1711. Page 216. 408 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE beaucoup à peu de frais; peut-être trouveroit-on les moyens de mettre les enfants de la campagne en état de faire cette forte de récolte. La culture du lafran efl chere, &on n’efl point effrayé par la peine de couper les filets de lès fleurs, defonpiftile. En fille de Candie, on fait la récolte du iada- num avec des fouets de cuir *, des lanières dont on fouette danslafaifon convenable & pendant la plus grande chaleur du jour, les arbrilfeaux qui fourni fient cette gomme réfi- neulè. Il feroit peut-être moins long qu’on ne le l’imagine, de ramafler beaucoup de pouflîéres d’étamines,avec de gros pinceaux, ou même avec des peaux qu’on feroit pafier fur les fleurs dont une prairie efl émaillée, ou fur celles d’un champ de bled noir. Il y a des arbres & des arbuftes qui pourraient en fournir beaucoup. On entrevoit donc des moyens de parvenir à faireàpeu de frais, des récoltes de pouflîéres d’étamines; au moins 11e femble-t-i! pas qu’011 en dût delelpérer. Je voudroisbien qu’on pût autant fepro¬ mettre de trouver le moyen de convertir ces étamines en cire. Je n’ai pas fait à beaucoup près toutes les tentatives qui peuvent être faites pour y parvenir; j’en indiquerai quel¬ ques-unes qui peuvent inviter à en faire beaucoup d’autres. Dans le Mémoire que AJ. Geoffroy a publié fur la figure de ces pouflîéres, & fur leurs ulàges, par rapport à la fécondation des graines des plantes, il dit *: que ces petits grains ne fe dijjolvent ni dans l’eau, ni dans l'huile d’olive, ni dans l’efprit de térébenthine, ni dans l’efprit de vin, pas même à l’aide du feu ; que les trois dernières li¬ queurs en tirent bien quelque teinture, mais fans changer, ou très-peu, la figure des grains. Il adjoûte un peu après, que quelques-uns ont prétendu que ces grains n’étoient que des particules de cire ou de réfine ; que pour voir ce qui en étoit, il les a fait bouillir dans l’eau où ils ne fe font point fondus. AJ. Geoffroy croit que ces pouflîéres des Insectes. VIII. Mem . 409 pouffiéres contiennent une matière huileufe, que ccllels des lys ia biffent fur le papier dans lequel on les renferme. Les teintures quel eau, l’efprit de térébenthine & le! jirit devin tirent des pouffiéres des étamines, & fur-tout celle qu’en tire l’dpritijevin, quoique légères, me parurent mé¬ riter d’être examinées; & M. Geoffroy l’eût jugé comme moi, s’il eût eu à confidérer ces poulîiéres dans le point de vue où je devois les regarder, comme étant la matière première de la cire. Dans trois tubes de verre, dont cha¬ cun avoit intérieurement environ 9 lignes de diamètre, & dont la hauteur étoit de près de 6 pouces, je mis une quan¬ tité à peu près égale de cire brute que je ne pelai pas; je me contentai de remarquer quelle s’élevoit environ fix lignes au-deffus du fond du vafe. Un des tubes fut rem¬ pli d’eau, l’autre d’elprit de térébenthine, & letroifiéme le fut d’efprit de vin. La cire brute a été tenue pendant plus de trois mois dans chacune de ces liqueurs; mais la liqueur de chaque tube a été renouvellée plufieurs fois. Dans les premiers jours pourtant, comme on l’imagine affés, l’efprit de vin & l’efprit de térébenthine ont plus extrait de la cire brute que dans tout le refie du temps. Il n’en a pas été tout-à-fait de même de l’eau. Les pouffiéres des étamines ont donné à l’eau une cou¬ leur brune affés foncée. Il s’eft bientôt formé fur toute fa furface un champignon de moififfûre d’une ligne ou deux depaiffeur. Le premier champignon ayant été ôté, il s’en eft fait un autre à fa place, &il y en a paru de même cinq de fuite. L’eau avoit auffi une odeur qui tenoit du moifi, & qui étoit plus defagréable, elle approchoit de celle des plantes pourries. Il femble que ces pouffiéres qui étoient de petites parties de plantes, auroient dû fe pourrir dans l’eau en un temps moins long que celui pen¬ dant lequel elles y avoient été tenues. Cependant quand Tome V . F f f 410 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE j’ai obfervé au microfcope de celles que j’ai tirées de def- fous l’eau qui les avoit couvertes pendant plus de trois mois, je leur ai trouvé la ligure qu’elles avoient quand elles y avoient été miles. Il n’efi pas auffi fmgulier que celles qui ont demeuré pendant un pareil temps dans l’ef- prit de vin & dans celui de térébenthine, ayent confervé de même leur première figure. La quantité que j’avois de chaque liqueur qui avoit agi furîespouffiéres des étamines, étoit petite ; auffi nedevois- jepas m’attendre que chacune de ces liqueurs après s’être évaporée, me {aiderait une quantité de réfidence folide, bien confidérabie. Une cuillier d’argent me parut donc un affés grand vaifTeau, & convenable pour faire l’évaporation. D’abord j’en remplis une de l’eau la plus colorée, & je mis la cuillier fur des charbons allumés. Afin pourtant d’avoir plus de réfidence, je verfois de nouvelle eau colo¬ rée dans la cuillier avant que l’évaporation de celle qu’elle avoit, fût toute faite. J'eus ainfi la réfidence d’environ trois bonnes cuillerées d’eau. Cette réfidence étoit brune, & avoit l’efpéce de ténacité propre à une gomme; en un mot, elle me parut une véritable gomme. Après l’avoir rendue dure&lëche, il me fut aile de la ramollir &de la dilfoudre entièrement dans l’eau que je verfai defius. J’efTayai l’efprit de térébenthine, comme j’avois fait l’eau, fans efpérer néantmoins d’en avoir une réfidence auffi pure. Je m’attendois, comme il arriva, que laréfine que cette liqueur pourrait laiffier, ne me permettrait pas de diftinguer dans le compofé ce qui avoit appartenu à- la cire brute,de ce qui avoit étélaiffié par la liqueur réfi- neufe. Au refie, l’efprit de térébenthine peut peu fur la cire brute ; celle que j’ai fait bouillir dans cette liqueur, loin de s’y ramollir, a paru s’y durcir. Je me promis davantage de i’efifai qu’il me refioit à des Insectes. VIII. Ment. 41 ï faire de l’efprit de vin, car par lui-même l’efprit de vin ne pouvoit rien laiffer de folide fur la cuillier. Celle qui fut mile fur les charbons, fut remplie trois fois de fefprit qui avoit pris le plus de teinture. Lorlqu’ii fut évaporé en grande partie, la liqueur qui relia dans la cuillier fut épaif- fe, jaune & trouble, & répandoit une odeur qui me parut être celle de la cire ; elle le parut de même à pluheurs perfonnes à qui je la fis fentir. Enfin , lorfque j’eus pouffé l’évaporation jufques à ficcité, la cuillier lé trouva enduite d’une couche de matière jaune qui avoit une odeur de cire fi forte, qu’on ne pouvoit la méconnoître. Il paroil- foit donc quel’efprit devin avoit extrait des pou/fiéresdes étamines, de la cire qu’il y avoit trouvée toute faite, ou au moins, qu’il en avoit extrait la matière à laquelle la cire doit fon odeur. Il me refia pourtant un fcrupule fur l’expérience dont je viens de parler. La cire brute qui y avoit été employée, avoit été prife dans des cellules d’abeilles; peut-être n’en avoit-elle pas été tirée avec affcs de précaution ; quelques parcelles de véritable cire avoient peut-être été détachées, & l’odeur que donnoit la réfidence de ladiffolution, pou¬ voit être due à ces parcelles. Pour faire une expérience qui 11e me laiffât pas une inquiétude pareille, je fis pren¬ dre à des abeilles les pelottcs de cire brute qu’elles rappor- toient à leur ruche. Après en avoir ramaffe un volume égal à celui de quatre à cinq gros pois, je mis les pclottes dans un tube avec de l’efprit de vin. En 24 heures elles lui don¬ nèrent une forte teinture, qui le devint encore davantage lorfque j’eus échauffé le tube jufques à faire bouillir la li¬ queur. Je fis évaporer cette dernière diffolution, comme j’avois fait évaporer la première, dans une cuillier d’argent; j’eus bientôt une liqueur jaunâtre & trouble qui fèntoitla cire. Quand l’évaporation eut été pouflée jufques à ficcité, Fff ij 412 MEMOIRES POUR UHlSTOIRE il relia au fond de la cuiilier une alfés bonne quantité d’une" matière jaunâtre, qui, dès quelle fut refroidie, eut la con- fiftance de la cire, & qui, comme la cire, pouvoit repren¬ dre de la liquidité lorfque je la chauffois. Ayant vû en- fuite que cette matière qui avoit l’odeur de cire, felaifloit peltrir entre mes doigts, je la crus de véritable cire; mais bientôt je reconnus quelle n’étoit pas de la cire pure & parfaite. Je mis dans ma bouche La petite boule que j’en avois faite en la peftrifTant, elle s’y fondit, comme s’y fe- roit fondu un grain de cachou, ou comme s’y feroit fondu un morceau de quelque tablette, dont le fucreauroit fait la bafe: elle avoit aulïi un goût fucré. L’odeur de cette matière ne me permettoit pourtant pas de douter qu’elle ne contînt de la cire ; mais cette cire étoit mêlée avec une autre matière, & l’efprit de vin les avoit extraites toutes deux en même temps. Elle étoit mêlée avec des fels plus ailés à humecter que le fucre, c’ell de quoi j’eus bientôt la preuve. Je lis durcir fur le feu celle qui étoit dans la cuiilier, au point de réfilîer au frottement de l’ongle lorf- qu’elle étoit froide. Cette matière fi dure ne fut pas une heure à s’imbiber de l’humidité de l’air. En moins d’une heure fa furface fut ailes gluante pour s’attacher au doigt qui la touchoit. Ne pourroit-on pas regarder cette ma¬ tière comme une eljiéce de favon de cire 1 11 paroîtdonc que (i l’efprit devin tire des poulîiéres des étamines, delà cire , qu’il la tire en petite quantité & mêlée avec des fels qui s'humeélent aifément à l’air. L’odeur de la matière que l’efprit de vin avoit extraite de la cire brute, nous prouve décifivement que cette matière contenoit de la cire, ou au moins le principe auquel la cire doit fou odeur, & par conféquent, qu’un des principes de la cire eh actuellement dans les poulîiéres des étamines. Peut- être la. cire y elt-elle toute faite, & qu’il ne nous manque des Insectes. VIII. Mem. 413 qu’un dilfolvant pour l’en pouvoir extraire; car nous 11e connoilfons point encore de véritable dilfolvant de la cire. L’efprit de vin avoit tiré de nos poulfiéres tout ce qu’il eût tiré de la cire qui nous elt mieux connue pour cire. J’ai cru autrefois que l’elprit de vin fe chargeoit de toute la fu bilan ce de la cire, de tout ce qui entre dans fa compofition ; mais des expériences auxquelles les pré¬ cédentes m’ont conduit, m’ont appris le contraire. J’ai mis une chopine de vin fur une demi-livre de cire jaune divifée en lames minces. Au bout de deux jours l’efprit de vin a pris une belle teinture jaune. J’ai fait évaporer de cet efprit de vin dans une cuillier tenue fur quelques charbons allumés, comme j’avois fait évaporer l’elprit de vin chargé delà teinture qu’il avoit prifefur lespoulîiércs des étamines. J’avois cru que l’efprit de vin qui avoit agi fur de véritable cire, auroit lailfé de la cire au fond de la cuillier, il n’y a lailfé qu’une matière, qui avec l’odeur de cire, n’avoit que la conliftance du beurre, & qui pouvoit être dilloute par l’eau. J’ai fait depuis plufieurs expériences plus en grand fur les dilfolutions de cire par l’efprit de vin; mais je me referve à en parler dans un autre ouvrage, de crainte d’allonger encore un article déjà trop long. Je dirai feulement qu’il paroît que la matière que l’efprit de vin extrait de la véritable cire, eftfemblable à celle qu’il extrait des poulfiéres des étamines. Je rapporterai pourtant encore une expérience que j’ai faite avec l’efprit de vin tenu fur de véritable cire, mais fur de la cire qui n’avoit jamais été fondue. Je brifai un gâteau de cire, nouvellement confirait parles abeilles,& dans les cellules duquel il n’y avoit jamais eu de miel. Cette cire étoit très-blanche & très-lèche. Je la fis entrer par fragments dans un gros tube où je verfai de l’eljarit de vin; &afïn que cette liqueur en tirât plus vite ce qu’il lui Fff hj 4 ï 4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE étoit poffible d’en tirer, je la fis chauffer & même bouillir pendant plus d’un quart d’heure. L’efprit de vin fut en- fuite verlë dans une cuillier d’argent qui fut poféefur des charbons allumés. Quand il fe fut évaporé en grande par¬ tie, quand il ne refia plus au fond de la cuillier qu’une li¬ queur aufîi épaiffe qu’un firop, je la l'entis, & je ne lui trouvai qu’une légère odeur de cire; je la goûtai enfuite, &. je lui trouvai précifément le goût d’un lirop de fucre. Ce firop fut remis fur le feu 6c épaiffi à tel point, que lorfqu’il étoit refroidi, il étoit dur 6c très-dur. Cependant ïorfqu’il eut été expoféà l’air, il s’humeéta; mais au bout de deux jours il devint grainé, 6c fc rendurcit de nouveau. Il avoit le goût & la dureté du plus beau fucre. On doit être porté à regarder cette efpéce de fucre comme du miel qui étoit refié dans la cire. Tout ce que nous voulons conclurre de cette expé¬ rience, c’efl qu’il refîe dans la cire vierge des abeilles, dans celle qui n’a pas été fondue, une efpéce de fel fucre analogue à celui que l’efprit de vin tire des pouffiéres des étamines. Ce fera un miel filon veut. Quoi qu’il en foit, cette obfervation a fervi cà m’expliquer un fait qui m avoit embarraffé. Il m’eff arrivé quelquefois de tirer de l’eau froide des gâteaux de cire qui s’y étoient fenfiblement ramollis ; l’eau cependant ne peut que durcir la cire ordi¬ naire. Mais je penfe à prefent que la cire de ces gâteaux contenoit de ce fèl, ou ce miel que l’efprit de vin en peut extraire; & que l’eau qui peut diffoudre ce fel ou ce miel, peut par là amollir le gâteau. Au refie, quoique les principes qui doivent compofcr la cire foient certainement contenus dans les pouffiéres des étamines, ils peuvent n’y être pas actuellement réunis 6c combinés, comme ils le font dans la cire parfaite. Une obfervation de M. Bernard de Juffieu, femble prouver des Insectes. VIII. Mem. 415 qu’ils y font féparés. 11 a étudié au microfcope les poul- fiéres des étamines d’un grand nombre d’efpéces de Heurs en croix, comme des moutardes, des roquettes, &c; il a étudié, dis-je, ces pouffiéres pendant quelles étoient dans l’eau où il les avoit miles. IL a obl'ervé que ces petits grains s’y gonHoient de plus en plus, & cela jufques à fe créver. Dans l’inftant où chaque grain fe crévoit, il en fortoit un jet de liqueur qui nageoit fur l’eau fans fe mêler avec elle, & qui par conféquent, devoit être une liqueur huileufe. 11 a répété la même expérience avec le même fuccès fur les pouffiéres de plantes de plufieurs clalfes différentes. Mais pour dire le vrai, j’ai été dégoûté de pourfuivre les expériences propres à nous apprendre, s’il eft poffi- ble, de parvenir à tirer de véritable cire de la cire brute, ou de convertir la cire brute en vraye cire, dés que les moyens auxquels les abeilles font obligées d’avoir recours pour cette opération, m’ont été connus, & dès que des calculs & des obfervations m’ont eu prouvé que les abeilles même ne font que très-peu de vraye cire avec beaucoup de cire brute. J’ai jugé alors que cette opération n’étoit pas auffi fimple que Swammerdam & M. Maraldi fembloient l’avoir penfé, & qu’il étoit affés naturel de la croire. J’ai connu qu’il ne fuffiroit pas aux abeilles de peflrir la cire brute entre leurs pattes après l’avoir humectée de quelque liqueur. C’efl dans le corps même des abeilles que la cire brute doit être travaillée; c’eft-ià qu’eft le laboratoire où fe fait la véritable converfion ou extraction. Quelques Au¬ teurs qui ont parlé des abeilles, l’ont foupçonné, & je crois être en état de le démontrer inconteflabîement. C’efl dans le fécond eftomach *, & peut-être dans les inteflins * des * PI. 30. %, abeilles, que Sa cire brute eft altérée, digérée & convertie 1 * & en véritable cire, ou e’efl là que la véritable cire en eft ex- * u traite. Or dès qu’on fçait le lieu où fe fait cette opération P , 4 i6 Mémoires pour l’Histoire on efl bien tenté de croire qu’il ne nous efl pas plus aifé de parvenir à faire de vraye cire avec les étamines des fleurs, qu’il nous l’efl de faire du chyle avec les differentes fub- flances, foit animales, foit végétales, avec lefquelles notre eftomach & nos inteflins en font journellement. Il y a long-temps qu’on a penfé que les abeilles ne vi- voient pas feulement de miel, qu’elles mangeoient la cire brute. Ce fentiment a été reçu prefque généralement par ceux qui ont eu beaucoup de ces mouches, dans la vue de profiter des fruits de leurs travaux. Auffi dans divers pays, comme la Hollande, la Flandre, Se Brabant, &c. la cire brute efl appellée le pain des abeilles. Ce mets même a paru digne d’un nom plus noble aux Auteurs de divers traités fur ces mouches; ils ont cru qu’il méritoit celui du mets que les Poètes ont fait fervir fur la table de leurs Dieux. Ils ne l’appellent que i’ambroifie; & pour que les abeilles foient traitées en tout comme ces mêmes Dieux, ils veulent que le miel foit du neélar. Les anciens ont donné d’autres noms à la cire brute, rapportés par Pline, quelques-uns, dit-il, l'appellent erithacè, d’autres lui ont donné le nom de fandarac, & d’autres celui de cerinthé . II adjoûte enfuite que les abeilles s’en nourrifTent pen¬ dant quelles travaillent. Lelêntiment, au refie, qui veut que les abeilles prennent un aliment folide, pouvoit très- bien être du nombre de tant d’autres fur ces mêmes mouches, qui ont été reçus, & qui fe font perpétués fans afTés d’examen. Swammerdam après l’avoir difcuté, a prétendu qu’il étoit contre toute vraifemblance que les abeilles priffent une nourriture auffi folide que l’eflla cire brute. Î1 avoit reconnu par plufieurs obfervations qu’elle n’efl qu’un amas de petits grains, le plus fouvent de figure fphérique, & qu’il efl difficile de leur faire perdre. Quel¬ que petits que foient ces grains, leur diamètre lui a paru furpaffer des Insectes. VIII. Man. 417 furpafler beaucoup celui de l’ouverture du bout de la trompe. Il a penlé, ce qui paroît très-vrai, que cette ou¬ verture, contre l’exiftence de laquelle nous avons rapporté de fortes preuves, ne pouvoit donner palîage qu a une liqueur. Il a donc cru que des raifons auxquelles on 11e pouvoit oppoler rien de vraisemblable, établiiToient qu il étoit impolîible que les abeilles fe nourriflent de cire brute. Il efi certain aulfi, qu’il feroit impolfibie qu elles la filfent palfer par l’ouverture qu’il prétendoit être au bout de leur trompe. Mais il relie encore polfible que les abeilles prennent cet aliment folide, des qu’il efl prouvé qu’elles ont une bouche. Nous avons fiait connoître cette bou¬ che * dans le fixiéme Mémoire, & nous avons dit qu’il * PI- étoit très-important de la connoître, h on vouloit fçavoir *’ 7 l’hiftoire des abeilles. Nous y avons fait voir que fon ou¬ verture eft alfés confidérable pour recevoir les fubfian- ces folides qui doivent être conduites dans l’intérieur de l’abeille. Cette bouche efl placée au bout de la tête à la partie fupérieure de la trompe. Non-feulement nous avons déterminé fa pofition, éc avons donné une idée de fa grandeur & de la figure, nous avons appris de plus les moyens qui peuvent mettre en état de la voir quand on le veut; il fuffit donc à préfent qu’on fe rappelle quelle efl aulfi bien placée qu’une bouche d’infeéle peut l’être, quelle fe trouve immédiatement au-delfous des dents, 6c que fon ouverture efi alfés confidérable. Ce qui m’a conduit à chercher cette bouche & à la découvrir, c’efi qu’après avoir jugé qu’elle étoit abfolu- ment nécelfaire aux abeilles, je les ai vûes fouvent dans des opérations qui prouvoient inconteftablement qu’eiies i’avoient. Pendant que j’en examinois qui rentroient & qui fortoient d’une ruche où je les avois nouvellement établies, j’en remarquai une qui arrivoit chargée de deux Tome V . Ggg 41 8 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE boules de cire brute ; elle fe pofa un peu à l’écart fur l’appui de la ruche; elle s’y tint tranquille, & fi tranquille qu’elle ne fut point déterminée à changer de place iorlque, pour i’obfcrver de plus près, je me mis à genoux, & que j’ap¬ prochai d’elle une loupe, au travers de laquelle je croyois mieux dilîinguer à quoi aboutiffoient des mouvements de iêtequ’dle avoit réitérés plufieursfois. Je vis très diffinéïe- ment qu’il y avoit des moments où elle fe contournoit au¬ tant qu’il étoit néccffaire, pour prendre avec les deux dents une petite portion d’une de fes boules de cire brute. Ellefe redrelfoit enluite.éè les dents agiffoienl l’une contre l’autre pour broyer la matière qu’elles avoient emportée. D’inf- tant en in fiant cette portion de matière fembloit diminuer de volume entre les dents qui lamâchoient, & bientôt elle difparoifloit totalement. Alors les dents ne tardoient pas à aller détacher une autre petite portion de la même pe¬ lote, quellesmâchoient comme eiles avoient fait la pre¬ mière. Ces opérations furent répétées pendant plus d’un demi-quart d’heure, au bout duquel il ne refia rien de la pelote de cire ; elle avoit été entièrement mangée. A mefure que les dents en avoient fuffifamment broyé une * Pl.^s.fig. partie, la langue* dont nous avons déterminé ailleurs la à. 7 1'.). 9 ’ '° figure & la pofition, étoit à portée de la fàifir, & la fai- fiffoit pour la conduire dans la bouche. Si j’avois ignoré que cette bouche étoit au-deffous des dents, tout ce que je viens de rapporter me l’auroit prouvé fuffifamment ; car que pouvoit devenir la matière broyée par les dents, fi elle n’entroit pas dans un trou defliné à la recevoir l D ailleurs la trompe, comme trompe, ne contribuoit en rien à faire difparoître la matière qui avoit été broyée: die étoit dans l’inaéfion la plus parfaite, pliée & ramenée contre la face pofiérieure de la tête, comme elle l’eft dans tous les temps où elle ne doit point agir. des Insectes. VIII. Mem. 419 Ce que j’ai vû faire à la mouche dont je viens de parler, je lai vû faire à beaucoup d’autres mouches que d’autres circonftances favorables m’ont permis d’obferver à mon aife. Mais il efl plus ordinaire que l’abeille entre dans la ruche chargée de fes deux pelotes de cire brute. Elle marche fur les gâteaux en battant des ailes ; lors¬ qu'elle s’arrête quelque part.lorfqu’elle fe fixe, elle ne cefle pas pour cela d’agiter fes ailes. Elie femble par ces mouve¬ ments, & le bruit qu’ils produifent, inviter fescompàgnes à la venir trouver. On en voit bientôt trois ou quatre qui s’arrangent autour d’elle, & qui travaillent officieufement à la décharger de fes fardeaux. Ce que nous venons de dire, apprend afies à quoi tendent les bons offices quelles lui rendent. Chacune prend entre fes dents fa petite por¬ tion d’une des pelotes. Après l’avoir prife, elle ne tarde guéres à en venir reprendre une fécondé, & même une troifiéme fois, fi d’autres abeilles ne fe font pas préfen- tées pour en avoir leur part. En un mot, les deux pelotes qui chargent les jambes pofterieures de l’abeille, font fou- vent bientôt enlevées & mangées par fes compagnes, & cela, fur-tout dans les temps du fort du travail, dans les temps où les mouches font preflees de meubler de gâteaux, un logement où elles font nouvellement établies. Enfin, fi on veut encore avoir une autre démonflration pour fe convaincre que les abeilles ne fe contentent pas de mâcher la cire brute, on la trouvera dans leur intérieur. Qu’on ouvre leur eftomach & leurs intefiins, on les verra fouvent remplis de cette matière ; les grains y auront fou- vent leur première figure, & fi on les confidére au mi- crofcope, ils y paraîtront tels qu’y paroiffent lespouffiéres des étamines. Dans les ruches bien fournies de gâteaux de cire, que tes abeilles ne font pas preffées d’aggrandir, Si lorfque la Ggg ij 420 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE récolte de cire brute, cft h facile & fi abondante qu’il en vient plus à la ruche qu’il n’y en peut être confumé, la mouche qui arrive avec les deux pelotes de cette matière, attendrait long-temps avant que de trouver des com¬ pagnes qui vinlfcnt les lui ôter. Toutes en font gorgées: celle qui en rapporte, s’en ch: aulfi apparemment raflahée à la campagne, mais elle n’a garde de biffer perdre le fruit de l'on travail. Il vient des temps où il y a difette de pouffiéres d’étamines; & même dans les faifons les plus favorables, il y a des jours fâcheux où les mouches ne peuvent aller ramaffer celles dont les Heurs font char¬ gées. Il leur convient d’avoir pour de pareils temps, rie la cire brute en provifion. Julqu’ici nous n’avons parlé que de deux ufàges des alvéoles ; nous avons feulement dit, que les uns fervent à loger les vers qui doivent deve¬ nir des mouches, & que les autres fervent à contenir le miel. Nous devons dire à préfent, que d’autres alvéoles font employés à un troifiéme ufage, à confèrver la cire brute qui eh mile en referve. La mouche qui arrive char¬ gée de deux lentilles de cette matière, dont les compagnes n’ont pas actuellement befoin, s’accroche avec l'es deux jambes antérieures contre le bord d’une cellule vuide, ou, plus exactement, d’une cellule dans laquelle il n’y a ni ver ni miel. Elle y fait entrer enl'uitefes deux jambes poftérieu- res, celles qui font chargées des deux petites boules ; & c’efl pour aider fes jambes à y entrer, quelle recourbe un peu fon corps en deffous, qu elle le rapproche de fa tête. Alors avec le bout de chacune de fes jambes du milieu, elle pouffe vers le dedans de l’alvéole la lentille ou pelote de cire brute de chacune de fes grandes jambes. Les deux lentilles lont détachées dans Enflant, & tombent dans l’alvéole. Souvent dès que l’abeille s’eh défaite de fes petits far¬ deaux, elle part, foit pour aller fur le champ s’occuper d’un des Insectes. VIII. Mem . 421 nouveau travail, Toit pour fe joindre aux mouches qui, par un repos néceflaire & mérité, fe préparent des forces. Mais à peine les deux lentilles font-elles tombées dans une cellule, qu’une autre mouche entre dans cette même cellule la tête la première ; elle y refte quelquefois pendant un temps affés confidérable. On ne voit pas ce qu’elle y fait; mais quand elle en eft fortie, il eft aile de juger de ce quelle y a fait. Les deux lentilles font alors réunies dans une même mafle qui a été pouffée jufqu’au fond de la cellule, qui y a été preffée, & dont la fur face a été appla- nie de manière à être rendue parallèle à l’ouverture de l’alvéole. Dès qu’il y a une fois deux pelotes de cire brute dans une cellule, il eft décidé qu’elle doit être un petit magafin deftiné à être rempli de pareille matière. Jufqucs à ce qu’elle le foit, des abeilles viennent les unes après les au¬ tres s’y décharger de leur récolte de cire brute, que d’au¬ tres mouches peftriffent, preffent & arrangent. Quelquefois la mouche même qui a apporté les deux pelotes, prend elle-même tous ces foins. Chaque mouche paroît employer plus de temps qu’011 ne croiroit qu’elle en devroit employer à arranger & à empiler deux petites pelotes de cire brute; car tout ce travail femble fe réduire à étendre, à appliquer le peu de matière qu’elles contiennent, comme il convient qu’elle le foit, fur celle qui eft déjà pofée dans la cellule. Mais c’cft que la mouche ne fe contente pas de les placer com¬ me elles le doivent être; avec fes dents elle les peftrit & les humeéte en même temps, elle les imbibe d’une liqueur qui ne paroît être autre chofe que du miel. Si on tire d’une cellule de la cire brute qui vient d’y être mifè, elle eft viftblement plus humide, plus liée, elle a plus de corps que n’en a la cire brute qu’on a ôtée à une des 422 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE jambes d une abeille ; 6c fi on la goûte, on lui trouve un goût de miel qui fait ailes connoître la nature de la liqueur qui a été employée pour lui donner de la liaifon. On pour- roit croire que la liqueur dont la cire brute eft imbibée, aide à la faire digérer, à la préparer à devenir de vraye cire; mais quand je fuis venu à examiner de celle qui avoit demeuré dans cette prétendue digeftion pendant plus de fix à lept mois, je ne lui ai pas plus trouvé les qualités de la vraye cire, que je les ai trouvées aux pelotes dont j’avois dé¬ pouillé les abeilles qui arrivoient à leur ruche. Je ne crois pourtant pas que ce foit fans aucune raifon d’utilité que les abeilles imbibent de miel celles quelles veulent garder. J’y en vois même une; le miel eft aufïi propre qu’aucune matière, à empêcher la corruption des corps qu’il couvre, je conçois donc que les pouffiéres d’étamines bien enduites de miel, en font moins expofées à fermenter, 6c moins en rifque de moifir, ou peut-être de fe trop deiïecher. Au refte, on trouve dans les ruchespluficurs gâteaux, dont d’aflés grandes portions n’ont que des cellules rem¬ plies de cette cire brute. On trouve auflides cellules ifo- lées qui en font pleines. On en voit quelques-unes dif- perfées entre des cellules pleines de miel, ou entre des cel¬ lules dont chacune contient un ver. Les abeilles aiment apparemment à en trouver à portée dans le befoin. Il a été afles prouvé par tout ce que nous avons rap¬ porté ci-devant, que les abeilles mangent la cire brute; mais il ne l’eft pas encore, que c’eft dans leur eftomach âc dans leurs inteftins qu’elle devient de véritable cire. Elle pourroit n’y être portée que comme aliment, 6c n’en fortir que fous la forme d’un excrément inutile. Elles rejettent aufti par leur anus les fceces de celle dont les fucs ont été extraits pour leur nourriture, 6c apparemment auftî les fceces de celle qui a été convertie en vraye cire ; mais la des Insectes. VIII. Mem. 423 même ouverture qui lui a donné entrée lorfqu’elle étoit brute, eft celle par laquelle elle fort propre à être mile en œuvre. C’efl ce que mes ruches vitrées m’ont mis en état de voir, & ce qui n’a pu être oblèrvé par Swammerdam, qui 11e connoifFoit pas ces lortes de ruches, ni par M. Maraldi qui n’en avoit point à fa difpofition de conftrui- tes auffi favorablement pour un oblervateur, que le font les miennes. J’ai été attentif à faifir les temps oùdes abeilles travaillent à faire des alvéoles qui touchoient le verre de quelqu’un des carreaux, ou qui en conftruifoient de très-proches du verre. Muni alors d’une loupe, & cher¬ chant à obfervcr quelque abeilie occupée au travail dans le temps où il fe faifoit moins tumuituairement, dans des in liants où le carreau de verre qui me permettoit de voir l’abeille, empêchait quelle ne me fût cachée par d’autres mouches qui nepouvoient pas fe placer entr’ellc & le car¬ reau ; alors, dis-je, j’ai vû que l’abeille qui bâtilfoit une portion', loit du fond, foit d’un des pans d’un alvéole, ne fe contentoit pas de faire agir les deux dents l’une contre l’autre, ou plutôt contre la petite lame qui étoit entrelles deux: elle me montroit au-deffous des dents une autre partie charnue &blancheâtre qui étoit dans un mouvement continuel & extrêmement vif; qui étoit dar¬ dée en avant & retirée en arriére, comme feft fouvent la langue d’un ferpent ou celle d’un lézard. Cette partie étoit aulfi la langue de la mouche. C’eft pour l’avoir vue ainfi en aétion, que j’ai cherché à la trouver, & que je l’ai trou¬ vée aux mouches que j’ai prifes; & cela, toutes les fois que je l’ai voulu. La figure de cette langue de l’abeille en travail, va- rioit continuellement. Elle étoit tantôt plus aigue, tantôt plus large, & plus applatie, & tantôt concave & plus ou moins. Elle étoit quelquefois cachée en partie par une 424 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE liqueur moufTeufe, & quelquefois par une efpéce de bouil¬ lie. CeLte bouillie étoit la cire que la langue aidoit par fes divers mouvements, àforlirdela bouche,quellecôndui- foitdans la place ou elledevoit être mile pour que les dents la fhçonnaffent. Après que l’abeille avoit fourni ce quelle pouvoit donner de cette matière, ce qui étoit fait en peu d’inflants, elle partoit,& ce fl à regret que je la voyois partir, fur-tout lorfque celle qui venoit fur le champ pren¬ dre fa place 11e fe mettoit pas dans une pofition où il me fût auffi aifé d’obfcrver ce qui fe paffoit auprès des dents. C’efl donc avec une efpéce de pâte humide que les abeilles dégorgent, quelles compofent leurs cellules; dès que cette pâte efl féche, & elle l’eft dans un infïant, elle efl de la cire telle que notre cire ordinaire. Quand on n’auroit pas vû auffi diflinélcment que je l’ai vûplufieurs fois, cette pâte fortirde la bouche de l’a¬ beille, & pouffée par fa langue, on auroit dû juger que ia matière dont les cellules font faites, étoit fournie par la bouche de la mouche. On a pu voir agir les dents de différentes abeilles occupées à bâtir, & on a pu remar¬ quer que ces dents 11’alloient prendre de la cire fur aucune partie du corps; que les jambes n’en avoient point alors. A la vérité, M.Maraldi apenféque chacune de ces abeilles qui avoient part au travail fucceffivement, arrivoit avec une petite portion de cire qu’elle tenoit entre fes dents. Mais M. Maraldi avoue de bonne foi que tout fe paffe avec tant de mouvements variés & précipités dans la conftruc- tion des cellules, qu’on croit que tout efl en confufïon. Il y a donc apparence, qu’il n’a donné à chaque mouche un grain de cire entre les dents,que parce qu’il a cru néccffaire qu’elles i’euffent, ou parce qu’il a pris ia cire qui étoit em¬ portée par des mouches qui avoient été occupées à polir, pour’de la cire dont les mouches forment les cellules. Les des Insectes. VIIL Mcm. 425 Les raclures, les coupeaux de cire qui viennent d ure détachés d’une cellule nouvellement conftruite, peuvent probablement fervirà former une partie d’une autre cellule; & j’ai cru voir des abeilles occupées à les mettre en œuvre. Mais il me paraît certain qu’elles ne fçavent employer que la cire nouvelle, que celle qui, depuis qu’elle eft cire, & qu’elle a paru au jour, n’a pas eu le temps de lécher par¬ faitement. Voici les faits qui me femblent décififs fur cela. Dans tous les temps de l’année, excepté celui où les abeilles font engourdies par le froid, fi on leur offre du miel, elles vont ie fuccer avec avidité, files aiment mieux profiter de celui quelles trouvent tout ramaffé, & en grande quan¬ tité, que d’aller en chercher qui efi dilperlé dans les fleurs par gouttes infiniment petites. Mais fi on leur offre des gâteaux de cire, même dans les temps où elles ne trou¬ vent pas à faire de récolte de pouflïéres d’étamines, elles n’en tiennent aucun compte. Elles les hachent quelque¬ fois, mais ce n’eft qu’autant qu’ils font un peu humeétés d’un miel dont elles veulent profiter. Jamais elles ne s’avi- fent de porter la cire de ces gâteaux dans leur ruche. J’ai kiffé. des gâteaux bien dépourvûs de miel pendant près de cinq à fix mois tout auprès de mes ruches, fans que les abeilles les ayent endommagés. Nous ramolliffons par la chaleur la cire que nous voulons mettre en œuvre : cette manière de la rendre propre à être façonnée, ne convenoit pas aux abeilles. Elles pourraient néantmoins faire prendre à l’air des environs de l’endroit où elles travaillent une chaleur capable de rendre la cire extrêmement molle; mais cette chaleur favorable aux petites parties de cire qu’ci les vou¬ draient employer à former une nouvelle cellule, ferait contraire aux cellules déjà faites & voifines. Ces dernières, devenues trop flexibles, ne réfifieroient pas au poids & aux Tome V » Hhh 42 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mouvements des mouches qui paffent alors deffus en très* grand nombre. Les gâteaux pleins de miel chargeroient trop leurs attaches ramollies ; celles-ci fe briferoient. La cire que l’abeille met en œuvre, doit donc être rendue molle par un fecret à nous inconnu, par une liqueur qui la détrempe; être à peu près dans l’état de lafoye qui eft prête à fortir du corps d’un infeéte, qui alors n’eft qu’une efpéce de gomme diftfoute, & qui expofée à l’air fe delfé- che bien vite, & ne craint plus i’aétion des liqueurs ordi¬ naires. Mais il faut prouver par des obfervations plus aifées à faire que les précédentes, que la cire brute eft convertie en vraye cire dans l’intérieur des abeilles, par des obier- vations qui ne demandent pas qu’on ait des abeilles logées dans des ruches tranfparentes, telles que les miennes, ni qu’on fai lifte des moments rares pour étudier avecfuccès ces mouches la loupe à la main. Dansla faifon des eftaims „ fion fe trouve à portée d’en examiner un qui s’eft attaché contre quelque arbre, on pourra remarquer qu’entre les mouches dont il eft compolé, il y en a très-peu qui ayent à leurs deux jambes poftérieures, des pelotes de cire brute. Celles-là feules en ont qui revenoient char¬ gées de la campagne dans le temps qu’eft partie la troupe à laquelle elles le font jointes. Cependant fi on a laide J’eftaim pendant quelques heures en repos , lorfqu’on le fait pafler dans une ruche, on trouve fouvent un petit gâteau de cire attaché à l’arbre, & qui étoit caché par les mouches qui l’ont conftruit. Où auroient-elles pris la cire dont elles l’ont fait, fi elles ne l’ayoient pas tirée de leur intérieur î On verra des gâteaux qui ne peuvent avoir été faits que d’une cire fortie du corps des abeilles, fi on oblige celles d’une ruche à pafter dans une autre ruche, & fi on les y des Insectes. VIII. Mem . 427 oblige dès ie matin, avant qu’aucune ait encore longé à aller à la campagne. Alors ayant toutes été forcées de déménager brufquement, elles n’emportent point de cire brute à leurs jambes, ni fur aucune de leurs parties exté¬ rieures. Cependant fi elles fe trouvent bien de leur nou¬ veau logement, quoiqu’on ne les en ait pas vû fortir, dès ie foir même, on y trouvera des gâteaux de cire. Avant que je fçulfe où eft le laboratoire où fe fait la cire, où elt le refervoir de celle que l’abeille employé, j’ai été quelquefois très- inquiet pour des mouches que j’avois fait changer de demeure, & que je voyois aller à la campagne, & en revenir fans apporter des pelotes de cire brute. J’étois enfuite étonné au bout d’un jour ou deux, de voir de très-grands gâteaux de cire faits par ces mou¬ ches, que je croyois dans une habitation qui leur déplai- foit. Ordinairement elles cachent elles-mêmes, elles cou¬ vrent de toutes parts les premiers gâteaux qu’elles conftrui- fent. Je croyois que des mouches auxquelles je n’avois vû rapporter aucune pelote, étoient dans une parfaite inac¬ tion. Je ne fçavois pas quelles pouvoient avoir fait paffer dans un de leurs eftomacs & leurs inteftins la cire brute avec laquelle elles revenoient à la ruche, ou y avoir eu une provifion de cette cire lorfquc je les avois délogées. On a une preuve encore de l’altération confidérable que les abeilles doivent produire dans la cire brute, & d’une altération qui ne peut guéres être l’ouvrage d’un inftant, Jorfqu’on a examiné les petites boules qu’elles rapportent à leur ruche. Les boules des unes font d’une couleur très- pâle, prefqueblanches; celles des autres font jaunâtres, & communément elles font d’un beau jaune ; d’autres font d’une couleur orangée, d’autres rougeâtres, & d’autres prefque rouges ; j’en ai vû de vertes. On trouve auffi des couches de cire brute de ces différentes couleurs, dans les H h h ij 428 MEMOIRES POUR L’HiSTOÎRE cellules où cette mitiére eft mife en referve. Cependant les gâteaux faits de ces cires brutes différemment colorées , ont tous la même couleur. Tout gâteau nouvellement fait, eft blanc. Ils différent feulement entr’eux par plus ou moins de blancheur. J’ai vû quelquefois que le blanc des gâteaux nouvellement conftruits, ne le cedoit en rien à celui des plus belles bougies, auprès defquelles je les avois pôles. Entre les gâteaux nouvellement faits, ceux qui m’ont paru les moins blancs, pouvoient être com¬ parés à la mauvaife bougie blanche, ou à celle qui, pour avoir été trop gardée, a jauni. Ces gâteaux qui font for- tis fi blancs des mains des ouvrières, perdent peu à peu de leur éclat, en vieilliffant iis jauniffent; les plus vieux deviennent’d’un brun qui approche du noir de la fuye. Le miel qu’ils contiennent, qui lui-même jaunit avec le temps, contribue à altérer leur couleur ; mais elle peut être encore plus altérée par les vers qui prennent leur ac- croiffement dans les cellules de ces gâteaux. On peut s’af- fûrer par un moyen qu’il n’eft pas temps de rapporter, que les cellules qui l'ont les plus noires ont fervi de loge¬ ment à plu fie u rs vers, qui les uns après les autres, y lont nés, & y ont crû jufqu’à ce qu’ils fe foient transformés en mouches. Enfin, on imaginera aifément que les va¬ peurs qui tranlpirent du corps des abeilles, peuvent altérer la couleur de la cire, dès qu’on fçait que l’air même d’une chambre eft capable de faire jaunir avec le temps la bougie la plus blanche. L’art de blanchir la cire ne paroît donc être que celui de lui enlever la matière étrangère qui l’a pénétrée 6c co¬ lorée depuis quelle a été faite par les abeilles. Mais toutes les abeilles 11e font pas de la cire également blanche. Je n’héliteroispas à croire que cette différence vient unique¬ ment de ce que les unes n’ont pas employé des poufliéres des Insectes. VIII. Mem. 429 d’étamines aufii propres à être dépouillées de leurs cou¬ leurs, que le font les poufliéres qui ont été ramafteespar d’autres, fi je 11’avois oblervé que dans le même temps & le même lieu, les abeilles de certaines ruches ont fait des gâteaux qui, comparés à ceux qui ont été faits par d’autres abeilles dans d’autres ruches, n etoient que ce qu’eft la bougie devenue jaune à l’air par rapport à la bougie la plus blanche. On peut foupçonner que la matière propre a devenir cire, n’eft pas également bien blanchie dans l’intérieur des abeilles de toutes les ruches. Comme celles d’une même ruche doivent toutes leur naiffance à une même mere, il ne feroit pas furprenant quelles euffent toutes la même imperfection dans la conformation de leurs eftomacs & de leurs inteftins. On Içait, & on ne fçait que trop dans les bianchilferies, qu’il y a des cires qu’on ne peut rendre d’un beau blanc. C’elt probablement qu’on ne peut rendre la cire plus blanche quelle l’étoit, lorfqu’elle eft fortie de deffous les dents des abeilles; on ne fait que lui ôter les matières qui l’ont teinte depuis, & tout notre art ne peut aller plus loin. Les abeiiles ne paroi ftent pas recueillir par préférence les pouiïiéres d étamines d’une couleur à celles qui en ont d’autres.Elles ramaffent celles quelles trouvent plus aifé- ment. 11 y a des temps où on leur voit à toutes des pelotes jaunes, & d’autres où on ne leur en voit que de prelque rouges; ce qui dépend des rieurs qui fe trouvent dans les endroits où elles vont faire leur récolte. Mais quelle quefoit la couleur de ces pelotes, elles la perdent pendant qu’elles font macérées & digérées dans l’eftomac de l'abeille: Si on ouvre le ventre de quelques-unes de ces mou •.'h es dans le temps où elles font dans le fort du travail, on trouvé le fécond eflomac & les inteftins remplis de ces poufliéres, qui y font aifées à reconnoîtie, comme nous lavons dit, H h h iij 430 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE 6l qui, au moyen de la liqueur avec laquelle elies font mê¬ lées, y compofent une bouillie jaune ou jaunâtre. 11 ed aifé de prendre de cette bouillie, de la lécher entre les doigts,& d’en former une lentille alfés femblableà celles qu’on voit aux jambes podérieures des mouches. Si on approche de fon nez la nouvelle lentille, ou encore mieux la bouillie, on efl faifi par une odeur defagréable & péné¬ trante, qui apprend alfés qu’elle ed une matière en fer¬ mentation , & dont la digedion fe fait. Cette odeur qui, quoique plus defagréable que celle des efprits volatils, peut lui être comparée, m’a engagé à éprouver quelle altération feroit produite dans la cire brute que je laiflerois en digedion dans une bouteille bien fer¬ mée, & où elle feroit mêlée avec un efprit volatil qui la furnageroit. La cire brute s’y ed ramollie, & y ed devenue plus pedridable ; mais elle n’ed point devenue fufible com¬ me l’ed la cire. Il en ed cependant des cdomacs des abeilles, comme du nôtre; ils ne digèrent pas toujours tout ce qui leur a été donné à digérer. Lorfque l’abeille fait fortir par fa bouche la liqueur mouffeufe, qui ed de la cire délayée, pour ainfidire, des grains d’étamines qui n’ont pas fouf- fert afles d’altération dans l’edomac, peuvent être portés avec cette liqueur. Quand on examine à la loupe les caffures de la cire, telle que nous l’employons, de celle qui a été fondue, on y peut fouvent découvrir de petits grains qui ont confervé leur figure arrondie, qui ne le font pas fondus, & qui ne font pas fufjbles. Ces petits grains ne font apparemment autre choie que des grains de pouffiéres d’étamines, qui fans avoir été digérés, font fortis avec la liqueur cireufe par la bouche de l’a¬ beille. On feroit fur la voye de trouver un moyen fimple de des Insectes. VIII. Mem. 431 convertir la cire brute en véritable, fi on n’attribuoit pas à quelque hazard des produits qu’ont donné deux expé¬ riences rapportées dans les Ephémérides des curieux de la Nature *. M. Daniel Major y apprend ce qui lui efl arrivé pendant qu’il faifoit piler des rôles à cent feuilles pour en compolèr de la confèrve. Après que les feuilles curent été pilées dans un mortier de pierre avec un pilon de bois, on trouva un petit morceau de cire blanche du poids de deux à trois grains, attaché au pilon ; il croit qu'on ne peut foupçonner que la cire vînt d’ailleurs que des rôles, parce que le mortier & le pilon avoient été bien nettoyés. 11 adjoûte que ce fait lui efl encore arrivé une autre fois, 6c qu’il fut remarqué par un étudiant qui piloit les rôles. S’il étoit bien certain que cette cire n’eut pas été mife toute faite dans le mortier par quelque accident, s’il étoit bien certain qu’elle le fût formée fous les coups de pilon, il paroîtroit que le fuc des feuilles de rôles auroit transformé en cire les pouffiéres des étamines de ces fleurs, pendant qu’elles étoient broyées par les coups de pilon. Cette expérience efl fimple, je l’ai faite. J’ai pilé huit à dix pelotes de cire brute avec des feuilles de rofes; mais les pelotes ne font point devenues pour cela de véri¬ table cire. Quoique quantité d’abeilles foient occupées dans l’in¬ térieur de chaque ruche à mettre la cire en œuvre, 6c à perfectionner les cellules qui en font faites , quoique beau¬ coup d’autres travaillent à divers autres ouvrages, 6c quoi¬ qu’il y en ait beaucoup à ia campagne pour y faire des ré¬ coltes, le nombre de celles qui font en repos, efl encore très-grand dans chaque ruche, 6c beaucoup plus grand que le nombre de toutes les autres priées enfemble. On y voit des maffesd’un volume confidérable, formées par plufieurs milliers de mouches accrochées les unes aux autres. Celles * Premier Decennium ann . 8. obf. j, P a S• 7• 432 Mémoires pour l'Histoire qui font fj tranquilles, pendant que d’autres le donnent tant de peine & de foins, joui fient apparemment d’un repos quelles ont mérité par le travail. Elles reprennent des forces pour être en état d’agir, lorlque les abeilles actuellement employées à des exercices fatiguants, au¬ ront befoin de fe repofor. Il eft plus naturel de penlêr qu’elles partagent ainfi leur travail par des intervalles de repos, peut-être afTés courts, que de croire, comme j’ai connu des gens qui le penfoient après les avoir oblèr- vées, quelles avoient alternativement des jours ouvriers, pour ainfi dire, & des jours de fête; que celles qui avoient travaillé un jour, ne travailloient pas le jour fuivant ; ou au moins, que les mêmes abeilles ne fortoient pas tous les jours de la ruche. Ce fentiment qui n’eft appuyé fur aucune preuve, ne feroit vrailémblable qu’en cas que le nombre des abeilles qui fortent chaque jour d’une ruche, ne fût pas égal à celui des abeilles qu’elle contient ; car s'il lui efl égal, ou plus grand, il efl plus naturel de penfer que l’abeille qui eft reve¬ nue chargée de la campagne, fe repofe pendant un certain temps, que de croire quelle continue de fe donner les mê¬ mes fatigues pendant tout le jour. Il m’a donc femblé que pour décider cette queftion, ilfalloit fça-voir quel efl à peu près le rapport du nombre des abeilles qui fortent de la ruche dans chaque jour propre au travail, avec le nombre des abeilles de la ruche. Au lieu de compter le nombre de celles qui en fortent, j’ai compté le nombre de celles qui y rentrent, ce qui revient au même, & qui efl plus facile. J’ai, dis-je, compté à différentes heures du jour les abeilles qui rentroient dans leur ruche pendant un certain nombre de minutes, & j’ai compté celles qui rentroient dans diffé¬ rentes ruches plus ou moins peuplées. Il y a eu des ruches ou j’ai vû rentrer environ cent mouches par minute, tantôt plus des Insectes. VIII. Mem . 433 plus cependant & tantôt moins, de forte que je crois pouvoir prendre ce nombre pour un nombre moyen. Il y avoit donc par heure fix mille abeilles qui rentroient dans la ruche dont je parle. Or on peut luppoier que l’affluence avoit été la même depuis cinq heures du matin jufques à fept heures du loir, & en cela je ne crois pas qu’on fuppofe trop, parce que s’il y avoit des heures où elle avoit été moindre, elle avoit été plus grande dans d’autres. D’ailleurs, les abeilles fortent «quelquefois dès quatre heures du matin, & 11e ceffent de lortir que vers les huit heures du foir; mais au lieu de compter celles qui leroient rentrées pendant feize heures, nous nous contentons de compter celles qui leroient rentrées pen¬ dant quatorze heures ; leur nombre eh quatorze fois 6000, ou 84000. Le nombre exaél des abeilles qui habitoient la ruche dont il s’agit, m’étoit inconnu; mais j’ai fiait allés d’obfer- vations fur celui des abeilles de différentes ruches, pour avoir lieu de croire que je ne me tromperai pas beaucoup fur l’évaluation que j’ai faite du nombre de celles de cette ruche. J’ai cllimé qu’il pouvoit être d’environ 1 8000 mou¬ ches. Ainli le nombre des 84000 qui étoient rentrées, n’avoit pu être rempli qu’en fuppolant que chaque abeille étoit au moins fortie quatre fois dans la journée pour aller faire des récoltes à la campagne, & que quelques-unes étoient lôrties cinq fois, j’ai compté les mouches qui rentroient dans des ruches fi peu peuplées que j’aurois cru être fur de gagner, li j’eiiffe parié quelles ne contcnoient pas 6000 abeilles. Cependant j’ai efflmé à 50 le nombre de celles que j’y voyois rentrer par minute, ou à 3000 par heure. Chacune de celles-ci fortoit donc au moins deux fois par jour de plus que chacune des autres, environ fept fois. Enfin, nous venons devoir à combien d’autres Tome V . I i i 434 Mémoires pour l’Histoire ouvrages quantité d’abeilles font occupées pendant tout le jour dan's la ruche ; & nous en devons conduire que fi le nombre de celles qui font en repos, e-jft grand, il n’eft pas compolé pendant long temps des mêmes mouches; qu’à induré qu’il y en a quelques-unes qui fe joignent au gros pour fe tenir tranquilles, il y en a d’autres qui en partent pour reprendre le travail. Le calcul que nous venons de rapporter, conduit à en faire un autre, qui feul eût fuffi pour prouver que les abeilles ne mettent pas en œuvre la cire brute telle qu’elles la rapportent, quelles la mangent; & qui apprend de plus, qu’il n’y a qu’une très petite partie de celle qu’elles ont digérée, qui foit convertie en cire propre à être em¬ ployée à la çonfïrudlion des cellules. Dans le Printemps, il y a des jours où du matin au foir on ne voit rentrer que des abeilles chargées de deux pelotes de cire brute, & où au moins le nombre de celles qui y reviennent char¬ gées des deux pelotes, eft beaucoup plus confidérable que le nombre de celles qui reviennent à vuide. Suppofons néantmoins le nombre de ces dernières égal à celui des autres. Dans une ruche telle que la première des deux dont nous avons parlé ci-deffus, dans celle où 84000 abeilles rentrent par jour, elles y apportent donc 84000 pelotes dans une journée, & cela, dans la fuppofîtion qu’il n’y a que la moitié des abeilles qui y en rapportent. Quelque petite & quelque légère que foit chaque pelote, toutes enfemble doivent faire un poids affés confidérable par rapport à la quantité des matières contenues dans une ruche. Pour fçavoir à peu près à quoi il pouvoit aller, j’ai pefé avec foin, & cela à différentes fois, les pelotes de cire brute que j’avois enlevées à des abeilles avant qu’elles euffent eu le temps de s’en décharger dans la ruche, Sc j’ai trouvé que huit pelotes pefoient un grain. En divifànt des Insectes. VIII. Mem. 435 84000 par huit, ou a donc; ie poids des grains de eue brute qui étoient apport» dans une journée dans i inté¬ rieur de la ruche dont nou parlons^ Ce poids cft de 10500 grains,&la livren’eft compoiëeque de 92 16grains. Ainft la récolte de cire brute faite dans une leule journée peloit plus d’une livre. Or il y a dans une année plulieurs jours d’une aufit grande récolte. 11 y en a fouvent quinze à feize de fuite, loit vers la mi-May, foit vers le commen¬ cement de Juin ; enfin, dans les jours moins favorables, les abeilles ne laiffent pas de rapporter encore de la cire brute dans la ruche. Pendant lept à huit mois confécutifs que les abeilies fartent, elles doivent ramafïgr plus de cent livres de cette matière, Si peut-être beaucoup plus. Cependant, fi on tire au bout d’une année la cire d’une ruche f'emblabie à celle dont il efl queftion, on n’y en trouvera peut-être pas deux livres. D’où il fuit que les abeilles n’extraient de la cire brute qu’une afîes petite por¬ tion de véritable cire; que la plus grande partie de cette matière fert à les nourrir, & que le refle fort de leur corps fous la forme d’excréments. Dans quelques années j’ai vû les abeilles de plulieurs ruches en panier, revenir pour la plupart chargées de cire brute du matin au loir; Si cela, pendant la fin d’Avril, Si une bonne partie du mois de Mai. Quand après piufieurs femaines d’une (i grande récolte, je faifois renverfer ces ruches pour en examiner l’intérieur, je n’y pouvois dé¬ couvrir ni gâteaux nouvellement conflruits, ni des gâteaux allongés ou élargis. Qu’avoient-elles donc fait de toi te la cire brute qu’elles avoient ramaffée! Elles pouvoient en avoir mis une portion en referve dans les cellules; mais il efl évident quelles en avoient mangé la plus grande partie. 11 efl à remarquer que les faux-bourdons, qui ne travaillent I i i ij 436 Mémoires pour l’Histoire point aux ouvrages de cire, ne prennent pour toute nourri¬ ture que du miel, du moins dans bien des centaines de ces groffes mouches que j’ai ouvertes, n’en ai-je jamais trouvé une qui eût dans le canal des aliments de la cire brute. Outre les befoins qui exigent que les abeilles faffent des récoltes de cire brute, elles en ont d’autres qui les engagent à s’aller charger d’une autre matière. Leur ha¬ bitation ne doit avoir que les ouvertures qui y tiennent lieu de portes. Par-tout ailleurs elle doit être très-clolè. Nos mouches ont à craindre que les infeéles qui en veu¬ lent à leur miel, que ceux qui en veulent à leur cire, 8 c que ceux cpii leur en veulent à elles-mêmes, ne trouvent en différents endroits du corps delà ruche, des ouvertures par où ils puiffent s’y introduire.il eff plus facileauxabeilles de s’oppoler aux incurfions de leurs ennemis, quand elles n’ont qu’une porte ou peu de portes à garder. Enfin, les entrées ne doivent pas être feulement bouchées aux in- feéies, elles le doivent être à la pluye 8 c à l’air. Il importe fur-tout aux abeilles d’être logées bien chaudement, com¬ me nous le prouverons dans le dernier Mémoire de ce volume. Auffi, un de leurs premiers foins, lorfqu'elles font nouvellement établies dans une ruche, eft de boucher toutes les ouvertures, toutes les fentes qui s’y peuvent trouver, 8 c elles veulent qu’elles foient folidement bou¬ chées. Celles que j’ai miles dans des ruches vitrées, dont les bords des carreaux étoient, comme ceux des carreaux de nos fenêtres, recouverts de bandes de papier,& cela, du côté de l’intérieur de la ruche, ces abeilles, dis-je , n’ont pas manqué de ronger ce papier. En le rongeant, elles mettoient pourtant à découvert les ouvertures qui fe trou- voient entre le bois & le verre; mais c’eff qu’elles fe pro- pofoient d’y appliquer une matière moins pénétrable à l’eau, que celle qu’elles avoient ôtée. des Insectes. VIII. Metn. 437 II lemble que les abeilles pourroient faire ufage de la cire pour rendre leurs ruches très-cloles; mais il leur a été enleigné de Te Tervir d’une autre matière qui, Tans doute, y elt plus propre, qui s’étend & s’attache mieux, & qui a beaucoup plus de ténacité. La matière dont nous voulons parler, n’a pas été inconnue aux Anciens. Pline même en dilîingue de trois fortes différentes, dont la première qu’il regarde comme le fondement de tout le travail des abeilles, elt appellée metys, la Teconde pijfoceron, &l la troifiéme propolis; mais le nom de propolis elt celui au¬ quel la plupart des Auteurs Te font tenus, & les deux autres ne font propres qu’à défgner de la propolis plus ou moins pure, plus ou moins mêlée avec de la cire, de laquelle, au relie, la propolis diffère extrêmement. Elle Te laiffe aiTément diffoudre par TeTprit de vin, & par l’huile de térébenthine. En un mot, elle elt une réTine, qui avec le temps, Te durcit beaucoup dans la ruche, mais qui peut toujours être ramollie par la chaleur. Celle qu’on trouve dans différentes ruches, & même dans différents endroits de la même ruche, offre non- feulement des variétés par rapport à la confiltance, elle en offre auffi par rapport à la couleur & à l’odeur. Elle elt une des matières auxquelles 011 a donné une place dans les boutiques des Apothicaires ; & pourquoi n’y en auroit- elle pas eu une! Communément elle répand une odeur agréable quand elle elt échauffée. George Piétorius dans Ton Traité des abeilles, veut qu’on choififfe celle qui a une couleur jaune, qui a beaucoup d’odeur, qui reffemble au Ityrax, & qui, comme la réfine appellée maltic, peut Te lailfér étendre. Pline dit que de Ton temps on la Tublti- tuoit au galbanum, & qu’elle a une odeur forte. Mais il elt ordinaire d’en trouver qui a une odeur aromatique, qur ne Tçauroit manquer de plaire, &il y en a qui Tembleroit I 1 i ifj 458 Mémoires pour l’Histoire mériter d’être mile au rang des parfums. La couleur de la furface extérieure de la propolis, eft un brun rou¬ geâtre, mais tantôt plus claire, 6c tantôt plus foncée; elle tire tantôt plus fur le brun, & tantôt plus fur le rouge. La couleur de l’intérieur, celle des fragments qu’on dé¬ tache, approche davantage de celle de la cire, elle eft plus jaunâtre. Celle qu’on a diffoute, loit dans l’elprit de vin, l'oit dans l’huile de térébenthine, pourrait être fubftituée aux vernis qu’on employé pour donner une couleur d’or à l’argent, ou à l’étain réduit en feuilles, qui ont été ap¬ pliquées, loit lur du cuir, loit lur du bois. Elle pourroit de même fervir pour dorer mieux qu’on ne fait les ou¬ vrages de bimbloterie. Elle donne une belle couleur d’or aux métaux blancs & polis, liir lefqueis elle eft étendue. Il ne peut lui manquer qu’un peu de brillant, qui lui feroit ajoûté, fi on i’incorporoit avec le maltic ou le fan- darac. Dans le temps que les abeilles mettent en œuvre la propolis, elle eft molle ; comme un bitume elle eft propre à être étendue pour efpalmer la ruche ; mais elle prend de jour en jour plus de confiftance, & devient bien plus dure que la cire. Elle peut toujours être ramollie par la chaleur; lorfqu’on en tire un morceau ramolli, par deux bouts oppofés, il fe briffe étendre & ne fe caffe qu’après avoir été allongé en fil; ce qui n’arrive pas à la cire dans un fembîable cas. Ii elt bien plus difficile de voir des abeilles chargées de cette matière quelles employent à boucher les fentes de la ruche, & à en enduire les parois, qu’il ne l’eflde les voir chargées de la matière quelles convertiffent en cire. Elies n’ont pas befoin d’apporter dans leur ruche autant de la première matière que de la fécondé. Ce n’eft guéres que dans les premiers temps où elles fe font établies dans une des Insectes. VIH. Mew. 439 ruche, qu’elles ont befoin de celle-là, ou lorfque dans la fuite il fe fait quelque trou. Audi malgré toutes mes ru¬ ches vitrées ai-je paffé plufieurs années fans parvenir à appercevoir des abeilles chargées de propoiis. Peut-être efl-ce faute d’avoir connu les heures favorables. Je les épiois indifféremment à toutes celles du jour, & plûtôt même le matin que J’après midi; & je fuis à préfent fort dilpofé à croire que fi les abeilles choififïent par préfé¬ rence les heures du matin pour ramaffer la cire brute, elles prennent celles du loir pour faire la récolte de la ma¬ tière qu’elles employent à mafliquer. La première fois que j’ei-î vis des abeilles chargées, ce fut en Juillet fur les cinq heures & demie du foir. J’avois toujours eu envie de fçavoir fi elles donnoient à la propolis quelque préparation comme elles en donnent une à la cire brute, û elles étoient obligées de la manger, ou fi elles l’em- ployoient telle quelles l’apportoient à la ruche. Mon doute fut éclairci dès que j’eus obfervé des abeilles qui en étoient chargées. J’en remarquai plufieurs qui avoient à leurs jambes poftérieures deux plaques lenticulaires rou¬ geâtres , affés femblabies par leur figure aux pelotes de cire brute, mais dont les bords étoient plus applatis. Comme plufieurs de ces mouches étoient fi proches des carreaux de verre, qu’elles les touchoient, il me fut aiféderecon- noître foit avec mes yeux feuis, foit avec mes yeux aidés delà loupe, que cette matière étoit précifément la même que la propolis employée à lutter les jointures & les fentes, quelle n’étoit point un affemblage de petits grains comme l’efl la cire brute. Un autre objet de ma curiofité, étoit de fçavoir com¬ ment l’abeille qui portoit à fes jambes les deux plaques d’une matière que je fçavois très-ténace, parvenoit à les en détacher. C’efl fur quoi j’eus encore le plaifir d’être 44-0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE bien-tôt inftruit. Je vis que des compagnes attentives épargnoient à la mouche la peine de fe débarraffer d’une matière qui lui avoit affés coûté à ramaffer & à apporter. Je vis bien tôt une abeille qui alla prendre avec les dents une petite portion de cette matière, qui étoit fi bien collée contre une des jambes de l’autre. Elle faifoit des elîorts pour arracher ce que fes dents tenoient faifi, elle le ti- railloit. Cette petite portion s’allongeoit comme s’allon- geroit en pareil cas une gomme réfineulè qui n’auroit pas pris encore toute la dureté, mais qui auroit beaucoup plus de confillance qu’il n’en faut pour être en état de couler. Quand la mouche, après avoir tiré à plulieurs repriles, étoit parvenue à léparer du refte de la maife cette petite portion, la tenant entre les ferres, elle la tranlportoit à quelqu’un des endroits où il y avoit une fente à boucher. Une autre mouche remplaçoit celle-ci fur le champ; & quelquefois deux mouches arrachoient en même temps à chacune des deux jambes poftérieures de i abeille de la gomme réfineulc. Ainfi peu-à-peu les petites pelotes qu’elle avoit apportées, lui étoient enlevées par des mou¬ ches qui ne tardoient pas à les employer. On croit que c’eft lur les peupliers, fur les bouleaux & fur les faules, que les abeilles vont prendre la propolis; le hazard n’a pas voulu que je leur y aye vu faire cette récolte. Je ne crois pourtant pas qu’elle leur foit fournie par ces feuls arbres. J’ai vû des abeilles dans des pays où il n’y avoit ni peupliers, ni bouleaux, ni huiles; c’étoit donc fur d’autres arbres qu’elles s’étoient pourvues de la réfine qui leur ell nécefifaire. Mais quand j’aurois obfervé des abeilles fur les arbres où elles prennent la propolis, il n’y a pas apparence que j’euffe réuffi à voir auffi bien comment elles s’en chargent, que je l’ai vû dans une cir- couftance particulière. Une opération qui avoit demandé que des Insectes. VIII. Ment. 44t que j’ôtafie le bouchon du trou fiipérieur d une de mes ruches vitrées, demanda auffi que je n’y fille pas rentrer ce bouchon en entier. Il avoit été fcellé par de la pro¬ polis, & la partie qui en étoit enduite, refia au-defius du bord du trou. Des abeilles de cette ruche qui s’apper- çurent qu’il y avoit là une matière quelles avoient été obligées d’aller chercher au loin depuis peu de jours, Sc qui 11e s’étoit pas encore defiechée, en voulurent profi¬ ter. J’en vis trois à quatre attroupées defius. Une y refia feule par la fuite, & travailla à la détacher dans un endroit placé auffi favorablement qu’il eût pu être fi je l’eufie choifi moi-même. Cette gomme tenace, & qui s’étoit defiechée depuis quelle avoit été apportée à la ruche, ne cédoit qu’à des tiraillements redoublés, néantmoins elle fe laiffoit encore étendre. L’abeille s’en chargea ; elle s’en fit fur chaque jambe une pelote d’une grofleur énor¬ me. Auffi y fut-elle occupée bien du temps. Une grande demi-heure fe pafia avant qu’elle fut parvenue à fe donner fa charge. Cette matière incomparablement plus difficile à détacher que ne le font les poufiiéres des étamines, & plus difficile à manier, ne permettoit pas à l’abeille d’aile^ vite, circonfiance heureufe pour i’Obfervateur. Je l’exa¬ minai la loupe à la main pendant toute la demi-heure. Je voyois avec plaifir combien elle étoit obligée de donner de coups de dents, & de tirailler pour arracher un petit grumeau de cette matière; elle le pefirifloit enfuite avec fes dents. Les deux premières jambes aidoient à achever de le façonner; une de celles-ci s’en chargeoit enfuite, & le donnoit à la fécondé jambe du même côté, qui le portoit à la troifiéme, qui l’y appliquoit fur le tas com¬ mencé: dèsqu’elle l’y avoit appliqué, elle le tapoit avec fa palette, elle lui donnoit trois à quatre coups. La mouche cJioififioit la propolis le moins defiechée, celle qui ayoit Tome V. . K k k 442 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE encore aflfés de vifcofité pour fe coller à la petite pelote. Elle laiiïoit tomber les fragments qui fembloient trop fecs, & elle les négligea comme inutiles, comme n’étant plus propres à être mis en oeuvre. Les abeilles ne fe contentent pas de boucher les trous de la ruche avec la propolis, elles enduifent de cette ma¬ tière les bâtons en croix qui aident à foûtenir les gâteaux, &fouvent elles en étendent fur une grande partie des parois intérieures. C’eft apparemment ce qui a donné lieu aux Anciens, & à Pline entr’autres, de dire qu’elles fe fervoient de propolis comme de colie, pour attacher les gâteaux à la ruche, parce qu’ils auront trouvé entre les parois de la ruche Si le gâteau une couche de cette réfine. Mais ce n’efl pas précifément pour cela, qu’elles l’employent. J’ai détaché un grand nombre de gâteaux qui avoient été Lits dans des ruches nouvellement habitées, j’ar examiné leurs attaches. Si je les ai toujours trouvées de pure cire. Les abeilles ne fouffrent que le moins qu’elles peuvent des corps étrangers dans leur ruche. Quand il s’y en trouve qui ne font pas d’un poids fupérieur à leurs forces, elles les portent dehors. Mais il arrive quelquefois à des infeéfes, Si fur tout à des limaces mal-aviiées, Si à des limaçons peu inftruits, d’entrer dans une ruche. Si de s’y promener jufques fur les gâteaux de cire. On ne fera pas étonné que les abeilles n’épargnent pas des en¬ nemis fi lourds, qu’à force de piquûres elles les tuent. Mais qu’en faire après qu’ils font morts! Les abeilles ne peuvent pas fonger à tranfporter de fi lourds fardeaux; elles craignent cependant les mauvaifes odeurs que ces cadavres répandroient dans la ruche en fe corrompant. Pour n’y être pas expofées, elles les embaument, elles les couvrent de toutes parts de propolis. M. Maraldi a déjà rapporté qu’il avoit yû un limaçon quelles en avoient des Insectes. VIIL Mem. 443 enduit par-tout. J’ai vu des faits femblables plufieurs fois; j’ai vu des limaces, dont la peau s’étoit apparemment un peu deflechée, qu’elles avoient cachées fous une enve¬ loppe de cette réfine. J’obfervai un jour qu’elles avoient employé la même matière pour une femblable fin & avec plus d’œconomie, fur un limaçon. Il avoit appliqué les bords de l’ouverture de fa coquille contre un carreau de verre; au moyen de la liqueur vifqueufe, dont il étoit pouryû, il s’étoit attaché là fixement, comme il fe fût attaché dans la cavité d’un mur contre une pierre, pour y refier jufqu’à ce que la pluye l’eût invité à fe mettre en marche. Les abeilles jugèrent à propos de l’y attacher plus folidement qu’il ne sy étoit attaché lui-même, & plus folidement qu’il ne l’eût voulu. Elles appliquèrent une épaiffe ceinture de propolis tout autour de l’ouver¬ ture de la coquille, & contre le carreau de verre. La co¬ quille fe trouva donc arrêtée par une matière bien autre¬ ment ténace que celle avec laquelle le limaçon l’avoit afiii- jettie, & par une matière qu’il n’étoit pas en fon pouvoir de ramollir en répandant de l’eau deffus, comme il peut ramollir celle qu’il employé. J’ai offert à des abeilles de la térébenthine, & du bitume liquide. J’ai mis de ces matières auprès de leurs ruches, pour voir fi elles ne les fubfiitueroient pas à la propolis, pour maftiquer les ouvertures de leur logement. Je n’ai pas obfervé quelles ayent tenté de s’en fervir. Le vrai eft que j’ai négligé de faire cette expérience dans les temps qui dévoient être choifîs par préférence. J’ai négligé de mettre ces matières à la difpofition des abeilles qui avoient été nouvellement établies dans une ruche. Nous devons revenir à parler dune récolte plus im¬ portante pour nos mouches, que celle de la propolis, de la récolte du miel. Nous avons prouvé qu’elles mangent la Kkkij * PI. 50. 10 & 12 444 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE cire brute, qu’elles s’en nourrirent; mais elle n’efl pas leur feul aliment, & nous fommes difpenfés d’en donner des preuves. On fçait affés que ce n’eft pas pour nous qu’elles font des provifions de miel; qu’il y a des jours, & même des faifons, qui ne leur permettent pas d’aller chercher de quoi vivre à la campagne, &où elles y iroient inutile¬ ment ; qu’alors elles confument le miel qu’elles avoient ramaffé dans des temps plus favorables; que fi leur récolte a été trop petite, ou leur confommation trop grande & trop prompte, elles font réduites à mourir de faim. Mais nous n’avons encore confédéré les abeilles que dans i’inf- tant où elles enlevoient avec le bout de leur trompe, cette liqueur de deflus les glandes neélariféres des fleurs. Il nous refie à voir ce qu’elles font de celle qu’elles en ont tirée, & des moyens auxquels elles ont recours pour la conferver. La trompe de l’abeille efl une efpéce de langue carti- iaginpufe & velue, qui, après avoir ramaffé des goutte¬ lettes de miel fur quelque fleur, les conduit à la bouche. Là fe trouve une véritable langue plus courte & charnue, qui pouffe vers l’œfophage le miel qui lui a été apporté. Dans les abeilles, & généralement dans les mouches, on peut laifferle nom d’œfophage à toute la portion du ca¬ nal des aliments, qui, du fond de la bouche, fc rend dans le corps après avoir traverfé le corcelet. Mais la première portion du canal qu’on peut obferver dans le corps, la plus pîoche du corcelet, doit être regardée commel’eflo- mac, ou, pour parler plus exactement quand il s’agit des abeilles, comme leur premier eftomac. L’œfophage fait donc paffer le miel qu’il a reçu, dans le premier eftomac. Celui-ci efl plus ou moins renflé, félon qu’il en contient une plus grande ou une plus petite quantité. Quand il efl h- vuide*, il a dans toute fon étendue un diamètre égal ; il ne “ fcmble être qu’un fil blanc & délié: mais iorfqu’ii efl bien des Insectes. VIH . Mem . 445 rempli de miel, il a la figure d’une veffie oblongue *. Les * pi. 30 . f. s , enfants qui vivent à la campagne, connoiflent cette veffie, 11 • “/• & ils la cherchent même dans le corps des abeilles, & fur- tout dans celui des bourdons velus, pour en boire le miel. Ses parois font fi minces & fi tranfparentes, qu’elles 1 affi¬ lent voir la couleur de la liqueur qu’elles renferment. M. Maraldi paroît avoir pris cette partie pour une fimple veffie ouverte par un bout, pour un lac aveugle. Un auffi grand Anatomifte que Swammerdam, ne pouvoit man¬ quer de la reconnoître pour ce quelle efi ; il lui a donné le nom d’eftomac comme nous le fui donnons. Après l’étranglement où ce premier eftomac finit, commence le fécond cltomac *, qui efi un tuyau cy lin- * Fig. io, drique en grande partie, & contourné; il cfi entouré par 11 ^ des cordons charnus pôles les uns auprès des autres, com¬ me les cerceaux d’un tonneau; il relîèmble à un tonneau couvert de cerceaux d’un bout à l’autre. Ce font autant de mufcles circulaires. Un étranglement * fait encore la * Fig. i z.l. féparation du fécond eftomac Si des intefiins. Ceux-ci font tantôt flafques *, & tantôt renflés *, félon qu’ils font * Fig. 11 & pleins ou vuides. On trouve la cire brute dans le fécond lz ' u efiomac & dans les intefiins, mais on ne trouve jamais * r ‘ s ' i0 * u que du miel dans le premier eftomac. Chaque fleur ne fournit à l’abeille qu’une bien petite quantité de liqueur. Elle efi obligée d’en parcourir plu¬ sieurs les unes après les autres, avant que d’être parvenue à remplir fon premier efiomac autant qu’il le peut être. Ariftote leurdonne une confiance dans le goût journalier, qui n’eft rien moins que certaine. Il dit que la même abeille ne va pas d’une fleur fur une fleur d’un autre genre; qu’elle va d’une violette à une violette, Si non d’une vio¬ lette à une fleur de prirnever,par exemple. J’ai pourtant vû bien des fois la même abeille aller fucceffivement fuccer Kkk iij 44.6 Mémoires pour l'Histoire plufieurs différentes fortes de fleurs qui orn oient uneplatte- bande. Quoi qu’il en foit, quand l’abeille a fuffilâmment rempli l'on eflomac de miel, elle retourne à fa ruche. Dès qu’elley efl entrée, elle va chercher une cellule dans laquelle elle le puiffe dégorger. C’efl ordinairement dans un certain ordre que les abeilles rempliffent de miel les cellules. Elles commencent par les fupérieures des gâteaux fupérieurs, lorfqu’il y a plufieurs rangs de gâteaux. C’efl fur le bord d’une des cellules, dont le tour efl d’être remplie, que la mouche qui arrive de la campagne s’arrête; elle fait entrer fa tête dedans, & elle y verfe bientôt tout ce qu’elle a apporté de liqueur. AL Alaraldi a très-bien remarqué, que l’endroit par lequel elle fait fortir le miel defon corps, efl au-deffus de la trompe, & tout près des dents; c’eft-à dire, que le miel fort par cette ouverture que nous appelions la bouche. Swammer- dam qui n’a pas connu cette ouverture, a penfé que les abeilles le rejettoient par le petit trou qu’il croyoit au bout de leur trompe ; mais l’opération de fe vuider de miel, feroit alors, pour les abeilles, auffi longue, & peut-être plus longue que ne l’a été celle de s’en remplir. Car il y a lieu de croire, que le miel ne fort pas du corps de l’abeille, tel qu’il y elt entré, & Swammerdam l’a jugé ainfi; il y a lieu de croire, qu’il y efl digéré, qu’il y reçoit une coétion. Il efl donc très-vraifemblable, que quand l’abeille le rend, il efl plus épais que quand elle l’a pris, & qu’il ne feroit plus aulfl ailé à la mouche de le faire paffer par une ouver¬ ture excelfivement étroite. Pour que le premier eflomac d’une abeille puiffe faire fortir le miel qu’il contient, s’en vuider entièrement, il doit être capable de fe contracter comme le premier eflomac des ruminants: il l’eft auffi, &defe contracter fucceffive¬ ulent & alternativement dans différentes de fes portions. des Insectes. VIII. Mem. 447 On ne devrait avoir aucune peine à lui fuppofer cette force; mais je n’ai pas befoin de la lui fuppofer, car j’ai vu qu’il l’a. Je trouvai un matin deux abeilles languifïàntes dans un poudrier où je leur avois laiffé paffer la nuit, & où je îl’avois pas oublié de leur donner du miel. Je les con¬ damnai à être les vidâmes de ma curiofité ; pour exami¬ ner leur intérieur, jç leur* ouvris le ventre ; leur premier eftomac étoit bien rempli de miel; il étoit très-diflendu en forme de vefTie. Mais ce que j’obfervai dans celui de chacune de ces mouches de plus remarquable, très-dif- îindement & pendant long-temps, ce furent des mouve¬ ments de contradion & des mouvements de dilatation. Une portion de parois de l’eftomac s’approchoit du cen¬ tre, & s’en éloignoit enfuite,&ce ij’étoit pas toujours la même portion qui me fàifoit voir ces mouvements. Celle que j’avois vû d’abord s’agiter, ceffoit de le mouvoir. Une autre,quelquefois antérieure, & quelquefois poftérieure, fe mettoit en jeu à fon tour. La liqueur qui remplit un canal,& qui y eff prelTée, fortira par celui des bouts qui fera ouvert. Ainfi quand la bouche de la mouche permet au miel de fortir, il fort; & quand cette ouverture efl fermée, le miel efî pouffé vü s la partie poftérieure. Une cellule a une grande capacité par rapport à ce qu’une abeille peut y dégorger de miel en une feule fois. Audi faut-il que plufieurs mouches viennent s’y vuider de celui qu’elles ont recueilli & préparé, avant que d’en remplir une entièrement. 11 n’eft pas poffible de voir com¬ ment elles le dégorgent dans les cellules ordinaires. Ce font de petits pots faits d’une matière opaque, & dans iefquels les abeilles qui les veulent remplir entrent les unes après les autres la tête la première. Mais nos ruches vitrées nous offrent fouvent des cellules moins régulières que les ordinaires, & plus longues, dans chacune defquelles on * PI. 30.fi: S. 448 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE peut voir fuccefïivement plufieurs mouches. Les longues cellules, & d’une figure irrégulière dont je veux parler, font appliquées immédiatement contre les carreaux de verre *. Elles font quelquefois partie d’un grand gâteau, dont un des côtés ell attaché contre un carreau de verre, . & fouvent elles font partie d’un gâteau très-petit qui a été confirait pour en foûtenir iTn plus grand auquel il efl . uni par un de fes bords, pendant que par le bord oppo- fé, il l’efl contre le carreau. On peut donc voir fouvent contre les carreaux de verre des cellules tronquées, des cellules auxquelles il manque deux de leurs pans & plus, & dont chacune efl fermée par une portion convenable d’un carreau. Les abeilles y mettent du miel comme dans les autres cellules.Lorfqu’on en confidérera quelques-unes de celles qui 11e font encore remplies qu’en partie, mais plus ou moins, on ne doit pas manquer défaire une re¬ marque, c’eft que la dernière couche de miel efl aifée à diflinguer de celle qui précédé ; je veux dire, que depuis le fond de la cellule, jufqu’aflés près de l’endroit qui ell encore vuide, tout paroît d’une même nuance, mais que la dernière couche fe fait diflinguer du refie. Elle femble être ce que la crême%fl fur du lait. Cette crème ou croûte de miel, pour ainfi dire, fe voit également, & efl également épaiffe dans les cellules où il n’y a en¬ core que très-peu de miel,& dans celles qui en ont beau¬ coup. Comme on ne rifque guéres de fe tromper en fup- pofant aux abeilles les induflries qui conviennent à leur travail, je fuis tenté de croire que cette couche efl faite d’un miel qui a plus de confiflancc que le miel des autres couches, moins de difpofition à couler, & qui fert auffi à retenir celui qui efl par derrière. Au refie, cette dernière couche, n’efl pas un plan perpendiculaire à l’axe de la cel¬ lule, & n’efl pas même un plan, elle efl contournée ; les abeilles des Insectes. VIII. Alem. 449 abeil'es lui font prendre à deffein cette courbure, & elles la lui confervent. Il ne m’a pas été difficile de voir des abeilles apporter du miel dans ces fortes de cellules. Lorl- qu’elles y étoient entrées la tête la première, elles s’arrê- toient près de la croûte de miel : elles faifoient paffier fous cette croûte les deux bouts de leurs premières jambes*. Dans le moment qu’elles y étoient paffées, je voyois une groffie goutte qui pcnétroit fous la croûte, & qui, en fe mêlant avec le relie, perdoit bientôt fa figure arrondie. Les jambes en perçant la croûte, avoient apparemment ménagé une entrée à la goutte de miel. Dans environ deux minutes, la même mouche a ordinairement donné deux pareilles gouttes. Avant que de le retirer, elle façonne avec les jambes la croûte, elle lui donne la courbûre con¬ venable ; les filaments qu’elle en tire font vifibles. Au refie, cen’eft pas toûjours en portant fon miel dans une cellule, qu’une mouche s’en défait. Souvent elle en trouve le débit en chemin. Quand elle rencontre de fcs compagnes qui ont befoin de nourriture, & qui n’ont pas eu le temps d’en aller chercher, elle s’arrête, elle redrelfe & étend la trompe, afin que l’ouverture par laquelle le miel peut foi tir, fe trouve un peu par-delà les dents. Elle poulfe du miel vers cette ouverture. Les autres mouches qui fça- vent bien que c’eft là qu’il faut le prendre, y portent le bout de leur trompe & le fuccent. La mouche qui n’a pas été arrêtée en chemin, fe rend fouvent aux atteliers des travailleufes, c’eft-à-dire, aux endroits où d’autres abeilles font occupées, foit à conflruire de nouvelles cel¬ lules, foit à polir &. à border des cellules déjà faites ; elle leur offre du miel, comme pour empêcher quelles ne foient dans la néceffité de quitter leur travail pour en aller chercher. Tome V * P!. 30. fig. S. ; LU *PÎ. 32. i. m m n 450 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Entre les cellules qui ont été remplies de miel, les unes font delïinées à fournir celui qui elt néceffaire à la con- fommation journalière des abeilles, & les autres doivent conferver celui qui fervira à les nourrir dans les temps où elles iroient inutilement en chercher fur les plantes. Dans les mois même où plus de plantes font en fleur, & où, ce qui revient au même, plus déplantés peuvent donner de la liqueur miellée, il y a des jours où des pluyes abon¬ dantes, d’autres ou des froids trop rudes pour la faifon, retiennent les mouches dans leur ruche. C’efl alors qu’elles ont recours au miel deftiné à être confumé le premier. Celles que leur travail a empêchées de fortir, & auxquelles le miel qui leur étoit néceffaire n’a pas été offert à temps par celles qui en ont rapporté de la campagne, les travail- îeufes, dis je, vont prendre dans des ceiiulcs celui dont elles ont hefoin.. Mais ce n’efl que dans les temps de grande néceffité, qu’on touche au miel ffui eft contenu dans un très-grand nombre de cellules très-aifées à diflinguer des autres. Celles dont le miel eff comme à l’abandon, lont ouvertes, & les fig. autres font fermées*. Elles font comme autant de petits u,u pots de confiture oudefyrop, qui ont chacun leur cou¬ vercle, & un couvercle bien folide, & qui le bouche her¬ métiquement, car il eft fait de même matière que le pot. Je veux dire, que les abeilles donnent un couvercle de cire à chacune des cellules qui contiennent le miel quelles fe propofent de conferver pour leur provifion. Quand la faifon a été favorable à la récolte de cette épaifie liqueur, on trouve dans chaque ruche plufieurs gâteaux, dont toutes les cellules font ainfi bouchées. Dès qu’on a vu les abeilles bâtir des alvéoles, on ne doit pas être embarraffédefçavoir comment elles peuvent faire des Insectes. VIII. Menu 451 un tel couvercle, qui n’ell qu’une lame platte, dont la ligure ell déterminée par le contour de l’ouverture. Elles commencent par mettre une ceinture de cire fur le bord d’un des côtés, & enfuite fur tous les autres côtés. L’ou¬ verture elt rendue plus étroite. Une fécondé ceinture ap¬ pliquée contre la première, réduit l’ouverture à un trou li petit qu’il peut être bouché par un lcul grain de cire. On voit pourtant que ce couvercle ne fçauroit être fait & appliqué fans beaucoup d’adrefle de la part de l’abeille. La cellule efl pleine de, miel julques a (Tés près du bord, & il faut non-feulement appliquer, mais conftruire le cou¬ vercle fur la furface de ce miel fans toucher au miel, fans qu’il mouille la cire que l’abeille met en œuvre. On pourroit croire queje fais cette difficulté plus grande qu’elle n’elt, que les abeilles n’ont garde de remplir cha¬ que alvéole julques au bord. Si même on fe rappelle que les gâteaux font pofés à peu près verticalement, & que la pofition de chaque alvéole ne s’éloigne pas beaucoup de i’horifontale, ilfemblera que les abeilles ne doivent pas les remplir entièrement; que fi elles le faifoient, le miel ne manqueroit pas de couler hors d’un alvéole, qui refteroit, comme il relie fouvent, plufieurs jours fans être bouché. Cette coiffidération m’a fait douter fi les cellules étoient auffi pleines qu’elles le paroiffent quelquefois; & pour m’adurer de ce qui en ell, j’ai détaché un morceau de gâteau qui n’en avoitque débouchées; j’ai enfuite enlevé fucceffivement le couvercle à plufieurs cellules : je les ai trouvées auffi pleines qu’il étoit poffible qu’elles lefuflent, tout au plus près des bords. J’ai obfervé la même choie dans plufieurs de ces cellules dont j’ai parlé ci-delfus, qui font bouchées d’un côté par le verre d’un carreau de la ruche. Comment arrive-t-il donc que le miel ne découle LU ij 4)2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE pas Je ces cellules, pendant quelles font ouvertes & pofces prefqu’horilbntalement ! Le fait eft que réellement le miel n’en découle pas. J’ai pofé des morceaux de gâteaux, dont j’avois ouvert les cellules, comme elles le font dans la ruche. J’en ai pofé d’autres même plus defavantageufement ; ce¬ pendant en 24 heures aucune goutte de miel n’eft fortiede ion petit vafe. Cette efpéce de crème ou de croûte de miel que nous avons fait connoître ci-deffus, eft peu coulante, & aide à retenir le refte du miel qui l’eft davantage. D’aii- ieurs, fi on fût attention que ie miel eft toûjours une liqueur épaifle, que le vafe, le tube dans lequel il eft con¬ tenu, a peu de diamètre, & que le miel s’attache bien con¬ tre la cire, on trouvera allés de dénouements de la diffi¬ culté. Si on divife par la penlce la longueur du tube de cire, en une infinité de petites tranches parallèles à l’ou¬ verture, on jugera que la dernière tranche de miel ne doit pas être poufiee en dehors, & ainfi de tranche en tranche, li le poids de chaque particule de la tranche eft foûtenu contre les particules voifines par fon adhéfion avec elles; & fi la fortune des efforts que font en avant toutes les par¬ ticules d’une tranche, peut être arrêtée par l’adhéfion des particules qui en font l’enceinte, contre les parois du tube. Enfin, on voit affiés que cet effet dépend & du diamètre du tube, & de la ténacité du miel ; que fi du miel étoit contenu dans un vafe beaucoup plus grand & fcmblablc- ment placé, qu’il en couleroit. Les abeilles, comme fi elles ie fçavoient, ne donnent pas à leurs alvéoles un diamètre qui mettrait ie miel en état d’en dégoûter. Si elles prennent la précaution de fermer les cellules dans lefquelles elles veulent conferver du miel, ce n’eft donc pas pour l’empêcher de couler dehors; ce n’eft pas auffi parce quelles craignent de paffier fur des gâteaux des Insectes. VIII. Mem. 453 dont les cellules ouvertes font pleines de miel ; elles le font journellement. Qu’on ne croye pas non plus que ce foit pour le deffendre contre celles qui font gloutonnes & pa- reiïeufes; qui fe gorgeroient de miel s’il n’y avoit qu’à en prendre, & pour qui la peine de défceller une cellule eft quelque choie. Une autre raifon les a engagées à tenir bien clos le miel qu’elles fe propofent de garder; elles lui veulent une certaine liquidité, elles n’aiment pas celui qui a pris de la confiftancc jufques àdevenirdur&grainé. Or tout celui qui fe trouveroit dans des cellules ouvertes feroit du miel dur & grainé avant la fin de l’hyver; la chaleur confidé- rable qui régné dans une ruche, pourroit en peu de mois faire évaporer la plus grande partie de la liqueur à laquelle il doit fa fluidité. EXPLICATION DES FIGURES DU HUITIEME MEMOIRE. Planche XXX. La Figure 1 repréfente en entier lin petit gâteau de cire. Les plus grands gateaux ont eu une figure approchante de celle de celui-ci; lorfque les abeilles ont commencé à les conftruire, ils ont tous été des ovales plus ou moins allongés. Les fondements d’un très-grand nombre de cel¬ lules, forment le bord de ce gâteau. La Figure 2 fait voir une cellule a, pofée fur trois autres. Le contour a, efl rebordé, b t, le tuyau exagone qui fait la plus longue partie de chaque alvéole. Dans la Figure 3, on n’a que les bafes de trois alvéoles vues du côté convexe, b, c } d, ces trois bafes, dont chacune LU iij 4)4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ell formée par trois rhombes; entre ces trois bafes, il y a celle d’une quatrième cellule, <7, qui efl vue du côté con¬ cave, & qui efl faite de trois rhombes, dont chacun efl fourni par une des bafes b,c,d. Une épingle paffe ici au travers de chacun des rhombes qui forment le fond a d’une quatrième cellule. La Figure 4 montre le plan de trois cellules, Si de la quatrième ; la bafe de celle-ci efl faite par le concours de trois rhombes, dont chacun appartient à une bafe d’une différente cellule. Cette figure, en un mot, efl la projeélion de trois cellules vues de fitee par leur ouver¬ ture, au travers defquelles on voit la bafe d’une cellule appuyée fur celles-ci, Sc qui a fon ouverture du côté oppofé à celui où efl la leur, b, c, d, les trois cellules vues par leur ouverture, a, la cellule vue feulement par la convexité de fa bafe, & dont la bafe efl faite par le concours de trois rhombes, fournis par les trois cellules h, c, d. Chacune des trois épingles p, p, p, qui paffent au travers des rhombes qui forment le fond de la cellule o, fe trouve dans une cellule différente. La Figure 5 repréfente en grand, comme les précéden¬ tes, une feule cellule, dont l’ouverture efl embas. e,f g, les trois rhombes qui, par leur rencontre mutuelle, tom- pofent la bafe de cette cellule. Dans la Figure 6, une cellule a, dont l'ouverture efl en o, efl pofée fur deux cellules b , c ; un des rhombes de la bafe de chacune de celles-ci, fournit un fupport à un des rhombes de la cellule a. La Figure7 fait voir une coupe des trois cellules de la figure 6. Cette coupe montre comment deux des rhombes des Insectes. VIII. Mem. 455 de l’avéole a, font appuyés fur deux des rhombes des alvéoles é&c. Les lignes bd, cd, font communes à deux alvéoles^ La Figure 8 repréfente de grandeur naturelle plufieurs cellules de forme irrégulière, qui d’un côté, & de celui qui eft ici en vue, n’étoient point fermées par des lames de cire, elles l’étoient par le verre d’un carreau contre lequel elles étoient appliquées. Plufieurs de ces cellules font remplies de miel, & quelques-unes ne le font qu’en partie, c, c, c, &c. coupes des couvercles de quelques- unes des cellules pleines de miel, a, a, deux abeilles qui verfent du miel dans deux cellules qui en contiennent encore peu. p, marque auffi une cellule qui n’a du miel que jufqu’en p ; & près de p, on peut remarquer la coupe de la pellicule, de fefpéce de crème qui eft à la furface du miel. On peut auffi remarquer la pellicule dans la plupart des autres cellules, comme m,m, & quel¬ ques-unes c, c, &c. ou le miel ne va pas jufqu’au cou¬ vercle. La Figure 9 montre très en grand, & à peu près dans fi pofition naturelle, tout le conduit dans lequel paffent les aliments de l’abeille, le miel & la cire brute. Pour mettre ce conduit à découvert, on a emporté la partie fupérieure des anneaux du corps, a, l’anneau où eft l’anus. c, le corcelet. f, partie du canal, qui peut être regardé comme un prolongement de l’œfophage. u, le premier eftomac, ou la vefîie à miel, e, le fécond eflomac, qui ici eft à peu près contourné comme il l’efl naturellement. En p, font des fragments des poulinons de l’abeille, que nous ferons mieux connoître dans l’hiftoire des bourdons velus. 456 Mémoires pour l’Histoire Les Figures 1 o, 11 & 12 repréfentent en grand com¬ me la précédente, le canal des aliments de l’abeille, mais elles le repréfentent dans fon entier, & dans des pofitions & des états differents, a, dans ces trois figures eft le bout du corps, l’endroit où eff l’anus, f, partie de l’œfophage ou du canal, qui, après avoir traverfé le corcelet, fe rend dans le corps, u, le premier eftomac ou la veffie à miel; elle eft pleine, figure 1 1, & vuide, figure 1 o & 1 2. e, le fécond eftomac, qui, dans la figure 1 1 , fait une partie des plis qu’il Fait naturellement, & qui, dans la figure 10, cft très-allongé, i, les inteftins, pleins dans la figure 1 o, vuides dans la figure 1 1, & qui ont été allongés beaucoup plus qu’ils ne le fônt naturellement dans la figure 12: ils deviennent néantmoins bien autrement longs qu’ils ne le ’ font dans cette dernière figure, pour peu qu’on les tire pour les ôter déplace. î, figure 1 o & 1 1, lacis ou frange de vaiffeaux jaunes qui fe trouvent à la jonction du premier eftomac avec le fécond. Ces vaiffeaux n’ont point été donnés à la figure 12. Planche XXXI. Les Figures de cette Planche repréfentent en grand des alvéoles d’abeilles, & quelques autres alvéoles propres à aider à entendre ce qu’a d’admirable la ftruélure de ceux pour lefquels les abeilles i'e font déterminées. La Figure 1 eft celle d’un alvéole dont l’ouverture a été mife en embas, afin que la pyramide qui en fait le fond, fut en vue. ape o, un des trois rbombes dont eft princi¬ palement compofée la pyramide, e, & a, font les deux angles aigus de ce rhombe. o, & p, fes deux angles obtus. r, & q , les deux autres rhombes, qui, avec le premier, forment des Insectes. VIIL Mew. 457 forment en p, l’angle de la pyramide ou du fond de la cellu¬ le. Les rhombes -y, font en tout femblables & égaux au rhombe ap ë'o. C’eft la perfpeéïive feule qui produit les différences qui le trouvent dans cette ligure entre les an¬ gles de ce dernier & ceux des autres, ofbc, o cd^, deux pans de l’exagone, dont le premier eft rectangle jufques en of,&i dont l’autre l’eft de même jufques en o £. Ces deux pans pris en entier font des trapèzes aobc, cdco, parce que l’un fournit lé triangle afo,&. l’autre le triangle c^o, pour remplir la moitié d’un des angles rentrants de la py¬ ramide formée par les trois rhombes. Les quatre autres pans de l’exagone font femblables à un des deux qui font ici en vue. La Figure 2 fait voir la pyramide compofée des trois rhombes par fa face convexe, comme elle ell vue dans la figure précédente, mais tirée de défiais le tube exa- gone. La Fig. 3 montre le tube cxagone, duquel la pyramide delà figure 2, a été féparée. Les angles faillants 0,0,0 ,de cette pyramide, figure 2, dont chacun efi un angle obtus d’un des rhombes, le logent dans les angles rentrants 0,0,0, du tube exagone; & les fommets e, a, a, des angles ren¬ trants de la pyramide, fig. 2, s’appuyent fur les lommets a,a,a,de s angles faillants du tube exagone, fig. 3. Les trian¬ gles oaf, foa, rempliffent cette même figure, ils remplit- lent les cavités des angles rentrants de la pyramide. DanslaFig.4,lapyramide compofée des trois rhombes, montre fon intérieur, la concavité, au lieu que c’efi fou extérieur, fa convexité qui eft vûe dans les figures 1 & 2. La Figure 5 eft deftinée à repréfenter une irrégularité Tome V . Mmm 4-5B MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE que les abeilles mettent pour l’ordinaire dans la conftruc- tion de leurs cellules. L’arête a b, formée par deux pans de î’exagone, ne va pas toujours rencontrer l’angle rentrant t i frac; .4.60 Jfem ■ ff ■ de / Histr- des Insectes Tcm . 5 . ttaSArani JaUf des Insectes. IX. Mem. 4 6 1 NEUVIEME MEMOIRE. DE LA FECONDATION, ET DE LA PONTE DE LA MERE ABEILLE. L ’Automne & l’Hyver font ordinairement périr beaucoup d’abeilles: telle ruche qui, dans le milieu de l’Eté, fembloit contenir à peine toutes celles qui l’ha- bitoient, paroît fouvent déferle vers la fin de l’Hyvcr ; elle efl alors un logement beaucoup trop vafle pour les mouches qui y font reliées. Mais vers la mi-May, ou vers le commencement de Juin, cette même ruche ne fuffit plus à toutes celles qui y font nées; elle peut fournir un eflaim, une colonie compolée de plufieurs milliers de mouches, & relier encore alfés peuplée. Cette multipli¬ cation paraîtrait admirable, quand toutes les abeilles qui ont palfé l’Hyver, y auraient eu part ; elle le devient bien autrement, lorfqu’on fçait quelle ell due à une feule mere. Cette mere, que nous avons prouvé* être fi chere * Mémoire aux autres abeilles, a été connue des Anciens ; mais ils n’ont pas connu fes véritables, ou plutôt fa feule & unique fonction. Us lui ont donné toutes les connoilTances,toute la prévoyance, toute la l'agelfe, en un mot, toutes les qua¬ lités, & même toutes les vertus nécelïaires pour gouverner un peuple nombreux fur lequel ils lui ont accordé le pou¬ voir le plus defpotique. Us ont penfé que tout ne fe faifoit dans la ruche que par fes ordres; & ils lui ont mis la force en main pour faire executer ce qu’elle ordonne. Si des Mmm iij 462 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE mouches vont recueillir à la campagne, Toit la cire, foie le miel ; fi d’autres conftruifent des alvéoles dans l’intérieur de la ruche; fi d’autres rempiiîTent des alvéoles de miel, 6 c fi d’autres bouchent les alvéoles pleins avec un cou¬ vercle de cire; fi d’autres ont foin des vers qui doivent devenir des mouches ; fi d’autres tranfportent hors de la ruche toutes les ordures; fi d’autres attaquent les infectes qui veulent s’y introduire ; enfin, tout ce que font les abeilles, foit dedans la ruche, foit dehors, on a voulu que ce fut en conléquence des ordres de la reine ou du roy. Une tête de mouche qui fuffiroit à tant de vues diffé¬ rentes , feroit une grande & forte tête, & bien refpcétable. Mais celle de la mere abeiiie eft exempte apparemment de tous les foins dont on i’auroit dû croire lurchargée. Si elle régné, c’eft fur des fujets qui fçavent à chaque inffant ce que le bien de leur lociété exige qu’ils falfent, 6 c qui ne manquent pas de le faire ; ils n’ont jamais befoin de recevoir des ordres. La feule fonction de la mere, 6c une fondtion dont l’importance femble connue des autres abeilles, 6c qui leur rend cette mere fi pré- cieufe , eft de mettre au jour une nombreufe poftérité. Quoique cette mouche fe foit fait difiinguer de tout temps des autres par fa grandeur 6c par fa figure, fon fexe n’a pas été bien connu des Anciens. Swammerdam eft même, je crois, le premier des Modernes qui l’ait déter¬ miné fur des preuves inconteftables. La plupart des An¬ ciens ont cru que cette longue abeille ctoit un mâle, & le feu! mâle de la ruche, 6c ils lui ont donné le nom de roy. Moufet a adopté ce fentiment, quoiqu’il fçût que Pline 6c d’autres Auteurs anciens avoient afluré, ou au moins foupçonné, quelle étoit fémelle, 6c qu’elledonnoit naiflance à d’autres mouches qui dévoient régner après elle. Car les Anciens ne laifloient pas de croire que la des Insectes. IX. Mem. 463 génération des infeéïes, ou de la plupart des infeéïes, fe faifoit d’une manière analogue à celle dont fe fait la géné¬ ration des plus grands animaux, quoiqu’ils cruffent qu’ils naiiïoient aufii de corruption. La Fable du Berger Arifiée, fi agréablement racontée par Virgile, n’a pas empêché cc Poète célébré de parler des abeilles qui naifloient par une autre voye, mais qui, dans le fond, n’étoit pas moins mi- raculeufe. Les Anciens, au refie, 11e s’en font pas tenus à croire que la chair corrompue du taureau, pouvoit fe • transformer en abeilles; mais ils ont penfé que c’étoit de eette chair que les meilleures dévoient venir. Un lion cor¬ rompu en pouvoit fournir de plus courageufes, &même de trop courageufes ; c’efi de la tête de ce noble animal que les rois & les princes de ces mouches dévoient, félon eux, tirer leur origine. Des vaches pourries pou voient donner des abeilles plus douces & plus traitables ; un fim- ple.veau n’en pouvoit faire naître que de foibles. Il nous doit paraître bien étrange, que des elprits d’ailleurs d’une bonne trempe, fe foient livrés à de pareilles fiéïions : fi nous euflîons vécu dans leur fiécle, nous eufiîons rêvé comme eux, & ils raifonneroient comme nous, ou peut- être mieux que nous, s’ils vivoient dans le nôtre. Nous devons nous trouver heureux d’être nés dans un temps ou la raifon eft venue à bout de détruire tant de préjugés, & où elle nous a montré les routes certaines que nous de¬ vons fuivre pour découvrir la vérité. Nous devons.nous trouver heureux d’avoir été précédés par un Maître tel que Defcartes, qui nous a appris à difeuter les idées les plus reçûes, & à n’adopter que celles qui n’ont rien pour nous que de clair & d’évident. Quels fervices un feul homme n’a-t’il pas rendus à tout le genre humain ! Dans des temps donc où l’on croyoit des faits, & où au moins on les débitoit fans avoir afles examiné les preuves 464 Memoîres pour l’Histoire qu’on avoit de leur réalité, les uns ont penfé, comme nous l’avons déjà dit, que les rois étoient des mâles, & d’autres qu’ils étoient des femelles qui ne donnoient naiffance qu'à des fémellesqui leur devenoient femblables. Parmi les uns & les autres, il y en a eu qui ont regardé les abeilles ordinai¬ res comme les mâles, & d’autres qui les ont regardées com¬ me des femelles qui produifoient des abeilles de leur même {exe. D’autres, & G eorghis Piâorius eft un de ceux-ci, ont prétendu quelles s’accouploient les unes avec les autres. Un Auteur Angloisqui a publié unTraité fur ces mouches, auquel il a donné le titre de AI on archia Fœminina , cft de ceux qui veulent que les reines mettent des reines au jour. Si que les abeilles communes foient meres d’abeilles com¬ munes. Ces mouches plus groffes&moins longues que les reines, que nous avons dit être les mâles, les faux-bour¬ dons, il les fait les enfants des abeilles ordinaires. D’autres ont regardé ces faux-bourdons comme ne contribuant, en rien à la génération des mouches d’une ruche, & d’autres, au contraire, ont voulu qu’ils fufïent des femelles. Quelques- uns même ont cru que les rois des abeilles dévoient leur naifTance aux faux-bourdons ; au lieu que Pline donne les faux-bourdons pour des mouches imparfaites produites par des abeilles furannées. En un mot, toutes les combinaifons qui peuvent être faites par rapport au fexe, & au non-fexe des trois fortes de mouches, l’ont été, & il y en a eu quel¬ qu’une d’adoptée & de donnée pour la vraye par quelque Auteur. Enfin, il y a eu beaucoup d’Anciens,& il y a eu même des Modernes, qui ont nié que les abeilles, d’aucune des trois fortes connues, miffent au jour, foit des œufs, foit des vers. Ils ont rendu la génération ordinaire des abeilles tout auffi fabuleufe que leur prétendue génération extra¬ ordinaire, que celle que l’on faifoit dépendre des chairs pourries. des Insectes. IX . Mem . 4 65 pourries. Ariftote nous a appris qu’un fentiment aiïes ïuivi de fon temps, croit que les abeilles ne mettoient au jour ni œufs ni vers; & c’efl même le fentiment que Virgile a préféré: il allure quelles dédaignent les plai- firs de l’amour, mais qu’aufli les douleurs de l’enfan¬ tement leur font inconnues ; que c'eft fur des plantes qu’elles recueillent leurs petits. On a prétendu qu’elles aîloient chercher fur les fleurs, une matière qu’elles por- toient dans leur ruche après l’avoir rendue propre à être une femence, d’où fortiroient des vers qui, par la fuite, deviendraient des abciiies. On a été partagé fur l’efpéce de plante où les abeilles lçavoient trouver cette mervcil- leufe matière. Les uns vouioient que ce fût fur les fleurs du cerinthé, d’autres fur celles de l’olivier, & d’autres fur celles du rofeau. L’Auteur du Printemps de l’abeille, Alexandre de Montfort, dit que le roy eft formé du fuc que les abeilles tirent des fleurs; que les abeilles ordinaires font tantôt procréées de miel, & tantôt de gomme; que les tyrans, c’efl à-dire, que les fémelles qui ne parviennent pas à être fouveraines d’une ruche, 6c les faux-bourdons font formés de gomme feulement. Croiroit-on que de tels fcntiments enflent pû fe perpétuer jufqu’à nous ! Néant- moins un Auteur qui a beaucoup étudié les abeilles, qui a donné de fort bons préceptes fur la manière de les gouverner, a fait entrer dans fon petit Ouvrage * une *Trakèj7tf- Diflertation fur leur génération, dans laquelle il prétend établir par des raifonnements 6c des obfcrvations, que îyzo. a cette cire brute que les abeilles apportent à leurs jam- j^l’ T c / us bes, étoit vivifiée dans la ruche; que comme les vers de certaines mouches, c’efl fa comparaifon, naiflent de chair pourrie, de même les vers qui doivent devenir des abeilles naiflent de la cire brute que la chaleur de la ruche a fait corrompre. Tome V. . Nnn ^66 Mémoires pour l’Histoire Qu’on nous pardonne de nous être arrêté à rapporter tant de rêveries; elles font propres au moins à apprendre combien on eft en rifque de s’égarer, lorfqu’au lieu de confulter la nature, on choilit entre les idées que l’ima¬ gination fournit, & lorfqu’on prend pour vrayes celles qui plaifent le plus. Il faut pourtant avouer qu’il y avoit des difficultés confidérables à vaincre pour s’inftruire de la manière dont fc fait la génération des abeilles ; mais on devoit s’en tenir à dire qu’on i’ignoroit, jufques à ce qu’on eût des observations propres à inflruire. Quand on n’a pas des ruches vitrées, & même quand on n’a pas des ruches vitrées d’une certaine forme, on ne fçauroit par¬ venir à voir ce qui fe paffe dedans. Malgré ies ruches de la cpnftrudtion la plus favorable, certaines opérations rares, &qui fe font trop avant d'ans l’intérieur, peuvent échapper à I’Obfervateur le plus attentif & le plus affidu. Il reffoit néantmoins un moyen fur de déterminer au moins le fexe de chaque forte d’abeilles, & un moyen auquel Swammerdam n’a pas manque d’avoir recours, la diffeélion ; d’examiner les parties intérieures des différentes; fortes de mouches d’une ruche. Quoique les parties intérieures d’animaux, auffi petits que le font la plupart des infeéles, &. que le font nos mouches, doivent être extrêmement petites, celles que la nature leur a accordées pour perpétuer leur efpécc, font pour l’ordinaire aifées à rcconnoître; elles tiennent beaucoup de place dans la capacité du corps, fouvent plus que tout le canal des aliments, & que toutes les au¬ tres parties cnfemble. Auffi fi on ouvre le corps de cette abeille, qui furpaffe fi fort en longueur celui des abeilles ouvrières, dans des temps favorables, on y trouve des grains oblongs, très-fenfibles à la vue fimple, & qu’on ne fçauroit méconnoître pour des œufs, pour peu qu’on air des Insectes. IX . Mcm . 4 6j obfervé des œufs d’infeétes. On voit en même temps beaucoup d’autres grains de moins en moins gros que les premiers. Enfin , on en apperçoit un nombre prodi¬ gieux de plus petits, & qui, pour être mieuxdiftingu es, demandent à être cherchés avec la loupe. L’infpeélion de l’intérieur de cette abeille, apprend donc quelle efî une mere qui efl en état de mettre au jour une très-nombreufe poflérité. Mais, comme je viens de le dire, il faut choifir des temps pour l’ouvrir, fi on veut lui trouver des œufs bien formés, bien diflinéls, Sc d’une grandeur fenfible à la vue fiimple. Il faut prendre les temps où elle efl en pleine ponte. Tel efl celui où un nouvel elfaim n’a été mis dans une ruche que depuis huit à dix jours, &. tels font aulfi dans la plupart des ruches, les mois d’Avril & de May. Si on ouvre des corps de différentes meres en Hyver, comme j’en ai ouvert plaideurs fois, ordinairement on n’y trouve point d’œufs d’une grandeur fenfible; ils y font tous fi petits que la plus forte loupe peut à peine les faire appercevoir. Ce qu’il y a de defagréable dans cette expérience, c’efl qu’en la faifant, on perd une ruche d’abeilles, on perd cette nombreufe poflérité qui eût été rnife au jour par la mere qu’on a fut périr fi cruellement; cette poflérité qui eût travaillé utilement pour nous. On a moins de regret de faire périr les faux-bourdons,’ leur vie moins importante efl fixée à une durée plus courte, fouvent à quelques femaincs. Quand on en tient un entre fes doigts, il arrive quelquefois qu’on voit fortir de fa partie poflérieure deux cornes charnues *, lifTes, polies, * humides & jaunâtres,qui, par leurpofition ééleur figure, 5 ont allés l’air de parties deftinées à accompagner celle qui doit opérer la fécondation. Si on ouvre leur corps, on le trouve prefque rempli par de gros vaifTeaux blancs Nnn ij 468 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE tortueux, accompagnés d’appendices. Ces vaiffcaux ont de îafolidité,& contiennent une liqueur laiteufe. Toutes ces parties que nous décrirons mieux dans la fuite, & la liqueur laiteufe dont elles font pleines, portent à juger qu’elles font deftinées à rendre les œufs féconds, & à regarder comme mâles les mouches à qui elles font propres. Enfin , en quelque temps de l’année que l’on ouvre le corps des abeilles ordinaires, on n’y trouve aucune diffé¬ rence remarquable. Le canal des aliments eft plus ou moins rempli ; il a tantôt plus & tantôt moins de miel, tantôt plus & tantôt moins de cire brute, mais en dehors de ce canal on ne découvre aucune partie analogue à des ovaires ; on n’y obferve aucune partie qui contienne des grains qu’on puifie foupçonner être des œufs; & on n’y découvre aucune partie analogue aux parties mâles des au¬ tres infeétes. Il paroît donc par i’infpection de l’intérieur de ces abeilles, & par la comparaifon qu’on en fait avec celui des meres, & avec celui des faux-bourdons, qu’elles ne font ni mâles ni femelles, qu’elles font abfolumcnt dé¬ pourvues de fexe. Ce que l’anatomie nous fait connoître par rapport à l’état de chacune de ces trois fortes de mou¬ ches, peut encore être confirmé par des obfervations déci- fives faites fur des mouches en vie. La mere abeille le lient ordinairement dans l’intérieur de la ruche, dans quelqu’une de ces efpéces de places ou de rues que biffent entr’eux deux gâteaux. Si elle en fort, fi elle fe rend fur la furface extérieure d’un des gâteaux qui font en vue, cen’eft que dans des cas rares, mais qui font ceux où l’on doit être plus curieux de t’obferver. Elle n’y vient que lorfquc les cellules dont il eft compo- fé,ou au moins plufieurs de ces cellules font vuides.Elîey vient pour pondre des œufs dans quelques-unes de celles- ci. Dès que cela eft fait, elle retourne dans l’intérieur de des Insectes. IX. Menu 469 fon palais. Quoique ces temps foient rares & cl’a fi es courte duree, ils font moins difficiles à faifir qu’on ne le croiroit. Quand on a des ruches vitrées & confiantes favorable¬ ment, qu’on en aille obfervcr une où un effiaim n’efl logé que depuis peu de jours, & qu’on l’obferve à différentes reprifes depuis fept à huit heures du matin jufques à dix, on ne fera pas beaucoup de jours fans y voir la mere occupée à pondre; du moins m efl-il (buvent arrivé de l’y voir dans de pareilles circon flan ces. L’ardeur avec la¬ quelle les abeilles travaillent dans la ruche où elles font nouvellement logées, efl incroyable. Nous dirons ailleurs que des gâteaux de cire affés grands, longs de plus de huit à neuf pouces, font quelquefois l’ouvrage d’une feule jour¬ née. Ce n’efl pas principalement pour avoir des alvéoles où elles puiffent mettre du miel en provifion, qu’elles re¬ doublent alors d’activité; un motif plus puiffant paraît les animer. Elles femblent fçavoir que leur reine efl preffée par le befoin défaire des œufs, & il faut une cellule à cha¬ cun de ceux qu’elle efl prête à pondre. Auffi fi on exa¬ mine les cellules nouvellement faites, il y en auraplufieurs dans chacune defquelles on découvrira un petit corps blanc *, arrondi, mais oblong, & qui efl comme piqué par * pj. ,5. $ un de fes bouts dans l’angle folide de l’alvéole, ou au moins tout auprès dans une des couiiffes formées par deux des rhombes qui concourent avec le troifiéme à former l’angle folide. Ce petit corps efl un œuf qui efl en l’air, & plus ou moins incliné à l’horifon, car ce n’efl précifément que par un de fes bouts qu’il efl arrêté au fond de l’alvéole. Les ouvrières ont beau faire de la diligence dans ces premiers temps, elles ont quelquefois peine à fuffire à la fécondité de la mere. Auffi va-t-elle quelquefois dépofer fes œufs dans des cellules qui ne font encore qu’ébauchées, dans des cellules dont les pans N n 11 iij 47 ^ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de hexagone n’ont pas encore à beaucoup près la longueur qu’ils doivent avoir, & qu’on ne manque pas de leur donner dans la fuite. Mais ordinairement le travail des abeilles fournit à la mere plus de cellules qu’il ne lui en faut. Auprès de chacune de celles où elle a lailfé un œuf, on en remarquera fouvent un grand nombre qui font parfaitement vuides ; plufieurs de ces dernières auront des œufs à leur tour, & peut-être dès le lendemain. Si on épie le moment favorable, on furprendra la mere dans le temps où elle fera occupée à donner à chacune de celles- ci , l’œuf qu’elle eft deftinée à recevoir. Mais fi l’on veut raffembler les circonflances les plus fa¬ vorables pour faire voir la mere dans la plus importante de fes opérations, on logera un effaim dans une de ces *Pï. 23.% ruches extrêmement plattes*, que nous avons décrites dans ^ le cinquième Mémoire ; dans une de ces ruches, dont l’é- paifTeur ne permet aux abeilles que de placer deux gâteaux l’un vis -à-vis l’autre, &où elles font obligées de compen- fer par l’étendue de chaque gâteau, ce quelles ne peuvent avoir par le nombre. Non-feulement les occafions d’obfer- verla mere abeille font par-là beaucoup multipliées, mais on cft à portée de la voir de plus près, parce que les deux gâteaux l'ont nécefîairement placés très-proche des car¬ reaux de verre. C’elt aulli fur-tout dans des ruches de cette cfpéce, que j’ai vû, autant de fois que je l’ai voulu, la mere dans le temps qu’elle faifoit fa ponte. Je l’ai vûé aufii dans des ruches vitrées d’une autre forme, & il pa- roît quelle y a été très-bien vue par M. Maraldi. Si j’ai indiqué le matin, comme le temps le plus favorable, c’ell que dans une année où je fuis parvenu bien des fois à furprendre des meres dans cette importante opération, de¬ puis le 29 Avril jufques au 3 1 May, ç’a toujours été de¬ puis fept à huit heures du matin jufques à dix. Je ne veux des Insectes. IX. Mem. 471 pas pourtant faire penfer, & je ne penlè pas que ces heures l'oient les feules du jour qui y l'oient dcïtinées ; beaucoup d’autres heures y font peut-être egalement bonnes, fans en excepter celles de la nuit. Il ne le palfe rien de bien fingulier pendant que la mere fait fa ponte; car ce îfelt plus une fmgularité, après tout ce que nous avons rapporté ailleurs, devoir d’autres mouches lui faire cortege; elles le lui font en tout temps. Le cortege que je lui ai vû alors , a été quelquefois plus, quelquefois moins nombreux. Allés fouvent, il a été compofé d’une douzaine de mouches; mais quelquefois il a été lî mal fourni, qu’il étoit à peine compofé de quatre à cinq. Celles qui lêmblcnt faire alors leur cour à leur fouveraine, font à peu près difpofées en cercle autour d’elle, & toutes ont la tète tournée vers elle. Cette mouche fi cherie, quoique preffée alors par le befoin de faire fes œufs, marche alfés lentement, ou, comme on l’a voulu, gravement. Elle regarde dans les cellules fur lefquclles elle palfe, elle fait entrer fucceflive- ment fa tête dans l’ouverture de pluficurs. Quand après avoir examiné l’intérieur d’une cellule, elle a reconnu quelle étoit vuide & nette, & quelle l’a trouvée à fort gré, elle fe retourne bout par bout; elle y introduit fon derrière, & l’y fait avancer jufques à ce qu’une partie con- fklérable de fon corps y foit logée; c’eft-à-dire, jufques à ce que fon derrière foit alfés près du fond de la cellule, pour que l’œuf qui va fortir puifle y être appliqué par lin de fes bouts. Il fort enduit d’une matière vifqueufe qui colle contre la cire la partie qui la touche. Un œuf ejl pondu & mis en place dans un infant. A peine la mere s’elfelle enfoncée autant qu’elle a voulu s’enfoncer dans une cellule, qu’elle en fort pour aller faire la même manœuvre dans une cellule voifine ; & ainfi 47- MEMOIRES POUR L ? HlSTOIRE Je celluie en cellule: c’eft-à-dire, qu après s’étre afîùrée qu’une cellule cil vuide & propre, elle entre dedans par fâ partie poftérieure, & quelle y laide un œuf. Je liai jamais vû aucune de ces mouches venir commencer fa ponte devant moi. Les ruches vitrées ont des volets de bois qu’il faut ouvrir pour voir les gâteaux de cire. Quand on les ouvre, 1 intérieur fe trouve plus éclairé, & cette augmentation de lumière qui peut par elle-même déplaire à la merc mouche, lui fait découvrir un fpeélateur devant lequel elle ne cherche pas à paroître. Je n’en fuis pour¬ tant pas plus difpofé à croire que ce foit la pudeur qui la retienne. Je ne fçais comment on s’efl prêté à accorder une telle vertu à des infeétes, quelque riante qu’en foit l’idée. On a même voulu nous faire penfèr que les abeilles ordinaires étaient très-inftruites de ce que leur reine ati- roit à fouffrir fi elle n’étoit pas cadrée pendant une opé¬ ration qui fe doit paffer dans les ténèbres. Nous avons dit ailleurs que les abeilles en s’accrochant les unes aux autres, fçavent former des maffes de cent figures différentes. On a prétendu que dans le temps dont nous parlons, elles fe dilpofoient devant la mere en efpéce de rideau. Mais à qui veulent elles cacher leur reine! Par qui pourrait-elle être vue ordinairement que par des abeilles telles que celles qui la cachent ! Enfin , s’il y avoit pour une mouche de findécence à frire des œufs, toute indécence ferait fàuvée dès que la partie d’où ils fortent eft cachée dans la celiule, & que la mere eft alors pofée comme le font en tant d’au¬ tres cas les abeilles ordinaires qui entrent dans des cellules le derrière le premier. H peut y avoir des mouches difi polées en rideau pendant que la mere pond ; mais ce n’eft pas parce quelle pond qu’elies font difpofées de ia forte. Je n’ai jamais vû de pareils rideaux le former, pour me dérober la mere qui étoit occupée à pondre. des Insectes. IX. Mem. 473 A la vérité ii eût été quelquefois difficile aux abeilles de prendre cet arrangement dans mes ruches plattes ; mais j’ai vû pondre des meres dans d’autres ruches. Il y a plus, j’en ai quelquefois vû pondre une dans des cellules qui étoient très - proches des carreaux de verre, pendant quelle négligeoit des celiules vuides qui en étoient affiés éloignées. Ce n’étoit donc pas par néceffité que cette mere avoit renoncé à la pudeur. O11 nous a donné auffi le temps où la reine fait fes œufs, pour un temps de fête 6c de réjouifïance; fi cela étoit, ce petit peuple feroit trop heureux, ii feroit pres¬ que toûjours en joye, car la mere pond dans la plûpart des mois de l’année. A force de fe réjouir, il courroit pourtant rifque de périr de faim. Dans les plus grandes monarchies, pendant que la reine donne à l’état un hé¬ ritier défi ré, les artifans font occupés dans leurs bouti¬ ques à leurs travaux ordinaires; le peuple ne fçait rien de ce qui fe paffie alors d’important au palais de fon roy, ou agit comme s’il n’en fçavoit rien. II en eft.de même dans chaque monarchie d’abeilles. De même les travaux de la ruche ne font point interrompus pendant la ponte de la mere; on y apporte le miel 6c la matière de la cire, on conffiuit, on polit des cellules tout comme à l’ordinaire. Si pourtant on veut appuyer fur une comparaifon fort honorable à nos abeilles, on aimera peut-être à trouver une forte de parité entre les mouches qui font cortège à la mere dans des moments fi importants, avec les grands qui, par leur rang 6c leur place, doivent être inffruits les pre¬ miers du prélènt que la reine va faire à l’état. Les mouches au moins qui font alors autour de la mere, cherchent à fe rendre agréables. On ne peut prendre que pour des efpécesd’hommages, ou que pour des careffes préférables aux hommages, les mouvements quelles font faire à leur Tome V. . O o o 474 MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRE trompe pour la lécher, la frotter doucement, la nettoyer, &pour lui offrir du miel très-pur, fi elle en a befoin. Après avoir vû une mere entrer fucceffivement le der¬ rière le premier dans deux ou trois cellules, & après avoir découvert avec ma loupe l’œuf qu’elle avoit laiffé dans chacune, je l’ai vûe quelquefois fe tenir tranquille pen¬ dant fix à fept minutes; c’étoit alors que redoubloient les careffes des mouches de fa petite cour. C’étoit alors fur- tout qu'elles la iéchoient avec leur trompe, & qu’elles déchoient principalement fesderniers anneaux, apparem¬ ment pour les nettoyer. Deux ou trois mouches y étoient occupées à la fois. Je n’ai guéres obfervé qu’elle ait pondu plus de cinq à fix œufs de fuite fans prendre élu repos, & ordinairement elle en a pondu au plus huit à dix devant moi; foit que je n’aye jamais commencé à i’obferver que quand fa ponte du jour étoit avancée, foit que le grand jour & ma préfence la déterminaffent à par¬ tir, elle rentroit alors entre les gâteaux, peut-être pour y chercher des alvéoles vuides qui fuffent moins à décou¬ vert. Il y a des temps où la mere paffe des jours, & fans doute bien des jours de fuite fans foire des œufs, mais ce n’eft pas au Printemps; c’eft alors qu’eft le fort de fa ponte. Dans cette faifon, elle ne foit pas apparemment fortirde fort corps le même nombre d’œufs dans chaque journée; & il n’eft pas poffible de déterminer le nombre de ceux qu’elle en fait fortir dans la journée où elle en pond le plus ; mais on peut juger combien elle en pond com¬ munément par jour dans cette faifon, combien alors fo fécondité eft grande, par le nombre des mouches qui conapofent un effaim qui prend l’effor vers le 20 ou le 2.5 de May. Lorfqu’ii eft fojti de la ruche, cette ruche cft fouYem auffi peuplée ou plus peuplée qu’elle i etoit des Insectes. IX. Mem. 475 au commencement de Mars. Leffaim, fans être des forts, peut être compofé de plus de 12000 abeilles. La mere a donc pondu plus de 12000 œufs dans moins de deux mois, dans partie de celui de Mars, & dans celui d’Avril, car les 20 jours qui relient du mois de May, ne doivent pas être comptés; c’eft pendant ces 20 jours que les abeilles de l’eflaim qui fe lont transformées les dernières, ont pris leur accroilTement ; elles ont dû naître d’œufs pondus vers la fin d’Avril ou le commencement de May. Si pour avoir un terme moyen, on divife par 60 les 1 2000 œufs qui ont été pondus en moins de deux mois, on trouve que la mere a dû pondre chaque jour de ces deux mois environ 200 œufs. Quelque confidérable pourtant que foit cette fécondité, nous avons donné un exemple d’une fécondité beaucoup plus grande* dans une *7W iv. mouche vivipare à deux ailes, puifque nous avons compté P a & e 4 l 7 ^ plus de 20000 vers vivants dans fon corps, dont chacun devoit par la fuite devenir une mouche lèmblabie à celle dans le corps de laquelle il étoit contenu. La fécondité de la mere abeille a cependant encore de quoi paroître merveilleufe ; & peut-être aura-t-on même peine à croire qu’elle aille jufqu’où nous venons de la porter. On fe preffe peut-être de nous faire une objec¬ tion. On demande quelle certitude nous pouvons avoir que c’efi la mere abeille qui a fait tous les œufs qui ont fourni un elïaim de mouches. On nous accordera volon¬ tiers que la mere pond ; mais on 11e nous accordera pas qu’elle ponde feule. On demandera quelle certitude on peut avoir que les abeilles ordinaires 11e font pas chacune au moins quelques œufs. On pourra ajoûter que celles-ci entrent quelquefois dans des cellules le derrière le pre¬ mier, comme y entre la mere; qu’on en trouve des cen¬ taines de mortes dans cette pofition dans les ruches dont O00 ij 476 Mémoires pour l’Histoire les mouches font péries de froid ou de faim. On peut avoir du penchant à penfer que fi les grandes abeilles, celles qu’on appelle des reines, mettent au jour des œufs, ce ne font que de ceux qui donnent des reines, & que les abeilles ordinaires doivent faire des œufs qui donnent des abeilles ordinaires. Enfin, la preuve anatomique que nous avons rapportée, peut n’avoir pas affés de force fur ceux qui n’imaginent pas poffible de bien diftinguer les unes des autres, les parties intérieures d’animaux fi petits, lis pen- feront volontiers que quatre à cinq œufs à peine vifiblcs, & les parties qui les renfermeroient, pourraient très-bien échapper à l’Obfervateur. Or il fuffiroit pour fournir à un effaim, que chaque abeille ordinaire pondît quatre à cinq œufs. Mais dans cette fuppofition, la mcre ne met¬ trait au jour que des fémeiles ; cette conféquence offre un moyen de fe convaincre que la fuppofition, quoiqu’affés vraifemblable, n’efi pas vraye ; on n’aura qu’à remarquer les cellules dans lefquelles on aura vû pondre une mere. Des œufs qu’elle aura laiffés dans les cellules d’une grandeur or¬ dinaire, naîtront des vers qu’on verra dans la fuite fe trans¬ former dans des abeilles ouvrières, dans des abeilles de la plus petite taille. La longue abeille, celle qui efi décorée du nom de reine, elt donc la mere des abeilles communes. Si ces dernières abeilles en pouvoient produire de telles qu’elles font, la nature n’eût pas mis la reine en état de donner naiffance à ces fortes de mouches. Enfin, nous avons parlé ailleurs de cellules plus grandes que les cellules ordinaires, dont font compofés certains gâteaux ou certaines portions de gâteaux, & nous avons dit que ce font les cellules dans lefquelles croiffcnt les vers qui fe transforment dans les groffes mouches, que nous nommons les mâles. II lèra encore aifé de s’affurer que ecs vers fortent d ’œufs ponduspar la reine, qui, en un des Insectes. IX. Mem. 4.77 mot, & dans le fens naturel, eft la mere de tout l'on petit peuple, ou au moins de toute la partie du peuple qui naît élans fa ruche. Cette mouche femble avoir des connoidances bien fin- guliéres, &desconnoiiïancesque je lui ai entendu envier par des dames: elles étoient choquées & fe plaignoient de ce que la mere abeille femble fçavoir quelle forte de mou¬ che doit naître de l’œuf qu’elle va mettre au jour, pu if- qu’elle fe donne bien de garde de pofer dans une cellule à mâle, dans une grande cellule, un œuf d’où il ne doit venir qu’une abeille ordinaire, & qu’elle ne lailfe jamais dans une petite cellule, dans une cellule ordinaire, un œuf qui doit donner un faux-bourdon. Les dames dont je parle, trouvoient mauvais que la nature eût b bien inftruit de fimples mouches, pendant quelle leur lailfe ignorer de quel fexe eft l’enfant quelles doivent mettre au jour. Les œufs auxquels les plus grolfes mouches doivent leur naiflance, font plus gros que ceux qui la donnent à des mouches plus petites. La mere eft apparemment douée d’un fentiment qui lui apprend quand l’œuf quelle va faire fortir elf plus gros que les œufs ordinaires, & qu’il doit être mis dans une grande cellule. Outre les deux fortes d’œufs dont nous venons de par¬ ler, on doit penfer que la mere mouche a encore à en pondre d’une troifiéme forte. Ce ne leroit pas affés quelle donnât nailîànce à plufieurs milliers de mouches ouvriè¬ res, à plufieurs centaines de mâles, elle doit la donner à d’autres mouches propres à devenir desmeres, à d’autres mouches qui perpétuent fefpéce. Il faut quelle ponde au moins un œuf, d’où nailTe l’abeille qui conduira hors de la ruche trop peuplée une colonie qui ne fubfdleroiî pas fans cette mouche. La mere doit donc pondre, & pond des œufs d’où doivent fortir des mouches propres à O o o iij 478 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE être meres à leur tour. Elle le fait, & nous allons voir que les travailleufes paroiffent fçavoir quelle le doit faire. Dans la rigueur, il fuffiroit qu’il naquit chaque année dans chaque ruche autant de meres mouches qu’il en fort d’efiaims ; mais le nombre des meres qui y naiffent, efl; fouvent beaucoup plus grand que celui des e(faims qui en fortent. La nature ne paroît pas s’être embarraftee de l’œconomie par rapport à la multiplication des êtres orga- nilés. Combien de millions de graines d’ormes font per¬ dus chaque année, pour une qui donne un germe qui parvient à être un grand arbre! Entre les milliers d’œufs jettés dans l’eau par une carpe, combien y en a-t-il peu dont les embryons deviennent de grandes carpes ! Nous ne trouverons pourtant pas d’exemple d’une pareille prodiga* lité dans le nombre des œufs de la mere abeille, propi es à donner d’autres meres abeilles. Elle n’a pour l’ordinaire à en pondre que i y à 20 par an ; quelquefois elle n’en pond que 3 ou 4, & quelquefois elle n’en pond point du tout ; & dans ce dernier cas, la ruche ne donne pas d’effaim. Les abeilles ouvrières à qui les meres font fi cheres, paroiffent auffi s’intéreffer beaucoup pour les œufs qui en doivent donner, & les regarder comme bien importants. Elles conftruifent des alvéoles particuliers où ils doivent - être dépofés. Elles ne fe contentent pas comme pour les œufs d’où fortent les mâles, de faire des alvéoles plus grands que ceux des mouches ordinaires, mais d’ailleurs conftruits fur le même modèle ; elles abandonnent leur architeéïure ordinaire, quand il s’agit de bâtir des loge¬ ments dans lelquels doivent être élevés des vers qui de¬ viendront des mouches reines. Elles ne font point alors des alvéoles exagones; elles en conftruifent d’une forme moins propre à nous plaire, mais qui paroît peut-être plus belle aux abeilles. Elles leur donnent une figure des Insectes. IX. Mem. 479 arrondie Sc oblongue * plus grolfe près d’un de Tes bouts * pi. p g . qu’à l’autre, & dont la itirface extérieure eft pleine de pe- 2 • ro - tites cavités. Si les abeilles ne nous parodient pas avoir été occupées de la beauté & de l’élégance de ces cellules, elles doivent nous paroître avoir été très-attentives à leur procurer delà folidité ; elles leur en donnent tant, qu’elles en femblent mal faites, qu’elles en femblent lourdes Sc maffives. La cire qui eft employée avec une œconofnie fi géo¬ métrique dans la conftruéïion des cellules exagones, eft employée avec profufion dans celle des logements où les reines doivent être élevées; rien ne coûte alors aux abeilles. J’ai pefé une de ces cellules qui méritent d’être diftinguées des autres par l’épithete de royales, contre des cellules exagones, Sc j’ai vû qu’il en falloit environ cent de ces dernières pour égaler le poids de l’autre. Cependant la cellule royale n’étoit pas encore finie, elle n’avoit pas toute fit longueur, Sc n’étoit pas de celles qui font les plus grandes ; je crois qu’il y en a telle qui pefie autant que i 50 cellules ordinaires. Après tout, ce n’efi pas trop que la dépenjp faite pour bâtir une efpéce de louvre, ou au moins une maifon royale, furpalfe 100 ou 150 fois celle que demande la conftrudion d’un fimple logement de particulier. Les abeilles ne parodient pas non plus chercher à mé¬ nager le terrein, quand il s’agit de placer une de ces cel¬ lules qui doit être le berceau d’une reine. C’eft quelquefois furie milieu même d’un gâteau qu’elles iapofent *, comme * Fig. ?. h t >. s’il lui convenoit d’avoir une place diftinguée. Plufieurs cellules communes font facrifiées à lui fervir de bafe& de fupport. Le plus fouvent les cellules royales pendent du bord inférieur d’un gâteau ordinaire *, comme les flalac- * Fig. ?, re , îitespendent de la voûte des cavernes. Il y en a quelquefois co > 4$0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE *pi. 52. fi g. qui pendent de meme le long d’un des côtés d’un gâteau ;• ’ r c, ' o .f i f ' s ‘ qui ne touche pas les parois de la ruche. Ce qui ma paru très-confiant, c’efi que leur gros bout eft en haut, & que leur longueur, leur axe eft dans un plan vertical, de forte que leur longueur eft prefque perpendiculaire à celle des cellules ordinaires. Les figures qu’a données Swammerdam des cellules royales, feroient prendre une toute autre idée de leur pofition. Cependant cette pofition n’efi pas fans doute indifférente, & il s’enfuit une fingularité que nous aurons lieu de faire plus remarquer dans un autre Mé¬ moire ; c’eft que la nymphe qui doit fe transformer dans une fémelle, eft tout autrement pofée que la nymphe qui doit fe transformer dans une abeille ouvrière, &que celle qui fe doit transformer dans un mâle. La première a pré- cifément la tête en embas, pendant que les autres font pofée horilontalement, & même un peu en enhaut. Quand une cellule royale n’cft encore que commencée, ^Ejg. 3.g,g, e j| e 3 a fïe S la figure d’un gobelet *, ou plus précifément 1 ° r ' 0l ce jj e t p un c { e ces calices defîinés à contenir un gland, & d’où le gland eftforti. Quelquefois ce calice, comme celui du gland, a un pédicule ; mais à mefure que les mouches prolongent la cellule, elles lui font perdre cefte figure. Loin de la tenir evafée, elles la rétréciffent de plus eu plus, de forte que le bout inférieur eft plus menu que le * Fig. 1. 0, fupérieur. Elles laiffent ce bout inférieur ouvert * juf- ques à ce que le temps de le fermer foit venu, ce qui n’efi que lorfque le ver qui a cru dedans, eft prêt à fe métamorphofer. Elles donnent à plufieurs de ces cellu¬ les diftinguées 1 5 à 16 lignes de longueur. La furface de celle qui n’eft encore qu’ébauchée, qui a encore la *Ug-4. 0. figure d’une coupe, eft affés fouvent liffe *; par la fuite elle devient raboteufe; il femble que les abeilles bayent fculptée en efpécc de guilochis. Ce pourroit être plutôt pour des Insectes. IX. Ment. 481 pour la fortifier que pour l’orner, qu’elles y auroient atta¬ ché de petits cordons de cire. Mais ces cordons font faits pour une autre fin, ce font les fondations grofliéres de cellules ordinaires; c’efi de quoi quelques faits m’ont inl- truit. J’avois été embarralTé pour les abeilles ouvrières des cellules royales qui pendoient au bas des gâteaux * ; il me * PI- 3 ^- paroilfoit que ces cellules dévoient les incommoder par la *’ fuite, lorfqu’il s’agiroit de prolonger la partie du gâteau d’où elles pendoient. Mais j’ai oblèrvé que les ouvrières attendent à allonger ce gâteau jufqu a ce que les femelles loient forties des alvéoles dans lefquels elles font nées. Alors elles raccourcifient les cellules royales, & elles en bêtifient de communes defiùs, pour étendre le gâteau; celui-ci fe trouve feulement un peu plus épais qu’ailleurs, avoir une efpéce de nœud dans chacun des endroits où il y a eu une cellule royale. C’eft ce que j’ai vû pratiquer à des abeilles dont j’ai parlé dans le cinquième Mémoire, auxquelles j’avois donné des portions de gâteaux d’où pendoient des alvéoles où il y avoit des vers ou des nym¬ phes qui dévoient devenir des mouches fémelles. Ceci ap¬ prend qu’il y a telle faifon où on ne retrouvera plus dans une ruche les cellules royales qui y étoient au Printemps. C’efi donc dans chacune de ces cellules plus longues & plus folides que les autres & d’une autre forme, que la mere abeille pond un œuf dont l’embryon doit devenir avec le temps une mouche capable de pondre à fon tour. Il faudrait que les abeilles ordinaires fçuiïent combien il y a de ces œufs dans le corps de leur reine, fi elles fai- foient un nombre de cellules qui fût exactement égal à celui de ces œufs. Elles fçavent tant de chofes, quelles pourraient bien encore fçavoir cela. Ce que je crois cer¬ tain, c’efi quelles font au moins autant de ces fortes de cellules que la mere a befoin d’en trouver de faites, & Tome V . P p p 482 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE peut-être en font-elles plus qu’il 11e lui en faut. Je 11’en ai vû que deux ou trois dans quelques ruches, & j’en ai compté jufques à 40 dans d’autres. Quand on fe rappelle que les abeilles ordinaires bâ- tiffent des cellules de trois efpéces, & quelles femblent en proportionner le nombre à la quantité de chaque forte d’œufs qui doit être pondue par la mere, on ch tenté de les croire douées de quelque fcns qui les infhuit de la quantité de chaque forte d’œufs, qui doit paraître au jour. On a perfuadé, il y a quelques années, à ceux qui font trop avides de prodiges, qu’une fille de Lilbonne avoit une vue qui perçoit au travers des objets les plus opaques pour nous ; qui lui faifoit difiingucr h le fœtus contenu dans le ventre de la mere étoit mâle ou fé- melle ; ceux qui ont été afies crédules pour recevoir un pareil fait comme vrai, n’héfiteroient pas apparemment à penfer que les abeilles ouvrières ont des veux qui voyent &difiingucnt les uns des autres, les œufs renfermés dans les ovaires de la mere. Au refie, le nombre des cellules obfongues & arrondies efi toujours fi petit dans chaque ruche, & elies font pla¬ cées dans des endroits fi fréquentés,qu’on ne fçauroit fe promettre de furprendre une mere pendant qu’elle efi oc¬ cupée à pondre dans quelqu’une de ces cellules. Mais en cfi-il befoin ! Dès qu’on s’efi bien afitiré qu'il n’y a dans chaque ruche qu’une mouche qui donne naiflfance à tant d ouvrières & à tant de mâles, il n’efi pas permis de douter quelle ne la donne à quelques abeilles qui, comme clic, doivent être des nières. Ce que l’imagination ne nous per¬ met d’accorder qu’avec plus de peine, c’efi que toutes ces abeilles nécefiàires pour compofer un nombreux eflaim, ayent pu être mifes au jour en fept à huit femaines par une feule mouche: mais fi on ouyre le corps d’une mere des Insectes. IX. Mem. 483 dans un temps convenable, on ic trouvera rempli dune fi prodigieufe quantité d’œufs, qu’on ceffera d’être furpris du nombre des abeilles qui naiifènt d’une tcuie reine, fur- tout li on penfe qu’outre les œufs actuellement vif blés, il y en a un nombre beaucoup plus grand de ceux qui n’ont pas encore acquis la grolfeur qui peut les rendre lenfibles à nos yeux. Les œufs de la mere abeille, comme ceux de tant d’au¬ tres mouches dont nous avons parlé, & comme ceux des papillons, font diftribués en deux ovaires, dont l’un clt à droite & l’autre à gauche. Swammerdam a donné très en grand une figure de ces ovaires de la mere abeille, qui m’a paru fi bien entendue, que j’ai mieux aimé m’en tenir à la faire paraître réduite *, que d’en faire defiîner une nou- * PI 32. velle qui aurait pu n’être pas aulfi parfaite que la fienne. s ' J’ai adopté avec plaifir fa figure, comme j’ai adopté ail¬ leurs celle de Malpighi qui repréfente les ovaires du pa¬ pillon fémclle du ver à foye. D’ailleurs pour Lire de/finer une nouvelle figure des ovaires de la mere abeille, j’euffe été obligé de faire périr piufieurs meres, & on ne fe réfoud que dans une grande nécelfité à en tuer même une feule, quand on penfe au nombre des mouches auxquelles elle alloit donner la vie ; & quand on penfe qu’en la faifant périr on condamne à mourir bientôt tant de milliers de mou¬ ches qui habitoient avec elle. Chaque ovaire * d’une mere abeille, reflemble dans * f; l’effenticl à un de ceux de diverfes autres mouches, & f 00 b c c c c t% en particulier, à un de ceux des cigales qui a été repré- fenté dans ce volume, planche 19 figure 10. Je veux dire que l’ovaire de la mouche à miel eft un alfemblagc de vaiffeaux *, qui tous tirent leur origine du même en- *aeet droit *, cjui tous vont aboutir à un canal commun *, & * a - qui tous font remplis d’œufs dans le temps de la ponte. * te ‘ PPP ij C/q 484 Mémoires pour l’Histoire J’ai cru obferver une efpéce de refervoir charnu, un vaif- feau extrêmement gros en comparaifon de chacun de ceux qui compolent l’ovaire, d’où tous ceux-ci partent. Quand on ouvre une mere dans des temps où celui de fa ponte eft encore éloigné, comme j’en ai ouvert plufieurs en Hy ver, & dans d’autres faifons, alors les vaiffeaux de cha¬ que ovaire ne forment qu’une efpéce d’écheveau, ou plu¬ tôt de paquet de fis pofés les uns contre les autres, & parallèlement les uns aux autres, & de fils plus déliés que les cheveux, auffi fins peut-être que des fils de vers à foye. Au moyen d’une loupe très forte, on y apperçoit pour¬ tant de petites inégalités, ori croit voir à chaque fil de petits nœuds. Mais quand la mouche efi en pleine ponte. Ion corps ne femble être rempli que d’un nombre prodi¬ gieux de differentes files d’œufs, qui,de la partie antérieure du corps, fe rendent à la partie pofférieure. Les œufs les plus proches de celle-ci, font longs, & tels que ceux qu’on peut obferver dans les alvéoles de cire; mais ceux qui font *PI. 32.fig. plus près de la partie antérieure*,font plus courts, ils ont a ‘ line figure plus approchante de celle des œufs qui nous *b,c, c,c. font les plus connus. Les premiers œufs *,ou, plus exacte¬ ment, ceux qui paroiiïcnt être les premiers de chaque file, font très petits, on a befoin de la loupe pour les voir, pendant que les autres font beaucoup plus longs & plus gros qu’il ne faut pour être très-fenfibles à la vue fimple. Ces derniers femblent être à découvert, parce que les parois des vaiffeaux qui les renferment,font extrêmement minces. C’cff une remarque que d’autres infectes nous ont déjà donné occafion de faire plufieurs fois. Enfin, tous les vaiffeaux d’un même ovaire aboutiffent à un vaiiïeau beau- *te; te. coup plus grand*, dans lequel ils fie déchargent fùcccffi- vement de leurs œufs. Comme il y a deux ovaires, il y a donc deux grands canaux ou conduits qui fe rendent à des Insectes. IX. Menu 4S5 un canal commun *, qui a été regardé comme la matrice * pj. 32 . ^ par Swammerdam. Il ne relie pas beaucoup de chemin à s - 11U faire à ceux qui font dans cette dernière cavité pour fortir hors du corps de la mouche. C’efi dans ce court chemin que Swammerdam veut qu’ils foient enduits de la liqueur vifqueulè propre à les tenir arrêtés par un de leurs bouts contre le fond d’un alvéole. L’analogie conduit aiepenfer. Nous avons vû ailleurs des refervoirsdeftinésà fournir de la liqueur gluante, propre non-feulement à coller les œufs des papillons contre les corps fur lefquels ils font dépofés, mais qui, en l'e delféchant, peut même faire des loges à ces œufs. L’analogie ne veut peut-être pas de même qu’un petit corps fphérique * qui tient à la cavité dans laquelle * g , tous les œufs de la mere abeille fe rendent, foit deftiné à fournir la liqueur vifqueufe. Maipighi au moins a donné un ufage plus important à un femblable corps, & placé de même dans les papillons. Mais l’incertitude où nous fom- mes encore fur l’ulagede parties d’un volume confidérable qui fe trouvent dans l’intérieur des grands animaux, telle qu’eft la ratte.&c. doit nous empêcher de prononcer affir¬ mativement fur les ufages des parties intérieures des in- feéfes, lorfqu’iis ne font pas très évidents. Ce que chaque ovaire des meres abeilles a de plus re¬ marquable, c’ef le nombre des vaiffieaux à œufs dont il efl compofé. Swammerdam après avoir defefperé de venir à bout de les féparer les uns des autres à caufe de la quan¬ tité prodigiCufe des ramifications des trachées, qui les tien¬ nent liés; & ayant tenté inutilement de les compter tous, n’a pas cru courir rifque de fe tromper, en affinant que chaque ovaire avoit plus de i 50 vaiffieaux deffinés à con¬ tenir des œufs. Si le nombre de ces vaiffieaux efl ici con- fidérablement plus grand qu’il ne l’efi dans les ovaires de beaucoup d’autres infeéïes, les vaiffieaux font plus courts. PpP'ij 486 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Swammerdam a pourtant compte dans chacun de ceux d’une abeiile 17 œufs. Chaque ovaire avoit donc 1 50 fois i7œufs,ou 2 5 50 œufs, & les deux ovaires en renfermoient y 100, On ne doit plus avoir de peine à accorder qu’une abeille puiffe mettre au jour en fept à huit femaines 10 à 12000 abeilles ou davantage, lorfqu’on lui peut compter 5 100 œufs à la fois; car on imagine aifément que le nom¬ bre de ceux qui ne font pas vifibles, qui grofiiront pendant le temps que les autres feront pondus, &. qui prendront leur place dans les ovaires, que le nombre de ces œufs qui échappent à nos yeux par leur petitefîe, furpafle plu- fieurs fois le nombre clés autres. Si l’examen des parties intérieures de la merc abeille efl propre à nous frire voir quelle peut feule fuffire à donner la vie à tant de milliers d’abeilles qui naiiïént chaque année dans une ruche, l’examen des parties intérieures des faux- bourdons n’eft pas moins propre à nous convaincre qu’ils font deftinés à rendre les œufs féconds, qu’ils font les mâles. Dès qu’on a mis à découvert l’intérieur de leur corps*,on reconnoît que fa cavité nef prefque occupée que par des vaiffeaux&des relervoirs, dont billage ne peut être que de préparer & de contenir la liqueur propre à vivi¬ fier les œufs. Quelques parties d’un volume confidérabJe par rapport à celui du lieu où elles font logées, font plus blanches que le lait, & elles doivent leur couleur à la li¬ queur quelles renferment. Enfin, on ne trouve aucune partie qui rcffemble à celles dont nous parlons dans le corps des fémelles, ni dans celui des abeilles ouvrières. On prend même en certains temps des faux-bourdons qui ont fait fortir de leurs corps, & qui tiennent en dehors clés parties qui leur font propres, & qui femblent ne pou¬ voir être que celles qui caraélérifent le fexe des mâles; en certains temps, on en trouve qui portent à leur derrière des Insectes. IX. Mem. 487 deux cornes charnues *, aufli longues que le tiers ou la ; * pi. 33.^. moitié de leur corps, qui s’écartent l’une de l’autre en 5 & 6. c, c. s’éloignant de leur baie commune. Cette baie cfl alTés maflive. Entre les deux cornes paroît quelquefois un corps charnu * qui s’élève au-deffus du derrière en fecontour- *Fig. j,6& liant en arc. Si le faux-bourdon qu’on a pris ne montre 11 ' pas les parties dont nous venons de parler, s’il les tient cachées dans fon corps, on peut le forcer de les faire voir en prefïant fon ventre entre deux doigts. En ménageant la preffion, on oblige à paraître au jour différentes pièces formées & difpofées avec beaucoup d’appareil & d’art, & des pièces dont on 11e trouve point de veftiges dans les meres ni dans les ouvrières. C’eft précifément au bout pof- térieur du corps des abeilles ordinaires & des meres, que le dernier de leurs anneaux s’cntr’ouvre. C’elf là qu’c fl l’anus,& c’eft de-là même que l’aiguillon fort ; mais le bout du corps des faux-bourdons n’eft point percé; le dernier anneau eft recourbé vers le ventre, & c’eft fous le ventre, & fort prés du bout poftérieur, qu’on remarque un en¬ droit * à peu près circulaire comme un petit bouton ap- *Fig. 3 £4, plati, dont la couleur eft différente de celle du refte; elle cft cannelle. Ce qui paroît de couleur cannelle eft un arc annulaire qu’on peut appelfer intérieur; il part de deffous l’anneau. De-là fortent aullî les bouts de deux lames *, qui * Fig. 4. e,c. enfemble forment une efpéce de pince. Quand elles s’é¬ cartent l’une de l’autre, elles (aillent une ouverture par laquelle la preffion peut faire fortir les parties qui font pro¬ pres au mâle. C’eft aufîî dans la même ouverture que fe trouve celle de l’anus. Pendant qu’on preffe entre deux doigts le ventre près de l’endroit de couleur cannelle, & après qu’on a forcé la fente à s’entr’ouvrir, 011 voit paraître une'efpéce de veftie toute pointillée de points roux *. La veftie groffit * Fig. 7, m . * PI. 33. fig- 7 - c > c - * d, u. * Fig. 9. OC. ♦Fig. 1 0, o c. * d. »u. * Fig. 11 .u. &pl. 3*.% a. u. 488 Mémoires pour l’Histoire de plus en plus lorfqu’on continue ia preffion, de nou¬ velles portions membraneufes fortent. La partie qui efl fortie alors a des inégalités ; elle elt groffe & oblongue ; fon bout a une figure qui approche de ’celle d’un mafque velu, il efl couvert de poils roux ferrés les uns contre les autres, à peu près comme ceux de nos draps de caflor. Si on confklére cette partie par-defTus, on y peut remarquer deux enfoncements circulaires * à côté l’un de l’autre, dans des membranes blanches, 6c deux autres plus petits 6c plus bruns * pofés fur une ligne dirigée félon la longueur du corps. Quand on continue de preffer, on voit fortir de chacun des deux premiers enfoncements une efpéce de corne charnue *, qui de très- moufle qu’elle étoit d’abord le deviendra de moins en moins à mefure qu’elle s’allongera, ôc qui quand elle fera entièrement dehors, fe terminera en pointe *. A de s ordi¬ nairement les pointes de ces deux cornes membraneufes font rougeâtres, & ce qui fuit efl jaunâtre dans une moi¬ tié de la longueur. Pendant que les cornes fe montrent, les deux autres enfoncements, ceux qui font fur la ligne qui paffe entre les cornes, s’élèvent. De celui qui efl le plus près des cornes, il ne fort qu’une partiemembraneu- fe * couverte de poils, Sc qui forme un petit monticule velu. Mais de l’enfoncement le plus éloigné fort une par¬ tie * dont il n’a fouvent paru qu’une portion , quand les deux cornes fe montrent déjà dans leur entier. Si on ne ceffe pas de preffer, la dernière partie que nous voulons faire obferver, s’élève de plus en plus, & en s’élevant elle fe contourne en arc, en portion de cerceau dont la con¬ cavité efl tournée vers le dos de l’infeéle'Cet arc, car c’ell le nom que nous lui laifferons, paroît dans toute fà longueur, quand on peut compter fur fa furface convexe, cinq bandes d’un velu rouffeâtie/éparéespar des intervalles blancs. des Insectes. IX. Mem. -489 Mânes & lilîes , plus larges que les bandes roufTcâtres; il a alors une longueur environ égale à celle de la moitié d’une des cornes, & il n’efl que de peu moins gros à Ton bout qu’à fon origine. Tout ce qui a a paraître n’a pas encore paru. Si on redouble la preiïion, on fait fortir du bout de l’arc une partie blanche *, qui bientôt le furpafïe en grofTeur. * PI. 34. fg. Elle s’allonge & groiïît continuellement. Elle petit devenir beaucoup plus longue que les cornes. Elle 11e le contourne pas toujours de la même manière; mais à inclure qu’elle fe montre, elle force l’arc à defcendrc vers la baie velue. Sur cette partie qui s’eft montrée la dernière, & fur la face la plus proche du corps, on peut obferver deux petites pièces écailleufes *, que leur couleur fait affés diflinguer * e. du relie. On doit chercher à voir dans l’intérieur du corps de îa mouche, ces mêmes parties que nous venons d’en faire fortir. Elles n’y font pourtant pas auffi fcnfibles qu’elles le font lorfqu’elies en font dehors. A mefure qu’elles for- tent , elles fe gonflent confidérablement ; elles 11’y font pas même celles dont on cft le plus frappé. Lorfqu’on a ou¬ vert le corps d’un faux-bourdon, foit par-delTus*, foit par- * Fig. S. deffous *, on remarque bien plûtôt une maffe formée par » Fig. 9. l’afTemblage de plufieurs corps, fouvent d’un blanc qui furpaffe celui du lait. Vient-011 à développer cette maffe*, * Fig. 7. on la trouve compofée principalement de quatre corps oblongs *. Les deux plus longs Si les deux plus gros de ces * ff; d,d. corps *, tiennent à une efpéce de cordon tortueux * que * f,f Swammerdam a appellé la racine de la partie du mâle, & * **. il a donné le nom de veficules feminales îiux deux corps blancs & longs que nous venons de confidérer. Deux au¬ tres corps oblongs * comme les précédents, mais qui ont * qd, e ' plus proche de l’anus, eh le poftérieur. C’cft d’auprès de ce dernier que partent les deux lames écailieules, dont chacune s’élargit pour venir couvrir une partie de la Lee de la lentille. Au-deftous de l’endroit où chaque lame s’eft le plus élargie, elle a une efpéce d’échancrûre qui lui fait deux pointes moufles d’inégale longueur, 8 c dont la plus longue eft fur la circonférence de la lentille. Outre ces deux lames écailleufes, il y en a deux autres * de la même * n. couleur, plus étroites 8c au moins plus courtes de la moitié, dont chacune eft pofée tout proche d’une des précéden¬ tes, &dont l’origine eft auprès de l’origine de celle quelle accompagne, c’eft-à-dire, au bout poftérieur de la lentille. Le refte de cette lentille eft blanc 8 c membraneux. Dcfon bout poftérieur part un tuyau *, un canal de même blanc, * /. 8 c de même membraneux, du diamètre duquel il eft diffi¬ cile de juger, car les membranes qui le forment font vifi- blement pliftees. A un des côtés de ce tuyau eft attachée une petite partie charnue qui a quelque chofe de la figure d’une palette * dont une des faces feroit concave, * p. 8 c auroit fes bords gaudronnés. L’autre Lee de cette pa¬ lette eft convexe. En quelques circonftances les gaudrons fe relevent, leurs bouts excédent le refte du contour, ils forment des efpéces de rayons qui font paroître la palette très-joliment ouvragée *. Elle eft couchée fur la * Fig. 5 &6. lentille, elle s’y applique par fa partie concave; mais elle ne lui eft pas adhérente. Swammerdam a paru difpofé à croire que cette palette eft la partie qui caraéïérife le mâle. Les parties dont nous venons de parler, 8 c qui font les plus vifibles dans le corps du Lux-bourdon, ne font point Qqq ij 49- MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE encore de celles qui en fortent les premières, ni de celles qui, hors du corps, le font le plus remarquer. Si on con- fidére le canal ou i’efpéce de lac qui part du bout pofié- rieur de la lentille, fi on le confidére, dis-je, du côté op- pofé au bord de la lentille qui fait la lëparation des deux grandes plaques écailleulès,on voit diftinéîement ce corps *PI. 34.. fig. que nous avons appelle l’arc *; on peut compter les cinq 7 ‘ u% bandes velues difpofées tranfverfalement; elles lont de cou¬ leur fauve, pendant que le relie elt blanc. Cet arc femble même hors du canal membraneux, parce qu’il n’ell cou¬ vert que par une membrane très-tranlparente : par un de fes bouts, il atteint prefque le corps lenticulaire, & par l’autre, il le termine à l’endroit où le canal membraneux * 771 ■ lé joint à des membranes phlfées & jaunâtres * qui font une efpéce de fac qui s’applique contre les bords de l’ouverture préparée pour tailler fortir toutes les parties deltinées à la fécondation. Les membranes roulfeâtres dont nous par¬ lons, font celles que la preffion oblige à fe montrer les *Pl. 35.fi», premières en dehors*, celles qui forment cette maffe al- 7, s ] on gée, dont le bout eft une efpéce de mafque velu. En¬ fin , à ce fac, fait de membranes roulfeâtres, tiennent deux * P!- 34-appendices * d’un jaune rougeâtre & rouges même à leur 7 bout. ,Cefont ces appendices qui paroiffent en dehors fous * Fîg. 1,2 & la forme de cornes L 3 ' L,c ‘ Quand en preffant le ventre d’un faux-bourdon peu à peu, mais de plus en plus, & avec précaution, on fait fuc- celfivement fortir de nouvelles parties, ces partiesfc mon¬ trent par la face oppofée à celle qu’elles prefentent Iorfi- quelles font dans le corps. La furface de ces parties qui étoit alors l’intérieure, devient l’extérieure, il leur arrive ce qui arrive à un bas qu’on retourne. Si l’entrée du bas qu’on veut retourner étoit fixée contre un cerceau, & qu’on commençât à renverfer le bas peu à peu, en des Insectes. IX. Mem. 493 commençant par la bande la plus proche de l’ouverture, & ainfi de fuite, de façon qu’on lift fortir le talon & le pied les derniers, on auroit dans le retournement du bas une image de la manière dont fe retournent les parties du mâle des abeilles pour paroître en dehors. Quand on con- noît leur difpofition dans l’intérieur, il eft aifé de juger de l’ordre dans lequel elles doivent fe montrer à l’extérieur. Le fac rouffeâtre *, qui eft le plus près de l’ouverture, doit * PI. 33. %, paroître le premier*, & comme une portion de fâ furface 7 ‘ intérieure eft velue, elle fournit lemalque velu. Les bafès des cornes * doivent enfuite commencer à fe faire voir *. * pi. 34 . f, g . L’arc doit paroître enfuite*. Quand l’arc eft entièrement 7- c > c - lorti, il faut redoubler laprefîîon pour faire fortir denou- * 3 3- fi g* velles parties; car c’eft par le bout de cet arc que fort le * F -, 10 & corps lenticulaire qui prend alors une figure très-allon- n. «. gée *. Malgré cette figure il eft aifé *à reconnoître, & if *PI. 34. fig, eft évident qu’il a été renverfé, parce que fur un de fes 3 ' côtés, on trouve les plaques écailleufes * que nous avons * e, décrites, & la face par laquelle on les voit, eft concave, au lieu que celle par laquelle on les voit dans le corps, efc convexe. Swammerdam a parlé de la partie en palette *, & l’a *Fig. fait représenter comme une de celles que le retournement 7 ' p ‘ des parties qui fortent hors du corps du faux-bourdon 11e manque pas de faire paroître; mais j’ai tout lieu de croire quelle ne fe montre que lorfqu’il arrive quelque déchire¬ ment confidérable. J’ai obligé à fortir du corps de plus de cent faux-bourdons preffés les uns après les autres, tout ce que la preffion en pouvoit faire fortir, fans parvenir à voir une palette à découvert, & j’ai ainfi preffé de fuite des centaines rie faux-bourdons à bien des reprifes différentes. Il ne m’efi arrivé de voir la palette en dehors que dans des" cas rares, &Iorfquej’appercevois un déchirement dans les Qqq "j 494 Mémoires pour l’Histoire parties qui étoient proches du bout de l’arc. Un de ces cas rares aura été vu aidli par Swammerdam, 6c il l’aura pris pour un cas ordinaire. Ce célébré Auteur ne paroît pas avoir eu a (Tés de faux-bourdons à fa difpofition. Il parle de quelques-uns qui lui furent donnés, comme d’un préfent qui mérite qu’il cite celui de qui il le reçut. Pour moi qui en ai eu autant que j’en ai voulu, j’ai exa¬ miné fur plus d'un millier peut-être, fi la partie dont il elt quehion, étoit de celles qui peuvent paroître en dehors à découvert. Quand la preffion efl pouiïce loin, il arrive fouvent qu’il fort du lait épais, & en alfés grande quantité, du bout de la partie qui a paru la dernière. Mais il y a plus d’ap¬ parence qu’il fort en fi grande quantité par une ouverture faite par déchirement, que par une ouverture dehinée à le laiffer échapper. Un appareil de tant de parties, & de parties fi fingulié- rementdifpofées, qui contiennent une liqueur laiteufe, 6 c qu’on oblige à paroître hors du corps, 6c dont piufieurs viennent s’y montrer naturellement, forceroient de re- connoître les faux-bourdons pour les abeilles mâles, ceux qui auroient le plus d’envie de douter de leur fexe. Le retournement qui arrive dans ces parties, lorfqu'elles pa- roiffent au jour, ch admirable; 6c Swammerdam a bien fçu l’admirer. Il ne fe lafTc point d’en parler avec furprilc. Ce retournement de tant de parties ne lui a paru reflèm- bler à aucune des méchaniques que d’autres animaux font voir. Il ne lui a pas échappé de faire remarquer, que des parties qui avoient peu de volume pendant quelles étoient dans le corps, en avoient un confidérablc lorfqu’elles en étoient dehors; 6c il a très-bien obfervé que l’air eh principalement employé à les enfler 6c à les dihen- dre: des milliers de trachées qui lé rendent aux parties de des Insectes. IX. Mem. 495 la génération, peuvent fournir tout l’air néceffaire à un jeu fi merveilleux. Une niere abeille qui fe trouve feule de fon fexe dans fa ruche, comme elle s’y trouve en certains temps, avec fept à huit cens, & quelquefois avec plus de mille faux-bour¬ dons, paroity être au milieu d’un très-nombreux ferait de mules. On a prétendu cependant qu’elle n’en fouffroit au¬ cun fe joindre à elle ; & il eft vrai que jufqu’ici perfonne ne l’a vu unie à un mâle, ou perfonne au moins n’a écrit qu’il l’y avoit vû unie : mais c’elt un des cas où la preuve néga¬ tive ne fçauroit avoir beaucoup de force, car fans vou¬ loir donner de la pudeur à cette mouche, il 11’y a aucune rai fon de penfer qu’elle quitte l’intérieur de la ruche où elle aime tant à le tenir, lorfqu’elle veut permettre à un mâle de rendre fes œufs féconds. 11 11’y a pas apparence qu’elle cherche alors à s’expofer aux veux des fpeélateurs. Nous ne fommes pas à portée de voir des adions qui doivent fe palier dans les ténèbres, & qui doivent nous être cachées par des voiles faits de gâteaux de cire, & de plufieurs couches d’abeilles ordinaires. Dès que cette femelle a un fi grand nombre de mâles à la difpolition, l’analogie femble vouloir quelle s’accouple comme s’ac¬ couplent les femelles de tant d’autres infedes. Cette preu¬ ve tirée de l’analogie devient très-forte, lorfqu’on fçait ce que nous avons établi ailleurs *, que les républiques des guêpes, comme celles des abeilles, font compolces de trois fortes de mouches, de guêpes ouvrières, de guêpes mâles & de guêpes femelles ; que ce font les guêpes ou¬ vrières qui font le gros de celles d’un guêpier; que quoi¬ qu’on y trouve en certains temps plufieurs meres, leur nombre cil toujours petit ; N que le nombre des mâles- inférieur à celui des guêpes ouvrières , furpaffe beau¬ coup celui des meres. Si de plus on a vû, comme j’ai * Ale moires de l’Acadé¬ mie 1 y 1 g, Page 2j 0 . 496 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE rapporté l’avoir vû, des mâles guêpes s’accoupler avec des femelles guêpes, il ne femblera pas qu’il y ait lieu de douter que dans les républiques des abeilles qui ref- femblent fi fort à celles des guêpes, les meres abeilles ne s’accouplent avec les mâles abeilles. Enfin, je rapporterai dans un autre Mémoire que j’ai vû l’accouplement d’une efpéce de mouches du genre auquel appartiennent les abeilles qui habitent des ruches, que j’ai vû l’accouple¬ ment de ces groffes abeilles qu’on appelle des bourdons, & que nous nommerons des bourdons velus. Pourquoi croiroit-on donc que la mere abeille ne fe joint avec au¬ cun mâle! Le grand nombre des mâles eft peut-être ce qu’011 peut alléguer de plus fort contre l’accouplement de la mere abeille ; car, dira-t-on, failoit-il tant de mâles pour une feule femelle ! Ils lui ont été accordés fans doute pour de bonnes raifons, mais que nous ne fommes pas en état de deviner. D’ailleurs, nous verrons dans la fuite que ces mâles ne font pas deffinés à une feule mere, ils font fûts pour toutes les meres qui doivent naître dans la ruche. Enfin, comme nous venons de le dire, la nature a de même donné un grand nombre de mâles à un petit nombre de meres guêpes. Un fentiment foûtenu dès le temps d’Ariftote, veut que les œufs des abeilles foient fécondés, comme on croit communément que le font ceux (les poiffons ; qu’après avoir été pondus, ils foient arrofés d’un lait qui a la vertu de les vivifier. Les mâles des abeilles paroiffent très-pro-» près à fournir ce lait. Mais ceux qui auront obfervé des œufs, & en grande quantité, d’où des vers naiffent jour¬ nellement, & cela, dans des temps où il ne paroît aucun faux-bourdon dans la ruche, & dans des temps où nous prouverons qu’il 11’y en a aucun, ceux, dis-je, qui l’auront obfervé des Insectes. IX. Mem. 497 obfervé, croiront qu’il eft bien démontré que les œufs de la mere abeille 11e font pas fécondés par le lait des faux- bourdons qui a été répandu fur eux. Charles Butler avoit peut-être connu la force de cette démonftration ; car après avoir dit dans un endroit de fa république féminine, que les œufs des abeilles font fécondés comme ceux des poifi fons, il dit plus loin que les abeilles font fécondées par une certaine vertu admirable. Mais un Auteur dont l’autorité efl bien d’un autre poids que celle de Butler, & que toutes celles des An¬ ciens par rapport à la queftion que nous examinons, Swammerdam, en un mot, a penfé comme eux, que la mere abeille étoit fécondée fans accouplement, & par une efpéce rie vertu femblable à celle au moyen de laquelle Butler a cru que les abeilles ordinaires 1 etoient, 6c c’eft fur quoi il s’eft expliqué beaucoup plus nettement. Son fentiment ne fçauroit manquer de paroître fort étrange. Obligés, comme nous lefommes, de le rapporter, nous craignons qu’il ne paroiiTe trop ridicule à ceux qui n’ont pas afïes médité les profonds myftéres de la génération des animaux. Swammerdam a donc cru qu’il fuffifoit à la mere abeille de fe trouver auprès des mâles, pour être fécondée; que les vapeurs, que les efprits qui s’exhalent du corps des mâles, pouvoient vivifier les œufs qui font dans le corps de la fémelle. Enfin, il a dit, 6c il faut bien le redire après lui, que la fémelle peut être fécondée par l’odorat. Quand celaferoit, peut-être n’en devrions-nous pas être fi étonnés. Afïurément nous ignorerons toujours pourquoi cette Sageffe qui ne manque jamais de choifir les moyens les plus parfaits de parvenir à fes fins, a voulu que les efpéces des animaux fe perpetuaffent au moyen des mâles 6c des fémelies; pourquoi elle n’a pas voulu que les deux fexes fuffent toujours réunis dans chaque animal. Tome V . Rrr 49S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Si nous y étions moins accoûtumés que nous le fommes, nous ferions extrêmement furpris de la nécefîité du con¬ cours des deux fexes. Il s’en faut bien que nous fçachions alfés en quoi 6c comment chaque fexe contribue à l’œu¬ vre de la génération. Les œufs des fémeiles depuis qu’ils font œufs renferment - ils des embryons qui n’ont be- foin que de fe développer pour devenir des animaux parfaits l ou ces œufs reftent-ils fans embryons jufqu’à ce que le mâle leur en ait donné î font-ils uniquement defii- nés à recevoir & à faire croître quelques-uns des embryons qui ont palfé du corps du mâle dans celui de la fémellel Ce dernier fentiment, quoiqu’appuyé par les obfervations qui ont fait voir à Leeuwenhoek de petits vers dans les liqueurs laiteufes des mâles d’animaux de différentes efpé- ces, n’efl pas encore auffi prouvé qu’il feroit à fouhaiter. Ç’a été inutilement que j’ai cherché à plufieurs reprifes de ces vers dans le lait des mâles des abeilles, foit que cette li¬ queur n’en contienne pas réellement, foit que je ne les aye pas cherchés dans les temps convenables,ou, foit enfin qu’ils y foient fi petits que les plus forts mlcrofcopes ne fçauroient les rendre fenlïbles. Mais je propoferai en paffant à ceux qui aiment à faire des recherches avec les microfcopes à liqueurs, de tâcher de découvrir de petits vers dans les liqueurs laiteufes des mâles d’un grand nombre d’efpéces d’infeétes. Ce font des obfervations que je n’ai pas eu le temps de faire autant que je l’euffe fouhaité, 6c qui peu¬ vent répandre du jour fur la grande quefiion dont il s’agit actuellement. Swammerdam a été pour le fentiment qui veut que l’embryon ait toujours été renfermé dans l’œuf de la fé- melle ; mais qu’il n’y peut croître qu’après avoir été vivi¬ fié par le mâle. Ce grand Anatomifie, qui avoit beaucoup étudié la ftru&ure admirable des parties de la génération. des Insectes. IX. Man. 499 fçavoit qu’il n’étoit guéres poffible d’imaginer qu’une por¬ tion même très-petite, de la liqueur laiteufedu mâle, pût être portée jufques aux œufs d’une femelle de quelque efpéce d’animaux que ce foit; d’où il lui fembloit qu’on devoit conclurre que les œufs ne pouvoient être fécondés que par la vapeur, que par i’efprit de cette liqueur : & c’efl ce qu’il a taché de prouver par des exemples qui lui ont été fournis par les accouplements d’animaux de beaucoup d’efpéces différentes. Dès-lors, au moins-, lefentiment de Swammerdam par rapport à la fécondation de la inere abeille, n'a plus tout le ridicule qu’on a cru lui trouver d’abord. Car après tout la vapeur vivifiante qui environ¬ nera une mere abeille qui efl entourée de mâles, cette vapeur quelle refpirera par les ftigmates difpofés le long de fon corps, pourreit être auffi bien portée à fes œufs par des conduits préparés à cette fin, que peut être portée aux œufs d’une fémelle d’une autre efpéce, la vapeur qui s’exhale de la petite quantité de liqueur laiteufe qu’un feul mâle a laiffée à l’entrée d’un canal, qui eft affés éloignée des œufs. Dans le fyfteme de ceux qui veulent avec beau¬ coup de probabilité, que les embryons foient fournis par les mâles ; dans ce fyfteme où on n’eft point effrayé de ce que de tant de millions de vers propres à devenir des ani¬ maux plus parfaits, il y en a fi peu qui y parviennent; dans ce fyfteme, dis-je, on pourroit fuppofer ces embryons auffi petits qu’on auroit befoin qu’ils le fuffent, auffi petits que les corpufcules qui agiffent fur notre odorat, & fuppo¬ fer que des milliers de ces petits embryons s’exhalent du corps des mâles. Mais nous nous jettons bien avant dans le pays des conjeétures. Celles que nous venons de rapporter mon¬ trent feulement qu’il ne feroit pas impoffible qu’une mere abeille fût fécondée par des mâles dont elle ne feroit Rrrij 500 Mémoires pour l’Histoire qu’environnée ; mais nous devons avouer que pour ad¬ mettre que la fécondation de cette fémelle efl opérée d’une façon fi différente de celle dont font opérées les fécondations des fémelles des autres infeétes, il faudrait y être forcé par des preuves auxquelles il n’y eût rien à répliquer, & Swammerdam n’en a pas donné de telles. C’en efl une bien foible, fi même c’en eif une, que de dire, comme il a fait, que fi on renferme fept à huit abeilles mâles dans une boîte, lorfqu’on l’ouvre dans la fuite, on efl frappé par l’odeur qui s’en exhale ; odeur beau¬ coup plus forte que celle que répandraient en pareil cas des abeilles ouvrières, & à laquelle la première odeur ne ref- femble point. Qui n’auroit jamais vu de bouc s’accoupler avec une chevre, aurait donc une preuve encore meilleure à alléguer contre l’accouplement de ces animaux. Le bouc efl bien autrement en état de faire impreffion fur fa fe¬ melle , par la pénétrante odeur qu’il laiffe par-tout où il paffe. Les autres raifons par lefquelles Swammerdam a pré¬ tendu établir un fentiment fi fîngulier, ne me paroiffent guéres meilleures. Elles fe réduifent à deux principales, dont l’une efl, qu’il n’a pu trouver aux parties du mâle deflinées à la génération, à celles que la preffion fait fortir de fon corps, aucune iffue à la liqueur laiteufe. Ce n’efl pas affés pour croire qu’il n’y en a pas, de ne l’avoir pas vûe. Elle peut être affés petite pour échapper à nos yeux. D’ailleurs, il peut fe faire que dans les temps de l’accou¬ plement, elle s’ouvre, quoiqu’elle foit tenue fermée con¬ tre la preffion des doigts. La fécondé raifon de Swammerdam efl tirée de la dis¬ proportion entre le volume des parties du mâle par lef¬ quelles la jonélion devrait fe faire, & celle de l’ouverture dans laquelle elles deyroient être introduites : mais cette des Insectes. IX . Man . 501 difproportion ne m’a pas paru aufîï grande qu’il l’a trou¬ vée. Nous pouvons juger mal du volume des parties qui caraélérifent le mâle, quand nous en jugeons par celui qu’elles ont lorfque nous les avons forcé de paroîtré en preflant le ventre. Il peut y avoir des inftants où tout fe proportionne, foit de la part du mâle, foit de la part de la femelle. Il y a donc tout lieu de croire que la fécondation de la mere abeille n’elt pas opérée de la façon extraordinaire dont Swammerdam a cru qu’elle l’étoit. Il eft plus naturel de penfer quelle eft, comme dans les autres animaux, une fuite de la jonélion de la fémelle avec le mâle. On ne fçauroit fe promettre de voir cette jonélion dans les ru¬ ches, même les moins peuplées, la mere y étant prefquc toujours cachée par des gros d’abeilles ordinaires. Mais j’ai cru devoir chercher à faire accoupler un mâle avec une mere dans un lieu où leur accouplement ne pourroit m’échapper. J’eus vers la fin de May une mere qui avoic donné naifïànce à un grand nombre de mouches, &qui étoit prête à la donner à beaucoup d’autres. La ruche d’où cette mere fut tirée, pouvoit à peine contenir toutes les abeilles qui y habitoient avec elle. Son ventre étoit rem¬ pli d’œufs, parmi lefquels il y en avoit une grande quan¬ tité de prêts à être mis au jour. Il en fortit plufieurs de ceux-ci par une bleflùre mortelle que je lui fis mal adroi¬ tement & malgré moi. Après l’avoir eue plufieurs heures en ma poftelfion, je lui crevai le ventre en la maniant, & dès qu’il fut crevé, je 11’héfitai plus à le lui ouvrir tout du long, & j’y trouvai une quantité d’œufs difficile à nombrer. Quand j’en vins à ouvrir cette mere, elle avoit déjà eu une aventure fâcheufe, mais qui avoit été plus volontaire de ma part, que celle de la playe du ventre. Elle avoit été tirée de l’eau prefque noyée. II n’eft pas Rrr iij 502 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE temps d’expliquer pourquoi je l’avois prefque noyée, on en trouvera les railons dans le Mémoire fuivant. Il fuffit actuellement de dire, qu après 1 avoir léchée & réchauffée, je lui redonnai fa première vigueur, & qu alors je la mis dans un poudrier où je la renfermai avec fept à huit m⬠les. J’étois curieux de voir comment ils fe comporteroient avec elle. Ils avoient été pris dans fa propre ruche. Us la traitèrent cependant avec une indifférence à laquelle je ne m’attendois pas, avec l’indifférence la plus parfaite. Us ne lui firent aucune des careffes que des abeilles ordinaires n’auroient pas manqué de lui faire. Pendant près de deux heures que je la laiffai avec eux, ils ne tinrent aucun compte d’elle. Parmi la plupart des animaux, les mâles ne cherchent les femelles, & ne leur font des careffes, que lorfqu’elles ont hefoin d’être fécondées. Notre mere abeille n’avoit pas befoin de l’être. Elle n’étoit pas une jeune mere. Lctat de fes ailes prouvoit auffi bien fon âge que les rides de notre vifage prouvent notre vieilleffe. Les bafes des deux ailes fupérieures étoient déchiquetées, de petits morceaux en étoient tombés. Enfin, ce qui étoit plus décifif, fon ventre étoit plein d’œufs, & d’œufs à terme. D’ailleurs, revenue depuis peu de temps des portes de la mort, il n’étoit pas étonnant qu’elle ne fouhaitât pas les mâles, & que les mâles n’euffent pas pour elle les empref- fements qu’ils auraient pu avoir dans un autre temps. Les obfervations que j’avois envie de faire, demandoient que je renfermafle avec des mâles, une fémelle qui n’eût pas encore fouffert leurs approches, ou qui ne les eût pas fouffert affés de fois. Vers la mi-Juin, on m’en apporta une que j’eus lieu de croire être telle qu’il me la falloit. Elle avoit été trouvée le matin auprès d’une ruche dans laquelle un effaim avoit été mis la veille. Nous verrons dans des Insectes. IXXMem . 503 la fuite qu’il y a quelquefois des reines furnuméraires dans les effaims; celle-ci en étoit une de l’effaim dont je viens de parler, 6c elle avoit fauve fa vie par la fuite. Le bon état de les ailes 6c fa couleur faifoient juger qu’elle étoit encore jeune ; 6c le volume de fon corps moins grand que celui d’une fémelle prête à pondre , fembloit prouver qu’elle n’avoit que des œufs extrêmement petits. Je la renfermai dans un poudrier, où je mis bien-tôt avec elle un mâle que j’avois fait prendre dans une de mes anciennes ruches. Le caraélére de la jeune reine me parut fe démentir dès que le mâle eut été introduit auprès d’elle. Je n’avois ja¬ mais vu que des reines abeilles accoûtumées à être fêtées à chaque inftant par les mouches ouvrières, à en recevoir des préfents de miel, mille careffes, 6c mille petits foins de touteefpece. Auffi vis-je avec quelque furprife, que tou¬ tes les prévenances que les abeilles ordinaires ont pour une mere, la jeune reine les avoit pour le mâle que j’a¬ vois mis auprès d’elle. Non contente de s’être approchée de lui, elle ne tarda pas à allonger fa trompe, tantôt pour lécher fucceffivement différentes parties du corps de ce mâle, tantôt pour lui offrir du miel. Elle tourna tout autour de lui en le careffant toujours, foit avec fa trompe, foit avec fes pattes. Le faux-bourdon, ainfi que le plus im- bécille de tous les mâles, foûtenoit tant d’agaceries, comme fi elles lui euffentétédûes. Il n’en paroiffoit aucunement touché ; il fembloit que ce fût par pure bonté qu’il fe laiffoit dater. Au bout d’un quart cî’heure pourtant, il s’anima un peu ; lorfque la fémelle placée vis-à-vis de lui en regard, broffoit avec fes jambes la tête de ce mâle, 6c quelle faifoit jouer doucement fes antennes, le mâle faifoit auffi jouer les fiennes. Les antennes de celui-ci, 6c les antennes de celle-la, fefrottoientmutuellementôcdoucement. L’une 6c l’autre courboient enfuite leur corps en deffous 6c le redreffoient, 504 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE & ils firent ce manège à bien des reprifes. La femelle redou¬ bla enfuite de vivacité, &fe mit dans des pofitions qui ne s’accommodent pas avec les idées qu’on a voulu nous don¬ ner de fa pudeur ; c’efi fe fervir de termes foibles, que de n’appeller ces pobtions qu’immodefies. Elle monta fur le corps du mâle; & comme fi ç’eut été à elle à faire ce que font les mâles des infeéles des autres efpéces, elle recourboit fou corps, & cberchoitàen appliquer le bout contre le bout de celui du mâle. Après avoir obfervé ces manèges, & les avoir vû répéter pendant plus de deux heures, je fus obi igé de qu it- ter mes deux mouches & la campagne pour me rendre à Paris, où une de nos affemblées de l’Académie m’appclloit. Mais plufieurs perfonnes que je lailfai chésmoi, & une en- tr’autres,auxyeuxde laquelle je me fie autant qu’aux miens propres, ne cédèrent d’obferver ce qui fe palfa pendant le refie de l’après-midi, & me rendirent compte à mon retour, de ce qu’elles avoient vû. Ils revirent une infinité de fois de la part de la fémelle, les mêmes agaceries que j’avois vues ; mais ils n’apperçurent rien d’abfolument complet. Le mâle pourtant devint plus adfiif, il s’anima déplus en plus. Il fit fortir de fon bout poftérieur les deux cornes * **6 y 'ff c ^ amues partie courbée en arc qui efi entr’elles *, J/ Cl 111 cette partie que nous avons aufii nommée l’arc, & qui * «> j^aroît être celle au moyen de laquelle le mâle & la fémelle s’unifient, s’ils s’unifient. Le fèns dans lequel cette partie efi contournée, femble aufii demander que pour l’accou¬ plement la fémelle foit pofée fur le mâle, comme nous avons vû qu’elle s’y poloit. L’arc peut alors rencontrer le derrière de la fémelle, & il ne le pourrait fi le mâle au contraire étoit lur la fémelle; ou il faudrait, comme le pratiquent en pareil cas les mâles de quelques autres in- fedes, qu’il ramenât le bout de fon corps fous le ventre de la fémelle. Enfin, on obferya des temps de tranquillité, & on des Insectes. IX. Mem. 505 Si on en obferva d’autres où les carefles recommencè¬ rent. Le mâle tomba enfuite dans un repos de trop lon¬ gue durée. Pour le remettre en mouvement, la fémelie làiliffoit le corcelet de ce mâle avec fes dents, elle le fou- levoit un peu; quelquefois pour le foûlever davantage, elle faifoit palier fa tête fous le corps de celui-ci. Mais tous fes foins pour le ranimer furent inutiles; il étoit mort. Quand on eut reconnu qu’il i’étoit, on en donna un autre plein de vigueur à la femelle. On me raconta combien on avoit été touché de voir que la préfence de ce dernier, n’a- voit point détourné la fémelie des carelfes qu’elle faifoit, des bons offices qu’elle cherchoit à rendre à celui qui avoit perdu la vie. Je le trouvai le foir à mon retour auprès de la fémelie, ayant hors du corps les parties qui caradérifent le fexe des mâles. Pour tenir chaudement la jeunemere pendant la nuit, après avoir ôté d’avec elle, Si le mâle mort & le mâle vi¬ vant, je renfermai dansfon poudrier une centaine d’abeil¬ les ordinaires. Le lendemain je voulus voir comment elle fe comporteroit avec le nouveau mâle que je me propofois de lui donner. Ce même jour, dès le matin, je me pro¬ curai encore une autre mere, qui, comme la précédente, me parut être une jeune mere. Il n’importe d’expliquer ici comment je la pris, en faifant paffer les mouches d’une ruche pleine dans une ruche vuide. Dans deux différents poudriers j’eus donc deux fémelles. J’appellerai celle de l’un, la première mere; Si celle de l’autre, la fécondé mere. Je leur donnai à chacune un mâle. J’obfervai ce qui fe paffoit dans l’un Sc dans l’autre poudrier, pendant pref- que toute la journée. Us furent toute la matinée pôles fur mon Bureau, Si je les eus auprès de moi dans les endroits où je me tins pendant la plus grande partie de l’après midi. Tout ce que je vis ne fut pourtant prefque que ce que Tome V. . Sff 506 Mémoires pour l’Histoire j’avois vû la veille ; mêmes caraïbes de la part de l’une 6c l’autre femelle pour leur mâle; 6c pendant un temps allés long, chaque mâle y répondit très-froidement. L’un 6c 1 autre eurent pourtant des moments ou ils parurent s’a¬ nimer; quelquefois même ils pafférent l’un 6c l’autre fur le corps de leur femelle. Mais je furpris plufieurs fois chaque femelle dans la plus indécente des pofturcs. Je la furpris bien des fois fur le corps de ion mâle, recour¬ bant le bout de fon derrière, 6c cherchant à l’appliquer contre cet endroit qui efl en delfous, 6c près du bout du corps du mâle , 6c d’où fortent les parties qui paroif- fent faites pour la fécondation. Dans des moments mê¬ me, je vis le derrière de la fémelle bien appliqué contre cet endroit ; mais il n’y refia appliqué qu’un inftant. La jonélion du mâle avec la fémelle fe réduiroit-elle à cela! Cet inflant fuffiroit-il pour que ce qui efl néceffaire de liqueur féminalc pour féconder une partie des œufs, fût introduit dans le corps de la fémelle! Et feroit-ce au moyen de pareilles jonctions répétées un grand nombre de fois, que tous les œufs recevraient fucceffivement des embryons en état de fe développer ! C’efl fur quoi je n oierais pro¬ noncer. Au moins cet accouplement, quoique de courte durée, reffembleroit-il à d’autres dont nous avons des exemples dans la Nature; celui de la plupart des oifeaux ne dure qu’un inflant.Swammerdam veut même que celui du coq avec la poule fè faffe fans qu’il introduite dans le corps de celle-ci, aucune partie folide. Au refie, il paraît hors de doute que dans la ruche la mere fait les avances aux mâles qui lui plaifent, comme je les lui ai vû faire dans les poudriers ; c’efl à elle à les tirer de leur état d’indolence 6c de froideur. Ce renver- fement d’ordre femble même néceffaire; car dès qu’il a été établi qu’une feule fémelle habiterait avec un millier des Insectes. IX. Mem. 507 de mâles, il devoit l’être que ces mâles nauraient pas trop d ardeur pour elle. Elle n aurait aucun repos li tous la recherchoient ; ils ne lui bifferaient pas le temps de prendre des aliments, ni celui de pondre; au lieu quelle vit tranquille au milieu de ces mâles indolents, parmi leff quels elle choifit ceux qui font les plus ailes à animer. Quelque difficile, au refte, qu’il puiffe paraître, de décider li l’accouplement de la inere abeille le réduit à ce que j’ai vû, je crois qu’il n’eft pas impoffible de fe mettre en état de pouvoir prononcer avec certitude fur cette queffion ; 6c peut-être le lerois-je actuellement fi j’euffe penfé plutôt au moyen d’y parvenir. Les éclairciffements que ne pouvoient donner mes deux meres, pourraient être donnés par une inere qu’on fçauroit n’avoir jamais eu de communication avec des mâles, 6c à laquelle on en accorderait un ou deux avec lefquels on la bifferait pendant une journée. On mettrait enfuite cette mere dans une ruche où il n’y aurait que des abeilles ouvrières. Si on voyoit naître des vers propres à devenir des abeil¬ les dans les cellules de cette ruche, on ferait certain qu’il n'aurait fallu pour féconder les œufs de cette mère, que les accouplements qu’on aurait vû fe faire dans le pou¬ drier. La feule difficulté qu’on peut trouver à faire cette expérience, c’ell d’avoir une mere bien vierge, une mere qui n’ait point habité avec des mâles ; 6c c’eft à quoi on peut parvenir, en ôtant d’une ruche une de ces cellules défiguré particulière 6c très-reconnoiffable, danslefquelles les vers qui fe transforment en meres, prennent leur ac- croiffement. Lorfqu’on aura obfervé de ces cellules, 6c qu’on en aura remarqué quelqu’une de bouchée, qu’on la détache; alors 1a mouche y eft fous b forme de nym¬ phe , ou le ver efi prêt à prendre cette forme. Il ne s’a¬ gira que de tenir cette cellule à peu près auffi chaudement Si fi; 50S MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE hors de la ruche, qu’elle l’étoit dans la ruche; & pour cela, il n’y a qu a la renfermer dans un tube de verre qu’on portera pendant le jour dans fon gouiïet, & qu’on placera pendant la nuit lous le chevet du lit dans le pli du drap. J’ai pris ces foins pendant huit à neuf jours, pour une cellule qui ne les méritoit pas. Je la couvai, pour ainfi dire, croyant quelle contenoit une femelle, & j’avois lieu de le croire, parce qu’elle étoit bouchée de toutes parts : le hazard avoit voulu que la porte qui avoit laiffé fortir la mouche fémelle, fe fût fi bien refer¬ mée, après quelle en fut fortie, qu’il ne fembloit pas que la cellule eût jamais été ouverte. Au refte, quand on fçait qu’on peut flaire naître dans les gâteaux de cire tirés hors tîe la ruche, des abeilles ordinaires & des mâles, lorfque les cellules de ces gâteaux font pleines de nymphes, on ne doutera pas qu’on n’y puiffe faire naître de même des fémelles. La plus grande difficulté confifte à avoir des cel¬ lules qui contiennent des nymphes prêtes à fe transfor¬ mer en mouches fémelles, parce que ces cellules font très- rares en comparaifon des autres. Comme il n’v a pour¬ tant guéres de ruches où on n’en puiffie trouver plufieurs chaque année, on peut réuffir à faire l’expérience que nous propofons. Nous nous promettons bien de la ten¬ ter cette année; & nous prions ceux qui aiment l’Hiftoire naturelle, de chercher à la faire. Elle doit éclaircir une queffion très-curieufe. Mais pour dire encore quelque chofe des deux meres dont chacune avoit été tenue dans un poudrier avec un mâle, vers le midi je m’apperçus que le mâle que j’avois donné à la première, étoit mort. Ce cadavre étoit pofé tranfverlàlement fur le corps delafémelle.qui le foûlevoit, comme fi elle eût eu efpérance de le ranimer. Je lui ôtai ce mâle, & je lui en donnai un autre qui mourut encore des Insectes. IX. Mertt. 509 auprès d'elle fur les trois à quatre heures. Il fembleroit que les careffes de la femelle avoient été fatales aux mâles, quelles avoient opéré clans ces mâles , quelque indolents qu’ils femblent être, une diffipation d’elprits, un épuife- ment qui leur avoit été funefte : mais ce qui doit m’em¬ pêcher de regarder cette caufe de leur mort, comme abfolument certaine, c’eft que j’en trouvai quelques-uns de morts le même jour, dans un poudrier où j’en avois renfermé un grand nombre, & où ils n’avoient point de femelle avec eux. La première fémelle mourut elle-même la nuit fuivante par un accident qu’il eh inutile de rapporter ici ; mais je dois dire que j’ouvris fon corps, 6c il étoit nécehàire que je l’ouvrilfe. Je n’y trouvai aucun œuf de groffeur fenfi- ble à la vue fimple. A peine la plus forte loupe me pou- voit-elle faire appercevoir des files de petits grains dans ces conduits où les œufs font vifibles fans le fecours d’au¬ cun verre, lorfque la mere elt en pleine ponte. Nous avons rapporté ci-devant, qu’une mere qui avoit le corps rempli de gros œufs, n’avoit tenu aucun compte des mâles. 11 y a donc apparence que les meres qui careffent les mâles, font celles qui ont befoin d’être fécondées. La fécondé de mes deux dernières meres, n’avoit pas le ventre plus gros que la première. Je ne crus donc pas nécefiaire de l’ouvrir pour m’alfûrer qu’elle n’avoit pas des œufs plus avancés que ceux de l’autre. Je pris un parti plus doux. Après avoir peint fon corcelet avec un vernis jaune, je la mis dans une ruche où, outre la mere naturelle, j’en avois déjà introduit une autre à laquelle j’avois donnée une livrée rouge. Ce n’eft pas ici le lieu de parler de ce qui le palfa dans la ruche où étoient ces trois reines, il fuffit de dire actuellement que celle à livrée jaune fut fort bien reçûe par les abeilles ordinaires. S f f iij jIO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La fécondation & la ponte de la mere abeille nous four¬ ni dent encore des faits dignes d 'être remarqués, & de la certitude defquels ii ed ailé de le convaincre. Nous avons déjà dit que comme les poules d’une balfe-cour pondent journellement, de même la mere abeille pond dans pref- que tous les mois de l’année, fi on en excepte ceux d’une trop rude failon. Mais les poules ont befoin de vivre avec le coq pendant toute l’année ; fi elles redoient plufieurs femaines de fuite fans Ibuffiir les approches, leurs œufs feroient dériles, au lieu que ce n’ed que pendant quelques femaines que la mere abeille a befoin de vivre avec des mâles. Quand le temps ed venu où elle a pour eux une indifférence dont nous avons rapporté un exemple, ou, plus exactement, quand le temps ed venu où ils ne font plus néceffaires aux femelles nouvellement nées dans la ru¬ che, les abeilles ordinaires déclarent la plus cruelle guerre à ces mâles. Pendant trois à quatre jours elles en font une tuerie effroyable. Malgré la fupériorité qu’ils fembleroient avoir par leur taille, ils ne fçauroient tenir contre les ou¬ vrières qui font armées d’un poignard qui porte le venin dans les playes qu’il fait. D’ailleurs, le nombre des abeilles furpaffe confidérablement celui des mâles, & elles n’ont point de honte de fe joindre trois ou quatre enfemble con¬ tre un feul. Tant que ces jours de carnage durent, on en voit du matin au loir d’acharnées fur des mâles qu’elles traînent morts ou mourants hors de la ruche. Ceux même qui ne font pas encore parvenus à l’état de mouche, qui font encore fous la forme de ver ou fous celle de nymphe, ne f®nt pas épargnés. Les abeilles arrachent ces vers de ces mêmes cellules qu’elles avoient condruiles pour eux en d’autres temps, & dans lesquelles elles avoient même pris foin de les nourrir. Leur haine s’étend alors fur tout ce qui ed mâle, ou qui peut le devenir. Elles font tout ce des Insectes. IX . Mem . 511 qui cfl en elles pour qu’il n’en relie, ni ne puiffe y en avoir de longtemps dans la ruche. 11 va des ruches où ces car¬ nages le font plutôt, & d’autres où ils le font plus tard, parce qu’il y en a où les mâles ont commencé à naître ou plûtôt ou plus tard que dans les autres. Dans telle ruche, la tuerie des mâles arrive dans le mois de Juin; dans d’autres, c’clt dans le mois de Juillet; & ce n’a été que dans le mois d’Août que j’ai vu malfacrer les mâles de certaines ruches; mais elles étoient de celles où un efïaim avoit été mis au mois de May. Qu’on fuppolè avec nous pour un moment, ce que nous promettons de prouver dans la fuite, que les abeilles parviennent à exterminer tous les mâles de leur ruche, foit dans le mois de Juin, foit dans celui de Juillet, foit dans celui d’Août ; depuis le jour où le dernier d’une ruche a été tué, la mere de cette ruche n’en reverra plus jufqu’au Printemps de l’année fuivante; elle ne fçait ce que c’efl que de fortir de chés elle pour aller en chercher dans d’au¬ tres ruches où il pourroit en être refié. Cependant, la mere qui, dès le mois de Juin a été privée de tous fes mâles, ne laiffera pas de faire beaucoup d’œufs féconds dans le refie de l’Eté & au commencement de l’Automne. Ce fera fur-tout au Printemps de l’année fuivante quelle pondra affés d’œufs pour fournir un efïaim de mouches, & qu’entre ces œufs il y en aura qui donneront des abeilles ordinaires, d’autres qui donneront des mâles, & d’autres qui donneront desquelles. Ces derniers œufs ont donc été fécondés neuf à dix mois avant qu’ils ayent été pondus, & cela lors qu’ils étoient d’une petiteffe que nous ne fçau- rions imaginer. Après l’avoir été, ils font refiés auffi long¬ temps dans le corps de la mere mouche, pour y prendre tout l’accroiffement qu’ils doivent avoir pris Jorfqu’ils en fortent, que le fœtus humain refie dans le corps de fa mere, 512 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE avant qu’il foit devenu un enfant en état de voir le jour. Mais les fœtus humains demandent pour naître bien con¬ ditionnés, de demeurer à peu près neuf mois dans le corps de la mere ; & entre les œufs de la même abeille, quel¬ ques-uns contiennent des fœtus parfaits, quoiqu’ils foient mis au jour quelques femaines feulement après qu’ils ont été fécondés, & peut-être plutôt. C’eft de quoi on a des preuves dans les nouveaux eiïaims. 11 eftfort fingulier que pendant que des œufs ne fortent avec l’embryon qu’ils renferment, que neuf à dix mois après qu’ils ont été fé¬ condés, d’autres fortent aulfi parfaits au bout de quelques femaines, & que d’autres fortent dans tous les temps in¬ termediaires. Mais on demandera, & on doit demander s’il eft bien fûr qu’il ne relie aucun mâle caché parmi tant de mou¬ ches! fi on peut être bien certain qu’il n’y en ait pas quelques-uns qui ayent échappé à un carnage prefque général î Le Mémoire fuivant apprendra les moyens qui nous ont mis en état de parler affirmativement fur cet article ; qu’ils étoient tels qu’il n’étoit pas poffible qu’un feul mâle pût fe dérober à nos yeux, s’il avoit été dans une des ruches où nous le cherchions. EXPLICATION DES FIGURES DU NEUVIEME MEMOIRE. Planche XXXII. L A Figure i repréfente une portion d’un gâteau de cire, dont les alvéoles qui font en minimum, font remplis de miel & fermés; ils ont chacun leur couvercle de cire. Les alvéoles qui font en b b, ont auffi chacun un couvercle, mais un peu plus relevé que celui des autres, parce que des nymphes ou des vers prêts à fe transformer en nymphes, lont des Insectes. IX. Mcm. 51 3 font logés dans ces alvéoles, r, oc, ai, font trois cellules, de celles dans lefquelles croiffent les vers qui le métamor- phofent en mères abeilles, de celles que nous ax ons nom- ruées des cellules royales; elles pendent du bord inférieur du gâteau. La cellule o c, efl encore très-courte, & devoit être allongée parles abeilles. Les cellules r, & d, l'ont cha¬ cune en état de recevoir un œuf. o, leur ouverture. La Figure 2 fait voir un morceau d’un gâteau de cire, à un des côtés duquel font attachées deux cellules royales. or, or, ces deux cellules. Leur bout inférieur o, efl actuelle¬ ment fermé, comme Tell le bout de chacune de celles dans lefquelles il y a une nymphe, ou un ver prêt à devenir nymphe. Dans la Figure 3 , une cellule royale efl poféefurdes cel¬ lules ordinaires qui ont été un peu élevées pour lui faire un appuy. h, cette cellule. 0, fon ouverture, g, g, marquent deux cellules royales qui ne font que commencées, qui font faites encore en gobelet, ou en calice de gland. Dans la Figure 4., une cellule royale a fon ouvertures, en enhaut, c’eft-à-dire, dans un fens contraire à celui où elle efl naturellement ; auffi peut-on voir l’intérieur de là cavité. Cette cellule qui n’eft que commencée, a la figure d’un gobelet; fa furface efl liffe; les abeilles n’y avoient pas fait encore unefculpture femblable à celle qu’a l’extérieur des cellules plus avancées. La Figure 5 repréfente en grand les ovaires d’une mere abeille, & les conduits par lefquels paffent les œufs pour fortir du corps. Elle a été deffinée d’après celle de Swam- inerdam, qui efl ici beaucoup réduite. La grandeur qu’on lui a donnée, afernblé fuffifante pour faire paroître diflinc- tement toutes les parties dont elle efl compofée. a ht 000, un des ovaires, qui efl compofé d’un grand nombre de yaiffeaux tels que celui qui efl marqué aooot, dans chacun Tome V. . T11 514 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE deiqueis des œufs font mis à la file. Si j’euffe voulu faire quelque changement dans la figure de Swammerdam » j’euffe fait ajouter en a, unvaiffeau afiesgros, à peu près auffi gros que celui qui efi au-deffous de t, duquel tous ceux qui compofent l’ovaire m’ont paru tirer leur origine. b c c 1 c c c b, efl l’autre ovaire. On remarquera qu’il n’efi: pas auffi piein d’œufs que le premier, & c’efi à deffein que Swammerdam ne l’a pas fait repréfenter parfaitement femblable à l’autre. 11 a voulu qu’un des ovaires donnât idée de l’état d’une mere très-féconde, & l’autre de celui d'une mere qui l’ell moins, ou dont la ponte efl avancée. Quand on ouvre une mere qui n’efi pas en état de pon¬ dre^ qui n’y iera pas lï tôt,comme j’en ai ouvert plulieurs de celles-ci en Hyver, alors chaque ovaire eft un affem- blage de filets qui, dans toute leur longueur, font tels que les portions les plus proches de c,c,c,&.c. Il n’efi pas néccfiaire d’avertir que les vaiffeaux c, c, c,c, ont été écar¬ tés les uns des autres près de leur bout , pour les rendre plus fenfibles, que tous les bouts font naturellement réu¬ nis comme ceux de l’autre ovaire le font en a. re,t e, deux conduits à l’un deiqueis aboutiffent tous les vaiffeaux d’un des ovaires , & de même ceux de l’autre ovaire fe rendent à l’autre conduit, e, œufs qui paroiffentdans chacun des con¬ duits te, te. vi, le grand canal dans lequel les conduits te, tc„ portent les œufs.g', petit corps fphérique que Swammer¬ dam croit defiiné à fournir la liqueur vifqueufe dont les œufs doivent être enduits. <7, deux vaiffeaux aveugles qui partent d’un même tronc implanté fur le grand canal. Swammerdam foupçonne qu’ils font defiinés à faire la lé- cretion de la liqueur vifqueufe. n, n, mufcles qui fervent au jeu de l’aiguillon, u, la vcfiie à venin, f, le vaiffeau qui lui porte le venin, que Swammerdam affin e avoir vu divifé en deux branches £ £. f l’aiguillon, dd f les deux pièces qui des Insectes. IX . Mem . 515 font un étui à l’aiguillon. Une infinité de trachées lient les vaiffeaux des deux ovaires, & leur fournirent de l’air. En¬ tre les deux ovaires, il y a une veffie x, que Swammerdam regarde comme une veffie pulmonaire. Planche XXXIII. Les Figures 1 & 2 rcpréfentent en grand une jambe de la dernière paire d’une abeille mâle. La figure 1 la montre par la face extérieure, & la figure 2 en fait voir la face intérieure. Si on compare cette jambe avec une de celles de la même paire d’une abeille ouvrière *, & une * PI. 26. de celles d’une mere abeille, on remarquera, figure 1, que la partie p, que nous avons nommée la palette triangulaire, n’a point un enfoncement tel que l’a la jambe de l’abeille ouvrière; cette cavité eft néceffaire à la jambe de celle-ci, pour recevoir & confcrver la cire brute. Elle eût été inu¬ tile à la jambe du mâle qui ne ramaffe pas cette matière. La même cavité n’a pas suffi été donnée à la jambe de la mere abeille, parce que cette mouche n’a pas été faite pour travailler. La jambe de la figure 2, a deux broffes de poils très-fins, ar la¬ quelle fortent les parties qui caradérifent le fexe de cette mouche. La Figure q. efl le bout poflérieur du corps du mâle de la figure précédente, extrêmement grofîi & vu du même côté, a, l’anus, c, c, deux plaques analogues aux crochets qu’on trouve ordinairement au derrière des mâles des in- fedes de différentes claffcs & de différents genres, c , car¬ tilage, fous lequel les crochets c, c, font fouvent cachés, au moins en partie. Les Figures 5 & 6 font voir l’une par-deffus, & l’autre par-defious, un mâle de grandeur naturelle, qui a fait fortir de fou corps les deux cornes charnues, & l’arc qui efl entr’elies. c,c, les deux cornes charnues, u, l’arc. La Figure 7 repréfente le bout poflérieur du corps du mâle vû avec une forte loupe, & par deffus, dans l’inflant où la prefîion a commencé à faire paroître en dehors les parties qui conflitucnt l'on fexe. ff le dernier anneau. ff ce, membrane blanche très-diflendue. c, c, deux enfon¬ cements, de chacun delquels la preffion continuée fera fortir une corne charnue, d, autre enfoncement qui a quelques poils, u , quatrième enfoncement, duquel doit s’élever par la fuite la partie faite en arc. m, le bout de la partie qui s’eft montrée ; il efl extrêmement velu, & a une reffemblance groffiérc avec un mafque. des Insectes. IX. Mem. 517 Dans la Figure 8, on voit le deflous de ce dont on voit le deflus dans la figure 7. m, le mafque velu, n, marque l’arc qui efl apperçû au travers des membranes qui le couvrent. La Figure 9 montre les deux cornes charnues qui ont commencé à s’élever au-defïiis des enfoncements c, c, de la figure 7. c, c, font dans la figure 9 ces deux cornes. Dans la Figure 10, les cornes c, c, qui 11e commen- çoient qu a-s’élever dans la figure 9, paroiffent dans toute leur longueur. La petite cavité d, de la figure 7, efl ici remplie; en fa place efi un petit monticule velu. 11, fiarc qui efl; forti en partie, m, le mafque. La Figure 1 1 fait voir par-deflous, les parties qui font vues par-deflus dans la figure précédente, & dans un inflant où la preflion a forcé l’arc à fortir. u, l’arc, c , c, les cornes, m, le mafque. Ces cornes avec le mafque, ont paru à un Auteur avoir de la reflembiance avec la tête d’un bœuf ou d’un taureau ; c’efl même une merveille fur laquelle il s’efl fort récrié. Peut-être qu’il n’en a pas fallu davantage dans des temps où on le contentoit des raifons les plus frivoles, pour faire penfer que les abeilles pouvoient venir d’un taureau pourri. Planche XXXIV. Les premières Figures de cette Planche font encore deftinées à repréfenter les parties propres aux mâles des abeilles , que la preflion continuée fait fortir de leur corps; Si les autres figures repréfentent ces parties dans l’état où elles font dans le corps même ; toutes les par¬ ties qu’elles nous font voir font extrêmement groflies, mais elles ne le font pas toutes également. La Figure 1 ne repréfente qu’une portion de la figure Ttt iij 51 3 Mémoires pour l’Histoire 2, mais plus groffie. c,c, les cornes. La portion ce, de chacune efi ordinairement d’un jaune rougeâtre, u, l’arc, fur lequel on compte aifément cinq bandes de poils, tranfverfaîes. m, le mafque, dont les poils font ici plus fenfibles que dans les figures de la planche précédente. La Figure 2 fait voir de côté, des parties qui ne font vues que par-deffus & par-defTous dans les figures de la planche précédente, a, partie fupérieure d’un anneau, c, c, les cornes, m, le mafque. u, l’arc. La Figure 3 nous montre les parties qui ont été for¬ cées de fbrlir du corps du mâle, par une preffion plus longue & plus forte que celle qui a fait paroître les par¬ ties qui paroiffcnt dans les autres figures. F.n u, cil l’arc qui n’eft plus reconnoiffable, tant il efi gonflé & allongé. Tout ce qu’on voit de charnu, depuis u, jufques enj', efi forti par le bout de l’arc des figures 1 & 2.7/, efi un cartilage brun, le même qui efi marqué par la même lettre, figure7. Au lieu qu’il efi vu par fon côté convexe dans cette dernière figure, il efi vû dans la figure 3, par fon côté concave. Dans la Figure 4, nous trouvons les effets d’une prefi- fion encore plus grande que celle qui donne les parties de la figure 3. c, c, les cornes, u, l’arc, qui a été contraint «le defeendre en bas par les parties qui font forties de fon bout. Alors pourtant cet arc efi plus défiguré qu’il 11e i’cfl ici ; mais pour marquer fa pofition, on lui a confervé une forme qu’il a prefque perdue, p, la partie que nous avons nommée la palette, & que je n’ai jamais vû paroî¬ tre que lorfqu’il s’efl fait un déchirement en b, ou aux environs. Nous aurions pû faire deffiner beaucoup de figures moyennes entre les figures 3 & 4. mais nous n’avons pas cru le devoir faire, parce que ces deux dernières figu¬ res & toutes les intermédiaires, n’ont rien d’affés confi* des Insectes. IX . Mem . 519 tant. Lorfque ia preffion devient afles forte pour obliger des parties à fortir du bout de l’arc, figure i & 2 , elle produit des dérangements qui 11e font pas toujours les mêmes. Dans la Figure 5, les gaudrons de la palette font plus nets que ceux de la palette p, figure 4.; & cela, parce qu’ils n’ont pas été dérangés par une preffion outrée. Dans la Figure 6 , les gaudrons de la palette paroiffent plus détachés les uns des autres que dans la figure 5, & il eft affés ordinaire de les trouver difpofés comme ils le font dans cette figure 6. La Figure 7 repréfente les parties propres au mâle des abeilles, telles qu’elles font lorfqu’après avoir ouvert fou corps on les en a tirées, & qu’on les a étendues afin que les unes ne cachaffent pas les autres, a, le bout pof- térieur du corps, le déifias du dernier anneau. f,f, les véfi- cules féminales. d, I, les vaifïeaux déférents, q, q, étran¬ glements par lequel les vaiffeaux déférents communiquent avec les véficules féminales. x, x, vaiffeaux tortueux, qui ont plus de longueur qu’ils n’en ont ici, & qui fe ren¬ dent aux tefticules. t, t, les tefiicules. r, canal dans lequel les véficules féminales peuvent porter leur liqueur laiteufe, & que Swammerdam appelle la racine de la partie du mâle. 4 l’endroit où le canal précédent fe joint au corps que nous avons nommé la lentille. / /, la lentille, i e, i e, deux plaques brunes & écailleufes ou cartilagineufes, qui for¬ tifient la lentille près d’un de fes bords, n, autre plaque cartilagineufe. Sur la ftee de la lentille qui ne fçauroit paraître dans cette ligure, il y a deux plaques femblables à celles qui font marquées ie, &. n, elles y font femblable- ment placées, k, canal fait de membranes pliffées, qui parc du bout pofîérieur de la lentille. p, la palette gaudronnée. u, l’arc ; il paroît au travers des membranes qui ie couvrent. 520 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE m, les membranes qui forment cette elpéce de lac charnu; qui, lorfqu’il elt hors du corps, a à fon bout un malque velu. c,c, les deux cornes, dont l’une efl étendue; l’autre eh pliée; elles le font toutes deux naturellement, & plus pliées que celle qui l’eft ici. La Figure 8 montre les parties du male arrangées comme elles le font dans fon corps, & comme elles y paroilfent lorfqu’on a emporté la partie fupérieure de chaque anneau. Le trait £ iyy a, marque le contour du ventre. f,f, les véhicules féminaies. d, d, les vai(féaux défé¬ rents. x, x, vaiffieaux tortueux qui doivent aboutir aux tefticules, lefquels ne paroilfent pas dans cette figure, & ne font pas ailés à dégager des trachées qui les envelop¬ pent. 4 L lentille à laquelle fe rend le canal r l. La Figure 9 fait voir les parties du mâle dans l’état où elles paroilfent lorfqu’on a emporté les parties d’anneaux qui recouvrent le ventre. Le trait ££j y y a, marque le contour du dos fur lequel font pofées les parties qui font aéfuellement vifibles. f,f, les véhicules féminaies. 4 la len¬ tille. e , une des plaques écailleufes qui fortifie un des cô? tés de la lentille. DIXIEME ri. 3 -2 pu> . 5 2 o Alan - a- de ! Hlslr- des hure êtes. Tatz . $ . If c ' être tenu bien applique contre le corps par une ceinture *. Des bas ordinaires ne fuffilènt pas pour deffendre les jam¬ bes ; des bottines de cuir mol, de celles qui font faites en bottes & qui fe laiffent appliquer contre la jambe par une jarretière mife au-deffous du genou, feraient ad¬ mirables. Au défaut de pareilles bottines, on s’en peut faire une très-bonne à chaque jambe en la couvrant d’une ferviette qui y fait plufieurs tour», & qui eft retenue par une ficelle tortillée deffus depuis le bas jufques au haut de la jambe. Des gants ordinaires ne mettent pas les mains en fureté; l’aiguillon peut paffer au travers de ceux d’un chamois épais. Quelques Auteurs recommandent des gants de laine; ils prétendent que les abeilles ne piquent pas dans la laine; il n’y a rien de moins vrai. Ce qui l’efi, c’eft que des gants faits d’une groffe laine font meil¬ leurs que des gants d’un cuir mince. Une efpéce de bourre qui fe trouve deffus, fait qu’il y a plus loin jufques à la main pour faire pénétrer l’aiguillon; mais les abeilles fça- vent très-bien le diriger entre des floccons de cette bourre; dans beaucoup de circonfiances , j’ai vû les mains de celui à qui j’avois donné de ces gants, & des plus épais, remplies de piquûres. Pour que les mains foient hors de rifque, c’en eft à peine affés de donner deux gants à chacune , un de peau fous celui de laine. Il n’cfl point de temps où on ne puiffe affronter les abeilles quand on s’efi muni contre leur aiguillon, comme nous venons de le preferire ; mais ceux qui font aguer¬ ris avec elles, négligent une partie de ces précautions, ils ne redoutent que médiocrement leurs piquûres. On peut donc être en état d’agir fans rifque fur la ruche qui des Insectes. X. Mem. 525 a etc mife le haut en bas & arrêtée dans cette pofition. Elle peut alors fervir d’appuy à une ruche vuide dont on la couvre*. Si les diamètres des deux ruches font égaux, * PL35. elles s’ajliftent l’une fur l’autre ; Si fi le diamètre de la bafe 7 * de l’une furpafle un peu le diamètre de la bafe de l’autre, line des deux entre un peu dans l’autre. 11 n’eft prefque pas poftible que les deux ruches foient appliquées l’une contre l’autre fans laifter des vuides qui font autant de portes par lefquelles les abeilles pourroient fortir ; mais on peut boucher ces vuides furie champ avec quelque terre grafte ramolie par l’eau, ou avec de la bouze de vache. Pour les boucher plus folidement, je fais volontiers en¬ tourer les deux ruches à leur jonélion, par une bande de toile*, faite d’une longue ferviette ou d’une petite nappe * fi^. s. rendue étroite par des plis redoublés. Plufieurs tours d’une petite corde arrêtent cette bande de toile contre l’une & contre l’autre ruche. Pendant qu’on a fait les difpofitions dont nous venons de parler, on a commencé à mettre le trouble parmi les abeilles, on cherche à l’y augmenter pour les déterminer à quitter la ruche inférieure où elles font. Si à monter dans la fupérieure. On prend deux baguettes de bois, line de chaque main, avec lefquelles on frappe alterna¬ tivement contre deux côtés oppolés de la ruche inférieure. Les ébranlements que caufent les coups réitérés, & le bruit qui les accompagne , inquiètent les mouches. Bien-tôt on les entend bourdonner, & leurs bourdonnements vont en augmentant. Elles fe mettent en mouvement. Quel¬ ques-unes fe déterminent à abandonner une habitation qui eft fans deftiis deftous, & où on ne les laide pas tran¬ quilles , pour pafter dans une autre qui n’eft pas ébranlée comme la première par des coups continuels; d’autres fuivent celles-ci. Quand la mere eft de celles qui fe font V u u iij * O 52 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE déterminées à partir, le plus grand nombre des mouches fe trouve bien tôt dans la ruche fupérieure : mais lorfque la mere efl plus pareffeufe ou plus affectionnée à tout ce qui ell dans l’on ancien logement, on battrait quelque¬ fois pendant des heures entières fans que les coups clé- terminaffent les abeilles à déménager. On reconnoît l’ef¬ fet qu’ils ont produit, en appliquant i’oreiiie contre la ruche fupérieure. Quand on entend bien du bruit dans celle-ci, c’cft un figne certain que beaucoup de mouches s’y font rendues, de on peut féparer alors les deux ruches l’une de l’autre. Lorfque les coups de baguette ne produifent pas un effet affés prompt, fans féparer les deux ruches je fais mettre en embas la fupérieure que je fais bien-tôt remet¬ tre en enhaut. Et enfin, je les fais agiter à bras autant qu’il eft poffible. Ainfi, on ne manque pas de détermi¬ ner un nombre d’abeilles à paffer dans la ruche vuide; Si, quelque petit qu’il foit, il fuffit pour la faire devenir le logement de toutes les autres, fur-tout fi on porte fur le champ la ruche qu’on veut remplir dans la place où étoit celle qu’on veut vuider. C eft une circonflance très-effen- tieile & de laquelle je ne trouve pas qu’on ait affés fongé à » PI. 3 5 . fig. avertir. Dès qu’elle y aura été mife *, on étendra un drap * par terre auprès de la nouvelle ruche, & l’on fecouera rude- Fig. 10. nn. ment p ur j c ( { ra p l’ancienne ruche dont l’ouverture fera en embas. On donnera même des coups de cette ruche con¬ tre le terrain que le drap couvre. L’effet de ces fecouffes Si de ces coups, fera de faire tomber fur le drap, des gros de mouches qui s’étoient obftinées à relier dans leur ancien logement. Le drap n’efl ici néceffaire que pour recevoir les gâteaux pleins de miel qui pourraient tomber eux-mêmes. Si qui deviendraient mal propres s’ils tomboient fur la terre. Les mouches qui font en tas fur le drap, & qui fe des Insectes. I Mem. 527 trouvent tout près de l’endroit où elles avoient coutume de Te rendre, dirigent leur marche vers ce même endroit. On en voit de larges files & bien continues qui tendent à y arriver. A mefure que les mouches de ces files par¬ viennent à une ruche où il y a déjà plufieurs de leurs compagnes, elles entrent dedans en foule. Afin même qu’elles trouvent un chemin plus facile & plus court, on placera une planche *, de manière qu’un defes bouts * PI. 35.%. porte fur le drap, & l’autre fur l’appuy de la ruche. La circonffance de pofer la nouvelle ruche auprès de l’ancienne, contribue fi fort à la réuffite du déménage¬ ment qifon veut faire, qu’elle pourroit difpenfer de toutes les premières pratiques que nous avons enfeignées, qu’il futhroit de fecoucr fur le drap la ruche habitée, d’obliger ainfi les abeilles à la quitter, pour les déterminer à aller s’établir dans l’autre. On peut pourtant réuffir à faire en¬ trer les mouches dans une ruche qui n’eff pas placée fi fa¬ vorablement. Il y a toûjours un certain nombre d’abeilles qui, mal¬ gré les fecouffes qu’on a données à leur ancienne ruche, quoiqu’on l’ait frappée rudement contre terre un grand nombre de fois, s’opiniâtrent à y demeurer ; mais bien¬ tôt on les met dans la néceffité d’aller rejoindre le gros: car on ôte les uns après les autres les gâteaux de la ruche. On coupe avec un couteau le plus près qu’il eft poffible des parois, celui qu’on veut détacher. Quand on tire ce gâteau hors de la ruche, plufieurs abeilles y font crampon¬ nées ou courent defTus. On les balaye avec les barbes d’une plume, Si on les fait tomber fur le drap. Tous les gâteaux ayant été ainfi retirés les uns après les autres, ce qui refie d’abeilles dans l’ancienne ruche efl peu confidérable; en la frappant contre terre deux ou trois fois, on les fait tom¬ ber; & enfin, on tranfporte au loin la ruche que l’on vient 528 MEMOIRES POUR UHlSTÔIRE de vuider de mouches Si de gâteaux, afin que l’autre fe peuple plus paifihlemem N plus promptement. Lorfqu’on veut déloger des mouches d’une ruche où elles ne font pas établies depuis long temps, & où elles n’ont pas encore fait beaucoup de gâteaux, l’opération de les faire palier dans une autre elf extrêmement fimple. Lefoir ou le matin on frappe la ruche dans laquelle elles font, contre une terre unie ou contre le déifias d’une table pofée à terre. Les mouches qui ne font pas -entre dés g⬠teaux, ne peuvent pas ré fi fier aux fecoufies qui ont palfé jufques à elles; elles tombent en malle. Le peu de g⬠teaux qu’il y a dans la ruche tombe quelquefois en mê¬ me temps. Comme ils font petits, ils n’ont que de foi- blés attaches, & ils ne tiennent encore qu’au haut de la ruche. On couvre de la nouvelle ruche le gros des abeilles qui eft par terre; elles montent dedans & s’accommodent de l’échange qu’on les a obligé de faire. Nous dirons ail¬ leurs qu’on réunit quelquefois enfemble deux efiaims foi- bles, ou qu’on joint un efiaim foible à un efiaim plus fort, ce qu’on appelle marier enfemble deux efiaims. Une des plus commodes façons de faire ces mariages, de faire pafier les abeilles d’une ruche dans une autre déjà habitée, eft celle que nous venons d’expliquer; fur les abeilles qu’on a fait tomber de leur ruche, on met la fécondé ruche dans laquelle font les abeilles auxquelles ôn veut les aftocier. Mais ces moyens de faire pafier les abeilles d’une ruche dans une autre, ne font pas de ceux qui peuvent convenir à un Obfervateur qui veut fçavoir s’il y a pluralité de meres dans une ruche, s’il y a des mâles, ou s’il 11’y en a pas. Tout fe pafie trop tumulruairement alors pour qu’il puifte faire de bonnes obfervations. On peut tirer un peu plus de parti d’une autre manière d’obliger les abeilles à déménager, & très-anciennement connue. Les premiers Auteurs des Insectes. X. Mem. 529 Auteurs qui ont parlé des abeilles, ont fçu que toute fumée leur déplaît, & qu’on pouvoit l’employer pour les rendre plus traitables. On a fçu il y a long-temps qu’on pouvoit s’en fervir avec fuccès, lorfqu’on vouloit leur ôter une partie de leur cire & de leur miel, ce qu’on appelle châtrer une ruche. Quand on a conduit la fumée lur l’endroit où elles font le plus entalfées, elles l’abandonnent. Un gâteau quelles cachoient entiè¬ rement à nos yeux, elt entièrement à découvert au bout de quelques inftants ; il n’y relie pas une feule mouche. La fumée les incommode, elle les étourdit, elle les enyvre; elle peut même les enyvrer au point de les ren¬ dre incapables de fe mouvoir, au point de les faire pa- roître mortes, & même de les faire mourir. Toute fumée, comme celle des herbes féches, ou à demi-féches, efl ca¬ pable de produire cet effet fur elles ; mais il n’y en a point dont il foit plus commode de fe fervir, que celle d’un linge tortillé auquel on a mis le feu & dont on a éteint la flamme, ou celle d’un papier tortillé. J’évite- rois de me fervir de fumée des mèches où on peut avoir introduit du fouffre. L’odeur en peut être trop prompte¬ ment funelle aux abeilles. Dans bien des circonltances où l’on veut s’approcher de près des gâteaux de ces mouches, on fe met à l’abri de leurs piquûres, en tenant à la main un linge qui répand beaucoup de fumée, fur- tout fi on a foin de s’entourer d’une elpéce d’athmolphére de cette fumée. Ce n’eft pas feulement pour manœuvrer plus à fon aife aux environs des ruches, que l’on peut fe fervir de la fumée, on peut l’employer pour faire palfer les abeilles d’une ruche dans une autre, & voici de quelle manière. Nous continuons de fuppofer que la ruche dont on veut ies faire fortir, 6c celles où on veut les faire entrer, font des Tome V . X x x r3O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ruches en panier. On coupera plufïeurs des brins de bois du fommet de la première, on y fera un trou de deux ou trois pouces de diamètre : plus le trou fera grand & plus le iucc'ès de l’opération fera prompt. On fera en¬ trer le haut de cette ruche dans une autre qu’on pofera defTus, & qui y fera naturellement foûtenuë& fixée. Tout étant ainfi dilpolë, on introduira fur l’appuy de la ruche peuplée, des linges ou des papiers qui répandront de la fumée. Pour la mieux déterminer à monter j’ai quel¬ quefois fait un trou au fommet de la ruche vuide & fu- périeure. La fumée porte le trouble dans la ruche habi¬ tée; on y entend bientôt du murmure, & enfuite un bour¬ donnement confidérable. Les mouches abandonnent les endroits les plus enfumés ; elles montent vers le haut de la ruche, & celles qui trouvent le trou qu’on y a fait, en profitent pour entrer dans un lieu où la vapeur qui les tourmente n’a pas encore pénétré. Il m’efi arrivé quel¬ quefois de déterminer affés vite celles que je finnois à paffer dans la ruche où je les vouiois; mais quelquefois auffi il a fallu les fumer long-temps, mettre fous leurs ruches, & à bien des rcprifes, des rechauds où il n’y avoit qu’autant de feu qu’il en falloir pour faire répandrebeaur coup de fumée aux matières qui le couvraient. Un des inconvénients de cette opération, c’efl que quand les abeilles ne le déterminent pas affés tôt à quitter leur ruche, quand elles donnent le temps à la fumée de les étour lir, il y en a beaucoup qui volant ou marchant au hazard, ou qui cherchant à fôrtir par le bas de la ruche, fe jettent dans l’endroit où elle efî le plus épaiffe, & dans le feu même qui l’entretient. Alors il en périt un bon nom¬ bre, non-feulement de celles qui font tombées dans le feu, mais même de celles qui ont été trop attaquées par L vapeur. Ordinairement néantmoins on ne les force des Insectes. X Mem . 531 à fortir qu’après avoir renouvellé plufieurs fois les matières qui répandent la fumée; pour cela, on efl obligé de tirer de dedans la ruche le rechaud ou le fupport plus plat ou font les matières qui font trop brûlées, ou qui fe font trop éteintes; ce qui ne fe peut faire fans foûlever le bas de la ruche, Si fans y ouvrir, pour ainfi dire, une large porte dont une partie des abeilles peut profiter pour fortir. D’ailleurs, en renouvellant fouvent le feu, on les expofè davantage au rifque de fe brûler. Pour faire entrer la fumée plus commodément, j’ai quelquefois poféla ruche dont je voulois chafferles mou¬ ches, fur un rondeau percé de plufieurs trous qui avoient un pouce ou un pouce Si demi de diamètre. Le fond d’un bacquet fait d’un tonneau fcié en deux inégalement, m’a fourni le fond que je faifois percer, Si fur lequel je pofois la ruche. Mais avant que de l’y pofer, je faifois faire une efpéce de petit édifice qui foûtenoit en l’air à quatre à cinq pieds de terre le bacquet percé. Deux planches, par exemple,parallèles l’une à l’autre dont chacune avoit un defes bouts appuyé fur le bord d’un mur de terraffe afTés bas, Sc dont l’autre bout étoit foûtenu en dehors de la terraffe par un montant de bois ; deux planches, dis- je, ainfi difpofées, faifoient mon édifice. Elles étoient écartées de manière que le vuide qui étoit entr’elles étoit moins grand que le diamètre du bacquet qu’elles dévoient po r ter. Ce bacquet étant donc placé fur ces deux planches. Si la ruche habitée étant pofée fur le bacquet, rien n’étoit plus fimple que de fumer les abeilles ; il n’y avoit qu’à tenir le rechaud hors de la ruche, mais fous le fond fur lequel je l’avois établie. On renouvelloit dans le rechaud tout autant de fois qu’on levouloit, les matières propres à donner beaucoup de fumée, Sc les abeilles étoient peu en rifque de fe venir jetter dans le feu ; elles 11e cherchoient Xxx ij * Pî. 22 . fi 6. & PI. 2. fig. 1,2,3 S- * Pi. 24.. S* 532 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE pas à fortir par des trous où il y avoit une fumée trop épaiffe. Cette manière de fumer les abeilles ma paru bonne. Quand on les a forcées pour la plupart à mon¬ ter dans la ruche fupérieure, on achevé le refte comme nous avons dit qu’on l’achevoit dans le cas de la ruche qu’on a battue pour en chaffer les mouches; c’eff à-dire, qu’on fépare les deux ruches l’une de l’autre ; qu’on ôte un à un les gâteaux de l’ancienne ruche, & qu’on fait tomber les abeilles qui font delfus auprès de la nouvelle ruche en balayant ces gâteaux avec les barbes d’une plume. Je me fuis fouvent fervi de flacons d’un verre très- tranfparent pour un ulage fort différent de celui auquel on les employé ordinairement. Au lieu de les remplir de liqueur, je les ai fouvent remplis de mouches à miel. Sou¬ vent j’ai eu en bouteilles toutes les mouches d’une ruche; & un des moyens & le premier dont je me fuis fervi pour y réuffir, a été de les fumer. C’eft fur-tout pour parvenir plus aifément à faire fortir de la ruche les mouches, & à les recevoir quand elles fortiroient, dans tel vafe que je voudrais, que j’ai fait faire des ruches vitrées en cône tron- g. qué *, & qui à leur partie fupérieure ont un trou rond. Ces mêmes ruches ont un fond qui les ferme. Après avoir bouché les petits trous qui fervent de portes aux abeilles, avec de petits bouchons de papier, j’ouvrais pour un infant un des chaffis vitrés du bas, & je faifois entrer dans la ruche des linges qui répandoient beaucoup de fumée. Sur le champ je débouchois le trou du haut de ig. la ruche, & je mettois fur ce trou * & dans une pofition renverfée, la bouteille ou le poudrier dans lequel je vou- lois faire entrer les abeilles, & dans lequel entraient bien¬ tôt celles qui cherchoient à fuir la fumée qui les incom- modoit. Quand ce poudrier avoit affés d’abeilles, je le DES I N S E C T E s. X. Mem. 5 3 3 rctirois, je le couvrois pour y retenir celles qui y étoient. Si je mettois un autre poudrier en là place, qui à fon tour fe remplilToit d’abeilles au point où je le fouhaitois. On pourroit croire que chaque fois qu’on retire un poudrier de dell'us la ruche, qu’il s’en échappe bien des abeilles, quelque chofequ’on fade,avant qu’ili’oit bouché. Si qu’il s’en échappe de même par le trou de la ruche, avant qu’il foit couvert par le nouveau poudrier, fi nous ne rappellions une manœuvre très-(impie Si dont nous avons déjà parlé , qui met en état de faire tout cela làns qu’aucune abeille puilfe s’envoler. Cette petite manœu¬ vre demande feulement qu’on foit pourvû de deux quar- rés de papier égaux Sc plus grands qu’ils n’ont beloin de l’être pour boucher le poudrier. Quand on elt content du nombre des abeilles qui font entrées dans le poudrier, on fait glilfer les deux quarrés de papier pôles l’un fur l’au¬ tre fur le deffus de la ruche, pour les faire palfer entre ce dclfus Si le poudrier. Les deux feuilles de papier glifi . fées fous le poudrier, n’occafionnent jamais un vuidc ailes grand pour donner paffage à des abeilles. Enfin, quand on a fait gliffer ces deux quarrés jufques à ce que leur milieu foit vis-à-vis celui du trou, toute com¬ munication elt ôtée aux abeilles de la ruche avec celles du poudrier. Ce qui refie alors à faire elt bien facile, mais demande quatre mains. Quelqu’un retient avec les deux fiennes le quarré de papier qui elt immédiatement appli¬ qué fur la ruche, pendant qu’une autre perfonne enleve l’autre quarré de papier Si le poudrier contre les bords de l’ouverture duquel il eft appliqué, Si fait fur le champ de ce papier un couvercle qu’on ne fera plus obligé de te¬ nir, parce qu’après avoir plié le papier tout autour des bords, comme il convient qu’il le foit, on l’arrête avec une ficelle au-deffous.des rebords de l’ouverture. Alors Xxx iij 534 MEMOIRES pour l’Histoire on n’a plus qu’à placer {ouverture d’un nouveau poudrier fur le quarré de papier qu’on tient fur le trou de la ruche, & de manière que les centres des deux ouvertu¬ res foient à peu près vis-à-vis l’un de l’autre. On retire auffi-tôt le papier en le faifant glifïer, & les abeilles de la ruche entrent dans ce fécond poudrier, comme d’autres étoient entrées dans le premier. On peut donc faire paffer ainfi toutes ou prefque toutes les abeilles de la ruche, dans autant de bouteilles ou de pou¬ driers qu’on veut ; & par conféquent on eft maître de ne remplir chaque poudrier qu’autant qu’il le doit être pour qu’on puilfe efpérer de voir les unes après les autres les abeilles qu’il contient, 6 c y dillinguer les unes des autres celles qui font de différent fexe. On a même le temps d’examiner ces abeilles, lorfqu’eiies fe rendent de la ru¬ che dans la bouteille, fur - tout fi cette bouteille eft de celles qui ont un col long & étroit. Au lieu de la fumée, on peut fe fervir de l’eau pour faire paffer les abeilles dans autant de poudriers qu’on voudra, 6 c pour les faire fimplement paffer d’une ruche dans une autre. C’eft peut-être même la manière la plus commode de faire ces fortes d’opérations, 6 c avec la moin¬ dre perte de mouches, 6 c avec moins de rifque d’être piqué. Elle ii’elt pas abfolument ignorée, mais elle n’eft pas affés connue ; je ne l’ai trouvé décrite nulle part ; 6 c je ne fçais point d’endroit où on s’en ferve pour obli¬ ger les abeilles à changer de ruche. Tout ce qu’elle de¬ mande de plus difficile à avoir, 6 c dont on efl affés ordi¬ nairement pourvû à la campagne, c’ell un bacquet, une efpéce de cuvier qui ait autant de profondeur que la ruche dont on veut faire fortir les abeilles, a de hau¬ teur. Un tonneau défoncé par un bout, peut dans le befoin fournir un tel bacquet ; -il a toûjours plus de des Insectes. X. Mem. 535 profondeur qu’il n’en faut, & affés de diamètre pour rece¬ voir une ruelle ordinaire. On fera le loir une ouverture d’un pouce &demi, ou de deux pouces de diamètre, à la partie fupérieure de celle dont on veut faire fortir les abeil¬ les. On pofera enfuite cette ruche dans fa fituation ordi¬ naire dans un bacquet ; & lorfqu’elle y fera, & que les abeilles que le tranfport peut avoir miles en mouvement, fêleront tranquillifées, on ajullera la ruche dans laquelle on les veut faire entrer, fur celle où elles font. O11 bou¬ chera tous les vuides qui fe trouveront entre les bords de la ruche fupérieure & la ruche inférieure, avec de la glaife. Dès qu’on fait tout cela le foir, on le fait aifément, & avec peu de rifque d'être piqué. Si on veut fe ménager toutes les commodités, on aura attention de placer le bacquet où eft la ruche, auprès du puits ou du refervoir qui fournira l’eau dont on aura befoin. Le lendemain dès le matin, avant que les abeilles ayent encore longé à aller à la campagne, on jettera quelques fceaux d’eau dans le bacquet. On y en jettera julques à ce que l’eau ôte aux mouches toutes les forties qu’elles auroiem pû trouver dans les endroits où les bords de la ruche & le fond du baquet ne fe touchent pas affés exactement. On achèvera enfuite le refie à fou aife; il ne s’agira que de verfer fuccef- fivement des fceaux d’eau. A mefure que l’eau s’élèvera fur le fond du bacquet, elle entrera & s’élèvera dans la ruche. Les abeilles qui craignent d'être lùbmergées, gagnent des endroits plus élevés quand elles voyent que l’eau atteint leurs gâteaux; à melure quelles voyent l’eau monter plus haut dans leur ruche , elles font contraintes de s’ap¬ procher de fon fomrnet; elles profitent de l’ouverture quelles y trouvent, pour fortir & pour paffer dans l’autre ruche qu’on leur a préparée. Lorfque cette dernière eft vitrée, comme l’ont été fouyent celles qui m’ont fervi à 53 6 Mémoires pour l’Histoire cette expérience, & qu’on a laide les volets de bois ou¬ verts , on voit dans certains moments les abeilles s’y rendre en foule pour fe fauver de l’inondation. Quel¬ quefois pourtant on ne les force toutes à quitter une habitation qui leur étoit chere, qu après l’avoir entière¬ ment remplie d’eau. Alors il ne refie plus qu’à féparer la nouvelle ruche de l’ancienne, & à la pofer proche du bacquet fur un appuyfolide, au moins jufques à ce que les grands mouvements l'oient calmés; & pour le mieux, on la porte enfuite dans la place où étoit l’ancienne ru¬ che ; cette circonflance n’eft pourtant pas abfolument néceffaire. On imagine bien qu’entre les mouches qu’on a voulu chaffer, il y en a eu de parelfeufes, qui ne fe font pas affés prelfées de fuir l’eau qui les venoit chercher; que d’autres ont volé trop étourdiment vers l’eau ; que d’autres dans l’agitation générale y font tombées. Aulfi quand on a retiré l’ancienne ruche du bacquet, la furface de l’eau paroît quelquefois couverte de mouches noyées ou de mouches qui fe noyent. Malgré ce défaftre apparent, il relie encore vrai, que de tous les moyens de faire palfer les mouches d’une ruche dans une autre, il n’y en a au¬ cun qui mette en état d’y parvenir avec une auffi petite perte de mouches. On doit avoir foin de pêcher fur le champ , toutes celles qui flottent fur l’eau. 11 n’efl point d’inftrument plus commode pour cela, qu’une écumoire ordinaire. Qu’on étende enfuite les mouches qu’on a pêchées, fur une ferviette pofée par terre auprès de la nouvelle ruche; li l’air ell doux, & fur-tout fi le Soleil fe montre de temps en temps, on verra toutes les abeilles ianguiflantes reprendre vigueur : on verra même re¬ tourner à la vie celles qu’on croyoit noyées, devenir vigoureufes comme les autres, & toutes fe rendront à la des Insectes. A”. Mem . 537 à la ruche où leurs compagnes font établies. Enfin, oh ne Içauroit croire combien il en périt peu. J’ai fait p!u- fieurs fois de ces opérations, dont chacune ne m’a pas coûté une douzaine de mouches. Il en périt bien autrement même dans les ruches qu’on bat pour obliger les abeilles à déloger, parce que, comme nous l’avons dit, elles ne pa fi¬ rent pas toutes de bonne grâce, dans celle qu’on leur a eldhnée ; il y en a un grand nombre qu’on ôte de deffus les gâteaux, en les balayant avec une plume; plulieurs de celles- ci fe trouvent emmiellées. Les gâteaux coupés ou bribes JaifTentcoulerdumielquienenduitd’autres; & le miel qui bouche leurs fligmates, les fait périr. Enfin , beaucoup d’autres abeilles trop irritées, piquent les gants, les bas, les habits de celui qui les inquiété ; elles (aident leur aiguillon dans les piquûres, & il leur en coûte la vie. Les gâteaux qu’on retire de la ruche dont l’eau a chafîe les abeilles, ont fouvent bien des cellules dans chacune defquelles une mouche étoit nichée dans le moment de l’inondation; l’eau les y a lurprifes. Ce font celles qui font le plus en danger de périr; fouvent elles n’ont pas la force de fie retirer de leur loge qui eft pleine d’eau en partie; mais on les fauve, fi on fe donne la peine de les en tirer avec attention ; c’efl-à-dire, fi on les manie afTés légère-, ment pour ne les point bleffer. Le leul inconvénient que l’on peut trouver dans cette pratique , c’efl que tous les gâteaux font mouillés. Ceux dont les cellules font vuides, & ceux dont les cellules ont du couvain, c’eft-à-dire, des œufs, des vers, ou des nymphes, n’en fçauroient être endommagés; la cire ne fçauroit être altérée par l’eau qui la mouille : mais les gâteaux qui contiennent du miel en peuvent foufïrir. Le miel qu’on tire enfuite de ces gâteaux, reffemble au vin qui vient de raifins cueillis dans des jours de pluye; Tome V . Y y y 1538 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE il dt mêlé avec un peu d’eau. Cet inconvénient n’efl pourtant pas grand ; car on eft même obligé d’avoir re¬ cours à beaucoup plus d’eau, lorlcju’on ne veut point laifïer de miel aux gâteaux de cire. D’ailleurs cet in¬ convénient ne tombe que fur le miel d’une partie des cellules; car tout celui qui dt dans des cellules fermées par un couvercle de cire, n’dt point mouillé. Swammerdam a eu recours à l’eau iorlqu’il a voulu examiner les abeilles d’une ruche; il les a noyées, 6c ii a remarqué ce que les expériences dont je viens de parler, m’ont donné occafion de voir bien des fois, que beaucoup d’abeilles qui paroi fioi-ent notées revenoient à la vie, 6c reprenoient leur première vigueur. On lçait depuis long¬ temps que les mouches de plulieurs elpéces, que les mou¬ ches les plus communes dans nos appartements, aprèsavoir été tirées de l’eau comme parfaitement mortes, redevien¬ nent fouvent en état de marcher 6c de voler, fi on les ré¬ chauffe peu à peu. Ce retour à la vie a été regardé com¬ me une efpéce de rél'urredion. Ce prétendu miracle le réduit à ce que certains inlècftes perdent pour du temps tout mouvement fans ceffer de vivre. Il m’a paru que je- pouvois faire ulage de ce fait anciennement connu , pour m’inftruire fur 1 hiftoire des abeilles, fans être obligé de faire périr trop de milliers de mouches fi indnftrieufes, 6c pour la vie delquelles on ne peut manquer de s’mtc refi¬ ler. Il me paroifioit dur d’étreobligé de faire mourir toutes celles d’une ruche chaque fois qu’une circonftance par¬ ticulière demandoit que je pu fie examiner une mere ou un mâle; toutes les fois que j’avois à m’affûrer s’il y avoit des unes ou des autres dans une ruche, 6c combien il y en avoit. Nous ne fommes pas afies convaincus intérieu¬ rement, du droit que nous croyons avoir fur la vie des ani» maux, nous ne le fommes pas afies qu’ils font privés d® des Insectes. X. Mem. 539 fentimcnt, pour n’avoir pas quelque peine à en facrifier dans un inftant, un très-grand nombre à notre curiofité. Je penfai donc que je pouvois au moyen de l’eau, ren¬ dre en toute faifon les abeilles d’une ruche au (fi traitables que fi elles euiïent été mortes , & me donner un moyen fur de les examiner une à une tout autrement que je 11e l’avois pu, en les faifant fimplcment j)a(Ter dans des pou¬ driers ou dans des (laçons de verre; que je n’avois qu’à mettre toutes celles d’une ruche dans le même état où j’avois mis une partie de celles que j’avois fait changer de domicile par le moyen de l'eau ; les mettre dans un état où elles paroîtroient noyées, & duquel je pourrois enfuite les tirer avec le fecours de la chaleur. Néantmoins avant que d’en faire l’expérience, je crus devoir m’aiïurer du temps pendant lequel une abeille pouvoit reftcr fous i’eau dans une forte de létargie ; m’infiruire s’il feroit d’afles longue durée pour me donner celui de faire tou¬ tes les oblèrvations que j’aurois à faire fur ces mouches. Je commençai donc par chercher à connoître la lon¬ gueur du temps pendant lequel on pouvoit tenir des abeilles fous l’eau, comme mortes, fans qu’elleslefufient réellement. J’y en tins d’abord quelques-unes pendant quelques minutes, & je les y tenois bien réellement. Leur légèreté tend à les ramener à la furface, Tnais je les forçois de refier fubmergées au moyen d’un tam¬ pon de papier aflfés gros pour être arrêté lui-même fous l’eau par l'on frottement contre les parois du vafe qui étoit un poudrier de verre. Les abeilles fur lefquellts je faifois l’expérience, étoient fous ce tampon de papier. Après avoir ramené à la vie celles qui n’étoient refiées fous l’eau que pendant quelques minutes, je tentai d’y «n ramener qui avoient été fubmergées pendant un quart d’heure. Les fuccès me conduifirent à éprouver ce qui Yyy ij 540 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE arriveroit à celles qui feroient tenues dans l’eau pendant une demie-heure, & pendant deux heures. Enfin , j’y en lai fiai d’autres pendant plus de neuf heures de fuite, & je vis que les abeilles qui avoient relié dans l’eau pendant ce temps, & qui au bout d’une minute ou deux y avoient paru mortes, ne l’étoient pas réellement. Quoique neuf heures doivent paraître un temps bien long pour un ani¬ mal dans un tel état, je ne fçai pas fi c’elt le terme de celui où nos mouches y peuvent refier vivantes. J’en ai eu que j’ai retirées de l’eau mortes au bout de 21 heures, 6 l on pourrait même en retirer de mortes au bout de trois à quatre heures. Le plus ou le moins de vigueur des mou¬ ches qu’on met à une telle épreuve, peut faire qu’elles la foûtiennent plus ou moins long-temps. La tempéra¬ ture de l’air ou plûtôt celle de l’eau , doit aufii entrer pour beaucoup dans le fuccès. Mes expériences ont fiemblé prouver le contraire de ce qu’on aurait peut-être attendu, que les abeilles vivent plus long-temps dans de l’eau froide que dans de l’eau chaude. Il y a pourtant en ceci des limites qui peuvent être déterminées par des ex¬ périences que je 11’ai point tentées, parce que le principal objet que j’avois-en vue, ne demandoit pas que je les fifie» Celles que j’ai rapportées ont été faites dans un lieu où la température de l’air étoit marquée par fept à huit de¬ grés au-deffiis de la congélation, & où celle de l’eau étoit apparemment à peu près la même. Mais j’ai remarqué afies conftamment ce qu’on devoit attendre, que les abeilles qui avoient été plus long-temps couvertes d’eau, étoient aufii plus long-temps à fe ranimer. Quand on les en tire, elles 11e différent en rien des abeilles mortes ; elles ont alors pour la plupart, leur trompe allongée ; j’en ai pourtant vû quelques-unes, mais très- peu , qui l’avoient pliée. Après que je les avois retirées de l’eau, je commençois des Insectes. X. Mem. 541 par les effuyer, & je les mettois enfuite fur un papier près du feu, mais pourtant à une diftance telle que ma main y eût pu relier fans foulfrir. Quelquefois aulïi je les tenois dans lin poudrier. Attentif alors à leur état pour lequel j’étois inquiet, j’examinois fi elles donnoient quelques figues de vie. C’ell ordinairement par le bout de leur trompe qu’elles commencent à en donner ; il elt la première de leurs parties extérieures où l’on apper- çoit un petit mouvement; il le courbe un peu , & quel¬ quefois il fe redrelfe enfuite : on revoit fouvent trois ou quatre de ces mouvements dans le bout de la trompe avant que d’en découvrir dans aucune partie du corps. Le bout de quelqu’une des jambes en fiait voir enfuite de fcmblablcs. La trompe recommence à fe mouvoir; les bouts de quelques autres jambes fe meuvent à leur tour. Les mouvements fe font enfuite dans une plus grande portion de chaque jambe; quelqu’une d’elles paroît avoir repris tou tes fes forces, & les autres reprennent les leurs fuc- celfivement : la trompe fe plie, & enfin la mouche devient en état de marcher & de voler. Celles qui n’ont pas été tenues long-temps dans l’eau , font voir du mouvement au bout de leur trompe dans la minute même où on les a approchées du feu. Celles qui ont été plus long-temps fous l’eau, relient quelquefois fept à huit minutes ou plus auprès du feu avant que de faire aucun mouvement. Mais quand elles ont une fois donné un figne de vie , elles font en état de marcher en moins de trois à quatre minutes. ' Des lettres imprimées en différentes années du Mercure Suide *, & qui ont été diélées par un vrai amour pour le * genre humain, nous ont confirmé une vérité de l’efpéce 173+ & de celle dont nous venons de parler, mais bien autrement 175 importante, ôc qui ne devroit être ignorée en aucun pays» C’ell que les hommes mêmes 11e perdent pas la vie fous -Y y y iij 542 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’eau auffi vite qu’on le croit communément. Qu’entre ceux qu’on retire de l’eau fous laquelle ils ont été retenus pendant plufieurs heures, il y en a qui, quoiqu’ils pa¬ rodient parfaitement morts, pourraient être lamés fi on tentoit pour leur redonner la vie, tout ce que l’amour que nous nous devons mutuellement voudrait qu’on ten¬ tât ; c’efl-à-dire, li on les foignoit, fi on les chauffoit, fi on les agitoit, li on leur failoit prendre des liqueurs fpii i- tueulès, fi on introduifoit dans leurs inteflins, ibit de l’air, l'oit de la fumée de tabac, l'oit certaines liqueurs chaudes, &c. & c’eft ce qui efl prouvé par des faits qu’on doit lire avec plaifir, & dont on devrait chercher à inftruire les ha¬ bitants de tous les lieux fitués fur les bords des rivières, des lacs, & de la mer. Mais pour revenir à nos abeilles, dès que j’ai été affés certain par le fuccès des expériences que j’ai rapportées, du temps pendant lequel elles peuvent être tenues fous l’eau fans y périr, je n’héfitai point à profiter du moyen que ces expériences me fourniffoient d’examiner toutes les mouches d’une ruche, l’une après l’autre. Ce fut vers la fin de Décembre que j’en fis ulàge pour la première fois. Je voulois fçavoir s’il étoit bien vrai qu’il n’y eût alors qu’une mere dans chaque ruche, & qu’il n’y eût pas un feul mâle. ALa première épreuve fut faite fur une ruche peu peuplée ; il me fut aifé de fçavoir pré- cilément le nombre de les mouches, il n’alloit qu’à en¬ viron 2500. Le froid du jour, & le befoin que j’avois d’avoir du feu dans la fuite de l’opération, me détermi¬ nèrent à la faire dans mon cabinet. J’y fis apporter un bacquet qu’on remplit d’eau. La ruche dont je voulois avoir toutes les abeilles à ma difpofition, étoit vitrée, & une de celles que j’ai fait compofer de plufieurs boîtes * PL M-fîg- pofées les unes lur les autres*. Les trois boitesfupérieures des Insectes. X. Mem. 543 étoient les feules qui euffent des gâteaux de cire & des abeilles. On lépara ces trois boîtes des autres, &dès qu’on les en eut lëparées, 011 les plongea dans l’eau; on les y enfonça même, jufques à ce qu elle s’élevât de quelques pouces au-dellus de la boîte fupérieure: elles ne tardè¬ rent pas à en être remplies; & bientôt toutes les abeilles furent plus baignées qu’elles ne l’euffent voulu ; bientôt la doie du bain devint trop forte pour la plupart des mou¬ ches; il leur ôta toute faculté de le mouvoir. Je conti¬ nuerai pourtant à me fervir de l’cxpreffion de baigner les abeilles, plûtôt que de celle de les noyer, parce que réellement on ne les noyé pas dans cette opération, quoiqu’on les baigne outre mefure. La boîte inférieure étoit ouverte par deffous; les fluctuations de l’eau en fai— foient lôrtir des mouches que leur légèreté portoit à la furface. Le plus grand nombre de celles-ci ne paroifloit plus animé; il y en avoit pourtant quelques unes plus vigoureufës que les autres, ou fur leiquelles l’eau avoit moins opéré, qui battoient des ailes, mais fur un liquide contre lequel elles ne pouvoient agir avec fuccès. C etoit leur épargner des tourments, & les mettre plutôt dans l’état où je les vouiois, que de leur faire perdre leur refle de forces; pour cela, on les enfonçoit dans l’eau avec le premier infiniment qu’on trouvoit Ions fa main. Enfin, on retourna fans déifias deffous les boîtes qui formoienr la ruche. Une partie des mouches qui y étoient refiées comme plus'légeres que l’eau, s’élevèrent bientôt à fa fur- fice ; on détacha enfuite tous les gâteaux de cire les uns après les autres. Si à mefure qu’on en avoit retiré un de la ruche Si de l’eau, on le balayoit fucceffivement des deux côtés avec une plume, pour faire tomber dans le bacquet les mouches qui s’étoient cramponnées contre ce gâteau, & qui nel’avoient point abandonné depuis quelles 544 Mémoires pour l’Histoire s en ctoient faifies, comme les malheureux té làififènt dans un naufrage de la première planche qu’ils trouvent. Aucun naufrage, aucune inondation, fut-elle plus confidérabie que celle du Gange qui arriva il y a quelques années, ne fait voir fur les eaux à la fois autant de corps humains qu’il y avoit d’abeilles fur la furface de l’eau du bacquet. Quand le bain eut mis tant de mouches dans un état parfaitement femblable à celui de mort, on s’occupa à les pécher: c’cll ce qui peut être fait dans un temps affés court; & la cuiline fournit pour le faire deux fort bons inflruments, une écumoire & une paffoire à pois. On laifToit.égouter pendant un inflant celles qu’on avoit en¬ levées avec l un ou avec l’autre. J’avois eu foin de faire difpofer une très-grande table affés près du bacquet, dont plus d’une moitié étoit couverte de lèrviettes qui y étoient étendues, & dont l’autre l’étoit de feuilles de papier gris. Dès que les abeilles dont l’écumoire étoit remplie, étoient un peu égoutées, on la renverfoit fur une des ferviettes; en peu de temps, toutes les mouches furent ainfi tranfpor- tées fur la table. L’eau fut bientôt écumée de toutes celles qui H ottoient à fa furface. C etoit un fpeélacle affés fingu- licr, & qui avoit cependant quelque choie de trille, de voir tant d abeilles fi aétives & même fi redoutables quelques inflants auparavant, en tas, ou étalées fur la table, fans aucune apparence de vie. Des gens qui ne font pas ordi¬ nairement fort compatifTants pour les animaux, plulieurs domefliques qui étoient autour de moi, jxaur m’aider dans les différentes manœuvres, paroiffoient touchés de ce fpeélacle ; ils ne pou voient s’empêcher de four ire, lorf- que je dilois qu’on verroit peut-être encore ces mêmes abeilles apporter de la cire & du miel à la ruche; ils le difoi.en.t entr’eux, & tout bas, qu’ils voleroient eux-mê¬ mes, fi jamais ces mouches lé fervoient de leurs ailes. Elles des Insectes. X. Mem. 545 Elles étoient dans letat où je les voulois, aulîî traita¬ bles aflurément qu’on pouvoit les defirer ; & mes expé¬ riences précédentes me raiïuroient contre toutes les appa¬ rences , & me promettoient qu elles retourneroient à la vie dès que je voudrais les faire vivre. Mais avant que de le vouloir, il falloit remplir l’objet de mon expérience, les examiner une à une pendant qu’elles me permettoient de le frire à l’aile. J’avois avec moi une perfonne qui aime i’Hiftoire naturelle, &qui m’a fourni des obfervations qui font entrées dans les volumes précédents, & plus que des obfervations, des deffeins très-parfaits; qui feconnoiffoit comme moi en abeilles de différent fexe; elle les avoit def fmées. Elle & moi, nous nous mîmes à les examiner, à les trier, pour ainfidire, une à une, avec plus de foin qu’on n’en apporte à trier les grains de caffé. Ce que je voulois fçavoir, c’étoit principalement fi nous trouverions une mere, & fi nous n’en trouverions qu’une, & fi nous ne trouverions aucun mâle, parce que c’étoit le temps où il n’y en devoit pas avoir. Carfuppofé qu’il n’y eût qu’une mere & point de mâle, f par la fuite après avoir rendu la vie à cette mere, elle pondoit des œufs féconds, il étoit prouvé inconteflablement que les meres n’ont pas befoin d’avoir des mâles dans le temps qu’elles pondent ; & qu elles ont été privées de tout commerce avec eux pendant plu- fieurs mois qui ont précédé celui où elles recommencent leur ponte. Nous mettions à l’écart d’un plus gros tas, un tas d’a¬ beilles gros comme un petit œuf; nous efïuiyons bien avec la ferviette celles dont il étoit compofé; & pour les mieux féchcr, nous les faifions paffer fur un papier gris où nous les examinions les unes après les autres. Toutes celles qui avoient palfé par l’examen, & qui étoient féches déjà en partie, étoient jettées dans un poudrier; & quand Tome V . Zzz; 546 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRÉ on jugeoit y en avoir fait entrer affés, on le fermoit avec un couvercle quelquefois de papier gris, & quelquefois de gaze. Enfin on portoit ce poudrier auprès du feu, qui devoit achever de fécher les abeilles. A peine le poudrier avoit refié quelques inflants auprès du feu, qu’on voyoit plufieurs de les mouches fe ranimer. Diverfes circonftances avoient fait & feront néceffairement en toute opération pareille, que toutes les mouches ne fe¬ ront pas tenues fous l’eau pendant un temps également long; auffi y en avoit-il quelques-unes fur la table même qui commençoient déjà à fe mouvoir; & parmi celles qui fembloient les plus mortes, il y en eut qui me donnèrent des fignes de vie qui me déplurent, & qui leur furent plus funefles que le bain. Je prenois avec ma main des poignées de celles qui fembloient les plus privées de vie, & je les y étendois pour les examiner plus vite & de plus près; je ne me deliois aucunement d’elles; je ne penfois pas que la chaleur que je leur communiquois leur redonneroit bientôt des forces; que quelques-unes qui n’en avoient pas repris affés pour marcher, en avoient affés pour me piquer. Comme fi le defir de la ven¬ geance ne les eut point quittées, comme s’il eut été ce qui les ranimoit, avant que d’avoir pû mouvoir ni ailes ni jambes, elles faifoient fortir leur aiguillon, & l’enfon- çoient dans ma chair. Je fouffris plus de dix à douze piquûres pareilles, & cela, parce que je croyois que j’avois été piqué les premières fois pour avoir pris avec les mouches qui fembloient parfaitement mortes, de celles qui étoient revenues de leur état léthargique. Ce ne fut qu’après avoir éprouvé que les premières même étoient à redouter, que je ceffai d’en prendre dans ma main. Le vrai efl que les piquûres que je reçus furent bien moins douloureufes que ne le font les piquûres des Insectes. X. Mem. 547 ordinaires de ees mouches. La force renaiffante de l’abeille fuffifoit pour faire pénétrer l’aiguillon dans ma chair ; mais elle ne fuffifoit pas pour comprimer alfés la vejffie à venin, pour faire paffer ailes de liqueur cauftique dans la bleffure. Si pourtant on tient les abeilles fous l’eau plus long-temps que je ne l’avois fait, on n’aura rien à en craindre; & ce fera pour elles-mêmes un bien, puifqu’on Içait que celles qui ont piqué, & laiflé comme elles lail- fent ordinairement leur aiguillon dans la playe, périflent bientôt. Nous avions examiné plus des deux tiers des abeilles, lorfque nous parvînmes à trouver une mere ; elle fut la feule que nous trouvâmes, & la feule aulfi qui fut dans la ruche. S’il y en eût eu une autre, il n’étoit pas polfible quelle nous eût échappé. Nous n’étions pas moins atten¬ tifs à chercher des mâles; mais malgré toutes nos atten¬ tions, qui furent poulfées jufques au fcrupule, nous ne pûmes en trouver un feul. Alfés de fignes extérieurs les rendent aifés à reconnoître : de crainte pourtant que ces fignes ne nous trompalfcnt, dès que quelque mouche nous paroilfoit un peu plus grolfe que les autres, pour nous affiner qu’elle n’étoit pas un faux-bourdon, nous ne* manquions pas de lui prelferle ventre; l’aiguillon que nous faifionsfortir ne nouspermettoit plus d’avoir aucune incer¬ titude. Nous venons de faire entendre qu’entre les abeilles ordinaires d’une ruche, il y en a de plus grolfes les unes que les autres; mon Jardinier qui les remarquoit bien, lesnom- moit les fuilfes de la reine. Ces mouches peuvent pour¬ tant ne paroître plus grolfes, que parce qu’elles ont le ven¬ tre plus plein de miel ou de cire brute. Enfin, toutes les mouches furent mifes dans neuf à dix poudriers, dont il v en avoit un extrêmement grand ; tous furent portés auprès du feu. On ne donna que peu de » Z z z ij 548 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mouches à celui où la mere fut renfermée, peut-être une cinquantaine. Nous étions plus inquiets pour le fort de cette feule mere, que pour celui de toutes les autres abeilles enfemble; leur vie dépendoit de la fienne; fi elle périlfoit, toutes dévoient périr, la ruche devoit être dé¬ truite. Il n’y en avoit point qui parût plus morte. Nous la tinmes alfés long-temps fur nos mains ; nous la maniâmes, mais doucement, à bien des reprifes, car tout le monde en pareil cas veut voir & manier une mere abeille. Nous ne pûmes appercevoir le plus leger mouvement dans au¬ cune de les parties; elle fe ranima pourtant, mais un peu plus tard que plufieurs de celles qui étoient dans l'on pou¬ drier. Si le fpeélacle des mouches étalées fur une table où elles paroilfent toutes fans vie & bien noyées, avoit eu quelque chofe de trille, la fcene étoit changée; on les voyoit avec piaifir refTu(citer, en quelque façon, dans tous les poudriers qui étoient autour de la cheminée. Après leur avoir vû remuer le bout de leur trompe, & les bouts de leurs jambes, leurs jambes achevoient de fe dégour¬ dir, elles fe pofoient delfus, elles marchoient; & à mefure quelles achevoient de lécher, elles prenoient plus de vi¬ gueur. Quoiqu’on les eût elfuyées, elles n etoient pas par¬ faitement féches ; afin que l’eau qui s’en évaporoit, ne le ralfemblât pas en trop grande quantité fur le fond du poudrier, chaque poudrier étoit renverfé, l’eau s’en écou- loit au travers du papier gris, ou des mailles de la gaze qui faifoit le couvercle. Quand les abeilles font mouillées, elles font brunes, même noirâtres ; en féchant, elles deve- noient roulfes. On les voyoit monter à la partie fupérieure du poudrier, s’y accrocher,& s’accrocher les unes aux autres, former, foit desgrouppes, foit des guirlandes, foit d’autres figures, comme elles en forment dans les ruches ordinaires des Insectes. X Mem. 549 en fe cramponnant les unes aux autres. Dès que quelques- unes de celles qui étoient dans le poudrier où étoit la mcre, furent en état de marcher, elles parurent oublier l’état languiflant où elles étoient elles-mêmes, pour 1e placer autour d’elle, pour en prendre foin. Le premier ufage quelles firent de leur trompe, fut de s’en fervir à la lecher. Pendant que toutes les mouches rctournoient à la vie, on failoit lécher leur ancienne habitation, & quelques-uns des gâteaux de miel qu’on en avoit tirés, qu’on arrêta en- fuite avec de petits hâtons au haut de la ruche. Toutes •les parties dont elle étoit compofée, furent renfilés en place, & elle fe trouva préparée pour recevoir fes anciennes habitantes, qui étoient en état elles-mêmes d’y retourner, & d’y faire leurs manœuvres ordinaires. On la renverfa pourtant le haut en bas,parce qu’il parut commode d’ou¬ vrir une des fenêtres qui étoient proche du fond, & qu’on vouloit faire tomber les abeilles fur les gâteaux de miel. Par cette fenêtre ouverte, on vuida les poudriers les uns après les autres. Celui où étoit la mere futvuidé le troi- fiéme; ainfi, quand elle entra dans la ruche, il y avoit déjà alfcs de mouches pour lui compofer une nombreufe cour, & quand les abeilles des autres poudriers furent miles dans la même ruche, elles fe trouvèrent.réunies à leur reine. Avec un petit balai compofé de quelques plumes, on faifoit rentrer dans la ruche, celles qui en vouloient fortir. Enfin, quand toutes y furent logées, on ferma la fenêtre, & la ruche fut portée auprès du feu, qui devoit achever de la fécher & les mouches qui pouvoient être humides, ôl leur donner de la vigueur. Cette ruche peuplée de mou¬ ches très-vives, qui toutes avoient été comme noyées Sc étendues fur une table à trois heures & demi après midi, fe trouva vers les fix heures repeuplée par les mêmes Zzz iij 550 Mémoires pour l’Histoire mouches qui avoient repris toute leur activité. La plupart relièrent auprès du feu dans des poudriers, pendant plus de deux heures ; il en périt très-peu, moins que dans les opérations les plus ulitées pour faire palfer les mouches d’une ruche dans une autre ; il n’en coûta la vie qu’à quel¬ ques-unes de celles qui étoient dans des cellules, & qui furent difficiles à en ôter, & à celles qui s’aviférent de fe fervir de leur aiguillon. Je me fuis arrêté volontiers à détailler cette première expérience, non-feulement parce qu’elle eh curieufe par elle-même, & qu’elle a été le modèle de plufieurs autres que j’ai répétées dans la fuite, mais encore parce qu’elle eh une fource féconde de beaucoup d’expériences fin- guliéres & même utiles, qui peuvent être faites fur les abeilles. Elle ne me donna pourtant pas toutes les con- noiffimces que je m’en étois promis ; car j’elpérois qu’elle m’apprendroit incontehablement h une mere qui fe trouvoit en Décembre dans une ruche où il n’y avoit aucun mâle, feroit au printemps des œufs féconds; & cette mere ne vécut pas j niques à ce temps-là; elle périt avec toutes fes compagnes vers le 20 Janvier. L’opération qu’avoient foufferte ces mouches, ne fut pourtant pas la caufe de leur mort. Je ne les laiffiù pas manquer de miel. Avant que de quitter .la campagne, j’eus de plus l’attention de les mettre dans une chambre; mais elles 11’y furent pas encore affiés chaudement ; j’ai tout lieu de croire qu’un froid affiés confidérable qui furvint vers la mi-Janvier, les fit périr: elles étoient toutes mortesle 20. Les mouches d’une autre ruche auffi peuplée, périrent toutes dans la même cham¬ bre huit à dix jours plutôt. Des mouches de plufieurs autres ruches que j’ai baignées dans la fuite, m’ont affiés prouvé qu’elles peuvent très-bien foûtenir cette opéra¬ tion , qui peut nous procurer dans la fuite beaucoup de des Insectes. X. Mem. 551 connoifTances par rapport à i’hiftoire de ces mouches, parce qu’elle donne la facilité de faire une infinité d’ex¬ périences qu’on n’eût pas ofc fe promettre de tenter; nous allons en indiquer quelques-unes, tant de celles que nous avons faites, que de celles que nous nous propofons de faire, & que des curieux pourront faire comme nous. Le temps qu’une ruche fubfifie ne conclut rien pour la durée de la vie des mouches qui l’habitent. Une ruche •pourroit durer dix ans, quoique les abeilles ordinaires y vêcuflent à peine une année, & quoique la durée de la vie d’une mere ne fût que de douze à treize mois, & cela, parce que toutfe rénouvelle dans une ruche comme dans une grande ville. Les mouches qui naiffent remplacent celles qui périflent. On peut fe mettre en état de l'çavoir fi la vie de la mère efi; de plufieurs années , & fi celle des abeilles ordinaires n’cft que d’un an. Après avoir baigné les abeilles d’une ruche & les avoir bien efluyées, rien ne fera plus ailé que de leur faire à chacune une tache de quelle couleur on voudra avec un pinceau. Elles n’en feront point incommodées, fi on met la tache fur leur corcelet. Pour cette expérience, on fe fervira d’un vernis qui puilfe féchcr alfés vite. Je me fuis fervi pour l’ordi¬ naire de celui à lacque fait avec de l’efprit de vin. Tantôt je les ai colorées de rouge, tantôt de jaune & quelquefois de bleu, iorfque je ne voulois pas que les abeilles portalfent la même livrée. Je n’ai pas eu cependant encore la patience de vernir toutes les abeilles d’une ruche, quoique celle qu’il eût fallu n’eût pas été bien grande; mais j’en ai au moins verni cinq cens d’une même ruche, qui, malgré leur nou¬ vel habit, ne furent pas plus mal reçues de celles avec lelquelles elles étoient en focieté. De ces cinq cens abeilles marquées de rouge en Avril, & que je reconnoiffois dans les mois fiiivants lorfqu’elies alloient à la campagne, je 552 Memoir.es pour l’Histoire lien vis pas une en vie clans le mois de Novembre. Pendant ceux de Septembre & d’Oétobre j’avois été éloigné de mes ruches. Ceft un moyen fur de réunir dans une même ruche, îans guerre & fans combats, les abeilles de plufieurs ruches différentes, que de les y mettre enfemble après les avoir tirées du bain. On les accoutume à vivre enfemble, lorf- qu’après les avoir léchées, on a eu attention de renfermer dans le même poudrier, de celles des différentes ruches. Etre revenues à la vie dans le même lieu, équivaut à être nées dans la même habitation. C’eft auffi par ce moyen qu’on peut donner & que j’ai donné en différents temps de l’année, tout autant de rneres que j’ai voulu à une même ruche peuplée. On peut dis¬ tinguer ces meres les unes des autres, par des marques de différentes couleurs fur le corcelet. On peut faire porter la livrée de chaque mere aux abeilles qui étoient dans fa ruche; & on verra fi ces abeilles lui feront plus dévouées qu’aux autres meres. On peut par ce moyen faire des échanges de meres, donner à une ruche la mere d’une autre ruche, & réci¬ proquement. Quelle manière plus aifée peut-on avoir de s’afîurer, fans faire périr les abeilles, s’il n’y a pas des temps où il y a plufieurs meres dans une ruche, combien il y en a dans la ruche qui eff prête à donner un effaim ! C’eft auffi le moyen auquel j’ai eu recours pour m’en inftruire. Dès qu’on aura marqué une mere dans la faifon con¬ venable , on pourra fçavoir fûrement fi le nouvel effaim eft conduit par une jeune mere, comme il y a grande apparence qu’il l’eft, ou s’il eft conduit par la vieille mere. Mais pour revenir à l’ufageque j’ai fait de ce moyen, pour m’affûrer par le plus exaét examen, que jufques à ce que le temps des Insectes. A". Man. 533 îe temps des e (Faims approche, ii n’y a dans chaque ruche qu’une feule mere, & quelle y multiplie alors fans mâle, je dois dire que je baignai les abeilles de trois ruches les premiers jours d’Avril; l’une le 5, l’autre le 9, & l’autre le i f, & que j’en baignai deux autres à la fin du même mois, le 25. Dans chacune de ces cinq ruches, je ne trouvai qu’une mere, Si je ne pus y trouver un feul mâle. Dans celle qui fut baignée le 1 1, & de même dans celles qui le furent le 2 5, il y avoit du couvain dans tous les états, Si des œufs récemment mis au jour. Ces meres avoient donc pondu, Si leurs œufs avoient réuffi quoi¬ qu’elles fufFent privées de mâles. Quand on voudroit poufîer la fuppofition jufques à imaginer que les mâles •étoient péris hors de chacune des ruches quelques jours avant l’opération que j’avois fait foûtenir aux mouches, on feroit au moins obligé d’avouer, que les meres peu¬ vent continuer leur ponte long-temps après que leurs mâles font morts; car ces meres pondirent bientôt, & donnèrent naiffance à des abeilles dans les nouvelles ru¬ ches où je les fis paffer. Mais il n’y avoit ni couvain ni œufs dans les gâteaux de la ruche que je baignai le 3 Avril, Si la mere que j’en retirai ne fut pas long-temps dans le nouveau logement que je lui donnai, fans m’apprendre qu’elle étoit féconde. Au lieu de m’arrêter à prouver davantage un fait qui n’a plus befoin de l’être, je dois apprendre à ceux qui feront curieux de baigner des abeilles, que les bains que j’ai répétés ne m’ont pas tous aufli bien réuffi que le premier ; qu’il m’eft arrivé plus d’une fois de perdre plus des trois quarts des abeilles, Si quelquefois plus des fept huitièmes. Ce n’eft qu’après avoir fait Si refait plu- fieurs fois les opérations, même les plus fimples, qu’on parvient à fçavoir éviter tous les accidents qui peuve t eu TomeV* . A a a a 554 Mémoires pour l’Histoire empêcher la réuflitc, qu’on parvient à les faire aulfi par- faitement qu’il eft polîible. Les inconvénients à éviter pour faire réuffir le bain des abeilles, peuvent être di- vilés en ceux de deux temps différents, en ceux qui arri¬ vent depuis qu’on baigne les mouches jufques à ce qù’on les ait tirées hors de l’eau, comme noyées ; & en ceux qui arrivent depuis qu’elles ont été tirées de l’eau jufques à ce qu’elles foient remifes en ruche. Plus on les baignera en grande eau 6 c moins on aura à craindre du bain, comme bain. Pour avoir baigné deux ruches de fuite dans l’eau d’un même tonneau qui n’a voit gueres plus de diamètre que les ruches que j’y fs entrer fucceffivement , je perdis prefque toutes leurs abeilles. Lorfque la quantité d’eau qui lave les gâteaux de miel eft petite, cette eau lé trouve bien- tôt trop emmiellée par les abeilles mêmes qu’on fait entrer dedans. L’état vio¬ lent où elles fe trouvent, les oblige à fe vuider par les deux bouts; elles jettent alors du miel par leur trompe, 6 c rendent des excrements mielleux. L’eau dans laquelle trop de miel 6 c trop d’excrcments gluants ont été délayés,, devient elle-même trop gluante. Les abeilles mouillées de cette eau , font dans un état femblable à l’état de celles qui ont été enduites d’huile. La matière vifqueufe qui s’introduit dans leurs fligmates , s’y fixe pour n’en plus fortir ; elle arrête la refpiration , ou elle la rend trop difficile. On voit l’effet de cette eau , même fur le corps des abeilles ; celles qui n’ont été mouillées que par une eau ordinaire, 1e féchent vite, 6 c en féchant reprennent une couleur rouffe; au lieu que les autres ont beau lécher, jamais elles ne redeviennent rouffes, elles relient d’un brun luiftant. Pour éviter le mauvais effet d’une pareille eau, on aura deux grands bacquets l’un auprès de l’autre. Dans l’un de des Insectes. X Ment . 55j ces bacqucts , on fe contentera de plonger la bafe de la ruche julques à environ un pouce ou deux de haut; pendant qu’un homme lafoûtiendraen cet état, un autre battra delius avec une baguette. Les mouches inquiétées par les coups & le bruit de cette baguette, font détermi¬ nées à voler: plufieurs tombent dans i eau; le nombre de celles qui y tombent cil plus grand que celui des autres; en changeant un peu la ruche de place & en produifant des agitations dans l’eau, ces abeilles font conduites à la furface; on les prend à mefure avec une écumoire ou avec une paiToire à pois, & on les porte dans ic fécond bacquct, dans l’eau duquel celles qui avoient encore une apparence de vie, achèvent de la perdre. Enhn , on ne vient à plonger entièrement la ruche dans l’eau, que quand les mouches qui y relient font obllinées à lé tenir fur les gâteaux. Au bout de quelques inllants, on retire la ruche de l’eau , on détache les gâteaux, & on balaye avec une plume, les mouches qui font reliées delfus ; on les fait tomber dans le premier bacquct. Dans quelques-unes des opérations qui ont mal réulfi, je faifois détacher les gâteaux pendant que la ruche étoit fous l’eau Sc renverfée fins delïus delFous ; je nepenfoispas combien ce procédé étoit mauvais. Les gâteaux brifés lailfoient couler beau¬ coup île miel , év donnaient prife à l’eau fur celui qu’ils contenoient; l’eau en devenoit trop chargée. Un avan¬ tage encore qu’il y a â battre la ruche avant que de la plonger entièrement dans l’eau , c’ef qu’il relie très-peu de mouches dans les cellules ; les coups de baguette les déterminent à en fortir: outre qu’il y a toujours du rifque à les en tirer lorfqu’elles ont perdu tout mouvement, cela efl long. Après avoir fiit palier les mouches dans le fécond bacquct, quand elles y paraîtront toutes mortes, on les Aaaa i; 556 Mémoires pour l’Histoire portera fur des ferviettes étendues fur une grande table, foit dans une chambre, foit à l’air, félon la laifon. Avec les ferviettes on elfuycra les mouches, & on les rendra le plus lèches qu’il fera poffible. Je perdis une grande partie des abeilles d’une ruche, pour m’être contenté de les laiffer un peu égouter fur une table de bois fur laquelle clics éioient immédiatement polées, &. pour les avoir miles, trop mouillées dans des poudriers. J’en perdis encore beaucoup de celles d’une autre ru¬ che , qui cependant avoient été alfés bien effuyées, parce que j’en mis une trop grande quantité dans chaque pou¬ drier. A peine avois-je biffé le quart ou le tiers du pou¬ drier vuide ; & c’en efl trop que le quart foit plein. En pofant les premières immédiatement fur le bois, j’avois voulu mettre hors de rifque de périr, celles qui repren¬ draient trop tôt des forces, hors de rifque de piquer, com¬ me elles le font fouvent, les ferviettes, & d’y laiffer leurs aiguillons. Mais quand on les a tenues affés de temps dans l’eau , on a celui de les effuyer avant qu’elles deviennent en état de piquer. Pour ne pas courir le rifque foi-même de fentir l’aiguillon de quelques-unes, il faut prendre avec une cuiilier d’argent, le tas qu’on vient d’efîiiyer &. qu’on veut faire entrer dans le poudrier. Les poudriers de verre dont je me fuis fervi pour plu- fieurs operations de cette efpcce, & pour plufieurs même qui ont très-bien réuffi , font cependant des vafes des moins propres pour achever de Lire fécher les abeilles. La plus grande partie de l’eau que la chaleur fait évapo¬ rer du corps des mouches, s’attache contre le verre, elle remouille les abeilles. Or, & c’efl une remarque que j’ai eu occafion de faire plus de fois que je ne l’euffe fouhaité, la chaleur qui ne ferait propre qu’à ranimer les abeilles dans toute autre circonftance, fait promptement périr des Insectes. X. Mem. y57 celles qui font mouillées. Plufieurs fois après avoir vu toutes les abeilles d’un poudrier ranimées & en mouve¬ ment, je les ai vû périr toutes en moins d’un quart d heure, fans que je pu (Te attribuer leur mort à d’autre caufe qu’à la chaleur qui avoit fait pénétrer l’eau dans leurs fligma- tes , quoique cette chaleur n’eut pu être qu’agréable à des mouches plus lèches ou tenues dans un lieu moins hu¬ mide. J’ai penfé à un moyen de leur faire fou tenir la meme chaleur fans danger ; j’ai fublîitué aux poudriers de verre,, d’autres vafes,que je nomme des féchoirs, &. qui en font; ils ont tous les avantages qu’on peut leur fouhaiter. Ce font desefpécesde paniers* en formede bouteilles, dont * pi . 3 les parois font de toile à tamis la plus grolfiére & par confé- 2- quent la plus claire. Quatre montants * du même bois dont * Fig. on fait les paniers, font attachés par chacun de leurs bouts à un cercle, à un anneau de même matière. Un des an¬ neaux plus grand que l’autre, fait le fond du l'échoir, Sc le plus petit en fait le collet. C’ed fur ce bâtis qu’on coud une toile à tamis qui l’environne de toutes parts. On le contente pourtant de la coudre autour de l’anneau du collet* au-delfus duquel elfe s’élève, & au-delfus duquel * Fig. on la lie avec un ruban *, comme on lie la gueule d'un lac; * ff , & cela, lorfqu’on a mis dans le féchoir les abeilles qu’on y veut. Il feroit inutile de faire remarquer combien ces féchoirs ont davantage fur les poudriers de verre; mais je dois dire que ces mêmes féchoirs m’ont fait pcnler qu’après avoir elfuyé grolfiércment les abeilles, il n’y avoit rien de mieux pour les rdfuyer plus à fond, & fans les expofer à perdre leur aiguillon, que de les éten¬ dre fur de grands tamis, d’où on les tire enfuite avec une cuillier d’argent pour les mettre dans les féchoirs. On voit allés que la grandeur des féchoirs elt arbitraire. A a a a iip 558 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Ce qui eft très-important, c’eft de ne fonger à faire rentrer les abeilles dans une ruche, qu’après qu’elles ont repris toute leur vigueur, quaprès quelles font devenues bien ronfles, qu’après les avoir vues en grouppe ou en guirlandes dans les féchoirs. Pour métré trop prefle d’en remettre dans une ruche, il m’eft arrivé une fois de perdre prefque toutes celles que j’avois baignées; elles tombè¬ rent les unes fur les autres au fond de la ruche ; elles s’y trouvèrent raffemblées dans une mafle trop épaiffe, de dont l'humidité ne pouvoit s’échapper. Celles qui étoient au-deiïous des premières couches, &. à plus forte raifon celles qui étoient dans les dernières couches, étoient accablées par ie poids des mouches des couches l'upé- rieures, & clies étoient trop foibles pour s’en tirer. Les excrements qu’elles rendaient, humeétés par l’eau qui fe trouvoit entr’elles, s’étendirent fur leurs fligmates & les mirent dans un état où les fecours que je voulus leur donner trop tard, leur furent inutiles ; car ce ne fut que le lendemain, c’eft - à - dire, au bout de douze heures, que je les vis en fi mauvais état, & que je voulus les chauffer. Mais on aura un fuccès plus heureux, on perdra à peine quelques mouches de chaque ruche, fi on les baigne & féche avec les précautions qui viennent d’être indiquées. Les temps les plus chauds ne font peut-être pas les plus favorables à cette opération: outre les pre¬ mières abeilles que je baignai à la fin de Décembre, je baignai celles d’une ruche le 10 de Novembre au milieu d’un jardin, à des heures du matin oit le thermomètre n’étoit qu’à deux degrés j au-defïus de la congélation ; je perdis cependant auffi peu de ces abeilles qu’il eft pof- fibie d’en perdre dans le changement de ruche le plus heureux. J’ajouterai en paffant, que parmi ces abeilles qui des Insectes.!. Ment . 559 furent baignées en Novembre, il n’y avoit qu’une feule mere, & aucun mâle. Quand on voudra baigner des abeilles dans les belles faifons de l’année, ce fera toujours le matin qu’il faudra ie faire. On doit même être attentif à choifir une journée où le Soleil fe leve brillant, & où on peut fe promettre de le voir tel plufieurs heures de fuite ; car alors tout s’exécute avec une grande facilité dans le milieu d’un jardin. Le Soleil même féche les abeilles qu’on vient d’effuyer fur la table, Si il achevé de les lécher Si de les ranimer quand il agit fur les féchoirs où on les a renfer¬ mées. On aura foin fur-tout de celui où eft la mere, Si de faire reprendre vigueur à celle-ci, Sc aux mouches qu’011 lui a données pour compagnes, ie plutôt qu’il fera polfible. Quand cette mere reparaîtra pleine de forces» on la fera entrer dans la ruche avec quelques centai¬ nes d’abeilles ; en voilà alfés pour faire entrer cnluite aifément dans la même ruche toutes les autres abeilles fur-tout, Si cette circonftance eft elfentielle, fila ru¬ che cft placée où étoit auparavant celle dont les mou¬ ches ont été baignées. Pour ne les y faire entrer que lorsqu'elles feront en bon état, on étendra une nappe ou plufieurs ferviettes devant cette ruche, c’eft-à-dire du côté où font les entrées. A mefure que les mouches d’un féchoir paraîtront avoir repris leurs forces, on le vuidera fur une des ferviettes. Là les mouches achève¬ ront de fe fécher; Si on verra bientôt celles qui feront en état de marcher, diriger leur route vers la ruche. On vuidera ainfi tous les féchoirs les uns après, les autres. Si leurs mouches rentreront dans la ruche ; il ne refera fur les ferviettes que celles qui auront perdu leur aiguil¬ lon , Si que celles à qui quelque autre accident aura ôté ia vie. 560 MEMOIRES POUR l’HiSTOIRË Les opérations qui m’ont le plus mal réuffi, celles qui m’ont fait perdre le plus d’abeilles, m’ont fourni uneremar- que qui ne doit pas être oubliée, & qui a été confirmée par ce qui eft arrivé en d’autres circonftanccs ; c’eft qu’il fembie que la vie de la mere peut réfifler à ce qui eft capable de faire périr les abeilles ordinaires. Cela devoit être ainfi, puifque la vie de toutes les autres dépend de la fienne; & ce qui devoit être, eft. Les différentes opé¬ rations qui m’ont fait perdre tant de mouches ordinaires, n’ont jamais fait périr une feule mere, ou, plus exacte¬ ment, je n’en ai eu qu’une qui ait péri; mais ce fut par lin accident contre lequel la nature n’a pas eu befoin de prendre des précautions. Elle ne fut repêchée au fond d’un tonneau, qu’au bout de trois heures ; elle y avoit été entraînée par une croûte de terre qui avoit été détachée de deffus la ruche, & qui l’y avoit recouverte. L’écumoire -avec laquelle on la tirade-là lui caffa une jambe. Toutes ou prefque toutes les abeilles qui étoient auprès d’elle, ne revinrent point à la vie. La mere quoiqu’eftropiée reprit des forces, & je la confèrvai vivante pendant plufieurs jours. Après une nuit très-froide, j’ai trouvé quelquefois toutes les abeilles mortes ou mourantes fur le fond d’une ruche. Quand parmi ces abeilles, il y en a eu en état d’être ranimées par la chaleur, la mere a toujours été une de celles-ci. 11 eft vrai auffi qu’elle eft de celles qui font le moins expofées au froid, qu’elle eft couverte par les autres; & il eft vrai que toutes les autres la foignent autant qu’il eft en elles. Ses ftigmates, par exemple, ne feront pas auffi poiffés de miel, ou n’en referont pas auffi long-temps poiffés, que ceux des abeilles ordinaires; elle ne courra pas autant de rifque d’être étouffée par le miel; car ces der¬ nières lèchent la mere avec leur trompe, avec beaucoup plus de foin quelles ne lèchent une abeille commune. Indépendamment DES I N S E C T E S. X. Menu 5 6 I Indépendamment de ce que font les abeilles ordinaires pour confcrver la vie de leur reine, il m’a paru que cette vie précieufe peut fe foûtenir contre des accidents qui feroient funefles aux autres mouches, comme cela devoit être. N’avant trouvé confiamment qu’une feule mere dans chacune des différentes ruches que j’ai examinées dans les mois de l’année où il n’en devoit pas fortir d’clfaims, j’ai cherché à en voir plufieursà la fois dans celles où j’avois lieu de préfumer qu'il y avoit un clfaim prêt à partir. Les pluyes & les froids du printemps, ont rendu l’année 1739 tardive en effaims. Aucune de mes ruches, ni aucune de celles de mes voifins , 11’en avoient encore donné, lorfque je me déterminai le 23 Mai, à en baigner une qui étoit h peuplée, que lorfque les nuits étoient chau¬ des , il y avoit des pelottons d’abeilles qui les paffoient en dehors de la ruche. Pendant le jour, j’en avois vû fortir des mâles. Quoique ces figues ne loient pas cer¬ tains , ils font pourtant de ceux qui annoncent la fortie prochaine d’un effaim. Les mouches de cette ruche ayant été tenues fous l’eau pendant le temps néceflaire pour les mettre dans un état femblable à celui des mouches mor¬ tes , elles en furent tirées & étailées fur une table. Trois perfonnes qui fe connoifïbient bien en meres, s’occupè¬ rent à les examiner une à une : afin même qu’on ics épluchât avec plus d’attention, & pour fatisfaire encore un autre objet de curiofité, j’exigeai qu’on les comptât. Je voulois fçavoir le nombre de mouches que pouvoir contenir un panier de grandeur ordinaire , lorfqu’il étoit bien rempli d’abeilles. La hauteur de celui-ci étoit environ de 19 pouces, & le diamètre de fa bafe de 17. J’avois l’œil fur mes ouvriers, qui avoient autant d’en¬ vie de trouver des meres, que j’en pouvois avoir qu’ils en trouvaiïbnt; en découvrir une en pareil cas, c’cft avoir le gros lot. On compta vingt-fix mille quatre cens vingt-fix Tome V. . B b b b 562 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE abeilles communes qui avoient été baignées; je dis qui avoient été baignées, parce que toutes ne le furent pas. La ruche fut plongée dans l’eau à huit heures du matin; c’èft-à-dire, à une heure où il y en avoit déjà plufieursà ia campagne. On compta fept cens mâles. Malgré le grand nombre des mouches communes de ia ruche en quèftion; & quoiqu’il y eût déjà iept cens mâles transformés, on ne put parvenir qu’à trouver une feule mere. La ruche n’étoit pas auffi prête à donner un effaim que je l’avois cru. J’examinai tous les gâteaux avec foin ; j’y trouvai dix cellules à fémeiles, mais dont quelques- unes n’étoient encore qu’ébauchées, & dont les plus avan¬ cées n avoient pas à beaucoup près, toute la longueur qu’elles auroient eue par la fuite. Une feule & qui étoit la plus longue de toutes, avoit un ver encore ailés petit, & qui n’auroit pu être en état de fortir hors de fa loge fous la forme d’une mouche mere, de plus de 12a 15 jours. Ce n’étoit donc qu’après un pareil nombre de jours, qu’un eiïaim auroit pü prendre l’eilbr. Cette expérience prouve que dans les temps qui précédent de peu celui de lafortie d’un eifaim, les ruches les plus peuplées n’ont encore qu’une mere. La même expérience nous apprend de plus, qu’une ruche eft fournie de mâles avant que les vers qui doivent devenir des meres, foient en état de fe transformer. Dès que les mouches fémeiles fortent de leurs cellules, il y a dans la ruche plus de mâles qu’il n’en faut pour les féconder. La ruche dont je viens de parler avoit en tout cinq gâteaux de cire pofés parallèlement les uns aux autres. Je fus curieux de compter, mais groffiérement, le nombre de leurs cellules; c’eft-à-dire, qu’en prenant des termes moyens de longueur & de largeur, je réduifois chacun de ces gâteaux de forme irrégulière, à un gâteau de ligure reétangle. Suivant ce calcul groflicr dans lequel je ne crois DES I N S E C T E S. X. Mem. 563 pis m’être trompé par excès, le nombre des cellules alloit à plus de cinquante mille. De ces cinquante mille cellules, il y en avoit plus de vingt mille pleines de couvain ; c’eft-à- dire, pleines, foit d’œufs, foit de vers, f'oit de nymphes. La mere avoit cependant le ventre rempli de plufieurs milliers d’œufs, d’autant de milliers qu’il pouvoir en con¬ tenir, & de beaucoup d’œufs prêts à être pondus. C’eff de quoi je fus infiruit malgré moi ; en la pouffant mal adroitement pour la faire entrer dans une ruche vitrée, je lui crevai le ventre ; des œufs auffi gros que ceux qui font dépofés dans les cellules, fortircnt par la bleffure. 11 n’y avoit pas d’efpérance qu’une pareille pJaye pût être guérie, aufîi n’héfitai-je point à la faire périr fur le champ: je lui ouvris le corps; & ce fut ^ilors que je vis qu’il étoit plein d’œufs en tous états. Une partie confidérable, & pro¬ bablement la plus confidérable partie des mouches de la riche, c’eft-à-dire, de plus de vingt-huit à vingt-neuf mille, devoit fa naiffance à cette mere ; elle l’avoit donnée à plus de vingt mille autres mouches qui étoient encore dans les cellules fous la forme de couvain; &. cependant, elle avoit le corps plein de plufieurs milliers d’œufs. Voilà line fécondité bien étonnante. Parmi les cellules, il y en avoit environ deux mille cinq cens vingt de celles où les vers qui deviennent des mâles prennent leur accroiffement ; & plus de la moitié de ces cellules étoit occupée, foit par des vers, foit par des nym¬ phes dans lefqueiles ils s’étoient transformés. Nous avons dit ci-devant qu’on avoit trouvé fept cens mâles dans cette ruche; il auroit donc dû y en avoir plus de deux mille. 11 eft bien furprenant que tant de mâles foient deftinés à fi peu de fémelles, & naiffent pour être tous tués au bout de quelques femaines. Des ruches,quoique peu peuplées d’abeilles ordinaires, ne laiffent pas d’avoir un allés grand nombre de males. Bbbb ij 564- Mémoire pour l’Histoire Après avoir compté les abeilles ordinaires d’une ruche que j’avois baignée, je ne lui en trouvai que deux mille neuf cens, 6c je lui trouvai quatre cens cinquante mâles. Ces mâles vivroientbien plus long-temps qu’ils ne font, ils pafFeroient l’hiver comme le paffent la mere6c les abeil¬ les ouvrières, fi celles-ci ne les condamnoient pas6c ne les mettoient pas à mort. Car quoique nous ayons dit que nous n’avions pas trouvé un feul mâle dans les ruches que 'nous avions baignées, foit dans l’automne, foit en hiver, foit au commencement du printemps, il y a quelquefois des ruches où il en refie dans toutes ces faifons, 6c on n’a pas befoin d’en baigner les mouches pour les y trouver. On les en voit fortir 6c on les y voit rentrer. Ce que nous avons voulu établir 6c ce que nous avons bien prou¬ vé, c’eft que les mères peuvent être extrêmement fécon¬ des, quoiqu’elles foient huit à neuf mois fans avoir de communication avec des mâles ; il femble même que de vivre avec eux pendant ces huit à neuf mois, 11e puiffeque nuire à leur fécondité. Il arrive, quoique très rarement, que les abeilles ouvrières 11e parviennent pas à les tuer tous dans le temps, quelles défeipérent peut-être d’y pouvoir réuffir; 6c quelles le refolvent aies laiffer tranquilles. Alors elles paffent avec eux l’automne 6c au moins une partie de l’hiver. Ce fait, quoique rare, eft connu de ceux qui font commerce de mouches à miel ; mais loin qu’ils augurent bien par rapport à la multiplication, des ruches où des mâles font refîés dans un temps où il ne devrait pas y en avoir, ce font des ruches fur lefquellcs ils ne comptent plus 6c qu’ils regardent comme perdues. Ils crovent que les mâles mangent tout le miel des abeilles; ils en man¬ gent affurément; mais une ruche bien pleine de miel, aurait de quoi en fournir pendant l’hiver 6c le commen¬ cement du printemps, aux abeilles 6c aux faux-bourdons. I! y a donc lieu de croire qu’ils nuifent à la ruche de des Insectes. X. Mem . 565 quelqu’autre façon. Il fe pourroit faire qu’ils empêchaffent que l’ancienne mere & les nouvelles meres qui y naiffent, ne fuffent fécondées au printemps & au commencement de l’été; en un mot, dans le temps où elles ont befoin de l’étre. S’ils 11’étoient pas auffi indifférents qu’ils nous l’ont paru dans le dernier Mémoire, on pourroit croire, que trop vieux pour contribuer à la génération, ils empêchent les jeunes mâles de s’approcher des reines. Peut-être y a- t-il plus que cela; peut-être que les œufs font altérés dans le corps des meres qui vivent trop long-temps avec des mâles, que les embryons de ces œufs périfTent. Ce ne font là que des conjeélures, & qui probablement relieront toujours conjeélures ; mais ce que je fçaisde cer¬ tain , c’efl que j’ai eu trois ruches, & chacune des trois dans une année différente, où des mâles en grand nom¬ bre relièrent en vie pendant l’automne & pendant partie de l’hiver, & que je les perdis toutes trois de la même manière. Une de ces ruches m’avoit donné au commen¬ cement de Juin , le plus fort effaim que j’aye vu. Après qu’il fut parti, lorfque j’examinai les mouches qui avoient demeuré dans l’ancienne habitation , j’y crus voir autant de faux-bourdons que d’autres abeilles. Le nombre de ceux-ci, au moins, étoit peu inférieur au nombre de celles- là. Inutilement entrepris-je d’aider aux ouvrières à les dé¬ truire. J’en tuai plus de cinq cens , & ce ne fut pas a Ifes; ils vécurent encore en grand nombre avec elles. Dans les beaux jours d’hiver & les premiers du printemps, les mou¬ ches de cette ruche aboient à la campagne comme celles des autres, & les mâles y aboient quelquefois avec elles. Mais le printemps n’étoit encore gueres avancé, quand il m arriva un matin de trouver la ruche défcrtc ; fes mouches favoient abandonnée. Tout fe paffa de même par rapport aux deux autres des trois ruches dans lefquel- les beaucoup de bourdons s etoient confervés pendant Bbbb iij S-^V 566 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE l’hiver, elles furent meme abandonnées de meilleure heure; l’une le fut dès le commencement de Février, & l’autre à la fin du même mois. Ce n’étoit pourtant pas parce que les provisions manquoient, que les abeilles lé déterminè¬ rent à quitter la dernière. Elles y laifiérent plus de douze livres de très-bon miel. Le nombre des ouvrières que j’y trouvai mortes, n’alloit pas à trente ou quarante; les autres étoient parties avec la mcre.-Le nombre des mâles morts furpafîoit quatre à cinq fois celui des ouvrières mortes. M. de Moraiec Lieutenant d’artillerie à Saumur, & du génie inventif duquel on a des preuves dans le Recueil des machines approuvées par l’Académie, a imaginé une ma¬ nière fimple& fûre de détruire tous les mâles d’une ruche dans le temps où ils ne peuvent plus que nuire. Il a ima¬ giné de mettre devant les trous qui permettent aux mou- $. fig. ches d’entrer dans leurs ruches, des efpéces de portes *. Chacune efi faite d’une petite lame de fer blanc coupée quarrément, & dont un des bouts efi roulé pour laiffer paffer un fil de fer fur lequel la porte peut fe mouvoir. * Eig- î- Le même fi! de fer peut porter plufieurs portes pareilles*, autant qu’il y a de trous allignés par lelquels les abciiles peuvent entrer. On arrête le hidefer qui efi chargé de tou¬ tes les portes, à une hauteur telle qu’une abeille ordinaire puifle pafler librement fous la porte; mais de manière aufii que ce.te difiance foit trop petite pour le volume du faux-bourdon : celui-ci pourtant ne laiffe pas de fortir aifément quand il le veut ; il foûieve la porte; légère comme elle l’efi, elle lui fait peu de réfifiance. Mais s’il efi aile au faux-bourdon de la loûlever pour fortir, il n’en efi pas de même pour rentrer. C efi une foûpape qui peut être pouffée vers le dehors de la ruche, & qui 11e peut l’être vers le dedans, elle efi arrêtée par le bois. Tous les mâles qui font une fois fortis de leur ruche, 11e peuvent donc plus efpérer de rentrer ; Si on efi maître de les tuer # des Insectes. X. Mem. 5 67 pendant qu’ils font des efforts inutiles pour y parvenir, ou de les Lifter tuer par ies abeilles ordinaires. EXPLICATION DES FIGURES DU DIXIEME MEMOIRE. Planche XXXV. La Figure 1 eft celle d’un camail propre à mettre à couvert contre les piquûres des abeilles, le vifage, la tête ëi la col de celui qui eft obligé de les inquiéter, & même de les irriter, m, mafque de crin, c’elî-à-dire, de toile à tamis, c, c, cordons qui fervent à attacher une des man¬ ches fur un des bras, dd, cordons propres à tenir le camail appliqué bien exactement fur la poitrine. La Figure 2 repréfente un de cesféchoirs, au moyen defquels l’on relfuye & l’on ranime les abeilles qui ont été tirées du bain comme mortes. Les parois de ce l'échoir font faites d’une toile à tamis, étendue & affujettie fur un bâtis d’ofier. En g, finit le bâtis d’ofier. go, peut être appelléle col du féchoir. Ce col pourroit être plus long qu’il ne l’eft ici, & il n’en feroit que plus commode. 11 efi à propos de mettre un anneau de fil de fer auprès de fon ouverture 00; il la tient ronde dans les temps où l’on veut faire entrer les abeilles, & ce qui importe plus, dans celui où on veut les faire fortir du féchoir. Le cordon cc, fert à lier le col du féchoir, afin que les abeilles qui ont repris vigueur, n’en puiflent fortir que lorlqu’on le leur permet. p,p, poignées qui mettent en état de manier le féchoir fans rifque, lors même que les abeilles font deve¬ nues très vives. La Figure 3 montre le bâtis du féchoir fur lequel la toiie à tamis peut être appliquée & arrêtée comme elle l’eft dans la figure 2. $ 6 $ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Les Figures 5 font voir Je ces portes ou foûpapcs que M. de Moraiec a imaginé de mettre aux ruches dont on veut détruire les mâles. La figure q. a quatre trous ou¬ verts, & un feul couvert en partie par une foûpape. Les quatre trous de la figure 5, ont chacun leur foûpape. L’ouverture qui eft entre le bord inférieur du trou, & celui de la porte, fuffit pour laiffer paffer librement une abeille. Mais le faux-bourdon ne peut fortir qu’en foûle- vant la foûpape, & il ne lui eft plus poffible de la foulever quand il veut rentrer. La Figure 6 fait voir une ruche qu’on a renverfée fans deffus deffous pour faire paffer fes abeilles dans une autre ruche ; on l’a fait entrer en terre jufqu’en rr, pour la main¬ tenir ainfi renverfée. Dans la Figure 7, une ruche ff dans laquelle on veut loger les abeilles, a été pofée fur la ruche de la figure 6. La Figure 8 repréfente les ruches rr,& ff de la figure précédente, entourées à leur jonétion d’une grande fer- viette liée autour d’elles avec de la ficelle; & cela pour fermer tous les paffages que les abeilles pourroient trouver. La Fig. 9 fait voir la ruche ff.de s figures précédentes, pofée fur l’ancien appuy de la ruche rr; beaucoup de mou¬ ches y font déjà entrées, & d’autres continuent à s’y rendre. La Figure 1 o eft celle de la ruche r r, des figures 6,7 & 8, dont la plûpart des mouches ont été châffées, & dont celles qui reftent fortent pour s’acheminer vers la ruche ff 11 n, eft une nappe fur laquelle la ruche r, a été lécouéc./r, planche difpofée en manière de pont pour abbréger le chemin aux mouches qui font en route pour fe rendre à la ruche f f La Figure 11 repréfente un cuvier plein d’eau, dans lequel une ruche a été baignée. Les abeilles flottent fur l’eau de ce cuvier. ONZIEME /Cju/zW /Aii* des Insectes. XI. Mem. 569 * dÜlt&tCJüï'X,*JC&CK& ONZIEME MEMOIRE , DE CE QUI SE PASSE DANS CHAQUE ALVEOLE D’UNE RUCHE Depuis qu’un œuf y a été dépofé, jufques à ce que le ver fort i de cet œuf parvienne à être une abeille. N Ous devons retourner à ces alvéoles dans le fond de chacun defquels nous avons vû * que lamere avoit laide, ou, pourainli dire, planté un œuf ; car nous avons fait remarquer que cet œuf, qui a cinq à fix fois plus de longueur que de diamètre, n’a d’appuy que par un de fes bouts; il eft en l’air, il s’en faut même peu qu’il ne foit parallèle à l’horifon *. C’eft une pofition dans laquelle il ne refteroit pas, s’il n’y étoit retenu par quelque efpéce de colle ; mais il eft fi leger que la colle la plus foible, un peu de miel épais, fuffiroit pour l’affujettir. Pour peu que l’épingle avec lequel on en détache un, foit mouillée, il s’y tient dans la pofition où on l’y a mis * : à la vérité, il n’y eft pas auffi folidement arrêté qu’il i’cfl au fond de fa cellule. Ses deux bouts font arrondis; l’un des deux * eft plus gros que l’autre *. C’eft le fupérieur, le plus éloigné du fond de la cellule, qui eft conftamment le plus gros; preuve encore que la mere abeille n’a pas eu befoin d’être attentive à lui donner des appuis. Sa figure n’eft pas droite, il a un peu de courbure. Ces œufs font d’un blanc un peu bleuâtre qui tire fur le girafol. Ils n’ont pour enveloppe, comme ceux de tant d’autres efpéces d’infeéles, qu’une Tome V . C c c c * Mémoire IX. * PI. 36. fîg. 1. 0. * Fig. 2. * b. 570 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE membrane flexible; l’œuf lui-même l’efl, on peut le plier prefque en deux, & lui faire reprendre cnfiiite là première flgure. A la vue Ample, & même avec une loupe de trois à quatre lignes de foyer, il paroît extrêmement lifle; mais fi on le confidére avec un microfcope qui grolfllfe extrê¬ mement , on apperçoit un travail qu’on croit fur fa fur- face, & qui eft peut-être dans fon intérieur. Swammer- dam a dit qu’il paroît alors comme s’il étoit couvert d’écailles. Ce que j’ai vu, c’efl que près de les bouts, il y a des traits droits qui forment des eljpéces de lozanges très-allongés. Jufques ici nous avons fait entendre que la mere ne îaifloit qu’un œuf en chaque cellule. C’efl pourtant une réglé qui fouflre des exceptions, & le cas où elle en fouffre efl aifé à prévoir. Si la mere preflee par le befoin de pondre, ne trouve pas autant de cellules vuides quelle a d’œufs dans le corps qu’elle n’y peut plus retenir, il ne lui refle d’autre parti à prendre, que d’en dépofer plufieurs dans chaque cellule. J’ai vûaufli quelquefois,des cellules qui en avoient deux, quelques-unes qui en avoient trois, & d’au¬ tres qui en avoient jufques à quatre. La première fois que j’obfervai des cellules dont chacune contenoit plus d’un œuf, ce fut dans une petite ruche où j’avois mis une nacre avec trop peu d’ouvrières; à peine en avoit elle fix cens à fon fervice; & elle eût eu befoin d’y en avoir autant de milliers qu’elle y en avoit de centaines. Le petit nombre de mouches ne put fournir à conflruire autant de cellules que la mere avoit befoin d’en avoir à fa difpofition. Plu- heurs de celles qui furent conflruites furent même rem¬ plies du miel néceflaire pour vivre au jour le jour. Dans ie peu de cellules dont la mere put difpofer, elle mit prcL que par-tout les œufs deux à deux. Je ne pus fuivre ce qui arriva à ccs œufs, car la mere & fa petite troupe des Insectes. XL Mem. 571 abandonnèrent la ruche, & peut-être la mere ne l'aban¬ donna-t-elle que pour tâcher de fe faire recevoir dans une autre mieux peuplée, & où elle pût pondre à Ion aile. Avant que j’aye été bien inftruit de toutes les atten¬ tions qu’il fâiloit avoir en baignant les abeilles, j’ai perdu un grand nombre de celles à qui je faifois foûtenir cette opération : dans une ruche que j’avois affés mal peuplée, des abeilles qui m’étoicnt reliées d’un bain mal fait,& où pourtant je mis bien le double des mouches qu’il y avoit dans l’autre ruche dont je viens de parler, celles que j’y établis ne purent encore conflruire le nombre de cellules que la fécondité de la mere demandoit. Aulft en vis je un matin plu fieu rs qui avoient deux œufs, & quelques- unes qui en avoient jufqucs à trois. La mere qui fçavoit apparemment ce qu’elle devoit fe promettre de mieux pour l’avenir de fes ouvrières, n’abandonna pas fa ruche. C’ell de quoi je fus fort content, parce que j’étois curieux defçavoir ce qui arriverait aux œufs furnumeraires. Une cellule ne peut fervir qu’à élever un ver, deux, & à plus forte raifon, trois vers y feraient mal à leur aife. 11 vient un temps où l’infeéle fous fi première forme, ou fous celle de nymphe, remplit la cellule en entier. Les abeilles qui fçavent cela, comme elles fçavent tout ce qu’elles ont befoin de fçavoir, & qui, comme nous le verrons dans l’inftant, prennent un grand intérêt à la vie des vers, re¬ marquèrent apparemment les cellules où trop d’œufs avoient été dépofés; elles n’en laifferent qu’un dans cha¬ cune. Au bout de 24. heures je 11e vis plus qu’un œuf dans plufieurs des cellules où j’en avois vu deux ou même trois; & au bout de deux jours toutes n’en avoient qu’un feul. Dans ces deux jours beaucoup de cellules nouvelles avoient été çonftruites ; mais je 11e fçais fi les abeilles 5 Jl MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE avoient porté dans quelques-unes de ces nouvelles cellit- ies les œufs quelles avoient ôtés aux anciennes. Se fuffent- elles contentées de tirer les œufs furnumeraires de chaque cellule, les euffent-elles abandonnés à leur mauvais fort, elles euffent toûjours fait une a c ‘ pointe écailleufe 6c jaunâtre. Ils font fi exactement appli¬ qués contre le contour de la tête, qu’il ne leroitpas pof- fible de les y dillingucr, fi on n’avoit les deux mains libres pendant qu’on les regarde à la loupe; c’eft-à-dire, li 011 n’avoit fur le nez une de ces lunettes à loupe dont nous a/^ns enleigné ailleurs à fe fervir, qui donnent l’ulàge d’une main de plus. Swammerdam à qui ce fccours man- quoit, avoué naturellement qu’il n’a pu bien voir les par¬ ties de la tête de ce ver; 6c cela, ajoûte-t-il, faute d’une main qui pût les écarter les unes des autres; car l’une de fes mains étoit occupée à tenir le ver, 6c l’autre à tenir la loupe. Mon nez étant chargé de la loupe, j’ai eu la main néceffiaire pour éloigner avec la pointe d’une épingle , un des crochets du contour de la tète contre lequel il étoit appliqué. En deffious de la tête * on trouve la levre inférieure; * Fî g . 19. la partie*qui en fait le milieu s’élève jufques à la levre* f fupérieure 6c même par-deffius, comme s’élève la levre d’une bouche humaine dont la mâchoire inférieure fe Dddd ij 580 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE porte trop en devant. Le bout de cette partie eft comme taillé quarrément; il a quelquefois lui-même l’air d’une efpéce de bouche; je-veux dire qu’en certains temps, on y voit une cavité obiongue formée par des chairs pliffées; mais quelquefois il fort de cette cavité, une pe¬ tite lame charnue qui eft taillée quarrément. Nous prou¬ verons bientôt que ces fortes de vers fçavent filer, & c’ell dans cette lame charnue que la filière ell placée. Les deux Pi. 36.%. autres parties * de la levre inférieure, celles qui en font les côtés, diminuent infenfiblement de grofteur en s’é¬ loignant de leur bafe; elies fe terminent par des pointes fines, roufteâtres, dures & comme écailleufes. Ces poin¬ tes font peut-être des infiruments utiles au ver, lorfqu’il place les fils de foye qu’il tire de fa filière. Elles ont aiïfîi à leur face intérieure au-deffous de la pointe, comme deux à trois petites dentelures jaunâtres & écailleufes. La *f partie * qui eft entre celles-ci & la plus confidérabie de la levre inférieure, eft appellée la langue par Swammerdam ; ce feroit une langue qui fe trouveroit en entier hors de la bouche. Les conformations des infeéles ont des cho^s plus bifarres; mais on peut trouver une vraye langue dans, la cavité de la bouche, à des infeéfes qui ont une partie femblable à celle dont nous parlons. De-là il fuit qu’elle ne doit encore être prife que pour la plus confidérabie partie de la levre de nos vers d’abeilles, dont nous ne fiçaurions gueres nous promettre de voir la vraye langue. Celle-ci eft apparemment dans la cavité qui fe trouve entre la levrefupérieure& l’inférieure, cavité que Swam¬ merdam ne fcmble pas avoir connue; & cela encore, faute d’avoir eu la facilité de féparer les unes des autres, les parties de la tête pendant qu’il les oblervoit. Avant que de quitter cette tête, nous y devons faire Fig. 10. },i, remarquer deux petits globes * dont il y en a un de chaque des Insectes. XL Ment. 581 côté , environ à (Mance égale du bout antérieur & du bout pofïérieur. Iis l'ont auffi blancs que le relie, mais plus luifants, & on ne peut les prendre que pour deux yeux ; ils font l’un & l’autre dans un enfoncement qui leur fait une efpéce d’orbite. Les vers les plus gros & les plus blancs , ont tout du long du dos *, depuis la tête jufques à l’anus, une raye jaunâtre: quoiqu’elle femble être fur la peau , elle n’y elt pas réellement ; la peau ne paroît colorée que parce quelle laide voir le conduit des aliments qui elt étendu en ligne droite, & rempli d’une matière d’un jaune fauve. C’elt apparemment la blancheur du relie du corps, & fon air douillet & dodu qui ont tenté Swammerdam, & qui lui ont donné envie de fçavoir quels goûts avoient ces vers. Je m’en luis d’autant plus volontiers rapporté à fon expé¬ rience, qu’il dit leur avoir trouvé un goût trèsdéfigréa- ble, femblable à celui du lue pancréatique des poilfons, & qui, ce qui en donnera une idée à plus de gens, laide au gofier une imprelfion femblable à celle du lard rance. Sous le ventre *, on croit voir de didance en didance, des plis plus blancs que le rede, difpofés parallèlement les uns aux autres, & tranfverfalement. O11 ed porté à croire, que ce font ceux qui fe font dans les endroits où le ver fe courbe. Quand on examine ces prétendus plis de plus près, on reconnoît que ce font des vaideaux, qui pour être d’un blanc argenté, ont plus d’éclat que le blanc de tout le rede du corps & que celui de la peau au travers de laquelle ils paroident ; en un mot, que ces vaideaux font des trachées. On peut s’en convaincre aifément;on paflera fous l’un d’eux la pointe d’une épingle, & on le forcera de s’élever au-dediis de la peau déchirée; alors on verra que le vaideau qu’on a enlevé, a confervé fa fon¬ dait' , quoiqu’il foit ouvert, Si qu’il a une blancheur Dddd iij * PI. 3 6. fig. 11. * Fig. ï 2» t, t, t. 582 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE argentée; deux caraéléres qui diflinguent les trachées des autres vaiffeaux. Si même 011 tire de fuite deux ou trois de ces vaiffeaux hors du corps du ver, quelqu’un d’eux 6c peut-être tous les trois, feront voir que leur flruélure * Tome IV. efl telle que nous avons trouvé celle des trachées * des i'A "22 'fo. vers aquatiques qui donnent les mouches à corcelct }Z • armé, 6c telle que nous avons dit alors qu’il y avoit apparence qifétoit la flruélure de toutes les trachées des inlèéles. Nous avons prouvé que les trachées de ces vers aquatiques étoient faites d’un fil cartilagineux d’une pro- digieufe fineffe, roulé en fpirale , comme le lil d’argent dont on fait ces ornements appelles cannetilles ou bouil¬ lons ; on voit que la flruélure des trachées des vers des abeilles, efl la même. Le tuyau qu’on a brife pour l’élever au-deffus de la peau , laiffe paroître à un de fés bouts, un fil qui s’efl dévidé 6c qui lé dévide davantage li on parvient à le prendre entre fes doigts, 6c qu’on le tire enfui te. *PI Les fligmates * de ces vers, quoique très-petits, 6c quoi- iz-ft/JAc’ que dépourvus d’un rebord jaunâtre qui aide à faire diflin- guer ceux de divers infeéles,ne font pas difficiles à trouver; on 11’a qu’à fuivre une trachée tranfverfale *, elle aboutit de chaque côté tout auprès d’un ffigmate. On trouve de la forte la fuite des fligmates de chaque côté ; la ligne fur laquelle ils font rangés, efl marquée par une trachée qui va de la tête à la partie poflérieure. C’cfl fur ces deux longues trachées que font pofés immédiatement les fligma¬ tes ; d’auprès de chacun de ceux-ci part un tronc de tra¬ chée très-court, mais auffigros que les trachées tranfver- fiiles du ventre; il s’élève vers le dos 6c jette deux bran¬ ches déliées, qui elles-mêmes fourniffent des ramifica¬ tions. Endefiôusdu ver, près de fa tête, on voit des trachées * t. des Insectes. XL Mem. 583 qui forment diverfes ondes ; on diftingue de plus d’autres ondes blancheâtres formées par des parties intérieures vûes au travers de la peau. L’anus du ver eft à fon dernier anneau, & n’eft deftiné qu’à rendre peu d’excréments ; jamais il n’en rejette lors¬ qu'on tient le ver entre fes doigts; c’eft pourtant un temps où les vers qui ont à fe vuider, ne manquent guéres de le faire. Dans les ftaifons favorables à l’accroiiïèment des in- feeftes, j’ai remarqué des cellules où la mere abeille venoit pondre. J’ai enfuite obfervé au bout de huit jours, que chacune de ces cellules étoit remplie par un ver qui n’avoit plus befoin de prendre d’aliment, c’elt-à-dire, qui n’avoit plus à croître : d’où il fuit que tout le croît de chacun de ces vers avoit été fait en moins de fix jours, puifquenous avons vu que ce n’eft guéres que deux jours après que l’œuf a été pondu que le ver en fort. Dès qu’il naît il fe roule, mais le rouleau qu’il forme alors eft li petit qu’il laiffe bien du vuide entre fa circonférence & les parois de la cellule. Bientôt, c’eft-à-dire, au bout de deux jours ou environ, ce vuide eft rempli : ce même rou¬ leau formé par le ver s’applique contre le contour de la portion de la cellule, à laquelle il répond. D’ailleurs le ver étant devenu plus long, un feul tour ne fuflit plus pour la longueur de fon corps. La tête fe trouve pofée au-deiïùs du pénultième anneau. Ses autres dimenfions doivent augmenter, & augmentent en même temps. Or puifque dès les premiers jours le rouleau étoit un rouleau plein, le corps que fa pofition empêche de s’étendre du dos vers le ventre, ne peut s’étendre que vers les côtés; il eft forcé de prendre une figure applatie *. La coupe * PI. 36. %, d’un anneau qui, dans les premiers temps étoit circulaire, 7 & eft alors ovale. J’ai fouyent ouvert des cellules qui avoient 5S4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE été détachées des autres, & elles me fembloicnt contenir deux vers pôles l’un fur l’autre,parce que je n’imaginois pas qu’un leul ver roulé pût occuper une aulfi longue portion d’une cellule que celle qu’il occupe quand il eft applati ail point où le roulement demande qu’il le foit ; mais dès que j’avois ôté ce ver de place, & que je l’avois mis en quelque forte en liberté, l'on corps reprenoit de la rondeur. 11 vient donc un temps où le ver doit le trouver mal à fon aile d’être roulé, & où il doit chercher à lé mettre dans une autre pofition, à s’allonger. Ce temps arrive quand celui où il doit le métamorpholèr pour la première fois, cil proche. C’eftauffi alors que les abeilles qui jufques- là lui avoient apporté des aliments convenables, celfent de lui en donner qui lui feraient inutiles. Elles connoilfent qu’il n’a plus befoin de manger ; & elles longent à le mettre hors de rifque d’être inquiété dans fon alvéole, où il ne doit plus même avoir de communication avec l’air extérieur. Le dernier des foins quelles prennent pour lui, eft celui de le renfermer dans fa petite loge, d’en murer, pour ainfi dire, l’ouverture avec de la cire. Pluficurs abeilles travaillent à la fois , ou les unes après * PI. 36.fig. les autres, à faire un couvercle de cire * à la cellule, & c Wc 7 ' C> ‘ l Appliquer exactement fur les bords, ceux - ci lui fervent d’appuis. Ain fi lever fe trouve renfermé dans une efpéce de boite de cire fcellée hermétiquement. La manière dont les abeilles s’y prennent pour faire le couvercle de cire, ne fuppofe rien que nous ayons befoin d’expliquer; la façon en eft plus fimple que celle des cellules exago- nes, & la même que celle des couvercles des cellules à miel. C’eft après que le ver a été ainfi renfermé dans fa cel¬ lule, qu’il fe déroule, fe redrefle & s’allonge. Julques-là, il n’avoit eu d’autre peine que celle de manger. Son corps avoit des Insectes. XI . Mem . 58? avoit été dans le plus parfait repos ; mais les befoins de l'on état futur demandent qu’il commence à travailler. La peau qui le couvrira lorfqu’il fera nymphe, elt apparem¬ ment plus délicate que celle qui le couvre pendant qu’il eft ver; elle ne doit pas être expofée lorfqu’elle eft nou¬ velle &excefîivement tendre, à toucher immédiatement les parois de la cellule ; le ver fonge à les tapiffer de foye; il fçait filer comme le fçavent les chenilles. C’eft un fait qui a échappé à M. Maraldi, & qui pouvoit très-bien échapper à un bon obfervateur, mais que Swammerdam n’a pas ignoré. Je crois feulement que ce dernier a fait filer lever de trop bonne heure; il l’a mis à l’ouvrage avant que l’alvéole eût fon couvercle de cire; & il m’a toûjours paru que le ver 11e commençoit à filer qu’après qu’il avoit été renfermé de toutes parts. La portion de la toile qu’il ourdit, qui fe trouve à l’ouverture de la cellule, pour- roit être gâtée par les abeilles qui mettent le couvercle de cire, fi elle étoit déjà faite alors, comme Swammerdam l’a voulu. Malgré toute l’adreffe que nous fçavons aux abeilles, il ne paroît nullement poffible qu’elles pufïent parvenir à appliquer la cire auffi parfaitement qu’elle eft appliquée fur toute cette portion de la toile; au lieu que le ver ne fait là que ce qu’il fait ailleurs quand il couche & colle exactement fur le couvercle, des fils de foye très- proches les uns des autres , & qui fe croifent. La toile de foye que file notre ver, eft extrêmement fine & extrêmement ferrée; elle fuit exactement toutes les faces & les angles de la cellule à laquelle elle fert, pour ainfi dire, de chemife. On pourrait très-bien ne pass’ap» percevoir qu’une cellule eft tapiffée de cette toile, fi on le contentoit de lui ôter fon couvercle & d’en confidérer le dedans avec des yeux qui ne feraient aidés du fecours d’aucun verre. Mais fi on vient à brifèr une cellule dans Tome V • Eeee * PI. 3 6. fig. ij. cfcd. 58 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOÏRE toute fa longueur, ou plutôt à en brifer plulieurs à la fois, & cela,en rompant un gâteau rempli de celles dont chacune a un ver ou une nymphe, & qui font toutes fermées par ieur couvercle de cire ; les calibres du gâteau font voir alors plulieurs cellules ouvertes longitudinalement; & on remarque que le ver ou la nymphe de chaque cellule, ne paroît qu’au travers d’une pellicule rouffeâtre *. Cette pel¬ licule 11’a rien de commun avec les parois de cire qui ont été rompues ; plus flexible & d’ailleurs forte, elle s’eft décollée de deflus la portion de la cellule qui a été em¬ portée par le déchirement. En rompant ainfi des cellules, on fe convainc donc aifément que chaque ver a foin de lapider la fienne d’une toile de foye; mais on en pourrait rompre, & c’eft même ce qui arrivera le plus fouvent, qui feroient juger que le ver file une enveloppe qui efl beaucoup plus épaifle que nous ne l’avons laifle imaginer, & qui efl réellement cinq à fix , peut-être huit à dix , & peut-être vingt fois plus épaifle. Aufli n’eft-elle pas l’ouvrage d’un feul ver; elle n’efl pas une enveloppe Ample ; elle efl compoiée de plu- fieurs toiles qui ont été miles les unes fur les autres. Nous avons déjà dit que moins de trois femaines après que le ver efl né, il efl èn état de fortir de fa loge fous la forme de mouche. L’habitation qu’il laifle vuide efl nettoyée fur le champ par les abeilles, & efl rendue aufli propre qu’elle Tétoit d’abord, à fervir à élever un autre ver; la mere abeille y peut venir & y vient pondre. Le fécond ver qui habite çette cellule, y file comme le premier y a filé, avant que de fe métamorphofer. La même cellule peut donc être tapiflee d’une nouvelle toile de foye piufieurs fois dans une année; & lorfqu’une ruche a fubfifté pendant plulieurs années, il y a telle cellule qui a fervi fucceflive- anent d’habitation à bien des yers, & qui par conféquent? des Insectes. X/. Mem. 587 a rcçû fucceffivement bien des îoiics de foye. Elles font fi minctÿ qu’il en faut un grand nombre d’appliquées les unes lur les autres avant que le logement en foit rendu fenfiblement plus étroit. On pourroit s’affûrerdu nombre des vers qui le font transformés en mouches dans chaque cellule, fi on le donnoit la patience de féparer les unes des autres les pellicules qui s’y trouvent, car elles font féparables. La cellule qui en a plufieurs, loin d’en valoir moins, eft plus forte & plus folide que les autres; elle eft moins en rilque d'être brifée que celles qui ne font que de cire ; la tapifferie eft ici capable de foûtenir les murs. Pour féparer d’une cellule l’enveloppe, foit fimple, foit compofée, dans fon entier, Swammerdam a eu recours à lin moyen un peu long, mais commode; c’eft de tenir pendant quelques jours la cellule dans l’efprit de vin ; il agit fur la cire, & fait quelle ed bien moins adhérente à la toile de foye qu’elle n’y eft naturellement. M. Maraldi qui avoit oblèrvé la pellicule ou l’afTemblage de pellicules qui recouvre une cellule, ne s’en étoit pas fait une jufte idée; il a cru que chaque pellicule fimple étoit la dépouille que le ver avoit laiffée lorlqu’il s’étoit transformé: iln’avoit pas affes penfé combien il eût été difficile que cette peau fè fût moulée exactement dans les angles que forment les pans de hexagone; car il n’y a que le fond de la cellule qui prenne un peu de rondeur, où les arrêtes des angles foient effacées par les toiies. Au refte, s’il eût ouvert plu¬ fieurs cellules bouchées récemment, il fèroit parvenu à en obferver dont l’intérieur auroit été tapiffé, quoique le ver eût encore fa première forme; ainfi, il fe fût convaincu que ce n’eft pas de fa dépouille qu’il la.tapiffe; il auroit pu auffi furprendre le ver occupé à filer. Enfin, fi on examine au microfcope ou feulement avec une forte loupe cette pel¬ licule , malgré fon tiffu ferré on reconnoît qu elfe eft Eeee ij 588 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE faite de fils très-déliés, appliqués les uns contre les autres, & que fa ftruélure cfl toute autre que celle d’uncjteau. Ce n’efl pas feulement par la forme de leurs cellules que les vers qui fe doivent transformer en fémelles, font traités avec difiindtion ; nous venons de dire que plu- fieurs œufs de ceux d’où doivent naître des abeilles ordi¬ naires, font fuccefïivement pondus dans la même cellule; mais on donne une cellule neuve à chacun de ces œufs plus précieux d’où doivent éciorredes vers qui devien¬ dront des meres. Les obfervations que j’ai faites le prou¬ vent. Je n’ai jamais trouvé une cellule royale tapiffée que d’une feule toile de foye; & j’ai vii les abeilles détruire les cellules royales dans lefquelles des fémelles étoient nées, ou n’en laiffer que les fondements fur lelquels elles élevoient des cellules exagones. Enfin, ce qu’ellesavoient confervé de chaque cellule royale fe trouvoit dans la fuite .entièrement renfermé dans l’intérieur d’un gâteau. Ce que nous avons dit ailleurs.* de la pofition la plus ordinaire à ces cellules, fait voir que les abeilles font dans la néceffité de les détruire, fi elles veulent prolonger les gâteaux de cire du bord defquels elles pendent. Je rapporterai une feule obfervation, qui prouve inconteftablement cette deftruélion des cellules royales. Je baignai une ruche qui m’avoit donné l’année précédente deux effiims, & tle la¬ quelle il n’en étoit point encore forti le 6 de JuiHet de l’année où elle fut baignée. Après avoir examiné fes g⬠teaux les uns après les autres, je 11’y pû trouver aucune cellule royale; elle en avoit pourtant eu au moins deux l’année précédente. Plufieurs couches de fils de foye ap¬ pliquées fucceffivemcnt fur les parois de la même cellule exagone, la rendent moins fragile; mais les cellules royales font fi folidement confinâtes, que la multiplication des couches de foye leur feroit très-inutile. des Insectes. XI . Mem . 5g 9 Je dois faire remarquer que les abeilles fe donnent bien de garde de porter au ver plus d’aliments qu’il n’en peut confommer Avant que de Hier fa coque, il achevé de man¬ ger toute l'a provifion de gelée; ainfi, il rend le fond de fa cellule net & fec : on ne voit pas même qu’il y foit refié d’excréments. Après avoir rendu fon logement propre, après l’avoir tapiffé de foye, il continue de lè tenir allongé; le temps où il devoit être roulé efl fini. Il paffe un jour ou plus tout étendu; & enfin, le moment arrive où il va changer d’état, où il fe défait de la peau fous laquelle il paroiffoit ver, pour devenir nymphe *. Nous avons parlé il au long en différents endroits, delà manière dont s’ac¬ complit la métamorphofe des chenilles en crifalides, & celle des vers de divers genres qui doivent devenir des mouches à quatre ailes, en nymphes incapables de véri¬ table mouvement progrefîif, qu’il l'eroit très-inutile que nous nous arrêtaffions à décrire comme fe fait le change¬ ment d’état du ver d’abeille. On fçait affés que fa peau doit fe fendre fur le dos, que la nymphe fort peu à peu par la fente qui s’y efl faite, quelle force cette peau à aller en arriére, que la nymphe s’en tire toute entière; & que dès quelle s’efl défaite de cette enveloppe, on lui peut trouver toutes les parties extérieures d’une abeille, les antennes, les jambes & la trompe qui font ramenées en devant du côté du ventre ; & que ces parties n’ont plus befoin que de prendre de la confiftance pour être en état de fournir à tous les ufages auxquels elles font deflinées. Ces faux-bourdons, ces mâles que les abeilles maffacrent impitoyablement dans le mois de Juillet, quelquefois un peu plutôt & quelquefois un peu plus tard, ont été l’objet de leurs foins pendant qu’ils prenoient leur accroiffcmcnt fous la forme de vers qui ne différoient que par leur Eeee iij * Pî. 3 6.fig. 14. 590 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE grandeur, de ceux qui deviennent des abeilles fans fexe. Ces dernières leur portent les mêmes aliments quelles portent aux autres vers, & avec la même aflkluité; & enfin, quand il y en a quelqu’un de prêt à fe métamorphofer, elles ont aufi'i l’attention de mettre un couvercle de cire à fa cel¬ lule. Quand les cellules où ils font ne le feroient pas difiin- guer des autres par leur grandeur, on les reconnoîtroit . fig. parla forme du couvercle *. Ce couvercle efi une calotte c > c ' fenfiblement plus relevée en dehors que n’efi celle d’une cellule de ver qui doit devenir une abeille ordinaire. On voit dans certains temps des gâteaux entiers ou des por¬ tions de gâteaux dont toutes les cellules ont de ces cou¬ vercles relevés. Les vers qui doivent devenir des faux-bourdons, naifi- fent d’œufs femblabies à ceux d’où lortent les vers qui doivent devenir des abeilles communes, mais peut-être un peu plus gros. Ces premiers vers avoient befoin de cellules plus grandes que celles des autres , parce qu’ils fe transforment en des mouches dont la grandeur furpalfe confidérablement celle des abeilles ouvrières. Quoique ces mouches mâles foient confidérablement plus grandes que les autres, M. Maraldi rapporte qu’il trouva dans une ruche dont on avoit fait périr toutes les mouches, un grand nombre de faux-bourdons qui n’étoient gu ères plus gros que des abeilles ordinaires. Il m’eft arrivé une ieufe fois de voir de ces petits mâles, & j’en ai même conlèrvé un dans mon recueil d’infeélesfecs. Dès qu’on n’en trouve pas ordinairement de ceux - ci dans les ruches, en quel¬ que faifon qu’on les v cherche, il y a plus d’apparence que quelquefois des mâles refient petits par quelque cir- conftance qui s’efi trouvée contraire à leur accroifi'ement, qu’il n’y en a qu’ils foient une cfpéce particulière rie faux- bourdons. Nous avons parlé des cas de néceflité où la des Insecte s . XI. Man. 591 mcre abeille clépofe deux & même trois œufs dans le même alvéole, ne peut-il pas auffi arriver que les abeilles ouvrières ne faffent pas à temps les grands alvéoles dans lefquels les vers mâles peuvent croître à leur aife, ou que ceux qui font faits fe trouvent tous remplis de miel î Alors la mere abeille feroit obligée de dépofer dans des cellules ordinaires les œufs qui donnent naiffance à des vers qui fe transforment en mâles ; le corps de chaque ver étant trop & trop tôt ferré par les parois de fa cel¬ lule, ne pourrait parvenir à prendre le- volume qu’il au¬ rait pris dans une plus grande cellule. L’amour des abeilles ordinaires pour les vers nés dans leur ruche, eft alfés marqué par les foins & les attentions quelles ont pour eux ; mais il m’a paru curieux de fçavoir ficet amour s'étendrait jufques à des vers qui auraient pris nailfance dans une autre ruche ; & nous verrons dans la fuite que j’avois même raifon de fouhaiter que cela fût. J’ai donné aux abeilles de plufieurs ruches, des portions de gâteaux que j’avois tirées d’autres ruches, & dont les cel¬ lules étoient remplies de couvain en tous états. Les unes l’étoient d’œufs, d’autres de vers nailfants, d’autres de vers très-gros, de vers dont les cellules étoient bouchées de cire. D’autres cellules de ces mêmes portions de gâteaux contenoient des nymphes de différents âges, c’eft-à-dire, de celles qui n’étoient nymphes que depuis peu de temps,. & de prêtes à devenir mouches; Si enfin on y en pouvoir trouver de tous les âges moyens. Les nymphes n’ont plus befoin du fecours des abeilles ordinaires; elles font devenues des mouches dans la nouvelle ruche où elles ont été tranfportées, Si ont augmenté le nombre de celles qui l’habitoient. Mais je n’ai point vu les abeilles de cette ru¬ che prendre foin des œufs Si des vers nés dans une autre ruche ; elles ont même traité ces derniers avec la plus 592 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE grande barbarie; elles les ont arrachés de leurs cellules, 8 c les ont jettés hors de la ruche; elles les ont fait périr im¬ pitoyablement. Dans bien des circondances, je les ai vû traiter avec îa même cruauté des vers nés parmi elles-mêmes. Lorf- que quelque accident fait tomber un gâteau ou quelque portion de gâteau remplie de couvain, fur le fond d’une ruche qui n’ed pas bien pleine, on voit les abeilles s’at¬ trouper deffiis; elles ne font grâce à aucun des vers qui fe trouvent dans des cellules ouvertes, elles les en tirent, les tuent & les vont jetter au loin. Elles peuvent être excu- fables alors, peut-être même méritent-elles d’être louées. C’ed un ouvrage au-deffus de leurs forces que celui de re¬ mettre le gâteau dans fon ancienne place; & dès qu’il rede où il ed tombé, il n’ed peut-être pas poffible d’entretenir autour des vers le degré de chaleur qui leur ed néceflaire; ils périroient à la longue de froid ; les abeilles aiment mieux leur donner une mort prompte, que de les laider languir trop long temps. Elles agiffent pourtant de la même manière dans un autre cas, où loin de me paraître dignes des éloges que M. Maraldi leur adonnés, elles me femblent plus difficiles à judifier. J’ai vû tomber des gâteaux pleins de couvain en tous états fur le fond d’une ruche extrêmement pleine de gâteaux 8 c d’abeilles; elles s’affembloient, comme l’a dit M.Maraldi, fur laportion qui étoit tombée; mais loin d’en foigner les vers, comme il a pcnfé qu’elles le faifoient, elles n’épargnoient que ceux des cellules fermées : elles pouvoient pourtant entretenir autour d’eux une chaleur fuffifante; mais une autre raifon apparemment ne leur per- mettoit pas d’efpérer qu’ils vindent à bien. Les cellules qui, quand elles étoient dans leur première pofition, avoient leur axe prefque horifontal, l’avoient alors vertical ; les vers des Insectes. XL Mcm. 595 vers fe trouvoient donc dans une polit ion fort différente de celle où ils avoient été, & dans laquelle il n’étoit peut- être pas poffible qu’ils achevaffent de prendre leur accroif- fément, & qu’ils le transformaffent. Enfin, il arrive quelquefois que les abeilles de certaines ruches , arrachent les vers des alvéoles, qu’elles les tuent & quelles en tranfportent les cadavres au loin, quoiqu’il ne (oit arrivé aucun dérangement aux gâteaux, quoiqu’ils foient tous reliés dans leur place. Un tel procédé elt affu- rément bien étrange, & s’accorde mal avec l’affeétion ten¬ dre que les abeilles montrent généralement pour les vers de leur habitation. Néantmoins il elf apparemment fondé fur des raifons que nous trouverions bonnes, fi les abeilles pouvoient plaider leur caufe devant nous. Entre celles que j’en imagine, la trop grande fécondité de la mere en peut être une ; lorfqu’elle va à un tel point que prefque tous les gâteaux de la ruche font remplis de couvain, dans un temps qui invite à faire une abondante recoite de miel; alors pour trouver où mettre le miel dont il cil nécefîaire que les abeilles de cette ruche fe fournifTent, elles font contraintes de vuider les cellules remplies par les vers, il faut qu’elles fe réfolvent à les tuer. Car après tout, la première chofe efh de fonger à donner de quoi vivre à tout le peuple de h république. Ç a été auffi dans un temps où des abeilles pouvoient faire facilement, & en peu de jours, de grandes récoltes de miel, que je leur ai vû tuer des vers qui eux-mêmes dévoient être bientôt des abeilles ouvrières. Elles peuvent encore faire un carnage de ces vers, dans une autre circonftance, fans mériter qu’on leur en reproche la cruauté, fçavoir, lorfqu’elles font en li grand nombre dans leur ruche, qu’elles trouvent à peine à s’y tager, & que leur mere ne met point au jour des œufs d où des femelles doivent fortir, ou que ceux de Tome K . Ffff 594 MEMOIRES pour l’HistqJre cette efpéce qu’elle a pondus ont mal réuffi. Des mou¬ ches qui raifonneroient & prévoiroient, & nous avons affés de preuves que nos abeilles agi (fient comme fi elles raifonnoient & prévoyoient, voyant qu’il n’y a pas lieu d’attendre qu’une colonie pût être conduite hors de la ruche, concluraient à empêcher le nombre des mouches de s’y multiplier trop ; elles verraient la néceflité de fa cri- fier au moins une partie des vers qui doivent devenir des mouches, aux mouches qui ont toute leur vigueur. Enfin, des raifons peut-être encore meilleures que nous ne fça- vons pas deviner, les forcent a cette cruauté. Nous ne fçavons pas h des vers qui nous parodient bien condi¬ tionnés, ne font pas attaqués de quelque maladie; h les abeilles dans lefquelles ils lé métamorphoferoient, ne fe¬ raient pas trop foibles, &c. J’ai penfé qu’il pourrait y avoir une ci;confiance oit les abeilles prendraient foin des vers nés dans une ruche étrangère, içavoir, lorfqu’après leur avoir ôte tous ceux qu’elles avoient vu naître, on ne leur donnerait à foigner que des vers qui devraient leur naiffance à une reine ou mere à elles inconnue. Ce ferait un étrange projet, •& qui ne pourrait tomber que dans.l’efprit d’un tyran exé¬ crable , que celui de fe donner le fpecfacle de faire palier réciproquement tous les habitants d’une grande ville dans une autre, en les obligeant de laiffcr chacun dans leurs maifons, toutes leurs provifions, tous leurs meubles, & jufques aux enfants à la mammelie; d’obliger, par exem¬ ple, tous les habitants de Roüen , de laiffer leurs maifons dans l’état où elles font, pour aller s’établir dans celles d’Orléans dont les habitants auraient été chaffés, pour aller occuper à leur tour les maifons abandonnées à Rouen. Sans être trop barbare, on peut imaginer de fe donner un fpedacle du même genre avec des ruches. Il peut des Insectes. XI. Alan. 595 paraître curieux de voir ce qui fe pafferoit fi ioriqu’apres avoir chaffé toutes les abeilles d’une ruche, après les avoir forcé d’abandonner leurs gâteaux de cire pleins de miel & de couvain en tous états, on obiigeoit les abeilles d’une autre ruche de fortirde leur habitation pour aller s’établir dans la première ruche dont les mouches auraient été chaf- lées, &qui fe trouverait bien pourvue de tout ; & enfin, fi en échange on donnoit aux premières mouches la féconde ruche garnie de gâteaux faits par les mouches qu’on aurait établies dans la première ruche. J’ai tenté de faire cet échange entre des mouches qui étoient dans des ruches en panier. Je fis paffer de la manière dont je l’ai expliqué * ail- * Mm, leurs & fans avoir recours à l’eau, les abeilles d’une ruche alfés fournie de gâteaux, dans une ruche vuide. Pour faire cette expérience, je m’y pris dès le matin dans le mois de Mars. Quand toutes ou prefque toutes les abeilles furent forties de la première j^iche, je forçai les abeilles d’une autre ruche bien pourvûe elle-même de gâteaux, à aller s’établir dans le logement qui venoit d’être abandonné, & où elles dévoient trouver tout ce qui leur étoil néceffaire. Dès quelles y furent entrées, dès que la ruche quelles habi- toient auparavant fut vuide, je fis faire un fécond démé¬ nagement aux abeilles que j’avois forcé d’abandonner la première ruche, à celles qui avoient été mifes dans la ru¬ che dépourvue de tout; je les fis paffer dans la ruche des mouches qui étoient en pofTeffion delà leur. Ainfi fut fait l’échange de ruches toutes meublées & auxquelles rien d’ef- fenticl ne manquoit, & il fut fait plus vite qu’on nefe l’ima¬ ginerait. Les manœuvres qu’il demanda furent finies en moins de cinq quarts d’heure. La faifon dans laquelle je le fis, n’etoit pas favorable à un déménagement de mouches. Les fecouffes qu’on donna aux ruches pour déterminer les abeilles à en fortir plus vite, détachèrent quelques gâteaux ; ' Lffifij 5 ]C )6 MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE le vuide en devint plus grand dans les ruches ; auffi y en eut -il une dont les mouches ne purent rélifter aux froids qui furvinrent au bout de douze à quinze jours, elles péri¬ rent. Les autres qui étoient en plus grand nombre & dans une ruche mieux fournie de gâteaux, foûtinrent ces mêmes froids. Au refle, les parois opaques de ces ruches, ne me permirent pas de voir à mon gré comment les abeilles le comportoient dans l’intérieur; mais j’eus tout lieu de croire qu’elles prirent en afleélion les vers qu’elles y trouvèrent; j’en ai une très-forte preuve. Si elles n’cuflènt pas voulu avoir foin de ces vers, elles les euffent laifle périr ; & fans attendre même qu’ils fuftent morts, elles n’euffent pas manqué de les arracher de leurs cellules & de les jetter hors de la ruche, ou au moins fur fon appui ; mais je ne pus trouver fur l’appui aucun ver, & je ne pus voir de mouches occupées à en tranfporter; ce qui prouve cjue les vers furent bien traités par les avilies. Je me promets de répéter la même expérience fur des ruches vitrées, fur lefquelles jhufte commencé à la faire, fi, lorfque je la fis, j’en euffe eu deux dont j’euffe pu difpofer. Si les abeilles ordinaires prennent non-feulement tant de foins pour élever les vers qui doivent leur devenir femblables, fi elles en prennent de pareils pour ceux qui doivent fe transformer en faux-bourdons , on penfe bien quelles font au moins auffi attentives aux vers qui fe doivent métamorphofer en fémelles ou reines ; que lorf¬ que ces derniers vers n’ont plus à croître, elles n’ou¬ blient pas de fermer leurs cellules avec un épais couver¬ cle de cire. Nous devons même rapporter une obfer- vation qui prouve qu’elles font tout avec profufion, lorfqu’il s’agit de ces vers. Nous avons déjà vu quelles dépendent plus en cire pour conftruire une cellule à cha¬ cun de ceux-ci, quelles n’en dépendent pour en conftruire des Insectes. XL Mem. 597 cent, ou cent cinquante, à des vers communs. Elles leur donnent auffi la nourriture avec plus de prodigalité. J’ai dit que lorfque les vers qui deviennent des abeilles commu¬ nes étoient prêts de fe transformer en nymphes, ou qu’ils s’y étoient transformés, on ne trouvoit plus au fond de leur cellule, de cette bouillie qui y elt portée pour les nourrir. J’ai ouvert plufieurs cellules devers qui deviennent des fe¬ melles , après que le ver y avoit été renfermé, & j’y ai vû un volume de bouillie égal à celui du ver. Cette bouillie fem- bloit une cfpéce de ragoût affaifonné; je-lui ai trouvé un goût légèrement lucre, mêlé avec de l’aigre & du poivré. Dans les cellules royales dont les vers s’étoient transformes en nymphes, j’ai remarqué une plaque de cette bouillie allés épailfe, & qui avoit plus ou moins de confiftance, félon qu’il y avoit plus ou moins de temps que la nymphe s’étoit tirée de la peau du ver. Ce relie d’aliment femble pourtant aulïi fuperflu aux nymphes qui doivent devenir meres, qu’à celles qui de¬ viennent des abeilles ouvrières; elles n’ont pas plus befein & ne font pas plus en état de manger les unes que les autres; il fembleroit même n’être propre qu’à les incommoder. Mais quand on ouvre avec précaution une cellule * où cil une de ces nymphes royales renfermée *,on voit que fon logement a plus de capacité proportionnellement que celui des autres nymphes, qu’elle ne le remplit pas à beau¬ coup près. C'elt contre le fond, c’cft-à-dire, contre le bout fupérieurdela cellule qu’eft appliquée la couche de bouillie qui n’a pas été mangée; & entre cette couche & le derrière de la nymphe, il relie un grand vuide. Sa tête elt à l’autre bout tout près du couvercle. Nous devons encore remarquer ici combien la nature a voulu que dès leur naiflance les femelles fulTent diftin- guées des autres abeilles. Au lieu que les nymphes de Ffff iij * PI. 3 6 . tig I 5 . U II. * 11 . 598 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE celles-ci font pofées prelque horifontaiemcnt,& ont même la tête un peu plus élevée que le derrière, les nymphes royales font poièes verticalement ayant la tête en embas. Le pian de l’anneau que forme un ver ordinaire, roulé dans fa cellule, efi vertical; & le plan de l’anneau du ver qui doit devenir mere, efi horiforîtal. Tout cela fuit de la dif¬ férente difpofition des cellules des uns & de celles des autres. Entre des cellules d’où des meres étoient forties, j’en ai trouvé qui avoient été ouvertes par le côté, mais plus ordinairement elles le font par le bout. L’ancienne mere 11 attend pas à pondre un œuf dans une cellule royale, julques à ce que les mouches ordinaires aycnt donné à cette cellule toute la longueur qu’elle doit avoir. J’ai vu des vers dans quelques-unes qui avoient encore la figure *PI. 32. fig. d’un calice de gland *. K Nous avons déjà dit que lorfque le couvercle de cire a été une fois mis aune cellule, le ver qui y eft renfermé, de quelque efpéce qu’il foit, n’a plus befoin de fecours étrangers; il file, il fe transforme enfuiteen nymphe qui d’abord efi extrêmement blanche. Par la fuite, lés yeux prennent une teinte de rouge qui devient de plus en plus forte , & des poils grifâtres paroiffent fur le corps & fur le corcelet. Quand toutes les parties de la nymphe ont ac¬ quis la confifiance qui convient aux parties d’une mou¬ che , alors l’abeille efi en état de paroître au jour. Elle commence par fe défaire de l’enveloppe mince, d’une efpéce de voile blanc qui tenoit toutes fes parties exté¬ rieures emmaillotées ; enfuite elle fait ufage de fes dents pour s’ouvrir une fortie qui lui permette de quitter un logement qui efi devenu pour elle une prifon. Avec une de fes dents elle perce le couvercle de cire de la cellule environ vers le milieu; cllefaifit enfuite entre cette même des Insectes. XI. Mem. 599 dent Si l’autre une petite portion de cire ; elle la hache; elle la fait tomber ; elle a prife alors pour continuer de hacher peu à peu le couvercle, d’aggrandir l'ouverture commencée. A rpefure que cette ouverture devient plus grande, on voitparoître une plus grande portion de la tète. Enfin, au bout de deux à trois heures , iorfque la mouche naiftante eft vigoureufe, & Iorfque la faifon eh favorable, clleparvient à rendre l’ouverture fuflifantc pour lui permet- tre de fortir. Des mouches moins fortes , Si dans des jours peu chauds, font quelquefois plus d’une demi-journée à y parvenir. Cet ouvrage même eft au-deffus des forces de quelques-unes; il y en a qui périffent dans leur cellule aprèsy avoir fait une ouverture par laquelle leur tête feule ou une partie de leur tête peutpafter; c’eft ce qui n’arri- veroit pas fi, commeSwammerdam la cru, les abeilles qui ont mis les couvercles venoient les ôter dans des temps où loin d’être néceiïaircs, ils ne font plus qu’incommodes. Mais Swammerdam n’avoitpu que deviner fur cet article, n’ayant point eu de ruches vitrées, les feules qui peuvent donner la facilité de voir les abeilles en travail. Quand donc la jeune mouche eft parvenue à avoir affés ouvert fa cellule, elle en fait fortir fa tête & enfuite fes premières jambes qu’elle cramponne fur les bords du trou, & fur lefquelles elle fe tire en avant. Bientôt les autres jambes font à portée de fortir à leur tour; Si alors elle n’eft pas long-temps à dégager le relie de fon corps. Elle paroît toute entière à découvert; die fe pofe fur fes fîx jambes fur le gâteau de cire, affés près de la cellule quelle vient de quitter. Ses ailes achèvent de fe déplier Si de s’affermir : fon corps Si toutes fes parties extérieures font encore mouillées ; mais quand l’air chaud de l’intérieur de la ruche ne fuffiroit pas pour les féchcr vite, elles 11e refteroient pas long-temps humides. Les abeilles qui 6 qo MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE apperçoivent celle qui vient de naître, le rendent autour d’elle, & femblent lui marquer la joye qu’elles ont de la voir, par de bons offices; deux ou trois fè placent autour d’elle , la lèchent & l’efïuyent fucceffivement de toutes parts avec leur trompe; quelques-unes même la lui pré- fentent pleine de miel qu’elles ont dégorgé. ■ Prefique dans le même temps d’autres abeilles qui voyent la cellule qui vient d’être abandonnée, cherchent à la re¬ mettre en état de recevoir un nouvel œuf, en état de fervir à élever une autre abeille, ou à la rendre un valè propre & net , & dans lequel du miel puiffe être dépofé.M.Maraldi afliïre avoir obfervé une cellule dans laquelle cinq œufs fu¬ rent pondus fucceffivement,& defquelsfortirent cinq abeil¬ les en moins de trois mois. La mouche nouvellement née a laiffé dans la cellule deux dépouilles, celle qui lui donnoit d’abord la forme de ver, & celle qui la faifoit paroître une nymphe. Cette cellule eft bientôt apperçûe par une an¬ cienne abeille qui ne tarde pas à y entrer la tête la pre¬ mière ; elle faifit avec fes dents une des dépouilles ; elle lort auffi-tôt, & va la tranfporter hors de la ruche. Une autre abeille entre fur le champ dans la même cellule, & retire la fécondé dépouille pour la tranfporter au loin. Enfin, plu- fieurs abeilles qui entrent les unes après les autres dans cette même cellule, ôtent toutes les petites ordures qui peuvent y avoir été laiffées; tels font les fragments de cire qui y font tombés, lorlque le couvercle a été percé. Mais elles ne donnent aucune atteinte à la tenture de foye dont le ver en a tapiffé les parois avant que de fc métamorphofer ; elle ne nuit en rien à l’intérieur, & rend la cellule plus lolide. D’autres abeilles achèvent en même temps doter tout ce qui peut refier du couvercle, de bien dreffer, de bien unir tous les bords du contour de la cellule; en un mot, elles la mettent dans l’état d’une cellule des Insectes. XI. Mem. 601 cellule nouvellement cond uite, tant elles la réparent avec foin. Mais retournons à l’abeille que nous avons vû naître; elle eft ailée alors à diftinguer des autres par fa couleur; celle des vieilles abeilles dt plus roulfe, la fienne dt plus grilâtre ; les anneaux de cette dernière font plus bruns; les poils qui l'ont couchés deffus, & ceux des autres parties lont blancs: le blanc des poils joint au brun noir des anneaux forme la couleur grilâtre. A mefure que les abeilles vieillilfent, leurs poils deviennent de plus en plus roux, & le brun des anneaux s’éclaircit; tle forte que les différences de nuances, mettent en état quel¬ qu’un qui a occafion de voir fouvent des abeilles, de diltinguer les jeunes de celles d’un âge moyen, & de diltinguer même celles-ci des vieilles. L’abeille qui vient de naître, a le ventre gros ; fi on l’ouvre, on le trouve très plein de miel ; elle a donc encore celui quelle avoit pris lorfqu’elle avoit la forme de ver ; aulfi avons-nous remarqué que le miel fcmble entrer dans la compofition de la dernière bouillie qui eft donnée au ver. Peut-être même que les abeilles, outre la bouillie, lui donnent du miel avec leur trompe; peut-être que comme les abeilles fe nourriflent de cire brute & de miel, le ver eft nourri de miel & de bouillie. A peine toutes les parties de la jeune abeille font aftes delféchées, à peine fes aîles font-elles en état d’être agitées, qu’elle fçait tout ce quelle aura à faire dans le refte de là vie. Qu’on ne s’étonne pas quelle foit fi bien inftruite, & de fi bonne heure; elle l’a été par celui même qui l’a formée. Elle l'emble fçavoir qu’elle eft née pour fa focieté, Si quelle doit travailler à s’acquitter des foins qu’on a pris pour elle ; elle marche fur les gâteaux, S< cherche à aller jouir du grand air. D’autres abeilles qui lortent Tome V. . G g g g 602 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE continuellement de la ruche, lui apprennent où font les portes ; elle ne manque pas de guides qui lui montrent le chemin. Comme les autres elle Tort de l’habitation com¬ mune, & va comme elles chercher des Heurs ; elle y va feule, 8 c n’eft point embarraffée enfuite de retrouver la route de la ruche, même quand elle y veut retourner pour la première fois. Ce ne font pas l'es feuls befoins qui la déterminent à voler fur les plantes. Nous avons déjà vû fes compagnes lui offrir du miel ; û elle va donc en puiferdans le fond des fleurs ouvertes, c’efl moins pour s’en nourrir que pour commencer à travailler pour le bien commun, pour en ramaffer quelle puiflê porter dans les endroits où il eft mis en dépôt. Ce qui prouve bien que ce n’efl pas pour fon interet particulier quelle recueille du miel, c’efl que dès fa première fortie,elle fait quelquefois une récolte de cire brute. M. Maraldi allure qu’il a vû revenir à la ruche des abeilles chargées de deux greffes boules de cette matière, le jour même quelles étoient nées. Quand des abeilles ont commencé à naître dans une ruche, il n’en naît pas pour une chaque jour; il y a tel . jour où plus de cent fortent de leurs cellules. Des g⬠teaux, ou de très-grandes portions de gâteaux qui ne montroient que des cellules fermées, au bout de quatre à cinq jours n’ont plus que des cellules ouvertes, parce que les mouches qui y étoient renfermées en font forties. Alors la ruche fe peuple journellement, 8 c en quelques femunes le nombre de les habitants devient fi grand» qu elle peut à peine les contenir; c’efl ce qui donne lieu aux effaims qui fourniront la matière du Mémoire fuivant» des Insectes. XI. Mem. 603 EXPLICATION DES FIGURES DU ONZIEME MEMOIRE. Planche XXXVI. La Figure 1 repréfente un alvéole Je cire, grofti Couvert tout du long, pour faire voir un œuf J’abeiile attaché par un Je fes bouts contre le fond, cc, l’alvéole ouvert, o, l’œuf. Dans la Figure 2, un œuf d’abeille o b, eft vû plus groiïr que dans la figure i. b, fon petit bout, qui ici eft co'lé contre l’épingle, & qui efi celui que l’abeille colle contre ie fond de la cellule. Les Figures 3 & 4 font celles d’un des vers qui fe trans¬ forment en abeilles ouvrières, à peu près de la grandeur à laquelle il parvient quand il a pris tout fon accroiftement. Il eft vû de côté & par-defifus, figure 3, & par-deftbus, figure 4. /, fa tête. La Figure 5 eft une projection d’une cellule vue parle bout ouvert. Un ver roulé eft placé au fond de cette cellule. La Figure 6 nous montre auffi un ver roulé dans une cellule qui a été à moitié ouverte tout du long; mais le rouleau compofc du ver, n’cft pas ici parallèle au fond de la cellule, comme il i’eft naturellement. Les Figures 7 & 8 repréfentent encore deux portions de cellules ouvertes&groftiies, dans chacune defquelles eft un ver. Dans l’une & dans l’autre le ver eft vû par le dos. On peut remarquer que celui de la figure 8, forme un anneau plus large que n’eft l’anneau fait par le ver de la figure y, ôc par celui de la figure y Ce dernier qui a étéfuppofé pris dans un état où il avoit beaucoup à croître, rempliftbit déjà prefque toute la circonférence de la cellule dans l’en¬ droit où il étoit pofé. Dès que ce ver a crû en reliant toû- jours roulé, Ion corps a donc été forcé de s’élargir vers Gggg >‘j 6 04 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE les côtés, de former un anneau plus large tel qu’efi celui du ver de la figure 8. La Figure 9 fait voir par-defius, la tête d’un ver d’abeille extrêmement grofile. i, i, fes yeux, c, c, deux crochets qui s’appliquent contre la lèvre fupérieure./;/,/, les trois pièces, qui enfemble compofent la lèvre inférieure. Les pièces 1 , 1 , font terminées par des pointes brunes & écailleufès. f, la partie la plus confidérable de la lèvre inférieure, dans le bout de laquelle efi la filière. La Figure 10 montre par-defious, la tête qui efi vue par dcfïus dans la figure précédente. I, l,f, les trois pièces dont efi compofée la lèvre inférieure. 11 fort actuellement du bout de la partie/j une pièce coupée quarrément que le ver ne fait fortir que dans certains inftants. Les Figures 1 1 & 1 2 font en très-grand, celles du ver qui n’a que fa grandeur naturelle dans les figures 3 & q.. Il efi vû de côté & par-defius, figure 1 i,& par-defious, figure 12. a, fa tête./, f, f, figure 1 2, marquent trois des ftigmates; dans cette figure font trois trachées qui aboutifient aux trois ftigmates précédents. La Figure 13 repréfente un alvéole ouvert tout du long, cd c, bords de l’ouverture, df efi une toile defoye d’un brun clair qui renferme une nymphe. La Figure iq. efi celle d’une nymphe d’abeille vue du côté du ventre, & à peu près de grandeur naturelle. La Figure 1 5 montre de face un morceau de gâteau, dont la plupart des cellules font vuides; des abeilles ordi¬ naires qui y ont pris leur accroifiement, en font forties. c , c, quelques cellules qui ont encore leurs couvercles, & dans iefquelles des nymphes qui doivent devenir des abeil¬ les ouvrières, font encore renfermées, m ,abeille qui vient de fe dépouiller des enveloppes de nymphe, & qui a rongé le couvercle de fa cellule dont elle fc prépare à fortir. des Insectes. XI. Mem. 6 oj rf, eft une cellule royale, uu, portion de cire qui a été emportée pour mettre à découvert l’intérieur de cette cellule, n, la nymphe, qui doit devenir une abeille fé- melle. On voit quelle n’occupe qu’une partie afles pe¬ tite de la capacité de fon logement, où elle eft la tête en embas. La Figure 16 eft celle d’un morceau de gâteau qui r’eft compofé que de ces cellules dans lefquclles des vers qui doivent devenir des abeilles ordinaires croiftent fous la forme de ver. Plufieurs de ces cellules c,c,c, font actuel¬ lement fermées, m, abeille, qui après s’être transformée, & avoir rongé le couvercle de fa cellule, travaille à en for- tir, & en eft déjà fortie en partie, h, h, font des cellules, dont les ouvertures fe trouvent fur la face du gâteau op- polée à celle qui eft ici en vue. La Figure 17 repréfente un morceau de gâteau com- pofé de cellules, danslefqueiles croiftent les vers qui doi¬ vent devenir des abeilles mâles. La plupart des cellules qui paroiiïent ici, ont un couvercle. En comparant ces cel¬ lules avec celles de la figure i 5, on remarque non-feu¬ lement quelles font plus grandes que les autres, mais on voit de plus, que leurs couvercles ont une convexité que n’ont pas les couvercles ries autres cellules. Les couvercles des cellules à mâles, s’élèvent au-deffus des tords de l’ouverture. 0,0, quelques cellules ouvertes. En k k,é toit un bord du gâteau. On doit faire attention, que plufieurs des cellules qui s’y trouvent, ont des figures irrégulières. Quelques-unes qui ont fix côtés, les ont très- inégaux; d’autres ne femblent avoir que quatre ou cinq côtés, parce qu’un ou deux de leurs côtés font fi petits, qu’à peine peut-on les diftinguer des autres. L’endroit de la ruche où ces cellules étoient placées, n’étoit pas un de ceux où les abeilles cherchent à mettre à profit tout G SSg ii î 606 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE i’elpace; elles avoient négligé, comme elles négligent quel¬ quefois en pareils cas, la régularité de leur architecture, dans la conftrudion de quelques cellules qui n etoient deftinées qu a recevoir du miel. J’ai obfervé fouvent de ces fortes de cellules, placées hors des plans des gâteaux, qui avoient fix pans, dont deux des oppofés étoient égaux, & qui, enfemble, étoient à peu près aufli grands que les quatre autres pans pris aulft enfemble. i des Insectes. XII. Mem. 6 07 DOUZIEME MEMOIRE. DES ESSAIMS. L Orsque la faifon devenue plus douce a permis à une mere abeille de recommencer fa ponte qui avoit été interrompue pendant les froids de l’hiver, elle fait chaque jour un grand nombre d’œufs dont chacun vaut à la ruche une nouvelle abeille, qui y paroît au bout de trois femaines ou environ, & qui y eft en état de s’occuper aux différents travaux. Alors les pertes que la ruche avoit faites pendant l’automne & pendant l’hiver fe reparent; elle acquiert journellement de nouveaux habitants, elle fe repeuple. Mais ce n’eft qu’après quelle s’eft repeuplée de mouches ouvrières, que la mere pond des œufs qui doivent donner de ces mouches qui paffentdans l’oifiveté line vie affés courte, &. qui ne font deftinées qu’à rendre féconds les œufs que la même mere pondra par la fuite. Si ceux qui doivent être pondus par des meres qui naî¬ tront bientôt. Enfin , on revoit donc paroître des faux- bourdons ou mâles dans cette ruche qui avoit été huit ou neuf mois fans en avoir aucun. Quand les mâles s’y loin multipliés, quelques nouvelles fémeiles, ou une nouvelle fémclle au moins, n’efi pas éloignée du temps où elle doit fortir de la cellule dans laquelle elle a pris ion accroiffe- ment fous la forme de ver, & où elle eft encore lous celle de nymphe. De nouvelles mouches ouvrières fortent auffi chaque jour des leurs. La ruche le trouve fournie de mou¬ ches des trois fortes, & fe trouve quelquefois fi remplie d’abeilles ordinaires, que là capacité ne iuffit pas pour les loger à l’aife. * PI. 22. fîg S- 608 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Quand l’habitation eft devenue trop petite pour conte¬ nir tout Ton peuple, il convient qu’il en forte une colonie qu’on appelle un eiïliim, qui aille chercher ailleurs un éta- bliflement. Il faut qu’une partie des abeilles fe réfolve à fe féparer des autres, qu’il y en ait qui fe déterminent à quitter pour toujours leurs compagnes & l # 5 lieu de leur liai fiance. C'eft un paru pourtant quelles ne prendraient jamais fi elles n’y étoient déterminées par un chef, ou fi elles ne pouvoient fe promettre d’en avoir un; c’eft-à- dire, fi elles n’avoient à leur tête une reine propre à per¬ pétuer l’empire qu’elles vont fonder. Nous avons vu que lorfqu’elles font privées d’une reine capable de donner line grande poflérité, elles n’ont plus le courage d’en¬ treprendre aucun travail, qu’elles longent à peine à fe nourrir. Mais pendant que le nombre des abeilles ordi¬ naires femultiplioit dans la ruche, une ou même plufieurs fémelles y font nées ; & une feule fuffit pour conduire i’effaim. Quoique la trop grande quantité des abeilles d’une ruche puilfe être une des caufes qui déterminent une colonie à fe féparer du refie, ce n’eft donc pas une caufe qui y fuffife feule. J’ai eu plufieurs fois des ruches qui étoient très-pleines de mouches, & plus pleines qu’elles 11e pouvoient l’être, dont une partie des leurs étoient obli¬ gées de fe tenir dehors, ramaffées en peloton, fans que ces ruches ayent donné d’effaim. D’autres ruches, au- contraire, dans lefquelles il y avoit beaucoup de vuide, m’ont fouvent donné des effaims. Pour m’a durer même de ce fait, que ce n’eft pas précifément parce que les mouches fe trouvent trop à l’étroit dans leur ruche qu’el- les fe partagent, j’en ai logé dans des ruches d’une très- • grande capacité, telle qu’efl celle en tour quarrée * ; j’ai vû fortir un efTaim.de cette dernière ruche quoiqu’avant Ta fortie des Insectes. XII . Mem . 6 09 fi fortieplus des trois quarts de ia ruche fuftent vuides. S’il n’y a pas dans la ruche une jeune mere propre à mettre au jour une nombreufe poftérité, quelque grande qu’y foit a quantité des mouches,elles y referont toutes. Impatient de ce que des ruches exceffivement peuplées, ne m’avoient pas donné les eflaims que j’en attendois, &. curieux de fçavoir fi la caille n’en devoit pas être attribuée à ce que dans cha¬ que fociété compofée de tant d’autres mouches il n’y avoit qu’une feule mere, je baignai quelques-unes de ces ruches ; après avoir examiné à l’ailé & une à une, toutes leurs mou¬ ches, je ne trouvai efFeéîivement qu’une feule mere dans chacune de celles qui n’avoient pas donné d’elfaim. Mais forfqu’une nouvelle mere a quitté la dépouille de nymphe, en peu de jours clic eft fécondée & elle eft prête à pondre, & eft par conféquent en état de fe mettre à la têted’une troupedifpoféeàlafuivre. Divers contre-temps, dont piufieurs peuvent venir de la température de l’air, comme du froid, de la pîuye & du vent, font capables de retarder la fortie de l’eftaim. Je nefçais fi la jeune mere ne feroit pas prête à le conduire dès le jour même de la naiftance ou le lendemain. Au moins ai-je fait une expé¬ rience qui ne permet pas de douter qu’elle n’y foit pro¬ pre au bout de quatre à cinq jours. Une expérience curieufe rapportée dans le cinquième Mémoire, m’a appris ce fait, dont il ne fembleroit pas facile de s’alïiirer, parce qu’il n’eft guéres poflible, même dans les ruches dont la conftrudïion eft la plus favorable, de parvenir à voir naître une mere, & qu’elle y pourrait vi¬ vre pendant piufieurs mois fans qu’on l’y apperçût. L’ex¬ périence dont je veux parier, & d’une partie de laquelle feulement j’ai rendu compte, eft celle que je fis pour fçavoir fi la feule efpérance de voir bientôt naître une mere parmi elles, fuffiroit pour déterminer des abeilles Tome V . Hhhh 6lO MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE au travail. Je mis clans une ruche piatte quelques cellules où étoient renfermées des nymphes qui dévoient devenir des meres ; & je fis entrer dans cette ruche environ mille à quinze cens abeilles ordinaires , & à peu près une vingtaine de mâles. J’ai dit que ces mouches qui n’euf- fent fait aucun ouvrage fi, n’ayant point de mere, elles enflent été privées de l’efpérance d’en avoir une, avoient été détérminées à travailler, parce quelles pouvoient fe îa promettre. Elles travaillèrent néantmoins un peu mol¬ lement pendant deux ou trois jours, après lefquels elles parurent s’occuper avec ardeur à des ouvrages de toutes efpéces, comme à faire de nouvelles cellules, & à en remplir de miel. Je ne doutai pas alors qu’il n’y eût parmi elles, une fémelle nouvellement née; je ne parvins pourtant pas à la voir; mais elle fut vue par une perfonne qui en étoit aufli curieufeque moi, & qui fe connoifloit aufli-bien en meres: j’examinois chaque jour les cellules, & je ne pouvois cependant y appercevoir des œufs. Ces abeilles avoient été miles dans la ruche avec les cellules d’où des meres dévoient fortir le 18 Juin. Lorf- que j’allai les oblerver le r~j au matin, comme j’avois fait dans tous les jours précédents, je remarquai qu’elles for- toient en petit nombre de leur ruche, que celles qui y revenoient de la campagne, n’étoient point chargées. J’ouvris un des volets, & je vis au travers d’un carreau de verre, que tout y étoit dans un parfait repos. Jefoup- çonnai qu’il s’agifloit de quelqu’entreprifc confidérable, qu’elles vouloient tenter la grande aventure du change¬ ment d’habitation. Je fus encore plus confirmé dans ce foupçon, lorfque fur les onze heures je ne pus voir aucune mouche fortir de la ruche ni y entrer, pendant plus d’un quart d’heure. Je devois prévoir ce qu’annonçoit cette ànaétion fi générale. Les abeilles que je me fuis obfliné à des Insectes. XII. Mem. 6 11 ïoger tant de fois dans une très-petite ruche, 6c qu’elles fe font de leur côté obflinées à quitter, m’avoient appris quelles fe préparoient par la ceffation de tout travail, à aller chercher un autre logement. Ce fait eh un de ceux qui appartiennent à la l'ortie des elfaims dont nous trai¬ tons actuellement. Il n’y a point de ligne qui indique aulft fûrement qu i! y en a un qui fe difpofe à prendre l’elfor, que lorfque le matin à des heures où le Soleil brille 6c où le temps eh favorable au travail, les abeilles fortent en petit nombre d’une ruche dont elles fortoient en grande quantité les jours précédents, 6: quelles y rapportent peu de cire brute. Une telle façon de fe comporter l'emble forcer d’accorder à ces mouches plus d’efprit, 6 c de prévoyance qu’on ne voudrait ; elle embarrafîc extrêmement celui qui veut expliquer toutes leurs ac¬ tions par un pur méchanifme. Ne paraît-il pas prou¬ ver que dès le matin toutes les habitantes d’une ruche, ou prefque toutes, font inflruites d’un projet qui ne fera exécuté que vers midi ou quelques heures après î Car on demandera pourquoi ces mouches qui travaiiloient la veille avec activité, celfent-elles dès le matin de faire de l’ouvrage dans une habitation quelles abandonneront vers midi, ft ce n’ell parce qu’elles fçavent qu’elles la doivent abandonner! C’elt une hiftoire très-connuë que celle de ce vieux grenadier , qui étant dans un repos parfait pen¬ dant que fes camarades étoient occupés à établir leurs tentes, répondit à fon Général, M. de Turenne, qui le queftionna fur fa tranquillité, qu’il fçavoit bien que l’ar¬ mée ne devoit pas relier dans ie camp où elle étoit. Toutes nos mouches ou prefque toutes nos mouches, fcmhlent avoir prévu la marche que leur reine veut leur faire fùre, comme ce vieux foldat avoit prévu celle que le Général devoit faire faire à l’armée. H h h h ij 6 1 2 MEMOIRES POUR L’HiSTOiRE Pour revenir aux abeilles qui ont donné lieu à la der¬ nière remarque, je les lis veiller pendant le refte de la matinée du 27. A une heure & demie après midi on m’annonça qu’elles étoient toutes en l’air. On ne m’apprit que ce que j’avois compté qu’on m’apprendroit même plutôt. Je me rendis dans le jardin où elles formoient 1111 tourbillon que je vis s’approcher d’un poirier en builfon, fur une branche duquel elles ne tardèrent pas à fe ralïem- bler. Là, elles elTuyérent fur les trois heures, une grolfe ondée de pluye, & fur les fix heures, on les remit dans la même ruche quelles avoient abandonnée. Je n’elpérois pas trop de les y voir relier, quoique le luccès de l’aven¬ ture du jour eût dû dégoûter la mere d’en tenter une nouvelle. Le lendemain, elles ne parurent pas difpofées à demeurer dans un logement quelles avoient déjà quitté une fois; je ne les vis point aller à la campagne, ou très- peu y allèrent, & n’en rapportèrent point de cire brute. Je les fis donc veiller encore; & ce fut à midi & demi qu’elles prirent l’elfor une fécondé fois, & qu’on m’em avertit : j’arrivai dans le jardin pendant quelles étoient encore toutes en l’air. Le gros s’approcha d’un pommier en builTon, au pied duquel je me rendis ; je ne tardai pas à en voir qui s’arrêtèrent autour d’une de lès branches; je cherchai à y découvrir la mere; & je défefpérois déjà de l’appercevoir par l’épailfeur de la couche de mouches qui s’y étoit formée, lorfque j’en remarquai une plus grolfe que les autres qui arrivoit, & qui fe pofa fur une feuille diftante d’environ un pied de l’endroit où le gros fe réuniffoit.. Une douzaine d’abeilles vinrent fe placer autour d’elle. Cette mere étoit une des plus longues & des plus grolfes meres que j’aye vûes; bientôt elle quitta la feuille, elle le rendit fur la branche, & toute la troupe des mouches s’y réunit. des Insectes. XIL Mem . 6 13 Je longeai à les placer clans une autre ruche; mais je fus impatient d’examiner les gâteaux de celle quelles avoicnt abandonnée. Le nombre des cellules pleines de miel ctoit grand par rapport à celui des cellules qui n en avoient pas; mais ces dernières avoient des œufs ; j’en trouvai même jufques à quatre dans une feule cellule, & deux ou trois dans la plûpart des autres: d’où il fem- ble que ce qui avoit déterminé la mere à partir, ne- toit pas précifément un dégoût pour la ruche où elle étoit née & à laquelle rien ne manquoit, mais quelle avoit voulu tenter fortune pour trouver des ouvrières qui puffent fuffire à lui faire alfés de cellules pour loger les œufs quelle étoit prête à mettre au jour. Je fongeai à lui préparer un logement qui pût fuppléer à ce que les ouvrières n’avoient pû lui procurer; je fis difpofer dans une autre ruche plufieurs grands gâteaux de cire dont les cellules étoient vuides. Mais avant que la mere pût re- connoître l’état de cette ruche, avant que je l’y pufic faire entrer avec lès mouches, je les vis toutes partir au bout d’une demie-heure, de l’endroit où elles s’étoient pofées: elles s’élevèrent trop à mon gré; une partie pafia fur le mur du jardin ; elles prirent l’efTor au delfus du toit de la maifon ; je 11e pus les lu ivre des yeux ; & elles furent pour toûjours perdîtes pour moi. Le regret que j’eus de les perdre ne fut pas grand ; elles m’avoient appris une grande partie de ce que je fouhaitois fçavoir d’elles; que l’elpéranee de voir naître une mere fuffit feule pour empêcher les abeilles ordinaires de s’a¬ bandonner à l’oifiveté. Elles m’avorent appris de plus, qu’une mere eft en état de pondre cinq à fix jours après quelle sert tirée de fa dépouille de nymphe; car depuis que les abeilles dont il s’agit, furent miles dans la ruche, jufques à leur première fortie, jufques à celle du 27 Juin, Hhhh iij 6 14 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE il ne fe paffa que neuf jours. Il y en avoit au moins deux ou trois qu’elles y étoient quand la mere fut en état d’y paroître, de fortir de l’état de nymphe. Elle avoit fans doute déjà pondu des œufs le jour où elle fe détermina à aller chercher un autre établifTement ; ces œufs pou- voient avoir été pondus dès la veille. Ainfi, nous avons au moins trois à quatre jours à déduire des neuf, pour déterminer le nombre de ceux au bout defquels la mere commença fa ponte. Au relie, c’eft-là un de ces faits qu’on n’a pas befoin de fçavoir dans une plus grande précifion. Un autre fait dont j’aurois fouhaité être inftruit, c’efl fi les œufs qui avoient été pondus étoient féconds; fi les vingt mâles, ou à peu près, que je m’étois contenté d’accorder à cette mere, avoient autant opéré que l’euf- fent fait piufieurs centaines de mâles, plus d’un millier qui enflent vécu avec elle, fi elle fut née dans la ruche où elle devoir naître naturellement. Mais c’efl un fait dont je ne pus être inftruit, parce que je ne trouvai dans les cellules aucun ver éclos. Quoi qu’il en foit, il efl au moins vrai que la jeune reine efl en état de conduire un effaim hors de la ruche où elle efl née, quatre à cinq jours après quelle y a paru avec des ailes; & quand elle s’y détermine , fes œufs ont déjà été fécondés. C’efl ce que beaucoup de preuves con¬ courent à établir. Le plus grand nombre des mâles refie dans l’ancienne ruche; quelquefois on a peine à en trou¬ ver quelques-uns dans l’effaim, & quelquefois on ne peut parvenir à y en voir un feul. Enfin, dans une ruche où lin eflaim n’étoit établi que depuis aq. heures, j’ai fouvent obfervé des gâteaux dans les cellules defquels j’ai vû des œufs, & des œufs d’où des vers n’étoient pas long-temps à éclore. des Insectes. XII. Mem. 615 Dans différents pays les effaims fortent en différents temps; 6c dans le même pays , ils fortent tantôt plus tard 6 c tantôt plutôt, félon que la faifon a été plus ou moins favorable. Ceux des ruches qui étoient bien peuplées à la fin de l’hiver, paroiffent ordinairement plutôt que ceux des ruches qui étoient alors mal fournies de mouches. Dans ce pays, les ruches ne donnent guéres d effaims, ou, comme on les appelle encore, de jettons, que vers la fni-Mai pour le plutôt, 6c pour le plus tard, par de-là la mi-Juin. Plufieurs figues annoncent la fortie prochaine d’un effairn, ou en termes de l’art, qu’une ruche jettera ou effaimera bientôt. Les faux-bourdons qu’on voit paroî- tre dans la ruche, apprennent qu’elle devient en état de jetter ; 6c il ne faut pas s’attendre que celle où on ne peut découvrir aucune de ces mouches mâles, jette. Un autre ligne, mais qui, comme nous l’avons déjà dit, n’eft nul¬ lement infaillible , c’eft lorfque la quantité des mouches paroît très-grande, 6c trop grande dans une ruche; lorf- quelles femblent s’y trouver fi mal à leur aife, qu’une partie en fort 6c fe tient en dehors, foit contre le fupport de la ruche, lôit contre la ruche même; lorfqu’il y en a ainfi en dehors des tas d’ammoncelées à milliers les unes fur les autres. Mais le moins équivoque de tous les fignes, 6c qui annonce l’événement pour le jour même, c’eft lorfque les abeilles d’une ruche ne vont pas à la cam¬ pagne en auffi grande quantité qu’elles avoient coutume dy aller, quoique le temps fenible les y inviter. Dans les ruches qui efîaimeront bientôt, on entend le foir, 6c même pendant la nuit, un bourdonnement qu’on n’entend point dans les autres ruches. Tout femble y être dans l’agitation. Il arrive au contraire quelquefois que pour y entendre du bruit, il faut en approcher très-près 61 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’oreille, & qu’elle n’eft frappée que par des Ions clairs & aigus qui paroi dent n’être produits que par l’agitation des ailes d’une feule mouche. Ceux qui fçavent mieux que moi le langage des abeilles, ont dit des merveilles de ces fons; ils prétendent que c’eft la nouvelle reine qui fait ce bruit; qui harangue peut-être la troupe quelle veut engager à fortir, ou qui, avec une efpéce de trompette, les anime pour leur donner le courage de tenter une grande aventure. Charles Butler, l’Auteur de la Monar¬ chie féminine, donne une toute autre fignilication au bruit aigu & varié dont nous parlons. 11 dit qu’il femble que l’abeille qui afpire à devenir reine, fupplie la reine mere par des lamentations & par des gémiffements de lui accorder la permifïion de conduire une colonie hors de la ruche; que la reine ne fe rend quelquefois à de fi tou¬ chantes prières, qu’au bout de deux jours ; que quand elle y acquiefce, elle répond à la fuppüante d’une voix plus pleine & plus forte; que lorfqu’on a entendu la mere accorder cette permifïion, on peut efpérer dès le lendemain d’avoir un eflaim, fi le temps n’cfï pas contraire àfafortie. Enfin, les Auteurs qui ont traité des abeilles, pourroient fournir de quoi étendre beaucoup l’effay du Diétionnaire fur le langage des bêtes, qu’un ingénieux Auteur s’elt diverti à nous donner. Le même Butler, dont nous venons de parler, a déterminé toutes les modulations du chant de l’abeille fuppliante ; les différentes clefs fur lef- quelles elles fe font, & les fons dont elles font compofées ; & de même celles des chants de la reine mere. Il prétend qu’il n’eff pas permis à celle qui veut s’élever au rang fu- prême, d’imiter les chants de la fouveraine; malheur à la jeune femelle fi cela lui arrive; de ne le fait que par un efprit de révolte; elle en eft punie fur le champ par la perte de fa tête. L’ancienne reine fait plus, dans le même des Insectes. XII. Mem. 6 17 le même moment elle fait ôter la vie à plulieurs des abeilles qui avoient été réduites. Mais pour parler de faits plus certains, ces divers chants, ou ces fons plus ou moins graves, & plus ou moins aigus, que les abeilles font entendre, font produits par des coups plus ou moins prompts de leurs aîies contre l’air, & peut- être auffi par des coups donnés à l’air par leurs ailes dif¬ féremment inclinées; car leurs ailes font lesfeuls organes de leur voix ; elles trouvent toujours de l’air prêt à être frappé. AuiTi me paroît-il peu néceflaire d’avoir recours, comme l’a fait Swammerdam, à l’air que les fligmates peuvent fournir, éè il eft ailé de prouver qu’il 11e produit ici aucun effet. Il n’eft pas fûr que les fligmates laiffent fortir dans les temps ordinaires, même quelques bulles d’air, & il faudrait que des jets continus en fortifTent, & que ces jets fuffent modifiés par le trou même par lequel ils fortent. Les ailes ne ferviroient par leur mouvement, qu’à lui donner plus de modifications: or, fi cela étoit, une abeille dont les ailes auraient été coupées, nous fe¬ rait encore entendre des fons, qui, à la vérité, pourraient être différents de ceux de l’abeille pourvue d’ailes; mais au moins l’abeille qui aurait perdu les bennes, ne ferait pas rendue parfaitement muette, comme elle l’eff Ce n’eft guéres que lorfque le Soleil a échauffé l’air, que fur les dix a onze heures du matin, & jufques vers les trois heures après midi, que les effaims fortent des ru¬ che, &. cela félon l’endroit où elles fontpofées. Les mou¬ ches qui font dedans, & qui y font en trop grand nombre, y font naître une chaleur déjà confidérable. Lorfque cette chaleur eft augmentée par l’action du Soleil fur une ruche, ou fur fes environs, elles 11e la peuvent plus foûtenir. Celles qui étoient encore irréfolues, font alors déterminées à partir. Quelques heures d’un temps chaud & couvert, TomcV . I i i i 61 B Mémoires pour l’Histoire produilcnt aulfi l’effet qu’un coup de Soleil produit fur le champ. Ceux pour qui les ruches lont un objet digne d’attention, les doivent veiller dans les jours & aux heures que nous venons d’indiquer ; car il cil important d’etre prélent à la lortie de l’efTaim pour ne le pas perdre. Dans le moment qui précédé celui où il va partir, il fe fait un bourdonnement dans la ruche plus fort que les bourdonnements ordinaires; plulieurs mouches marchent avec vïteffe vers les ouvertures qui permettent d’en loi tir; elles lortent & prennent l’eîlor. Si la nouvelle reine cfb à la tête des premières qui font parties, ou h elle lis mit de près, dans i’inflant même d’autres abeilles marchent en foule après elle, & s’élèvent en l’air; dans l’inflant l’air des environs eli plus rempli d’abeilles, qu’il ne i’eft en certains jours d’hiver de gros flocons de neige. Enfin, dans bien moins d’une minute, dans quelques fécondés, toutes celles qui doivent compolcr l’elfaim abandonnent la ruche,&fe diljaerfent en l’air. Toutes ne femblent voltiger que pour examiner en quel endroit il leur convient de fe raifembler. 11 ne pa- roît pas que ce foit la reine qui faffe le choix du lieu. PI u fieu rs mouches auxquelles une branche d’arbre a plu, fe déterminent à venir le pofer deffus; elles y font fuivies de beaucoup d’autres. Les différentes forties des petites troupes d’abeilles de diverfes ruches où je les avois miles. Si fur-tout de la petite ruche vitrée où je les avois voulu faire relier contre leur gré, ces différentes forties, dis-je, ne dévoient pas différer de celles des effaims; Si il nous a été plus aile d’oblèrver ce qui fe paffoit parmi ces petites troupes d’abeilles, que dans îles elpéces d’armées de ces mouches. Ces petites troupes nous ont appris que la mere fe pôle auprès de la branche fur laquelle les abeilles fe raf- femblent ; & que ce n’efl que quand la couche qu’elles des Insectes. XII. Mem. 6 19 forment autour de cette branche s’eftépaiflie, que ia mcre va fe joindre au gros : dès quelle s’y eft réunie, le peloton déjà formé grofTit d’in fiant en inflant; les abeilles qui font encore répandues en l’air, fe preffent de fe rendre où font ies autres; toutes enfemble forment bientôt un maiïifcom- pofé de mouches cramponnées ies unes aux autres par les jambes, & plus ou moins gros proportionnellement à la quantité de celles qui font lbrties de la ruche. Quoi¬ qu’elles l'oient à découvert, elles s’y tiennent tranquilles; fouvent en moins d’un quart d’heure tout devient calme; & on ne voit guéres voltiger plus de mouches autour de l’effaim raffemblc, qu’on en voit autour d’une ruche or¬ dinaire dans un temps chaud & favorable au travail. C’eft ordinairement dans des jardins qu’on place les abeilles , afin quelles y trouvent au moins quelques fleurs à portée, quelles ne foient pas toujours obligées d’aller en chercher au loin. On court moins de rifquc de perdre les eflaims, lorfque ces jardins font plantés d’ar¬ bres peu élevés, tels que font ceux en buiffon,que îorf- qu’ils ne font remplis que de très-hauts arbres. Il y a tou¬ jours à craindre pour l’eflaim quand les mouches qui le compofent s’élèvent beaucoup en l’air en fortant de la ru ch eide haut vol qu’elles ont pris, les engage à un vol plus long. Alors elles paffent ies limites du jardin où font les ruches, & fouvent elies vont plus loin que ne les peu¬ vent fuivre les yeux qui les ont vu partir. Quelquefois elies vont fi loin, que les recherches qu’on fait pour re¬ trouver l’eflaim, deviennent inutiles. Un moyen générale¬ ment connu, & qui réuflit afles fouvent, de faire defeen- dre celles qui prennent un eflor trop haut, « 5 c qui fe tien¬ nent trop élevées en l’air, c’ellde jetter vers elles à pleines mains du fable ou de la terre en poudre. Les grains dont elles font frappées, les déterminent à s’abbaifièr; elles les I i i i ij 620 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE prennent peut-être pour des gouttes depluye; l’abri le plus proche leur paroi t alors le meilleur. Une autre pratique aufîi généralement & auffi ancien¬ nement connue, mais de la valeur de laquelle je ne luis pas aufîi convaincu , c’eft celle de frapper fur des chau- derons, ou fur des poêles dans 1 inftant où l’effaim vient de partir. On prétend que cette efpéce de charivari détermine les abeilles à prendre plutôt le parti de fe fixer & de fe raffembjer. Le bruit du tonnerre fait retourner à leur ru¬ che celles qui font à la campagne; & on a penfé appa¬ remment que le bruit dont nous venons de parler, pou- voit de même engager celles qui font difperlées en l’air, à chercher un afÿle. Mais elles peuvent plutôt fe mépren¬ dre en confondant une pluye de fable avec une pluye d’eau, qu’en confondant le bruit d’un chauderon avec celui du tonnerre. Il y a apparence qu’elles le connoif- fent mieux en tonnerre; car quelque tintamarre qu’on fàfle avec de pareils inflruments, on ne voit pas que celles qui font fur les fleurs en foient effrayées, îi il fcroit difficile de le trouver. La caufe la plus capa¬ ble de l’y déterminer , fera ôtée, fi avec une grande nappe on lui fait une efpéce de tente, ou fi on lui en fait une avec des franches bien chargées de feuilles. Ceux qui fe font plu à nous raconter des merveilles de ces mouches, ont prétendu fçavoir qu’avant quel’eflaim s’expofe à foi tir delà ruche, quelques-unes de celles qui doivent le compofer, vont reconnoître l’endroit où il leur conviendra de s’établir; ils ont donné à la nouvelle reine, des marêchaux-dcs-logis, qui, à la vérité, font affics mal¬ habiles : car en fuppofant ce qui fera, je crois fuppofer le vrai, que ce n’eft que quand l’effaim cil forti de la ruche, que quelques-unes îles mouches qui le compofent, fe décident cà l’infpeélion des objets des environs pour le lieu où elles fe doivent établir ; le choix de ce lieu ne Lit pas honneur au génie de ces mouches; c’eft ordinai¬ rement autour d’une branche d’arbre quelles fe fixent, où cxpolëes à toutes les injures de l’air, elles ne pourraient fubfifter. Qu’on ne dite pas que ce lieu n’a été pris que comme un entrepôt; il y a une preuve forte qu’il efi re¬ gardé comme un établiffement à demeure, en ce que, Jdrfqu’on n’en retire les abeilles qu’au bout de cinq à fix heures, on y trouve déjà quelque petit gâteau de cire quelles y ont fiit II efi vrai qu’elles n attendraient pas peut-être plufieurs jours à quitter ce lieu d’elles-mêmes; mais ce ne ferait qu’après avoir appris qu’il n’étoit pas convenable, parce quelles y auraient lôuffèrt, foit trop de chaud, fort trop de froid, ou quelles y auraient été trop tourmentées par le vent & la pluy'e. Auffi . quand on les a Lait entrer dans une ruche, ne font-elles pas long-temps à reconnoître quelles y font mieux qu’où elles seraient placées elles-mêmes; elles y rcfküt pour l’ordinaire. Si l’effiaim, comme je l’ai déjà 1 i i i iij 622 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE dit, s’eft pofé fur quelque branche d un arbre en buif- fon , ou quelqu autre branche peu élevée, rien n’êftplus facile que de le faire palier dans la ruche; les mouches y iroicnt fouvent d’elles-mêmes h on la foutenoit pendant quelque temps au - delfus de leur branche. Le plus fur pourtant & le plus court, cil de tenir la ruche renverfée; c’eff-à-dire, fa grande ouverture en enhaut, & tout auprès des abeilles. Si elle n’eft point trop lourde ou d’une figure inconnpode, l’homme qui la fondent avec le bras de la * Voyés la main gauche *, peut avec la main droite faire tomber les Vignette, abeilles dedans. La prudence veut que celui qui le charge de cette opération , lé mette hors de rifque d’être piqué par celles qui peuvent s’irriter, c’elb à-dire, qu’il ait Ion camail fur la tête & fes mains couvertes de gands. Il y a pourtant des payfans, qui, en chemife, à vifage décou¬ vert &. les mains nues, ne fe font point une affaire de faire tomber les abeilles dans la ruche. L’opération s’exécute encore plus commodément quand deux hommes s’entr’ai- dent, quand l’un tient la ruche, & que l’autre, foit avec fa main , foit avec une efpéce de petit balay, ou quelque petit rameau, fait tomber les mouches. On ne doit pas être inquiet fi elles ne tombent pas tou¬ tes dans la ruche, s’il y en a des pelotons qui tombent à côté,& fi beaucoup d’autres s’envolent. C’en eff affés, fi une partie confidérable de l’effaim y a été jettée. Sur le champ, on n’a qu’à pofer la ruche à terre tout près de l’arbre, dans la fituation où elle doit être naturellement; c’eft-à-dire, qu’à la pofer fur là baie. On aura pourtant attention de biffer des ouvertures entre les bords de la bafe & le terrain fur lequel elle eff. Les abeilles qui font tombées à terre, vont bientôt rejoindre leurs compagnes; mais il fuit qu’elles trouvent des paflàges libres pour ar¬ river. Celles qui fe font difperfées en l’air, fe rendenvauffi des Insectes. XII. Mem. 623 pour la plupart, à la ruche. Il y en a pourtant, & quel¬ quefois en afies grand nombre, qui s’obflinent à retour¬ ner fur la branche où elles étoient auparavant ; pour leur en faire perdre l’envie, on frotte cette branche avec des feuilles dont l’odeur leur déplaît, comme des feuilles de fureau & de rue , & on y arrête de petits paquets de ces mêmes plantes. Enfin, fi cela ne fufiiit pas, on fume avec la fumée d’un linge, celles qui perfiftent à y vouloir refier. Au lieu qu’on cherche à rendre défagréable aux abeil¬ les l’endroit d’où on les a retirées, avant que de leur offrir une autre habitation, on a cherché à la mettre en état de leur plaire ; on a eu foin de la bien nettoyer ; on en a frotté les parois avec des herbes ou des fleurs dont elles aiment l’odeur, comme avec des feuilles de melifie, avec des fleurs de fèves, &c. ou ce qui vaut autant que de flatter leur odorat, on enduit légèrement quelques endroits des parois de ce qui peut le plus flatter leur goût, de miel; quelques-uns y étendent de la creme. Ces petites pré¬ cautions ne fçauroient faire de mal, mais je ne les crois pas nécefl'aircs; tout a fort bien réuffien diverfes circonf- tances où je n’y point eu recours. Si on fait l’emménagement des abeilles vers midi ou peu après, on doit avoir attention de pofer la nouvelle ruche de manière que le Soleil ne la puifie pas trop échauffer. Si l’arbre auprès duquel elle efl, ne lui donne pas afies d’ombre, on peut lui faire une tente avec une nappe, ou tout Amplement une efpéce de fouillée , en la couvrant de divers branchages chargés de feuilles. On la lardera où on l’a rnife, jufques à ce que le Soleil fuit couché ou prêt de fe coucher; & alors, on la trans¬ portera doucement fur le fupport qu’on lui a defiiné âc fur lequel on veut qu’elle refie. L’eflaim que nous venons de Elire prendre, étoit placé 6 24 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE le plus favorablement qu’il efl poffible, cv ils ne fe placent pas toujours fi bien. 11 y en a tel qui va fe percher fur d’affés petites branches de très-hauts arbres, & ils ne peu¬ vent pas fe mettre plus mal. Selon la ligure de l’arbre, feion la dilpohtioa de fes branches 6c félon fa hauteur, il faut avoir recours à des expédients différents. Le génie de celui qui ne veut pas lailîer perdre cet elfaim , doit lui faire choifir les manœuvres qui conviennent. Si la hau¬ teur à laquelle il cil, n’eft pas exceffive, un homme monté fur une échelle appuyée contre la tige de l’arbre, peut quelquefois tenir la ruche rcnverfée au-deffous de felïaim, pendant qu’un autre homme qui a grimpé fur l’arbre, fait tomber les abeilles dans cette ruche avec un balay qui a lin manche d’une longueur fuffifànte. Si l’effaim efl trop près du bout des branches pour que l’homme monté fur une,échelle appuyée contre la tige de l’arbre, puiffepré- fenter la ruche défions cet elfaim , on peut attacher la ruche à une longue & forte perche, & la pofer enfuite de manière qu’elle puiffe recevoir les abeilles lorfqu’on les fera tomber. Si tout cela n’eft pas exécutable & qu’on trouve des branches au-deffous de celle où efi l’effaim, on peut étendre une nappe fur ces branches, faire tom¬ ber les mouches fur la nappe, les envelopper prompte¬ ment, & defcendre,ou jetter enfuite en bas la nappe pleine de mouches. Enfin, on étendra par terre la nappe, &on pofera la ruche fur l’endroit où efl le gros des abeilles; ordinairement les autres ne tarderont pas à s’y rendre : mais fi elles n’y paroiffoient pas affés dilpofées, on les y détermineroit en dirigeant la fumée d’un linge fur celles qui font trop écartées de la ruche. Il y a encore un autre moyen d’avoir l’effaim qui eft fur une branche, c’efl de couper ou feier cette branche en l’agitant le moins qu’il efl poffible ; fi on n’y travaille qu'après que le Soleil fera couché. des Insectes. XII. Mem. 62 5 couché, les abeilles ne l'abandonneront point; elies lè [aide¬ ront defcendreau bas de l’arbre avec la branche coupée; & il fera alors ailé de les faire entrer dans une ruche. Un grand trou de mur, ou un grand trou de tronc d’ar¬ bre vaut pour un eflaim une ruche; celui qui en trouve un & qui s’y niche, a bien mieux fçû choifir le iieu où il devoit s’établir, que ne le fçavent choifir les effaims qui fe contentent des dehors d’une branche d arbre. IVÎais l’effaim qui a eu l’habileté de fe loger fi bien , s’clî ] î...cé au plus mal pour celui qui a droit delfus, & qui veut le faire paffer dans une ruche: il y en a pourtant des moyens, mais différents félon la pofition du trou. Souvent il faut commencer par en aggrandir l’ouverture, & le pis aller eft alors de puifer les abeilles dedans avec quelqu’efpéce de cuillier, comme celles à pot, & de les verfer à mefurc dans la ruche. Cela peut s’exécuter avec fuccès le foir, fur-tout fi l’air eft froid. Pour expliquer tout de fuite comment on établit un cffaiin dans une ruche, nous avons laiffé beaucoup de queftions à éclaircir auxquelles il nous faut revenir. Une de celles qu’on n’aura pas manqué de nous faire, c’eft ft un effaim n’a pas qi*clquefois deux meres, ou même s’il 11’en a pas quelquefois un plus grand nombre ! Nous avons prouvé dans le neuvième Mémoire, que dans la même année il naît dans beaucoup de ruches, bien plus d’une fémelle. S’il n’y en devoit naître qu’une, il n’auroit pas été affés pourvu à la multiplication des abeilles; les furnuméraires d’une ruche manqueraient fouvent de la conductrice qui leur eft effentielle. Mille accidents peu¬ vent faire périr le petit ver contenu dans un œuf, avant que ce ver foit parvenu à fe métamorphofer en mouche. Ce ne ferait donc pas affés que la mere ne pondit chaque année, qu’un de ces œufs qui doivent donner des femelles. Terne V . Ivkkk 616 Mémoires pour l’Histoire Nous avons rapporté aufti, que dans la même ruche nous avions trouvé julques à quarante cellules,de celles qui tout deftinéesà recevoir de ces œufs diftingués; que vingt-deux de ces cellules royales n'étoient pas encore finies, mais que de dix des autres, dix fémeiles étoient déjà forties, & que dans les huit autres cellules il y avoit huit femelles, loit fous la forme de ver, foit fous celle de nymphe qu’elles dévoient quitter, pour paraître fuccelfivement dans la ruche avec des ailes, dans un intervalle de peu de jours. Comme il eft certain que le froid, la pluye & le vent, peuvent retarder de plufieurs jours la l'ortie de la troupe qui veut abandonner la ruche, il eft évident que dans le moment où l’eftaim va partir, il peut y avoir plufieurs jeunes fémeiles. La feule queftion ell donc fi alors il y en a plufieurs qui fortent avec l’cflaim. Cette queftion a été décidée uniformément par tous ceux qui ont traité des abeilles, à commencer par Ariftote. Tous alfürent, & nous prouverons qu’ils ont eu raifon de l’alfûrer, qu’il arrive quelquefois qu’un eftaim a deux rois ou deux reines. Us nous ont raconté ce qui fe pafte dans ce cas, qui n’cft pas rare. Ils veulent qu’alorsleftaim fe partage conftamment en deux; & *1 eft réel que quel¬ quefois les mouches qui le compofent, fe divifent en deux troupes. On voit alors fur le même arbre ou fur deux arbres aftesproches l’undel’autre,deux tas d’abeilles.Un desdeux eft ordinairement bien moins confidérable que l’autre; l’un ne fera quelquefois qu’un peloton pas plus gros que le poing, pendant que l’autre aura plus de volume qu’une tête humaine. Chacune de ces portions de Leftaim, a fa reine. Quelle que foit la circonftance qui a fait que la reine du petit peloton a entraîné fi peu de mouches à la linte,or¬ dinairement fa troupe ne lui eft pas fidelie. Les expériences que nous ayons rapportées ailleurs fur des abeilles mifes DES I N S E C T E S. XII. Mefn. 627 en petit nombre dans de petites ruches, ont appris quelles n’aiment pas à vivre en des focietés peu nombreufes,& que la reine elle-même n’elt pas contente quand elle a peu de mouches à Ton fervice; elle (cm b le en fçavoir les inconvé¬ nients: peu àpeuaulli, ily ades mouches qui fedétachenc du peloton, & qui vont rejoindre le gros. Le peloton di¬ minue d’inftant en inftant; & quand il cft réduit à un petit nombre de mouches, celles-ci enfemblc & la mere même, vont fe réunir aux autres. L’effaim alors a deux meres. Il pourrait bien n y avoir eu que du malheur élans le fort de la mere qui a etc abandonnée par fa troupe; peut- être que fi ic hazard lui fut été auffi favorable qu’à l’au¬ tre, elle eût été la pins fuivie. Mais dans des temps où on cherchoit plus à raconter des faits agréables que des faits vrais, 011 l’on donnoit ce qu’on imaginoit devoir être, pour ce qu’on avoit vû, dedans des temps où l’on regardoit le gouvernement des abeilles comme le modèle du plus parfait gouvernement monarchique, on nous a parlé de la mere heureufe comme du véritable roy, & qui avoit toutes les qualités qui la rendoient digne de l’être; qui avoit même un extérieur propre à fe faire refpecler. Au lieu que la femelle infortunée a été traitée comme une miférable mouche, indigne de la puiffance fouve- rainc qu’elle avoit voulu ufurper; on lui a prodigué les noms d’ufurpateur & de tyran ; on a voulu que fa figure fût hideufe & eût quelque chofe de méprifable. C’cft d’après Arifiote que Virgile a dépeint l’une & l’autre, qu’il nous a dit que les extérieurs de ces deux rois étoient fort différents; que l’un avoit des écailles rougeâtres, qui brilloientde tachesd’or, que fa figure étoitnoble; au lieu que l’autre étoit défagréable à voir, qu’il fembloit couvert de poufiiére, qu’il avoit un large ventre; enfin, qu’il 11e méritoit que la mort. Kkkkij 628 MEMOIRES POUR l’HïSTOIRE On peut lire avec plaifir tout le mal qui a été cîit de cette pauvre mouche par Alexandre de Montfort, dans l’ouvrage auquel il a donné le titre du Printemps de la mouche h miel, qu’il allure être le fruit de pluficurs années d’obfervations, & qu’il a rempli de moralités. Il nomme cette mouche malheureufe, le tyran ou le prince brouillé ; il dit que fa couleur trifle, fou ventre gros, fes jambes fea- breufes & fes gefes languijfants, font figues d'envie, d’ava¬ rice, d’ambition, de gourmandfe, de lâcheté & deparejfe, Sic. due ce prince brouillé a un accent, rude qui retentit dans tout le quartier (lorfqu’il eh encore dans la ruche) carcffant la nouvelle gendarmerie, qu’il tâche J'enyvrer & d’attirer à la révolte contre fou fouverain. Le prince brouillé fort (de la ruche) avec l’effabn, s’é¬ loigne du roy comme un traître ou comme une pièce de mau¬ vais alloy qui ne s’ofe produire. Auffi-tot que le Soleil lui luit fur la tête, fes mauvaifes humeurs s’éveillent, & font révolter une partie de ce petit peuple, qui fe va brancher avec lui, ou elles fe perdraient fous ce mauvais chef, ne fût que reconnoiffant leur faute, elles l’effacent s’allant incontinent remettre auprès du roi légitime, &c. De forte que ce prince brouillé fe voyant abandonné, fe va rejoindre au gros de l’effaim. Ces vermeil fes befioles qui fe picquent pour ce qui touche l'honneur de leur chef, conjurent la ruine de ce brouillon, &c. elles lui courent fus,le déchirent, le foulent aux jùeds; de forte que dès le lendemain on le trouve mort, étranglé fous la ruche avec dix ou douve abeilles, comme vidimes tres-malheureufes. Tous les Auteurs qui ont traité cette mouche comme un ufurpateur, lui donnent la trille fin que nous venons de raconter dans les termes d’Alexandre de Montfort. Ils alfurent qu’on la trouve morte le lendemain au bas de la ruche. Charles Butler veut que, lorfque la première reine des Insectes. XII. Mem. 62 9 a pris polfelfion de Ton capitole, qu’après que l’empire lui a etc accordé, la fécondé en rang foit condamnée à mort par arrêt du peuple, & que fur le champ l’arrêt foit exécuté. Il ne nous raconte pas qu’il ait vu faire cette exécution; mais il nous parie des combats terribles qui durèrent pen¬ dant deux jours dans une ruche où deux forts e(faims ctoient entrés, & qui ne finirent que lorfqu’une des meres eut été tuée. Mais pour fubftituer des faits plus fimples & plus vrais, a ceux qu’on a chargés de circonftances que l’imagination s’efl più au moins à embellir, il efi très-certain que l’el- faim qui fort d’une ruche, a quelquefois deux meres. J’en ai même eu deux l’année dernière, dont chacun en avoit trois; & il peut y avoir des cas où un elfaim en aura un plus grand nombre. 11 paroît certain encore, & c’elt un fait bien fingulier, que toutes les meres furnuméraires font tuées dans la ruche où l’e(faim a été logé; qu’on n’y con- ferve la vie qu’à une feule; que jufques à ce que cette grande & cruelle exécution ait été faite, les abeilles ne fe mettent pas férieufement au travail. La première preuve que j’en rapporterai, me fera fournie par un des elfaimsque je viens de citer, qui avoit trois meres. Il l'ortit de la ruche le i 2 Juin; les mouches dont il étoit compofé fe parta¬ gèrent en deux bandes ; le gros s’arrêta autour d’une bran¬ che d’un pommier en builfon, & la cinquième ou fixiéme partie environ fe pofa fur la branche d’un poirier aulfi en buiiïon, du même quarré que le pommier, & qui en étoit éloigné d’une vingtaine de pas. La petite troupe relia conftamment pendant plus d’une heure dans la place qu’elle avoit choifie^ mais elle fe débanda enfuite ; quel¬ ques mouches commencèrent à s’en détacher pour aller rejoindre le gros; d’inflant en infant elles furent fuivies de quelques autres; enfin, le relie du peloton s’envola Kkkkiij 6^0 MEMOIRES pour l’Histoïre à la fois, le difperfa en l’air, & ces mouches difperfées vinrent bientôt fe réunir à leurs compagnes; toutes les mouches de l’eflaim fe trouvèrent ne faire plus qu’une feule maffe. Le partage qui s’y étoit fait d’abord, me fit juger qu’il devoit avoir deux meres ; la fuite m’apprit qu’il en avoit même trois. Ainfi, le nombre des divifions qui fe font dans un effaim , n’efi; pas toujours égal à celui des meres. D’autres obfervations m’ont appris qu’il n’arrive pas même toujours qu’un efifaim qui a deux meres, fe divife. Je fus attentif à fuivre lVfTaim dont je viens de parler; je le fis mettre le foir dans une de ces ruches plattes *, où il efl j)lus ailé de voir ce qui fe palfe. Il y entra pailiblcment, & le lendemain tout m’y parut très-calme; je ne vis point dans la ruche de ces combats qu’on dit qui s’y livrent tant que la pluralité des meres y lubfifie. Les mouches ne me femblerent qu’y avoir été trop tran¬ quilles ; l’ouvrage de leur journée fut fort peu de choie. Le jour fuivant, fur les trois heures après midi, il me pa¬ rut y avoir plus de mouches en l’air en dehors de cette ruche, < 3 cfur-tout auprès de fes portes, qu’il n’auroit dû y en avoir. J’ouvris un des volets pour obferver ce qui le paffoit dans l’intérieur ; & je fus bientôt certain que le trouble y avoit régné. Les mouches avoient abandonné le haut de la ruche où elles s’étoient tenues le premier jour, 8 c deux petits gâteaux qu’elles y avoient conftruits ; la partie la plus élevée du maffif quelles formoient, étoit vers le milieu du logement. J’eus lieu de croire qu’il s’étoit fait quelque expédition fanglante; j’examinai le terrain du devant de la ruche, j’y trouvai quelques mouches mortes, parmi lefquelles il y avoit une mcrc. Pendant le jour où fe fit cette expédition, les abeilles lie travaillèrent point; elles pafferent même la nuit entière des Insectes. XII. Mem. 631 près du fond de leur ruche, fans regagner le haut; je les revis dans cette pofition lorfque j’allai les vifiter fur les fept heures du matin. Lorfque j’y retournai vers les dix heures, je trouvai une fécondé mere morte affés près de l’endroit où j’avois trouvé la première. C’étoit la dernière de celles qui dévoient périr; aulft l’ordre avoit il été remis dans la ruche; les abeilles en occupoient la partie fupé- rieure ; elles s’étoient placées comme elles l’avoient été d’abord, & comme elles le dévoient être; & elles fe livrè¬ rent au travail avec ardeur. L’effaim dont je viens de parler, n’efl pas le feul de ceux que j’ai eu dont deux meres ont été tuées. Une des meres d’un autre que j’avois aulfi logé le foir dans une ruche vitrée, fut trouvée morte le matin tout près de la ruche, & une fécondéfémelle fut trouvée morte à peu près dans le même endroit vers les deux heures après midi du même jour.Malgré le nombre des meres, ce dernier effaim 11e s’étoit point divilé ; mais le nombre de ces meres l’em¬ pêcha peut-être de refier paifiblement fur l’arbre où il s’é¬ toit établi. Après qu’il y eut demeuré deux heures, quoi¬ qu’il y fût à l’abri des rayons du Soleil, il fe détermina à le quitter; il prit même un long vol; il traverfa un bras de la Marne qui fépare le jardin où il étoit, d’une ilîe, fur un des arbres de laquelle il alla fe fixer; on parvint à l’y trouver, & on l’y prit le foir. J’ai eu auffî quelques autres effaims de chacun defquels une feule mere a été mile à mort le jour d’après celui où les abeilles étoient entrées dans une ruche, & quelquefois un jour plus tard. Quand des reines furnumeraires font nées dans une ruche, ce ne font pas uniquement celles qui partent avec un effaim, qui font tacriliées. Le fort de celles qui refient dans leur ruche natale n’eft pas plus heureux; elfes y font miles à mort; & quelquefois on y en tue un bon nombre. 632 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE On m’apporta un matin fix meres qu’on avoit trouvées mortes fur l’appuy d’une même ruche qui avoit donné un eftaim la veille. Il efl donc inconteflable, qu’il y a des temps où les. abeilles nefouffrent pas plufieurs fémelles, & qu’il n’en faut qu’une feule aux abeilles d’un elfaim. Mais quels font les motifs qui déterminent ces mouches à en prendre une pour reine à l’exclufion des autres ! Il y a grande appa¬ rence que celle qui parvient à ce haut rang, en ell la plus digne. Ce n’eft pourtant pas, & il n’eft pas befoin de le dire férieufement, parce quelle eft douée de toutes les vertus morales qu’on lui a cru néceffaires. Nous ne de¬ vons pas craindre non plus qu’on croye que les meres qui ont été mifes à mort, méritoient une fi trille fin, parce qu’elles avoient la noirceur dame propre aux ufur- pateurs & aux tyrans, & de plus, tous les vices auxquels Alexandre de Montfort a alluré qu’elles étoient fujettes. Probablement, la reine qui eft confervée, a dans le plus haut degré la vertu qui intéreffe les abeilles, mais une vertu phyfique , celle de mettre beaucoup d’œufs au jour, d’y en mettre plus que n’y en euffent mis les fémelles qui ont été immolées au bien public. Lorfqu’il y en a plu- feurs de nées dans une ruche, il n’eft pas néceffaire que les mouches qui doivent compofer l’effaim prêt à fortir, en viennent à une élection pour fe donner une fouve- raine. Souvent fans doute elles acceptent pour reine celle qui sert offerte à l’être; un moment peut-être en décide. Je veux dire, qu’entre les fémelles nouvellement nées, celle qui eft affés aétive, affés inquiette pour fortir la pre¬ mière de la ruche, peut déterminer les abeilles qui fe trou- voient mal de leur ancienne habitation, à fe mettre à fi fuite pour chercher un nouveau logement. Si encore un rayon de Soleil fait partir brufquement une troupe de mouches des Insectes. XII. Mem. 635 mouches de la ruche, & qu’une femelle parte avec elles, beaucoup d’autres mouches font déterminées à fortir en même temps; toutes de concert doivent accepter pour reine la fémelle qui efl parmi elles, fans l’avoir choifie autrement. Malgré l’elpéce de hazard qui décide alors de ia fouveraineté, peut-être effelle accordée comme dans les plus fameufes monarchies, à la mouche qui y a le plus de droit par fa nai(Tance. La première née eft probable¬ ment celle qui a acquis le plus de vigueur, qui a été plu¬ tôt fécondée, qui eft la plus prête à pondre des œufs, Sc celle qui a eu le plus d’impatience de prendre l’effor. S’il eft arrivé qu’elle ait été plus pareffeufe, fi une de Tes ca¬ dettes eft fortie la première, alors au moins c’eft la plus digne qui a été prife pour reine. Le feul cas qui puilTe mettre dans une fituation em- barraffante les mouches qui compofent un effaim, Si qui fembleles obligera faire des aétions barbares, c’eft quand il y a parmi elles plufieurs meres. Ce cas femble les met¬ tre dans la néceflité de choifir. Si entre ces meres, il y en avoit une d’une forme majeftueufe & toute brillante d’or, Si que l’or parût auffi beau aux abeilles qu’à nous, & fi les autres fémelles avoient une figure ignoble Si même hideufe, Si qui fût telle pour les abeilles, leur choix feroit facile à faire. Je crois qu’il l’cft auffi. Quoi¬ qu’on ne trouve pas entre l’extérieur de l’abeille qui reftc fouveraine, Si l’extérieur de celles qui font condamnées à mort, les grandes différences dont nous venons de par¬ ier, on y en trouve quelques-unes. La première m’a toû- jours paru d’une couleur plus rougeâtre que les autres; Si c’en étoit afies pour mettre en droit, lorsqu’on en a parlé poétiquement, de faire entrer l’or dans fa parure. Les autres font plus brunes, Si elles m’ont toûjours femblé moins groffes. Ariftote a dit auffi que le vrai roi eft rou*. Tome V .LUI 6 34 MEMOIRES POUR l’Histoire & que l’autre eft noir, ce quife réduit à être plus brun. Les ineres, comme les autres abeilles, deviennent plus rouge⬠tres en vieilliftant; le moment où elles Te font transfor¬ mées eft celui où elles font le plus brunes : enfin, àinefure que les œufs qu’elles ont dans le corps, grofti fient, leur corps grofiit. De-là il paroît, comme nous l’avons dit, que celle qui eft confervée pour reine, eft la première née & la plus prête à pondre. Mais d’être la plus prête à pondre , doit être par rap¬ port aux abeilles, la circonftance eflcntielle & décifive ; & j’ai des preuves que la mere qui avoit été choifie, s’étoit trouvée dans cette circonftance favorable. J’ai ouvert le corps de neuf à dix jeunes fémelles auxquelles la vie avoit été ôtée dans différentes ruches, & il n’y en a eu aucune à laquelle j’aye pû trouver un feul œuf d’une grofteur fenlible. La plus forte loupe n’a pû même me faire ap- percevoir dans le corps de quelques-unes, de ces petits grains qui font des œufs qui ont beaucoup à croître. Si j’eufie ouvert le corps de la fémelle qui avoit été confer¬ vée dans chacune des ruches hors defquelles les autres fémelles avoient été jettées mortes, je leu fie trouvé rem¬ pli d’œufs dont plufieurs auroient été très-fenfibles. Je puis donner ce dernier fait pour aufii certain que fi je l’eufte vu, puifque j’ai trouvé des œufs dans quelques-unes de ces ruches, au bout de aq heures , & dans d’autres au plus tard, au bout de deux ou trois jours. Quelquefois entre les fémelles qui naifient la même année dans une même ruche, il y en a trois ou quatre d’heureufes. 11 y en avoit eu trois de celles-ci dans la ru¬ che où j’ai dit que j’avois trouvé quarante cellules royales, de dix defquelles dix fémelles étoient forties ; de ces dix fémelles il y en avoit eu trois qui établirent trois petits empires, trois dont chacune refta fouyeraine d’une des Insectes. XII. Afem. 6] 5 nouvelle ruche. Lorfque je baignai l’ancienne ruche d'où ces trois elfaims étoient fortis en moins de i j jours, j’y trouvai une jeune fémelle avec une autre qui étoit pro¬ bablement fa mere. Trois à quatre effaims lortent donc quelquefois de la même ruche les uns après les autres, dans des intervalles de cinq à fix, & tantôt dans des in¬ tervalles de dix à douze jours. Des meres nées les unes après les autres, deviennent propres à être les conductrices de colonies quelles font en état de faire multiplier. Dans ces mêmes ruches où il y a eu trois à quatre femelles for¬ tunées , il y en a eu ordinairement un plus grand nombre de malheureufes. Mais elt-ce par les abeilles même nouvellement établies dans une ruche, que la mere ou les meres furnuméraires font miles à mort! Comment cela s’accorde-1-il avec cet amour fi vif pour toutes les meres en général dont les abeilles nous ont donné tant de preuves dans le cinquième Mé¬ moire! Ne feroit-ce point plutôt que deux meres jaloufes l’une de l’autre, fe livrent un combat dont la plus foible cft la viélime! C’eft ce que je n’ai pû parvenir à voir. Ce qui pourrait faire penfer que les deux meres, quoique très- pacifiques naturellement, s’attaquent l’une l’autre, c’ell: qu’elles font armées d’aiguillons dont elles n’ont gueres d’autre occafion de faire ufage, car elles ne s’en fervent pas contre les abeilles de leur ruche. Malgré pourtant le refpeCl qu’ont ces dernières pour les meres, malgré l’a¬ mour quelles leur témoignent, il pourrait bien y avoir des temps où elles ne balanceraient pas à leur ôter la vie. Nous avons vu qu’après avoir pris des foins infinis des vers qui deviennent des abeilles mâles, qu’après avoir bien vécu avec ces mâles, il vient un temps où elles en font lin furieux carnage. Elles font capables des meilleures aCtions & de celles qui nous femblent les plus barbares, LUI ij 6]6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE félon que Se bien de leur fociété le demande ; elles ont été inftruites à faire tout ce qui y convénoit le mieux. Des abeilles nouvellement miles dans une ruche, ont allés à travailler pour conlîruire la quantité des rayons de cire néceffaire pour fournir à loger les vers qui naîtront des ceufs que la jeune & féconde reine va pondre, à ramaf- ler tout le miel qui doit être mis en referve dans la ruche. Leur inftincft leur apprend que pendant plufieurs fcmaines ou plufieurs jours au moins, il faudrait qu’elles fuiïent ca¬ pables défaire une fois plus d ouvrage quelles n’en peuvent faire, pour fuffire à deux reines; elles ne pourraient loger & foigner les vers qui naîtraient de leurs œufs. Le meilleur parti à prendre ell donc de facrifier une de ces reines. Quand les abeilles fe trouvent fupérieuresà leur travail, quand elles ont rempli leurs ruches de beaucoup de g⬠teaux bien fournis de miel & de cire brute, elles peuvent n’avoir plus de raifons de craindre la pluralité des meres; telle étoit la fituation des abeilles que nous avons vu être empreffées à rendre de bons offices à la reine étrangère que nous leur avions offerte. Alors elles font le plus grand accueil à une fémelie quelles euffent immolée fi elle eût été introduite parmi elles dans les temps où elles fe trou- voient dans une nouvelle habitation dénuée de tout. Ou fi l’on veut, qu’une mere ne l'oit jamais tuée que par uns autre mere, ce qui efî bien auffi probable, la mere qui a à fa difpofition tous les gâteaux d’une ruche, n’eft point jaloufe qu’une autre les partage, quand il lui paraît qu’il y en a affés pour elles deux. Mais je puis être fort mal inflruit de la politique des abeilles & de la façon équitable de pen- fer que je viens de leur accorder. La fuite des faits que j’ai à rapporter, fera au moins voir encore bien du fingulier dans les dilférentes manières dont les mêmes femelles lont traitées en différents temps dans la même ruche. des Insectes. XII. Mem. 6 37 Par le moyen du bain j’eus le 1 5 Juin à ma difpoli- tion, une mere que je tirai d’une ruche ancienne, mal fournie de mouches & de couvain. Cette mere qui juf- qucs-là avoit fait peu d’œufs, paroifToit en état d’en pon¬ dre beaucoup par la fuite ; elle avoit le corps long Si renflé. Après lui avoir peint le corcelet avec un vernis rouge, qui, étant très-ficcatif, fut bientôt fec, je i’intro- duifisdans une ruche quarrée éêplatte où un fort eflaim navoit été logé que le 10 du même mois; mais où il avoit travaillé avec beaucoup d’aclivité; il y avoit déjà frit deux gâteaux, dont chacun étoit aufli grand qu’une des moitiés d’une des faces de la ruche, & qui avoient beaucoup de cellules pleines de miel. Je fis entrer la mere à laquelle j’avois donné une livrée rouge, par un trou percé au milieu de la pièce fupérieure de la ruche. Si cela, à cinq heures Si demie du foir. Dès quelle y fut entrée, elle dilparut, elle fe cacha entre les deux gâteaux ; mais fon arrivée n’occafionna aucun tumulte fenfible; il parut quelle avoit été bien reçue. Au bout d’une heure, je la vis appliquée contre un des carreaux de verre, Si entourée de plulieurs abeilles qui fèmbloient occupées à la nettoyer, & qui peut-être vouloient lui ôter la tache rouge. Le jour fuivant fur les huit heures du matin, mon jardinier que mon exemple a rendu curieux d’obferver les abeilles, vint m’avertir qu’il avoit vu la mere rouge, qu’il l’avoit fuivie des yeux, qu’il avoit remarqué qu’elle avoit fait entrer fa tête dans une cellule vuide, Sc qu’enfuite s’étant retournée bout par bout, elle y avoit introduit fon derrière, Si qu’elle devoir être occupée à pondre. Lorfque j’arrivai, je la trouvai fur le même gâteau où il l’avoit vûe, mais elle n’étoit plus dans une cellule. Des mouches qui l’entouroient, s’ouvroient pour lui îaiflèr le palfage libre à mel'ure quelle allait en avant-; lui üj 6 38 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelques-unes de celles qui lui failoient cortège, lui lé- choient le derrière , comme elles ont coutume de le lécher à une mere qui vient de dépoler un œuf. Je vis enfuite qu’elle fit entrer l'a tête fuccefTiveinent dans plu- fieurs cellules ; mais dans chacune delquelles il y avoit déjà un peu de miel ; ne les ayant pas trouvées telles qu’elle les vouloit, elle quitta la l'urface extérieure du g⬠teau où elle étoit, pour aller peut-être en chercher qui fuffent à fon gré dans l’intérieur de la ruche. Ceci le palïa dans un temps ou piuficurs meres furnuméraires des nou¬ veaux effaims furent tuées ; & on croit bien que je fus attentif à examiner chaque jour, fi je ne trouverois pas l’une des deux meres dont il s’agit, morte auprès de la ruche. Je n’y trouvai ni l’une ni l’autre. Dix à douze jours après, je donnai une troifiéme mere à la même ru¬ che, à laquelle je fis porter une livrée jaune. Je ne pus depuis parvenir à en voir aucune des trois; elles le tinrent trop conflamment dans l’intérieur de la ruche & dans les gros de mouches, au moins aux heures où je cherchois à les voir. Mais jufques au mois de Septembre, je ne pus parvenir à en trouver une morte, quelqu’attention que j’euffe apportée à la chercher. Les vacances qui m’éloignerent de Paris, me mirent pendant deux mois hors d’état de pouvoir obferver les dehors & l’intérieur de cette ruche. A mon retour, c’eft- à-dire, après la Touffaints, je me déterminai à la baigner, pour fçavoir fi les trois meres lui étoient reliées. Lorfque f'es mouches parurent bien noyées, lorfqu’elles furent toutes dans un état femblable à celui de mort, je les examinai à mon aife, & avec foin une à une. Je les comptai même, & j’en trouvai plus de fept mille, ce qui, dans une pareille faifon, eft un nombre de mouches affés confidérable pour une ruche. Parmi elles il iî y fc ayoi£ des Insectes. XI 1. Mem. 639 aucun mâle, aulfi netoit-ce pas le temps où il y en de¬ voir avoir. Enfin, ce qui étoit l’objet elfentiel, c’étoit de retrouver les meres, & des trois qui y avoient été quelques mois auparavant, je n'en trouvai qu’une feule, & proba¬ blement lamere naturelle; au moins fon corcelet n’étoit- il coloré ni de jaune, ni de rouge. Quand on fuppolè- roit que le verni de fon corcelet avoit été emporté, on ne fçauroit guéres fuppofer qu’il n’en fût pas refié la moindre tache. La inere marquée de rouge, & la mere marquée de jaune avoient donc péri ,&, félon toute appa¬ rence, de mort violente. Si ce font les abeilles qui immo¬ lent les meres étrangères après leur avoir fait tant d’ac¬ cueil , on feroit tenté de croire qu’elles les prennent à l’eiïai; qu’elles ne les gardent que jufqu’à ce qu’elles fe foient affûtées que leur fécondité ne furpaffe pas celle de leur reine naturelle ; que peut-être celle-ci efi la facrifiéè quand il s’en efi préfenté une plus féconde. On n’auroit pas befoin d’accorder tant de politique aux abeilles, fi orr étoit fûr qu’une mere efi facrée pour elles, que toute mue ne peut être tuée que par une autre mere. Alors la plus' courageufe & la plus forte fe rendroit la feule fouveraine en arrachant la vie à fes rivales. Les expériences qui peu¬ vent infiruirefur-tout ceci, ne font pas impofiibles,quoi¬ que je ne fois pas encore parvenu à les faire. J’eus dans le mois de Décembre une mere tirée d’une niche, dont prefque toutes les autres mouches avoient péri ; de languifiante quelle étoit, je parvins à la rendre forte & vigoureufe en la chauffant avec précaution. Pour lui conferver la vie, & pour faire en même temps une des expériences qui m’étoit néceffaire, je la logeai dans une niche vitrée & conique. Cette ruche étoit bien remplie de cire & de miel ; depuis laTouflaints je la tenois dans mon cabinet, à Paris, bien fermée de toutes parts; j’avois 6 4 q Mémoires pour l’Histoire eu peur que le nombre des abeilles n’y fût pas fuffifanC pour qu’elles puflent réfifler au froid de l’hiver ; je l’y tenois encore par rapport à d’autres vues. Dès que la mere étrangère fut entrée dans la ruche, je ceffai de la voir; elle gagna le gros des abeilles qui fe trouvoit affés près du fond de la ruche. Il ne me fut donc pas poflible d’obferver comment elle fut traitée. Mais bientôt j’en¬ tendis un grand murmure; le bourdonnement alla tou¬ jours en augmentant; & les abeilles, de tranquilles qu’elles étoient, devinrent agitées. S’il nous cfl permis d’inter¬ préter la caufe de ce bruit & de cette agitation, nous ne î attribuerons qu’à l’efpéce de joye que les abeilles té- moignoient d’avoir une fécondé reine; celles qui avoient été les premières inftruites du grand événement, l’appre- îîoient aux autres : ce qui efl fur, c’efl que ce bruit ne fut point un bruit de guerre; l’arrivée de la fécondé reine ne caufa aucun combat dans la ruche. J’eus beau obfer- ver pendant plufieurs jours de fuite, je ne vis point aug¬ menter le petit nombre des mouches mortes qui y étoit, lorfque la nouvelle mere fut introduite : elle ne parut point parmi les mortes; elle eût été aifée à diflinguer par fa grandeur; mais ce qui l’auroit rendue encore beau¬ coup plus reconnoiffable, c’efl que j’avois eu foin de peindre en rouge avec du vernis, prefque toute la partie llipéricure de fon corcelet. Avant que je l’euffe introduite dans la ruche, les abeilles y fembloient être dans un en- gourdiffement dont fa préfence les fit fortir, & dans le¬ quel elles ne retombèrent plus. Tous les jours fuivants, elles me firent entendre des bourdonnements tantôt plus forts tantôt plus foibles, que je n’entendois pas dans les jours qui avoient précédé; elles furent beaucoup plus en mouvement, elles mangèrent beaucoup davantage. Dès Içs premiers jours de Février je portai cette ruche à h Campagne; des Insectes. XÎJ. Ment. 641 campagne. Lorfqu’au bout de deux fcmaincs, ou environ, je retournai la voir, je la trouvai prefque dépeuplée; ce 11’étoit point parce que la faim, ou le froid avoit fait périr une grande partie de fes mouches; on ne les avoit pas laide manquer de miel ; & fi elles n’eu dent pu foû- tenir le froid, on eût trouvé les mortes fur le fond de la ruche où il n’y en avoit que quelques-unes de celles- ci. Il y a donc grande apparence qu’une des meres aban¬ donna la ruche pour alier s’établir en quelqu’autre en¬ droit avec les mouches qui la voulurent fuivre. Il reda cependant une des deux meres dans l’ancien logement, je 11e fçais laquelle : la feule preuve que j’en ai, car je 11e la vis pas, eft une preuve fuffifante, c’ed qu’au com¬ mencement du mois de Mars les abeilles de cette ruche allèrent faire des récoltés à I3 campagne, elles revenoient chargées. La ruche ne fut pourtant pas long-temps fans être entièrement deferte. Cette mere accompagnée de trop peu d’ouvrières, prit apparemment un parti fem- blable à celui que nous avons vu prendre à toutes les meres qui ont été mifes dans la petite ruche vitrée avec trop peu de mouches ordinaires; elle alla chercher ailleurs line meilleure fortune. L’expérience d’introduire une fécondé mere dans une ruche, me parut devoir être faite dans une circonflance differente de celles où j’en ai ci-devant donné de furnu- méraires. J’avois une ruche en panier, fi peuplée depuis plufieurs femaines, qu’une partie de fes abeilles étoit obli¬ gée de fe tenir dehors en grouppe, foit pendant le jour, l'oit pendant la nuit. Cependant cette ruche n’avoit pas encore donné d’effaim le 25 Juin. II me fembloit que je n’en pouvois attribuer la caufe qu’à ce qu’il n’y étoit point né de fémeile. Je fus curieux de voir ce qui arri¬ verait fi j’y en faifois entrer une très en état de pondre. TorneV . Mm mm 6+2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La mere d’une ruche dont j’avois déjà eu trois elfaims, fut deftinée à cette expérience. Depuis quelques jours je Pavois fait paffer dans une nouvelle ruche avec fes ou¬ vrières, qui y avoient déjà commencé quelques gâteaux de cire, Sc dans lefquels la mere avoit tlépofë des œufs. Après l’avoir tirée du bain qui me mit en état de la dé¬ mêler des mouches de fa troupe, après lui avoir rougi le delfus du corcelet, & enfin, après lui avoir fait re¬ prendre toute fa vigueur, je la polai fur les fept heures & demie du matin fous cette ruche en panier, qui ne pou- voit contenir toutes fes abeilles, & de laquelle cepen¬ dant aucun elfaim n’ëtoit forti. Bientôt elle me fut cachée par tant de mouches, qu’il ne me fut plus polfibJe de la voir. Il efl à préfumer qu’elle fut bien reçue par les abeil¬ les ordinaires; elle n’occafionna aucun tumulte fenfible. Le foir je fis pancher le panier pour fçavoir fi je ne par¬ viendrais pas à voir la mere que j’y avois introduite. Je l’y vis; elle y étoit dans une guirlande d’autres mouches. Quelle que fut la caufe pour laquelle elle étoit refté-là, & qui l’avoit empêché de pénétrer dans l’intérieur du palais, avec un brin de paille je la détachai de fa guir¬ lande, je la fis tomber fur l’appui de la ruche; mais bien¬ tôt elle le quitta, elle fe mêla avec d’autres abeilles, je celfai de la voir, & je fis remettre la ruche dans la pofi- tion naturelle. Je ne m’attendois pas que le fuccès de cette expérience ferait tel qu’il fut. Lorfque le lendemain 26 j’allai dès le matin pour voir la ruche dont il s’agit, je trouvai la mere marquée de rouge morte ; je la trouvai dans une allée qui eft au long d’une terralfe fur laquelle la ruche étoit placée, & vis-à-vis cette ruche. Pourquoi cette mere féconde n’avoit-elle pas été épargnée, & cela dans une. circonfiance où elle fembloit précieufe aux mouches ? des Insectes. XII. Mem. 643 qui dévoient attendre avec impatience une reine qui les conduisît hors d’un logement où elles ne pouvoient pas toutes fe tenir à la fois! Ne reiremblons point à ces Hif- toriens qui paroilfent avoir été prélents aux converfations les plus fecrettes qui ont été tenues dans les cabinets des Rois & des Miniftres. Avouons fans peine que les principes fur lefquels les abeilles agiffent, ne nous font pas ailes connus. La mort de la mere étrangère pourrait pourtant, avec allés de vraifemblance, être mile fur le compte de la mere régnante; elle pouvoit avoir des rat¬ ions de vouloir la perte de cette reine étrangère, dont fes ouvrières dévoient être fort contentes. Quoi qu’il en foit, cette ruche n’étoit pas favorable aux nouvelles reines. Le y Juillet j’en trouvai une tout auprès de'cette ruche, qui fans doute y étoit née, & y avoit été mile à mort. La reine«rouge ne palfa qu’une journée dans la ruche, pendant l’après-midi de laquelle il fit de l’orage & une grande pluye. Peut-être que fans cette pluye, & lans cet orage, elle eût eu un fort plus heureux, qu’elle fe fût déterminée à fortir, & qu’elle eût été fuivie d’autant de mouches qu’il y en a dans les meilleurs eliaims. II eft confiant au moins, qu’un jour de grande pluye, ou qu’un orage, retient dans la ruche, l’effaim qui n’attend pour en fortir, qu’à y être déterminé par un beau temps. Un Soleil brillant, fur-tout s’il donne fur la ruche, hâte les mouches de prendre leur parti; il augmente la cha¬ leur qui les environne, que leur nombre rendoit déjà trop grande. O11 peut fe rappeller une des aventures * des *MémoireV mouches mifes dans une de nos petites ruches vitrées, celle oùles mouches la quittèrent pendant que je les obfer- vois, parce que je les avois expolées aux rayons du Soleil, qui, après avoir traverfé les carreaux de verre, tomboient fur elles. Par une raifon contraire, des jours trop froids Mm mm ij 644 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE pour la faifon , empêchent lafortie des eflaims. Mais des jours d’un chaud pefant, des jours où, quoique le Soleil 31e fe montre pas, on trouve la chaleur incommode, font encore de ceux où les ruches jettent. Diverfes autres circonflances peuvent déterminer la jeune mere à prendre i’effor. 11 arrive dans les ruches des événements dont nous ne hommes pas en état de fçavoir les caufes, qui y mettent fubitement toutes les mouches en agitation, qui jettent le trouble par-tout. Qu’on foit auprès d’une ruche, on y reliera fouvent pendant un temps confidérable fans entendre qu’un leger murmure ; mais tout d’un coup on entendra enfuite un bourdon¬ nement confidérable ; les abeilles femblcront être toutes failles en même temps d’une terreur panique : on les verra toutes quitter leur ouvrage pour courir de diffé¬ rents côtés. Que dans un de ces moments d« trouble, une jeune mere fe trouve près des ouvertures de la ruche, qu’elle forte, elle fera furie champ fuivie par une nom- breufe troupe de mouches avec laquelle elle partira. Quelquefois les abeilles après être forties de la ruche dans la quantité nécelfairepour compofer un elfaim, après s’être difperfées en l’air, & même après s’être ralfemblées fur un arbre, retournent à leur domicile natal. On prévoit que cela doit arriver, fi elles n’ont pas été fuivies par une jeune reine, qui, quoiqu’elle eût paru aux portes de la ruche & prête à les accompagner, n’a pas eu le courage de faire ufage de fes ailes. Si la jeune mere eft fortie avant que d’avoir été fécondée, avant que le temps de fa ponte fut ailes prochain, ce peut-être pour elle une rai- ion de rentrer dans la ruche qu’elle s’étoit trop preflee de quitter ; & fes ouvrières ne manquent pas d’y retour¬ ner avec elle. Ceux qui paffent pour les plus entendus dans l’ce«onomie des Insectes. XII . Mem. 5 des abeilles, croyent qu’il Convient d’empêcher dejetter les ruches qui font foibles en mouches. Il y aurait à crain¬ dre de perdre l’ancienne ruche & la nourelle où l’effaim aurait été mis, parce que l’une & l’autre 11e feraient, pas fuffilamment peuplées ; auffi a-t-on enfeigné des moyens d’empêcher de jetter celles qui font peu fournies d’abeilles. Un de ces moyens quand la ruche n’eft qu’un panier, eft fimple; c’eft de retourner le panier, de mettre le devant derrière. C’eft fur-tout fur le devant du panier que les mouches travaillent, c’eft le devant qu’elles rempliffent d’abord de gâteaux. Quand le derrière eft devenu le de¬ vant, les abeilles fe trouvent plus au large quelles n’y croyoient être; elles ont encore de l’ouvrage à faire, & pour lequel elles ne font pas en trop grand nombre. Un autre expédient auquel on a recours, c’eft de don¬ ner une hauffe à la ruche; c’eft-à-dire r quelle que loit fa figure, de lui donner une bafe creufe qui augmente fa capacité; de mettre, par exemple, fous un panier d’ofier ou de paille, une efpéce d’anneau d’ofier ou de paille dont le diamètre de la partie fupérieure eft égal à celui du bas delà ruche, & qui, à fa partie inférieure, en a un plus grand. A l’égard de la hauteur de la haulfe, on lui en donne plus ou moins, félon qu’on veut augmenter plus ou moins la capacité de la ruche. Mais l'effet de l’un & de l’autre de ces expédients, n’eft rien moins que certain, puifque nous avons rapporté dès le commencement de ce Mé¬ moire, que nous avions vû fortir un effaim d’une ruche dont plus des deux tiers de la capacité étoient vuides. Les ruches qui ont déjà donné un ou deux forts effaims, quelque fortes qu elles fuffent, deviennent des ruches mal peuplées; & s’il en fort un troifiéme ou un quatrième effaim, ces derniers font ordinairement trop foibles. Le moyen le plus fur de conferver ces effaims, eft d’en réunir Mm mm iij 6^.6 Mémoires pour l’Histoire deux enfemble, ce qu’on appelle marier des e(faims. Nous avons expliqué d’avance dans le dixiéme Mémoire, com¬ ment on peut parvenir à faire de ces fortes de mariages. Quand on a beaucoup de ruches placées dans le même alignement, 6 c par conféquent dans la même expofition, il arrive quelquefois que le même jour, à la même heure, & prefque dans le même moment, deux effaims partent de deux ruches différentes, qu’ils fe mêlent dans l’air, & qu’ils fe réuniffent enfemble. Quoique ces deux effaims réunis ayent deux meres, ils font dans un cas différent de celui de l’effaim forti d’une feule ruche avec deux meres ; car chacun des deux premiers étoit accompagné des mou¬ ches néceffaires pour le nouvel établiffement. Il pourroit fe faire que ces deux meres vécuffent dans la même ruche. Cependant fi les deux effaims font forts, on trouve qu’il convient mieux de les féparer dans deux ruches différen¬ tes; lorfqu’on les loge on fait tomber à peu près la moitié de la maffe dans une des ruches, 6c l’autre moitié dans l’autre. On s’y prend encore d’une manière un peu diffé¬ rente ; on fait entrer dans une même ruche toutes les mou¬ ches, & Iorfqu’elles y font devenues tranquilles, vers le foir on fecouë cette ruche pour en faire tomber à peu près la moitié des mouches, foit fur la terre, foit fur une nappe, 6c on couvre les mouches qui font tombées, d’une ruche qu’on tient préparée. Afin que ce partage foit bien fait, il faut qu’il fe trouve une nacre dans chaque ruche. Si une des deux en étoit privée, on le reconnoîtroit le lendemain par la manière dont fes abeilles fe comporteraient. II fau¬ drait encore en venir à les réunir, pour tenter enfuite un partage plus heureux. Lorfqu’une ruche donne pluficurs effaims dans l’année, celui qui eft forti le premier eft toujours le meilleur de tous. Outre qu’il eft le plus nombreux, il fe met au travail des Insectes. XII. Mem. 647 dans une faifon plus favorable, dans une faifon où la campagne fournit le plus aux récoltes de cire & de miel; & enfin, il a plus de temps pour travailler avant l’hiver. Ces avantages des premiers e(faims fur les autres, fuffifent aftûrément pour expliquer pourquoi ils réuffiffent mieux. M. de la Ferriere qui nous a donné un Traité fur les mou¬ ches à miel, prétend pourtant que les nouveaux eflaims l’emporteroient furies féconds, ceux-ci fulfent-ils auflî nombreux ou plus nombreux, par une autre raifon, parce qu’ils font compofés de mouches plus exercées. Mais cette propofition auroit demandé à être appuyée par des preu¬ ves qu’on n’a pas données. Il y a grande apparence que l’abeille née depuis deux jours eft auITi habile & aufti labo- rieufe que celle qui a vécu plufieurs femaines, ou même plufieurs mois. Cette propofition de M. de la Ferriere, nous conduit au moins à éclaircir une queftion qui nous a dû déjà être faite, & à laquelle on a dû s’attendre que nous fatisferions. De quelles mouches l’efTaim efl-il compoféî Lanouvelle reine n’eft elle fuivie que par de jeunes abeilles, par des abeilles nouvellement nées ! Il ne paroît point du tout que ce /oit la conformité de l’âge qui lui ait affectionné line partie de celles de la ruche. Nous avons dit ailleurs qu’on connoiffoit à peu près celui de ces mouches à leur couleur, que les jeunes étoient plus brunes & avoient des poils blancs, &que les plus vieilles avoient des poils roux & des anneaux moins bruns. Parmi celles qui fe font mifes à la fuite de la nouvelle reine, on en obferve de ces deux couleurs, & de toutes les nuances moyennes qui font entre deux. Enfin, fi on examine celles qui font refi¬ lées dans l’ancienne ruche, on y en remarquera de même de jeunes, de vieilles & de celles d’un âge moyen. L’ef- faim eft donc compofé d’abeilles de tous âges, & il refie •64S MEMOIRES POUR L’HISTOIRE des abeilles de tous âges dans la ruche. Celles nui le l'ont trouvées auprès des ouvertures quand la nouvelle reine eft fortie, font forties avec elle ; & celtes qui étoient oc¬ cupées dans l’intérieur & dans des endroits élevés, n’ont point été entraînées par l’efpéce de tumulte qui s’efi fait au bas de la ruche. Mais efl - il bien certain , comme nous l’avons fuppofé jufqu’ici avec tous ceux qur ont parlé des abeilles, que ce foit toujours une jeune mere qui te mette à la tête de la colonie! La vieille reine ne pcurroit-elle point prendre du dégoût pour fon ancienne habitation î Enfin, ne pour- roit-elle pas être déterminée par quelque circonftancc particulière, à abandonner toutes tes poffeffions à la jeune mere î Je fierois en état de fatisfaire à cette queftion autre¬ ment que par des vraitemblances, fans des contre-temps qui ont frit périr les mouches des ruches à la mere de chacune defquelles j’avois mis une tache rouge fur le corcelet, ou qui ont empêché ces ruches de jetter; mais j’efpére être dans la fuite en état de parler plus affirmati¬ vement. Il efi pourtant très-probable que c’ell toêijours, ou prefque toujours une jeune mere qui fe met à la tête de i’effiaim. J’ai vu beaucoup de nreres qui étoient forties avec des effiiims, & je n’en ai jamais vû aucune qui n’eût les ailes bien faines; au lieu que j’ai obtervé dans plusieurs ruches anciennes, tics meres dont la bafe de l’aile étoit déchiquetée, & de laquelle de petits lambeaux étoient tombés. La couleur de celles qui avoient conduit des effaims m’a paru moins rougeâtre que la couleur des vieilles meres. Quand celle d’une ruche périt, fi elle y périt dans un temps où de jeunes femelles font prêtes à te transformer, il efl tout naturel qu’elle foit remplacée par une de celles- ci. On pourrait être tenté de croire que la vieille mere efi du des Insectes. XII. Mem. 649 efl du nombre des femelles qui font fouvent facrifiées au bien public dans la ruche même. Cependant toutes les femelles mortes dans ce temps, qu’il m’a été permis d’ob- ferver, m’ont paru être des fémelles nouvellement méta- morphofées. La mere qui a plus de mouches dans fa ruche, y elî tenue plus chaudement pendant tout l’hiver. Le prin¬ temps vient pour elle plutôt que pour les autres ; elle peut recommencer (à ponte de meilleure heure. Nous lça- vons que la ponte des poules eft retardée ou même ar¬ rêtée par le froid, & qu’on Lit pondre pendant l’hiver celles qu’on tient dans des caves ou dans d’autres lieux chauds. Il en doit être de même des infeéles. I! y a quel¬ quefois des rneres abeilles qui pondent en hiver, j’ai quel¬ quefois trouvé dans le mois de Janvier, du couvain en tous états dans une ruche. Quelle que foit la caufe pour laquelle les abeilles fe multiplient h fort dans certaines ruches en comparaifon de ce qu’elles fe multiplient dans d’autres, je crois devoir dire combien il peut y avoir de mouches dans certains e(faims. Je crois devoir raconter comment je parvins à connoître à peu près le nombre de celles qui compofoient le plus confidérable e(Taim que j’aye vû. Dans un de mes jardins de Charenton, il y a une butte allés élevée fur laquelle j’avois placé une ruche vitrée d’une grande capacité *. Cette ruche quoique très-peu- *pi. 22. fig. plée de mouches, palfa une année fans donner d’elîaim ; 5 * mais l’année fuivante elle en donna un, qui feul valoit plufieurs clftums ordinaires. En montant à la butte dont je viens de parler, on trouve diverfes terralfes. Une allée de figuiers eft plantée tout du long du pied de la première; leurs branches tombent fur cette même ter¬ naire. Le neuvième Juin fur les 10 heures du matin, une Tome V. . Nnnn 6 50 Mémoire pour l’Histoire nuée d’abeillesTortit de la ruche de la butte. Ces mouches loin de s’élever en fortant, s’abaifTérent, & vinrent le pla¬ cer à louhait ; elles commencèrent à fe pofer fur deux me¬ nues branches de figuier, fur deux de celles qui pendoient au-deflus de la terrafle. Ces branches étoient peu dihan¬ tes l’une de l’autre, & à peu près parallèles l’une à l’autre; les mouches s’y attroupèrent, & en fi grand nombre, que les branches qu’elles avoientchoifies, qui n’étoient pas plus greffes que le pouce, n’étoient pas allés fortes pour rélifter au poids dont elles étoient chargées ; elles furent contrain¬ tes de ceder. La dernière portion de chaque branche fut amenée à être perpendiculaire à l’horilbn fur une longueur de plus de deux pieds : bientôt même une de ces deux branches fe trouva chargée d’un poids prefque double ; les abeilles de l’autre vinrent fe réunir aux fiennes. Je craignis, non fans fondement, qu’elle ne pût réfilter à un fi grand fardeau, je fis paffer deffous une fourche de bois * dont le bout fut piqué en terre; je la fis foutenir comme on foûtiem les branches trop chargées de fruit— Toutes, ou prefque toutes les abeilles fe rendirent fur cette branche ; & malgré le fupport, elles amenèrent fon bout très-près de la terre de la terraffe ; il en étoit au plus éloigné d’un ou de deux pouces. La maffeque forment les mouches attroupées eft de différente figure dans différents efïàims,. fa figure même eff différente dans le même eiTaim en diffé¬ rents temps. Celui dont nous parlons, étoit plus gros que * t, e. partout ailleurs à fon bout inférieur *. Sa figure étoit celle d’un parallelepipede dont deux des côtés avoient chacun environ fix à fept pouces de largeur fur fept à huit de hauteur. Sur ce parallelepipede de mouches s’élevoit une pyramide, qui, infenfiblement s’arrondiffoit. Le paralle¬ lepipede & la pyramide avoient enfemble plus de deux pieds de hauteur. DES INSECTES. XII. Ment. 6 5 r Dans un tel maflif de mouches, il devoit y en avoir lin nombre bien confidérable. Je fus curieux de connpî- tre ce nombre. La manière d’y parvenir étoit de com¬ mencer par connoître le poids de l’eflàim. Il étoit place fi commodément, qu’il fèmbloit s’être mis exprès pour m’inviter à le pefer; quand je l’eufle placé moi-même, je 11’eufle pu le mettre mieux. Il me parut donc qu’il me (croit alfés facile de parvenir à le peler avec une balance Romaine ; & voici comment je m’y pris. On entoura d’une ficelle *, la branche qui portoit l’eflaim, alfés près de la *PI. q7.fi», partie fupérieure de cet eflaim, & on l’y arrêta bien par 2> c,d ' un nœud *. Au-defTus de l’endroit où cette ficelle étoit * n. arrêtée, on avoit eu foin de former une boucle deftinée à iaiffer paffer le crochet * de la romaine, & au moyen de * c . laquelle l’effaim pourrait être fufpendu en l’air. Apres cette petite préparation, on pafla une perche de bois * dans cet anneau de fer * de la romaine qui efl au- * Fig. 1. u, deffus du fléau , & qui fert à la fufpendre. Deux boni- * a. mes entre lefquels étoit l’effaim, furent chargés de foûte- nir la perche qui portoit la romaine; un de fes bouts fut mis fur l’épaule de l’un, & l’autre bout fur l’épaule de l’autre; enfin, on pafla le crochet * de la romaine qui efl * c „■ deftiné à porterie poids dans la boucle de la ficelle qui fe trouvoit au-deffus de l’eflaim. Il ne refta plus alors qu’à couper la branche du figuier, Si à la couper fins l’agiter trop, fans inquiéter l’effaim qui y étoit attaché; c’efl ce qui fut exécuté aifément &. promptement. Dès que la branche eût été coupée, elle ne fut plus foûtenuë que par la corde dans laquelle le crochet de la romaine étoit paffé; il fut donc facile de la pefer avec l’eflaim dont elle étoit chargée; on eut le temps de pefer & repefer à loifîr. Pendant tout celui qui fut néceflaire à cette opération, les mouches ne fe troublèrent point, elles relièrent tranquilles, Nnnn ij 6>2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Il y eut pourtant un mitant qui donna quelqu'inquié- tude à un des domdiiques qui foûtenoit la perche. Lit gros de mouches le détacha, prit l'a route vers une de les jambes & monta deiius : il craignit, &. il eut quelque lieu de le craindre , que tout l’elïaim ne lè dé¬ terminât à préférer fa jambe * la branche de figuier; mais il en lut quitte pour un peu d’inquiétude. Les mouches qui s’étoient aifemblées fur fit jambe, ne furent pas long-temps à retourner vers leurs compagnes qui ne s’étoient pas déterminées à les luivre. On fit durer l’opération au-delà de ce qu’il étoit nécclfaire, parce qu’il y avoit des plaques d’abeilles fur la terraife qu’on eût voulu voir réunies au gros ; mais enfin, on s’en tint à pefer celles qui étoient attachées à la branche, 6. la branche elle-même. On trouva que le tout pefoit huit livres, & on arbitra qu’il eût pelé huit livres & demie, fi les abeilles qui étoient en plaques par terre, 6c celles qui ctoient en l’air, eullent été réunies aux autres. Sur le champ on préfenta à cet elïaim une ruche dans laquelle on força une partie des mouches d’entrer, 6c dans laquelle les autres fe rendirent de bonne grâce. On eut alors la branche fur laquelle elles avoiênt été jufques-là, on la pela, fon poids n’étoit que de fix onces. Celui des mou¬ ches peut donc être mis à huit livres, fans rifque de le mettre trop fort. Mais combien fuit-il de mouches pour faire un poids de huit livres! Alfurément, il doit en falloir un grand nombre. Pour connoître à peu près ce nombre, je mis l’après-midi dans un des bail in s d’une balance, une demi- once^ dans l’autre badin, autant de mouches qu’il en fallut pour faire équilibre. Ces mouches étoient de celles qui avoient été tuées dans des combats acharnés qui fe livrè¬ rent dans la ruche, à l’occalion d’une troupe d étrangères des Insectes. XII. Mem. 6 53 qui s’y introduifit,&dont j’ai parlé ailleurs*. Cent foixante- huit de ces mouches mortes, nepeférent que la demi-once. Dans une once, il y a donc trois cens trente-fix mouches; & dans feize onces ou une livre, il y en a cinq mille trois cens fôixante-feize. Par conféquent, l’effaim qui pefoit huit livres, étoit compofé de quarante-trois mille huit mouches. A la vérité, les mouches vivantes de l’eflàim pouvoient être plus pelantes que celles qui avoient été tuées. Celles-ci pouvoient s’être vuidées. Plufieurs des autres pouvoient être chargées de cire. J’ai auffi trouvé quelquefois des mouches mortes qui étoient plus pelan¬ tes; j’en ai pefé dont il ne falloit que deux cens quatre- vingt pour faire une once. Par ces confidérations, rédui- fons fi l’on veut le nombre de nos mouches, à quarante mille. Il eft encore plus confidérable que celui des habi¬ tants de plufieurs grandes villes. Je ne crois pas qu’il fût relié dans l’ancienne ruche, à beaucoup près, autant d’a¬ beilles qu’il en étoit forti. Elle avoit un nombre de faux- bourdons fi confidérable, qu’ils ne purent être détruits pendant l’été ; aulfi cette ruche fut abandonnée au prin¬ temps. Charles Butler, qui apparemment avoit pris la peine de pefer des abeilles, dit que q.4.80 mouches font à peu près le poids d’une livre, ce qu’on trouvera ne s’éloigner pas beau¬ coup de ce que nous avons déterminé, h on compare la forte livre Angloife à la nôtre de feize onces. Par ce poids, il apprécie le mérite des effaims. Il dit qu’un excellent efïàim pefe fix livres Angloifes; un bon, cinq livres; un médiocre, quatre. Il 11’a point dit la manière dont il a pefé les effaims, mais il eft tout fimple de l’imaginer pour les cas où ils ne font pas auffi favorablement placés que l’étoit celui dont nous venons de déterminer le poids ; car il ne s’agit que de pefer la ruche dans laquelle l’on en veut loger un, & d’avoir N nnn iij * Mem. v ; 6 54 MEMOIRES POUR L’HiSTOïRE eu foin d’attacher à cette ruche un crochet ou une corde; au moyen de laquelle on la pourra pefer une fécondé fois, dès que les mouches y feront toutes entrées,&avant qu’elles ayent eu le temps d’y travailler, c’elt-à-dire, dès le jour même où elles y auront été établies. L’excès du lècond poids fur celui qu’on avoit trouvé à la ruche, fera le poids de l’eflaim, & mettra en état de calculer à peu près le nombre des mouches dont il eh compofé. J’ai aflès ordi¬ nairement la curiofité de faire pefer ainfi les eflaims que mes ruches me donnent. J’en ai eu quelquefois de fi légers qu’ils ne pefoient pas line livre. Si l’effaim qui a été mis dans une ruche,s’y trouve bien, il n’y eh pas long-temps dans l’inaèiion ; quoique toutes les mouches y paroiffent en repos, quoiqu’il n’en forte aucune pour aller à la campagne, foit quelles n’y l'oient pas difpofées, foit que le temps ne le permette pas, il y en a pourtant qui travaillent à faire des gâteaux ; & ce n’efl; fouvent que quand elles ont fait des morceaux longs de plus d’un demi-pied ou d’un pied, & larges de plufeurs pouces, qu’on s’apperçoit que parmi ces mouches qu’on croyoit parfaitement oifives, il y en a eu plufeurs de très- occupées, ou plutôt que toutes ont été occupées tour à tour. Une des marques que les mouches aiment la ruche qu’on leur a donnée, c’eft quand elles y montent aufli haut qu’elles peuvent monter, & que c’elt-là qu’elles fe mettent en grouppe. C’eft au fi au haut de la ruche qu’elles attachent ordinairement les premières cellules du premier gâteau. Le maffif qu’elles forment n’elt pas alors maffif juf- qu au centre ; les abeilles y confervent un vuide dans lequel elles fepropofent de travailler; elles y conftruifent fuccef- fivement un grand nombre d’alvéoles de cire. Ce n’eft que quand l’alfemblage de ces cellules compofe déjà un affes des Insectes. XII. Mem . 655 long 6c large gâteau, quelles le laiflent à découvert. La pluye ne difcontinua pas pendant deux jours qui fuivirent celui où il m’étoit arrivé d’établir un efiaim dans une ruche. Il ne fut pas polfible pendant ces deux jours à aucune des abeilles de fortir, 6c toutes les fois que je les regardois au travers des carreaux de verre, elles me pa- roifToient dans une efpéce d’engourdiflfement, tant elles fe mouvoient peu. Cependant au bout de ces deux jours, je vis un gâteau qui avoit plus de quinze à feize pouces- de long, 6c quatre à cinq de large. La formation de ce gâteau auroit été difficile, ou plûtôt impoffible à expli¬ quer à ceux qui ont cru que la cire n’étoit que de la cire brute que l’abeillepeftrit, 6c quelle humeéle de quelque liqueur pendant qu’elle la peffiàt. Où les abeilles qui n’é- îoient point forties de leur ruche, auroient-elies pris la cire brute qui y avoit été nécefiaire! Quelques douzaines d’abeilles au plus, qui pouvoient en avoir des pelotes à leurs jambes, lorfque toutes avoient été logées dans la ruche, n’auroient pas eu de quoi fournir même à quelques cellules. Mais on n’eft plus ernbarraffé à trouver de quoi former un grand gâteau, dès qu’on fçait, ce que nous avons prouvé ailleurs, que les abeilles en font fortir la matière de leur* intérieur, de leur eftomac 6c de leurs inteffins. Quelque peu qu’il y en ait dans le corps d’une abeille, dès qu’il' y en a dans les corps de prefque toutes celles d’un effiaim, il y en a de quoi fournir à bien de l’ouvrage.. Enfin, les gâteaux qui font faits dans la circonfiance dont' nous venons de parler, prouvent incontefiablement que" les abeilles digèrent la cire brute pour la convertir en vé¬ ritable cire. Lorfque le temps efi favorable à î’eflaim mis en ruche, - , îorfqu’un air doux 6c un beau Soleil invitent dès le lende¬ main les mouches à fortir de leur nouvelle habitation,elles'» 656 MEMOIRES POUR L’HiSTOÎRE vont à la campagne. Quelques-unes, mais c’eft le plus petit nombre, reviennent avec des pelotes de cire brute. Celles qui ne parodient pas rapporter de cette matière, en appor¬ tent peut-être de plus prête à être mife en œuvre; elles l’ont fait palier dans leurs eftomacs pour l’en faire fortir toute préparée. C’eft une chofe admirable que l’aélivité avec laquelle elles travaillent dans la nouvelle ruche. Quelque¬ fois en moins de iq. heures, elles font des gâteaux de plus de vingt pouces de long fur fept à huit de large. J’ai vû quelquefois des ruches plus d’à moitié remplies de cire en quatre à cinq jours. Auifi un efiaim fait-il louvent plus de cire dans les premiers quinze jours, qu’il n’en fait dans tout le refte de l’année. Pour tirer des abeilles grand parti en cire, il fembleroit donc qu’il n’y auroit qu’à les faire dé¬ loger tous les quinze jours. Mais il faut que le nombre des ouvrières qui périffent journellement, foit remplacé par d’autres auxquelles la mere donne naiftance; & fi on ôtoit fi fréquemment à une ruche tous les gâteaux de cire, on ôteroit en même temps les œufs & le couvain qui doivent l’entretenir auiïi peuplée qu’elle i’eft, Si même la rendre plus peuplée. La conftruélion des gâteaux de cire n’eft pas le feul ou¬ vrage qui occupe les abeilles nouvellement établies dans une ruche; elles en vifitent tous les coins Si recoins, elles en ôtent toutes les ordures ou tout ce qui eft pour elles des ordures. Quand les carreaux de verre font retenus par des bandes de papier collé. Si que ces bandes font en-de¬ dans de la ruche, ces bandes, comme nous l’avons déjà dit, déplaifent aux abeilles, elles les regardent comme une mal¬ propreté; elles les rongent Si en emportent les fragments hors de la ruche. En ôtant ce papier, elles rendent pourtant leur habitation moins clofe, elles y font des ouvertures quelles n’y aiment pas ; aufli 11e tardent-elles guéres à les boucher, des Insectes. XII. Ment. 657 Loucher, comme nous l’avons dit ailleurs, avec un maltic plus folide que celui que nous employons à un ufage fem- Llahle, avec cette efpéce de réfute rougeâtre, & d’une agréable odeur, qui a été nommée propolis. Elles bou¬ chent avec la même matière toutes les autres ouvertures qu’on peut avoir lailfiées à la ruche. Enfin, lorfque l’cfiaim étoit confidérable, & lorfqu’il a paru de bonne heure, il donne quelquefois lui-même un autre elfiiim dès la même année; il elt pourtant plus ordinaire aux environs de Paris, de 11e les voir jetter que l’année fuivante. EXPLICATION DES FIGURES DU DOUZIEME MEMOIRE. Pl.anche XXXVII. La Figure 1 fiait voir un petit efiaim d’abeilles attaché à une branche d’arbre, qui a une figure qu’ils ont alfés ordinairement, ee, cet elfiiim. La Figure 2 repréfente un elfiiim beaucoup plus con¬ fidérable que le précédent, le plus confidérable que j’aye vu, & les difpolitions au moyen defquelles je parvins à le peler avant que de le faire entrer dans une ruche, f tige ou grolfie branche du figuier, fur une des petites bran¬ ches duquel les mouches fe raffiemblerent. Le pied de ce figuier étoit planté au bas d’une terralfie, dont t,t, efl le déifias, r, r, r, &c. branches qui ont été coupées pour em¬ pêcher la figure d’être trop confufe. e e , h h, i i, l’effiaim qui par fon poids forçoit la petite branche à laquelle il s’étoit attaché à être dans une pofition verticale. La portion in¬ férieure de l’elfiiim eehh, eut d’abord la figure cl’un pa¬ rallélépipède, mais les angles de ce parallelepipede s’effacè¬ rent par la fuite, p, perche qui fut mife comme on la voit Tome V . O 000 6 58 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE ici pour foûtenir avec fa fourche la branche trop chargée par les mouches, d, corde que je fis attacher autour de la branche de leflaim lorfque je me fuspropofé de le pe- fer. n , nœud de la corde autour de la branche, c, le cro¬ chet d’une romaine qui eft engagé dans une boucle de la corde. //, levier qui paffoit dans l’anneau de fer a, auquel la romaine étoit fufpendue. >/ s7- M " n 11 4 des Insectes. XIII. Mem . 6 59 TREIZIE'AI E AI E'AI 0 1 RE. DES SOINS QU’ON DOIT PRENDRE DES ABEILLES POUR LES CONSERVER, LES FAIRE MULTIPLIER, ET POUR PROFITER DE LEURS TRAVAUX. C E S Tociétés de mouches fi indufirieuTes, pour les¬ quelles les Mémoires précédents ont dû nous rem¬ plir d’admiration, travaillent pour nous: nous ne Tommes pourtant pas obligés de leur fçavoir grand gré de leurs ouvrages, que nous nous approprions contre leur inten¬ tion; mais celui qui les a fi bien inftruites, fçavoit que nous profiterions de leurs travaux ; & c’eft à lui que notre reconnoiflance eft due. Notre intérêt nous porte à Tou- haiter la multiplication de ces mouches, & à y contribuer autant qu’il efi en nous. On ne fçauroit avoir trop de ces ouvrières qui ne vivent point à nos dépens, & qui, Tans que nous Toyons obligés de labourer, de planter, de Tenter & de cultiver pour elles, font des récoltes qui nous font extrêmement utiles. Quoique le miel ne Toit pas aulfi re¬ cherché qu’il l’étoit dans les temps où Ton ne connoilToit point ou preTquepoint le Tucre, il a encore une valeur; ii efi: au rang des aliments Tains & des remedes doux. Mais fi le miel a un peu perdu, la cire a beaucoup gagné; la con- fommation en efi confidérablement augmentée dans tous les pays policés, & plus peut-être en France, 6 c Tur-tout à O o o o ij 6 ' 6 o Mémoires pour l’Histoire Paris, qu’en aucun pays & aucun lieu du monde. Il feroit à fouhaiter qu’elle pût feule fuffire à nous éclairer, qu’on pût le palTer pour cet ufage, de toutes les autres matières combullibles. 11 n’y a plus de pays barbare fi le commerce y conduit, où la valeur de la cire l'oit ignorée , comme elle l’étoit au¬ trefois chés les Livoniens, qui prenoient pour un marc inutile,& rejettoient les gâteaux dont le miel avoit été expri¬ mé. On va la chercher dans toutes les contrées où on en peut faire des récoltes, qui font le produit du travail, loit des abeilles qu’on tient en ruche, loit de celles qui habitent des creux de troncs d’arbres dans des forêts. 11 faut four¬ nir à la confommation que tant d’arts en font. La Méde¬ cine & la Chirurgie Jçavent s’en fervir pour nous donner des fecours ; mais la quantité que nous en brûlons furpafie beaucoup la quantité de celle qui eft employée à tous les autres ulages enlcmble. On épargneroit chaque année des Tommes confidérables au Royaume, fi on n’étoit plus obligé de tirer de la cire des pavs étrangers. Ce n’eft pas ici la matière première qui nous manque, ce. ne font que les ouvrières néceffaires pour la mettre en œuvre. Quels regrets n’auroit-on pas, fi, dans un pays rempli de coteaux les mieux expofés, couverts de vignes chargées de rai fin s à maturité, & propres à donner le meilleur vin, on étoit obli¬ gé, faute de vendangeurs, de laiffer pourrir ou fécher tant de raifins fur les ceps! fi on n’avoit des ouvriers que pour faire la récolte de ceux de quelques petits clos voifins des maifons! Nous n’y faifons point d’attention , nous ne nous avifons pas d’en avoir des regrets, quoique nous foyons tous les ans dans un cas femblabie par rapport aux récol¬ tes de cire & de miel. Le nombre des fleurs qui remplif- fent la campagne, eft immenfe en comparaifon de ce¬ lui des fleurs des jardins, des champs & des prairies qui des Insectes. XIII. Mem. 66 \ environnent chaque village; c’eft-à-dire, que la quantité des fleurs qui ont de la cire & du miel qui y font en pure perte, cfl immenfe, en comparaifon de la quantité des Heurs fur lelquelies les abeilles en vont recueillir. Enfin, il eri évident qu’une quantité de cire& de miel qui furparie prodigieufement celle que nous fournit le Royaume cha¬ que année, eft perdue, parce que nous manquons d’abeilles qui aillent la ramafier. On ne doit pas mettre néantmoins au nombre des choies poriïbles, le projet de faire recueillir chaque année, toute la cire Si tout le miel, ni même la plus grande par¬ tie de la cire & du miel que les plantes du Royaume four- niffent ; mais il n’eri pas hors de vraifemblance, il eft même très-probable qu’on y pourroit augmenter confi- dérablement ces deux fortes de récoltes, puifqu’il n’y a qu’à y multiplier les abeilles. Il eft étonnant combien il y en a peu dans divers cantons du Royaume où elles le trouvent très-bien. Je comtois en Poitou un grand nom¬ bre de paroiffes , fituées auprès des bois, environnées de prairies, & qui ont des champs où l’on fente du bled itoir; c’eft-à-dire, des paroiffes fituées au mieux pour les abeilles, & où il y en a cependant très-peu. La plûpart des métai¬ ries n’ont point de ruches; Si il ne devroit pas y avoir un jardin de payfan qui n’en eût. Ceux cependant qui ont commencé d’en avoir, y font un profit qui les engage à les conlèrver. Le Gouvernement fi attentif aujourd’hui au bien public, pourroit tirer les gens de la campagne de l’indolence où ils font fur cet article, en leur donnant des aflurances, que non-feulement leur taille ne feroit point augmentée a caufedes produits qui leur pourroient venir des abeilles; mais en accordant même chaque année une petite diminution de taxe à celui qui aurait un certain nom¬ bre de ruches. On pourroit, par exemple, fixer à cinq fols Oooo iij 66 z Mémoires pour l’Histoire ou environ de diminution par ruche, ou Amplement ac¬ corder cette diminution ou une plus grande par chaque ruche au-deffus d’un certain nombre; par exemple, dix fols pour chacune des ruches qu’on auroit par de-là le nombre de dix ou de vingt. Mais eût- on affés éclairé les payfans fur leurs anciens intérêts,& par l’objet d’un intérêt nouveau, leur eût-on fait délirer à tous, d’avoir des ruches d’abeilles, & d’en avoir beaucoup, tout ce qui en arriverait, c’eft qu’elles feraient une marchandife plus fouhaitée, & qui par-là de¬ viendrait plus cbere; mais de cela précifément le nom¬ bre des ruches n’en deviendroit'pas plus grand dans le Royaume. Il n’en eft pas des abeilles comme des vers à foye, qu’on eft maître de multiplier autant que l’on veut quand on a de quoi les nourrir & qu’on en prend foin. On n’efl pas maître de faire éclorre des abeilles, comme on l’eft de faire éclorre des vers à foye. II n’efl pas mê¬ me temps de fonger à en faire venir des pays étrangers. Peut être que par la fuite on pourra établir un commerce de ruches d’abeilles avec ceux qui ramaffent une grande quantité de leur cire dans de vaftes forêts; qu’on pourra leur apprendre à vendre les abeilles mêmes après les avoir mifes dans des logements convenables. Mais c’eft là une de ces vûes, qui, quand elles réuffiroient, ne réuffiroient de long temps. II faut que bien des circonfîances fe foient réunies, avant que nous voyions des vailfeaux revenir d’Afrique chargés de ruches d’abeilles, comme ils le font de Nègres ; ou, avant que nous faffions paffer en France les abeilles des forêts du Nord, qui font peut-être celles qui s’accommoderaient le mieux de notre climat. Il ne nous refie donc aéluellement qu’à fonger aux moyens de faire multiplier dans le Royaume, les abeilles qui y font ; & ces moyens fe réduifent à empêcher qu’il des Insectes. XIII. Mem. 66 3 n'y périfle autant de ruches qu’il en périt chaque année. Tous les Auteurs, tant anciens que modernes, qui ont écrit de la vie ruflique, ont donné des préceptes par rap¬ port aux l'oins qu’on doit prendre des abeilles dans le cours de l’année. Ces préceptes font aufii rapportés, Se quelquefois avec plus détendue, dans des traités particu¬ liers dont les Auteurs fe font bornés à parler des mouches à miel : nous tâcherons de ne rien obmettre dans ce Mé¬ moire , de ce qui a été dit d’utile pour conferver ces mou¬ ches Se pour en tirer plus de profit. Mais ce qui nous a paru le plus elfentiel, c’elt de difeuter les moyens qu’on peut employer plus fûrement pour les empêcher de périr pendant l’hiver Se au commencement du printemps; car c’efl alors qu’arrive chaque année la grande mortalité des abeilles. On perd tous les ans dans plufieurs provinces du Royaume, Se même aux environs de Paris, un grand nombre de ruches, parce qu’on veut les perdre. 11 s’y cft établi une pratique aufil mal entenduë que barbare, car elle eft contraire aux intérêts de ceux qui y ont recours. Pour avoir le miel & la cire, on n’y fçait autre choie que de faire périr toutes les mouches par qui les récoltes en ont été faites avec tant d’adrelfe Se de foins. Quand une ruche eft devenue bien pefante, quand elle elt bien rem¬ plie de gâteaux de cire qui ont beaucoup de miel, on fait lin trou en terre capable de recevoir le bas de la ruche; dans le fond de ce troui on jette quelques linges foufirés 6e tout allumés, on pôle aulfi tôt la ruche deffus la vapeur, 6e on ramené tout autour affés de terre pour empêcher les mouches Se la fumée même de s’échapper. L’odeur forte de lôuffre dont la ruche fe trouve bientôt remplie, étouffe dans peu de temps toutes les miférables abeilles. On a même enfeigné différents moyens pour cette I 664 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE belle opération. Vandergroen que nous avons déjà cité, ou Je Jardinier des Pays-Bas, prefcrit d’allumer cinq à fjx tourbes dans un trou creufé en terre, & de mettre la ruche dans ce trou quand les tourbes commencent à fil¬ mer. Il nous apprend que d’autres fe fervent de fumée de veffes de loup : qu’on fait tomber dans un bacquet les mouches étouffées & celles qui ne font qu’étourdies, où on les pile avec les gâteaux de miel & de cire. Voilà un beau procédé ! Butler donne de même des moyens de les faire périr par la fumée du louffre & par celle des veffes